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D’une école à l’autre (2013)  : les vertus politiques de la pratique artistique à l’école

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Photos du tournage  : à gauche deux enfants de l’école de Belleville, à droite de l’école Saint-Jacques (http://duneecolealautre.wordpress.com/gallerie-photo/)

D’une école à l’autre est un documentaire réalisé par Pascale Diez, qui effectue depuis quinze ans de l’éducation à l’image  dans les écoles, collèges et lycées. Ce documentaire vient tout juste de sortir en salles, et risque de ne pas être à l’affiche très longtemps. En effet, la durée de programmation du film dépendra de son succès en salle lors de sa première semaine de diffusion. C’est un film magnifique : nous comptons sur vous pour vous renseigner, immédiatement après la lecture de cette brève, sur les salles disponibles près de votre domicile, sur les horaires des séances à venir, et les ami-e-s/parent-e-s/enfants susceptibles de vous accompagner  !!!

En février, il est à l’affiche dans quelques villes (Paris, quelques communes d’Île de France, Toulouse, Bordeaux), en mars à Valence, Dunkerque, en avril à Angers et Alès.

Les dates ainsi que des extraits du film sont disponibles ici : http://duneecolealautre.wordpress.com/

***

 Ce documentaire montre la rencontre entre des enfants de CM1 de deux écoles parisiennes : l’école Saint-Jacques du 5ème arrondissement de Paris et l’école de Belleville dans le 20ème arrondissement.

Les enfants de la classe de l’école Saint-Jacques sont issu-e-s pour la plupart de milieux aisés. Les enfants de l’école de Belleville pour beaucoup d’entre eux ont des parents immigré-e-s (principalement d’Afrique et de Chine) et semblent issu-e-s de catégories sociales moins aisées.

Partant du constat du recul de la mixité sociale à l’école, et de l’échec de l’« égalité des chances», Pascale Diez ainsi que les deux enseignantes ont eu l’idée de faire se rencontrer ces deux classes, afin que les élèves réalisent ensemble le spectacle de fin d’année.

Les images du documentaire parlent d’elles-mêmes : il n’y a aucun commentaire (voix off, intervenants extérieurs) qui pourrait influencer la perception des spectateurs. C’est entre autres ce qui fait la beauté de ce documentaire. Laisser les images parler d’elles-mêmes ne rend en rien ce film neutre ou apolitique. Les inégalités sociales et culturelles entre les enfants des deux écoles apparaissent en effet de façon évidente.

Nous entendons par  «  inégalité culturelle  » le fait que selon l’origine sociale des élèves, l’accès aux modes d’expression et aux activités évaluées et légitimées par l’école (capacité à parler en public, richesse du vocabulaire, facilité à lire…) soit plus ou moins difficile[1]. Il apparaît clairement que les élèves de l’école Saint –Jacques bénéficient d’avantages qui sont réinvestis à l’école et se traduisent en facilités scolaires : ces avantages semblent en grande partie extra-scolaires, comme par exemple l’accès à des cours de piano et de solfège pour l’une des petites filles, ou encore une connaissance précise des coutumes et de l’histoire du théâtre pour l’un des garçons.

C’est ce que montre la première partie du documentaire qui filme tour à tour le travail mené dans les deux classes. Le documentaire filme à la fois les instants dans la classe ainsi que quelques réponses d’enfants à des questions très générales (qui es-tu ? décris moi où tu vis ? pourquoi voulez-vous être délégué-e-s de classe ?).

Les enfants de l’école de Belleville ont pour la plupart des difficultés à terminer leurs phrases, à parler à voix haute devant la caméra, ainsi qu’à lire. Les enfants de l’école Saint-Jacques s’expriment de façon plus aisée devant la caméra comme dans la classe, et travaillent en classe de façon quasi-autonome.

De plus, la perception que les enfants ont d’eux-mêmes diffère sensiblement selon les écoles. Aux questions «  Qui es-tu  ? Quels sont tes qualités et tes défauts ?  » posées par la réalisatrice, les élèves de Saint-Jacques présentent leurs qualités morales et affectives («  je suis un garçon sympathique, assez malin, j’aime beaucoup mes amis  », «  je suis une fille sensible et je pleure facilement  »[2]), détaillent leurs activités extra-scolaires, ou éludent la question philosophiquement («  quand on se demande qui on est, on croit le savoir, mais dès qu’on essaye de le dire, on se rend compte qu’on ne sait pas vraiment qui on est  »).

A Belleville, les enfants ont plus de difficultés à se présenter («  alors… heu… je suis… ben… [silence de 30 secondes] … ») ou semblent retenir de leur personnalité leurs difficultés scolaires (« mes qualités sont… [silence] … Ben, je n’ai pas les mêmes qualités à l’école que les autres … »).

Mais le film ne s’arrête pas à une présentation des différences sociales et scolaires existant entre ces deux classes de CM1, et nous montre la rencontre de ces deux classes.

Cette dernière est l’occasion d’une prise de conscience de la part des enfants de certaines différences éclatantes entre les deux classes («  il y avait une seule blanche dans leur classe, pourtant, leur école n’est pas si loin de la nôtre  » / «  il n’y avait pas de noir-e-s, ni de chinois, ni d’arabes dans leur classe, c’était bizarre »), et d’un choc assez frontal entre certain-e-s élèves («  J’ai dit que je m’appelais Lamine, mais ils m’ont appelé Ben Laden  » / «  Je me suis présenté, et ils m’ont dit « va te faire voir, fils de pute »  »). Le documentaire ne permet pas d’interpréter totalement dans quelle mesure ces tensions sont liées à des représentations stigmatisantes de part et d’autre de ces différences sociales[3].

La dernière partie du film, qui est la plus longue et importante, montre les grandes étapes de la réalisation du spectacle. Les enseignantes et la réalisatrice ont fait intervenir Christophe Cagnolari, un «  sound painter  ». Il s’agit d’une discipline qui mêle expression corporelle, musique et théâtre, et qui fait appel à la créativité des enfants (l’un des exercices de «  sound painting  »  consistait à «  transcrire  » son prénom en chant et en gestes).

A l’occasion de ces séances communes, les enfants découvrent l’expression corporelle, et les plus timides prennent peu à peu confiance en eux. Les extraits du spectacle nous donnent un vif aperçu de la qualité du travail collectif, et par ailleurs les inégalités scolaires des enfants ne transparaissent pas dans le spectacle.

Le choix d’un spectacle de sound painting s’avère judicieux, notamment en tant qu’il s’oppose à la manière dont on conçoit généralement l’accès à la culture par l’école –c’est-à-dire à travers la confrontation entre un-e élève et un chef d’œuvre. Cette dernière conception occulte le fait que la contemplation d’œuvres d’art est avant tout accessible à celleux qui disposent déjà des outils et des codes pour les comprendre  : par là même, elle exclut les enfants ne disposant pas de ces codes du fait (notamment) de leur environnement familial. Bien qu’il soit illusoire de penser que le sound painting ne mobilise aucune compétence extra-scolaire (ex  : la capacité à utiliser diverses intonations de la voix), le travail d’expression corporelle, tel qu’il est mené par l’excellent pédagogue qu’est Christophe Cagnolari, met globalement l’ensemble des enfants sur un pied d’égalité. En cela, ce choix est indissociablement pédagogique et politique, puisqu’il permet aux enfants de s’impliquer également dans le spectacle indépendamment de leurs origines sociales.

L’école n’est donc pas condamnée (et c’est là le message le plus fort du film) à utiliser une pédagogie discriminatoire valorisant systématiquement, et souvent inconsciemment, des compétences acquises grâce à un milieu familial favorisé. Un travail pédagogique exigeant, précisément parce qu’il part du constat de ces différences sociales et scolaires, peut tenter d’en limiter les effets destructeurs, et faire avancer globalement tous les enfants au même rythme.

***

Malgré ces nombreux aspects positifs, on constate malgré tout que ce documentaire soulève davantage de problèmes qu’il n’apporte de réponses. Nous avons dégagé ce qui nous semble être deux « angles morts » du documentaire.

-Premièrement, sur la question de la mixité sociale.

À la question « Pourquoi avez-vous choisi de filmer sur la mixité scolaire ? », Pascale Diez répond : «  J’ai constaté au fil des ans, avec une accélération ces huit dernières années, que de plus en plus, la mixité sociale disparaissait des classes et que des ghettos socio-culturels s’installaient. (…) J’ai l’impression que le déterminisme social redevient une réalité et que l’égalité des chances n’existe que dans la littérature. Ce constat m’a rendue triste dans un premier temps et j’ai décidé de réagir en m’en faisant le témoin et surtout, l’actrice d’une tentative de suppléer à cette absence de mixité sociale. »[4]

Comme on le voit, Pascale Diez rattache ici explicitement ce qu’elle considère comme deux problèmes : l’absence de mixité sociale et l’échec de l’ « égalité des chances ». Deux questions se posent alors, auxquelles le film ne nous paraît pas apporter de réponse claire.

1) quel est le lien exact entre ces deux problèmes : l’absence de mixité sociale cause-t-elle ou aggrave-t-elle les inégalités scolaires, et par quels mécanismes ? Ou bien ces deux problèmes sont-ils simplement présents de façon simultanée dans certaines écoles ?

2) l’absence de mixité sociale est-elle un problème en elle-même, et si oui pourquoi ?

Concernant le second point, la réalisatrice apporte un embryon de réponse : « D’une école à l’autre peut les aider [les enfants] à se comprendre les uns les autres, à ne plus avoir peur. C’est déjà bien, non ? »[5]. La mixité sociale aurait alors pour objectif de lutter contre les préjugés entre des enfants issu-e-s de milieux différents.

Pour autant, la notion de mixité sociale renvoie également à l’idée selon laquelle la présence d’élèves issu-e-s de milieux favorisés dans une classe permettrait de «tirer vers le haut » les autres enfants. Réciproquement, se pose aussi la question de savoir si l’on ne peut pas éradiquer la reproduction dans le milieu scolaire des inégalités sociales sans nécessairement passer par une plus grande mixité sociale.

Dans la mesure où Pascale Diez fait de la mixité sociale le problème central et le déclencheur du documentaire, il nous apparaît regrettable que le documentaire reste flou sur ces questions.

-Deuxièmement, sur les conséquences scolaires des inégalités sociales.

Le film nous donne une leçon de pédagogie, à travers la réalisation du spectacle de sound-painting, qui permet aux enfants d’être sur un pied d’égalité indépendamment des facilités/difficultés scolaires liées à leurs milieux sociaux respectifs.

Cependant, un des risques de ce documentaire n’est-il pas de donner à voir une fable exceptionnelle, qui permet à tout le monde de s’extasier sur une rencontre extraordinaire, et qui par là même, dispenserait de réfléchir aux moyens de lutter contre les conséquences scolaires des inégalités sociales de façon générale et systématique ?

En effet, la rencontre entre les deux classes a un caractère ponctuel et isolé ; qui plus est, la démarche n’a pas été pérennisée (les enfants ne se sont pas revu-e-s depuis le spectacle). On peut donc se demander dans quelle mesure le propos pédagogique et politique du documentaire peut s’étendre à l’ensemble de l’Éducation Nationale, et si oui, comment.

Une brève séquence du film illustre assez bien le malaise que l’on peut ressentir à cet égard.

Dans le dernier tiers du documentaire, qui montre les répétitions des enfants, et leur égale implication dans la réalisation du spectacle, une séquence d’à peine une minute semble résumer à elle seule l’enjeu du film. On y voit quelques enfants des deux classes, effectuer (l’un-e après l’autre) quelques mouvements de sound-painting devant la caméra. Lorsque chaque enfant termine sa petite chorégraphie, belle et silencieuse, un plan fixe est effectué sur son visage et ses yeux scintillants, et l’on entend la voix de cet enfant déclamer: «Sans les mots, rien qu’avec le corps, rien qu’avec le coeur. » Cette séquence est à la fois très belle et très embarrassante. En effet, il semble que cette petite séquence ait pour but de dire au spectateur : tous ces enfants, d’où qu’illes viennent, et quelles que soient les difficultés scolaires qui peuvent être liées à leur origine sociale, sont tous égaux/toutes égales quand illes dansent. Vous voyez bien: quand illes font du sound painting, quand illes sont sur scène et accomplissent leurs mouvements, quand illes s’expriment «sans les mots, rien qu’avec le corps, rien qu’avec le coeur », illes ne sont que des enfants, rien de plus, rien de moins.

Le problème posé par cette séquence est simple: quand les enfants parlent (c’est-à-dire partout ailleurs) on fait quoi? Faut-il se dire que les conséquences scolaires des inégalités sociales ne peuvent être transcendées que par des spectacles muets, et qu’en-dehors des activités réalisées par les enfants « rien qu’avec le corps, rien qu’avec le coeur », il n’est point de salut pédagogique possible ? Faut-il attendre que l’on effectue les cours de français, d’histoire ou de mathématiques en sound painting ou en mime, pour pouvoir considérer les enfants d’une manière égale, et ne pas sanctionner des défaillances « scolaires » qui trouvent en réalité leur origine hors du milieu scolaire ?

Bien que le documentaire ne dise évidemment pas cela de façon aussi caricaturale, il semble tout de même que la tonalité générale du film contienne une ambivalence que nous trouvons regrettable.

En résumé, le film pose le problème suivant : l’Education Nationale impose une compétition généralisée entre les élèves[6], sans que ces dernier-e-s combattent à armes égales. Cependant, le documentaire n’y apporte qu’une réponse ponctuelle (le sound-painting), et l’on peut par conséquent se demander comment généraliser les solutions pédagogiques utilisées dans le film aux autres disciplines scolaires.

Malgré ces limites, ce film est tout à fait bouleversant, et nous regrettons que sa médiatisation ne soit pas proportionnelle à sa qualité[7] !

Sigob et Thomas J


[1] L’emploi que nous faisons ici de la notion d’ «  inégalité culturelle  » (ou d’«  inégalité scolaire  ») n’a donc évidemment rien à voir avec l’idée que «  toutes les civilisations ne se valent pas  »…

[2] Les citations sont effectuées de mémoire.

[3] Le caractère raciste de l’insulte faite à Lamine est flagrant, cependant la plupart des autres insultes peuvent s’interpréter comme des chamailleries habituelles entre enfants.

[5] http://duneecolealautre.wordpress.com/dans-la-presse/ (Paris-Mômes n°84 — février/mars 2013)

[6] Le soundpainting selon Pascale Diez permet ainsi de privilégier les relations de « complémentarité » entre les élèves aux rapports de « concurrence ». (cf http://duneecolealautre.wordpress.com/dans-la-presse/ (Paris-Mômes n°84 — février/mars 2013)

[7] Le film a été refusé par la télévision, ce qui est tout à fait déplorable. C’est ce que font notamment remarquer L’Express (http://www.lexpress.fr/culture/cinema/d-une-ecole-a-l-autre-critique-de-l-express_1219308.html) et la chronique de Laurent Delmas sur France Inter (http://www.franceinter.fr/emission-on-aura-tout-vu-speciale-festival-de-berlin-0  -à partir de 36’22).

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16 réponses à D’une école à l’autre (2013)  : les vertus politiques de la pratique artistique à l’école

  1. Bonjour.
    J’approuve la démarche. Ce qui a d’intéressant, c’est qu’au moment où l’on nivelle l’éducation vers le bas (suppression de la culture générale), on a une méthode qui la tire vers le haut.

  2. Vous dites que la mixité sociale pourrait permettre de tirer les enfants des milieux défavorisés vers le haut en les mêlant avec des élèves issus de milieux plus favorisés mais vous ne semblez pas penser à la réciproque qui conduit à un nivellement vers le bas.

    Qui êtes-vous pour vouloir imposer cette mixité ? Les parents aisés n’ont pas envie de voir le niveau de leurs enfants baisser dans l’unique but de rétablir une soi-disant équité. Ils s’en contrefoutent. Ils veulent juste que leurs enfants aient la meilleur éducation possible donc qu’ils restent avec des enfants du même milieu.
    Mettre des enfants moins compétent avec des enfants plus doués c’est ralentir ces derniers dans leur apprentissage. Qui n’a jamais connu un abruti dans sa classe qui ralentissait le cours parce qu’il ne comprenait rien ?

    La mixité sociale est une utopie. Les riches n’en veulent pas et ils ont bien raison.

    • C’est à se demander si vous avez vraiment lu l’article que vous commentez.

      1- Nous n’avons jamais affirmé que la « mixité sociale » tire les enfants des milieux défavorisés « vers le haut », nous disons que c’est une hypothèse qui est impliquée dans l’idée de « mixité sociale ».

      Si nous ne contredisons pas frontalement cette hypothèse, nous nous interrogeons dans notre article sur sa pertinence, sur le lien exact entre « mixité sociale » et réduction des conséquences scolaires des inégalités sociales, et sur la possibilité (ou non) de réduire ces inégalités sans passer par une plus grande mixité.

      Bref, nous n’affirmons pas, nous posons des questions pour susciter la réflexion et l’échange d’idées.

      2- En employant indifféremment les termes « compétents », »doués » et « abruti », vous faites comme si les facilités/difficultés scolaires trouvaient leur origine dans une intelligence « naturelle » des enfants et n’avaient strictement rien à voir avec le milieu social des élèves en question. (http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/%C3%AAtre_dou%C3%A9/26626. Comme le cinéma, les usages du langage sont politiques 😉 ).

      Evidemment, l’idée que vous défendez, au vu des statistiques exhibant depuis des années l’échec scolaire massif des mêmes catégories de la population, peut vraisemblablement être considérée comme une fumisterie totale. (un petit échantillon ici : http://www.inegalites.fr/spip.php?article1176). A moins bien sûr de considérer qu’un ensemble de données et de mesures répétées et confirmées depuis des décennies, et aboutissant systématiquement à des résultats comparables compte pour du vent: cela doit être une pure coïncidence magique si les enfants de professeur-e-s se révèlent en règle générale plus « doués » et « compétents » en français à l’école que la moyenne des enfants d’ouvrier-e-s ou d’agriculteurs/trices.

      3- Vous ne pouvez pas dire que l’inégalité sociale et les dynamiques ségrégatives qui en résultent, et dont vous vous faites ici l’apôtre, soient une règle immuable, et la « soi-disant équité » une « utopie » qui n’arrivera jamais. En réalité, cette situation scandaleuse n’est qu’une possibilité parmi d’autres de l’état de l’éducation en France.

      Les progrès sociaux ne sont évidemment pas le fruit d’une rêverie abstraite, mais il faut tenter de les faire valoir par une lutte contre les pratiques dominantes et les représentations qui seraient susceptibles de faire obstacle à ces progrès.

      Il n’y a donc aucune « utopie » là-dedans: simplement un état social donné que des luttes sociales et politiques données peuvent tenter de renverser. C’est donc contre cette situation sociale en général qu’il importe de se battre.

    • Bonjour.
      Ce qui me gène dans ce que vous dites, c’est qu’un enfant défavorisé ne peut pas être brillant… Ni un enfant favorisé complètement con.
      De plus, je ne suis pas sûr que dans un groupe hétérogène, on tende vers un niveau « moyen ». Bien au contraire.

      • Bonjour,

        C’est vraiment gênant, le commentaire que tu laisses ici @ Calimero. D’autant plus que l’intelligence d’un enfant ne se mesure ni à partir de ses aptitudes scolaires, ni à partir de son cursus scolaire et ni à partir de sa situation sociale. Une grande intelligence ne met pas à l’abri de toutes sortes d’erreurs et de faiblesses.

  3. Je n’ai pas dit ce que vous me reprochez d’avoir omis car cela ma paraissait d’une évidence absolue. Evidemment que si les enfants de pauvres sont moins bons c’est à cause de leur milieu social et que si les enfants de riches réussissent mieux c’est parce que leurs parents se sont mieux occupés de leur éducation et paient les bonne écoles. Et lorsque j’en parle évidemment que je parle en moyennes. Il y a des pauvres plus doués que des riches et inversement. Tout ceci me paraissait d’une telle évidence que je n’ai pas pris le soin de l’expliciter.

    Ce que je dis, c’est que la mixité sociale n’est pas le remède à cela. Les classes dominantes ont toujours voulu se couper du peuple pour ne pas être « contaminés » par leur mode de vie jugé inculte, grossier, violent etc… Penser qu’on va pouvoir les réconcilier et les faire vivre ensemble est impossible.
    Moi même j’ai grandis dans un collège dans lequel les noirs ne se mêlaient pas aux blancs et les riches ne traînaient pas avec les pauvres alors qu’on ne cessait de nous dire de nous mélanger. C’est la nature humain de vivre parmi ces semblables et vouloir à tout prix aller contre cette nature me semble d’une irresponsabilité totale.

    Plutôt que de contaminer les quelques établissement d’excellence par des élèves moins bons, il faut augmenter le niveau des établissements lambda qui est absolument désastreux. Ce n’est qu’une question de volonté puisque les pédagogistes qui forment un véritable lobby au sein de l’éducation nationale font tout pour abaisser le niveau de sorte que tous les élèves soient égaux. Leur adage est « puisque c’est difficile de faire en sorte que les mauvais élèves deviennent bon, au nom du saint principe d’égalité, nous allons rendre les élèves bon et moyens aussi mauvais ».
    C’est notamment pour cela qu’ils ont supprimés les devoirs au primaire ou encore qu’ils font appliquer la méthode globale plutôt que la méthode syllabique pour l’apprentissage de la lecture de sorte que tous les élèves aient des lacunes en lecture et écriture et soient donc égaux dans leur médiocrité.

    La raison de l’accroissement des inégalités est justement le fait de ces gauchistes ridicules qui ont décidé par aveuglement idéologique de saboter le niveau global pour que tous les élèves aient le même niveau. En effet, les parents riches qui voient le niveau de leur progéniture s’effondrer vont alors leur payer des cours afin qu’ils gardent le niveau d’il y a 20/30 ans tandis que les enfants de parents pauvres sont encore plus incultes et mal éduqués.
    En voulant appliquer de façon fanatique le principe d’égalité, les pédagogistes qui tiennent les manettes de l’éducation nationale ont au contraire enfoncé les pauvres. C’est tout le paradoxe de ces criminels.

    La question que l’on doit se poser n’est donc absolument pas la mixité sociale puisqu’elle ne sert que l’idéologie de ces tarés qui veulent détruire les quelques bon établissement qui subsistent. Il faut tout simplement dégager ces gens là et les remplacer par des personnes compétentes et lucides mais aucun ministre de l’éducation n’a osé s’attaquer à ce lobby mortifère…

    • Mais dans votre méthode, vous refusez au bon élève des classes défavorisé de s’élever.

    • @ Calimero
      La mixité n’est pas le problème c’est la disparition de l’exigence en matière de résultats qui pose problème ! La priorité n’est plus de demander aux élèves d’assimiler un certain savoir et d’être capable de prouver que cette assimilation s’est faite mais d’amener le plus possible d’élèves au bac au besoin en réduisant la difficulté des matières !
      C’est cela qu’il faut dénoncer. Et cela c’est le principe de la croissance appliqué à l’école. La quantité prime sur la qualité.
      Cela n’a rien d’une idéologie de gauche mais tient de la pensée ultralibérale.

      La pédagogie s’en est fait la complice.

      La mixité sociale est indispensable. C’est la mixité élèves exécrables/élèves motivé(e)s qui bossent qui est mortifère.

    • @Calimero:

      -Votre 1er paragraphe déforme la réalité. Vous n’avez pas « omis » de rappeler que les facilités et difficultés scolaires de chacun-e-s trouvent leur origine hors du milieu scolaire (à savoir dans l’environnement social des enfants). Vous avez explicitement affirmé le contraire. Mais peut-être considérez-vous que les termes « abrutis » et « doués » sont tout ce qu’il y a de plus banal et délicat pour qualifier l’aptitude à effectuer un certain type d’exercices scolaires. Permettez-nous de penser le contraire.

      -Effectivement, la tendance à l’évitement des écoles fréquentées par des élèves issu-e-s majoritairement de milieux défavorisés est généralisée dans la société, et ne se limite pas aux classes supérieures. Dans le cadre d’une concurrence généralisée des élèves et des établissements entre eux, il apparaît logique pour beaucoup de parent-e-s d’utiliser tous les moyens à leur disposition (déménagement, dérogation à la carte scolaire…) pour sélectionner les meilleurs établissements pour leurs enfants. Les stratégies d’évitement des « mauvais » établissements sont directement liées à la reproduction par l’école des inégalités sociales : autrement dit, les écoles des quartiers aisés ont plus de probabilité d’accueillir de « bons » élèves que les écoles des quartiers populaires.
      Cependant, le système de reproduction et de légitimation scolaire des inégalités sociales, dans lequel ces mécanismes d’évitements s’inscrivent, n’est pour nous ni fatal ni souhaitable.

      Concernant la fatalité de l’absence de mixité sociale, nous avons déjà répondu dans notre commentaire précédent sur ce point (cf ce que nous disons sur l’ « utopie »). Le fait que des préjugés subsistent concernant certaines catégories de la population, ou encore le fait que l’éducation nationale organise une compétition généralisée sous couvert d’« égalité des chances » aboutissant quasi-systématiquement à avantager ceux qui l’étaient déjà, n’est en rien une fatalité, mais un état donné du monde social. Que vous choisissiez de considérer cette situation comme une donnée naturelle existante de toute éternité et qui subsistera jusqu’à la fin des temps vous regarde.

      Concernant le caractère souhaitable de l’absence de mixité sociale dans le milieu scolaire : vous défendez clairement la position selon laquelle cette situation est tout à fait légitime (« Les riches n’en veulent pas et ils ont bien raison »). De plus, vous avez utilisé dans le 2nd paragraphe de votre commentaire le terme « contaminer » (Nous vous citons « Les classes dominantes ont toujours voulu se couper du peuple pour ne pas être « contaminés» par leur mode de vie jugé inculte, grossier, violent etc… »). Mais dans votre 4èmeparagraphe, vous reprenez le terme « contaminer » sans guillemets, ce qui implique donc que vous partagez le fait de voir les personnes aux ressources économiques faibles comme des virus susceptibles de « contaminer » les riches. Dans le cadre d’un système inégalitaire, ne vaut-il pas mieux remettre en question directement ce système plutôt que de légitimer les stratégies individuelles qui en découlent ?

      -Juste sur deux incorrections sur le reste :

      Les devoirs à l’école primaire sont interdits depuis 1956, interdiction confirmée par la Circulaire n° 64-496 du 17 décembre 1964. (http://dcalin.fr/textoff/devoirs_1964.html). Nous ne voyons pas ce que viennent faire celleux que vous appelez les « pédagogistes» là-dedans. Mais peut-être vouliez-vous dire tout à fait autre chose… [?]

      Concernant la méthode « globale » ou la méthode «syllabique » (petite définition et présentation des méthodes de lecture ici, pour ceux qui voudraient en savoir plus : http://www.uvp5.univ-paris5.fr/TFL/AC/AffFicheT.asp?CleFiche=8000&Org=QUTH) la dernière grosse polémique en date sur ce sujet a été provoquée, si nous nous souvenons bien, par l’ancien ministre de l’Education nationale Gilles de Robien, qui en décembre 2005, avait clamé haut et fort à l’Assemblée nationale qu’il interdisait solennellement la « méthode globale ». Alors, nous ne sommes pas spécialistes de la question, mais il semble que la circulaire de G. de Robien a surtout eu pour effet de désigner un bouc émissaire sur qui taper sans grande raison (ici, un petit rappel de l’inutilité de la polémique sur la «méthode globale » lancée par G. de Robien :http://www.enseignementliberte.org/aplect8.htm)

      Nous aurions aimé répondre aux deux derniers tiers de votre commentaire mais nous ne comprenons strictement rien à vos affirmations. Nous ne savons pas qui vous désignez sous le terme de «pédagogistes », ni quelles mesures exactement ont abouti à l’apocalypse que vous décrivez, et de quelle manière exactement. Vous ne citez ni ne précisez rien du tout, mais faites des phrases très vagues où vous accablez d’insultes des adversaires dont on ne sait pas vraiment qui illes sont, ce qu’illes ont fait précisément, ni par ailleurs s’illes existent ailleurs que dans votre imagination.

  4. Mon école « idéale » verrait effectivement l’introduction de sound painting mais aussi plus de théâtre. Des enfants très timides peuvent surmonter leur peur de s’exprimer en public grâce au théâtre. Du coup illeux s’expriment par la parole et non pas uniquement par le geste.
    L’enseignement du français se prête bien à ce genre d’activité.
    Au lieu de cela, on montre des films aux élèves à propos de tout et n’importe quoi, ce qui les rend passifs/ives et consommateurs/trices.
    Les exposés en groupe sont aussi des activités qui solidarisent les enfants et les aident à s’intéresser aux matières enseignées. Bref, il y a des moyens mais il faut déjà qu’il y ait une volonté politique derrière.

    • Des moyens et du temps. Le programme a déjà du mal à être bouclé. Peut-être que si on passait en mode allemand, avec peu de vacances, travail le matin et activité artistique, sportive et culturelle l’après-midi…

    • Le soung painting et le théâtre, même s’ils peuvent surement permettre l’apprentissage, sont plus destinés aux élèves qui ont des difficultés et ne sont donc pas adaptés à une classe entière.
      ça me parait être des artifices, comme l’est la méthode globale utilisée depuis des années.

      Il faut des moyens, plus de temps, mais surtout des professeurs de meilleurs qualités qui puissent réellement faire leur travail.
      Car sur 1h de cours, si le prof arrive à enseigner quelque chose pendant 30min, ces 30min sont retenues par les élèves.

      L’article est intéressant, mais la liberté empêche une forte mixité à l’école entre riches et pauvres (je schématise). D’ailleurs je dote que cela soit souhaitable vu les échanges entre les élèves.
      Ce que je remarque surtout, c’est que dans les lycées de banlieues, les écoles ont plus de moyens, moins d’élèves et pourtant cela ne marche pas. La principale explication vient des élèves. Ils ont le même programme que les autres mais cela ne les intéressent pas (en partie) et toute la classe en pâtit.

      L’égalité des chances elle doit d’abord s’appliquer aux élèves qui doivent avoir envie de cette égalité et saisir leur chance, malheureusement ce n’est pas le cas. Si l’on y ajoute la totale perte d’autorité des professeurs (et là j’accuse la droite, mais surtout la gauche avec ses anciens IUFM), on trouve les maux de l’école actuelle.

      • La perte d’autorité s’est bien passée dans le reste de l’Europe (Scandinavie notamment). Il est aussi plus difficile d’apprendre dans un milieu défavorisé, la majorité des élèves s’en prenant au « fayot. » La solution serait peut-être l’internat, mais il est difficilement accepté par les parents et coûte très cher.

  5. Salut,

    En réfléchissant sur l’école à l’occasion de mon article sur Accepted, j’ai repensé à la question de la mixité que vous soulevez ici. Je n’ai jamais vraiment réfléchi sérieusement à cette question, donc peut-être que je vais dire des âneries ou des banalités, mais voilà ce que je me suis dit :

    Je pense que louer ou critiquer la mixité sociale dans l’abstrait n’est pas très pertinent. Car j’ai l’impression que cette question est subordonnée à celle de la pédagogie qu’on choisit de mettre en place.
    En effet, dans un fonctionnement pédagogique traditionnel (tel qu’il existe aujourd’hui dans l’immense majorité des classes en France), la mixité sociale risque à mon avis de ne pas avoir beaucoup d’effet par elle-même. Je ne vois pas comment les inégalités sociales/culturelles ne seraient pas reproduites dans ce contexte, bien au contraire. Les détenteurs/trices du capital culturel légitime réussiraient mieux que leur camarades, car jugés en fonction de critères auxquels illes sont plus disposés à correspondre. Et l’école ferait son habituel travail de légitimation/reproduction des inégalités. Et en ce qui concerne les problèmes comme le racisme (du genre le gamin qui se fait surnommer Ben Laden dans le documentaire), j’ai l’impression que la mixité sociale n’y changerait pas grand-chose non plus, puisque des enfants de différentes cultures seraient juste mis les uns à côté des autres, réunis dans les mêmes classes, mais sans qu’une vie commune n’existe réellement (comme ça à l’air d’être le cas au passage dans ce documentaire).

    A la rigueur, je me dis que la mixité sociale, si elle n’est pas accompagnée d’une pédagogie intelligente, pourrait même empirer la situation. Par exemple, au niveau de la violence symbolique que se prennent dans la gueule celleux qui n’ont pas le capital culturel attendu par l’école. Est-ce qu’augmenter les écarts au niveau de la possession de ce capital culturel ne va pas rendre encore plus violente la discrimination (par les notes, le classement, la valorisation en classe, etc) de celleux qui ne possèdent pas ce capital ? Et idem au niveau du racisme : est-ce que la mixité ne ferait pas juste que créer les conditions du racisme sans permettre de le combattre en profondeur ? C’est l’impression que j’ai.

    Et c’est pour ça que je me dis que les pédagogies « alternatives » ont aussi quelque chose à apporter sur cette question. Déjà, il me semble intéressant de remarquer que, contrairement aux écoles classiques, les écoles Freinet (ou autres) RECHERCHENT la mixité sociale, car cette mixité est pour elles un moteur, et pas juste ce que va « ralentir la classe » ou « tirer les meilleurs éléments vers le bas » (comme on peut l’entendre dans certains discours horribles dont vous avez pu avoir quelques échantillons plus haut…). Dans ce type de pédagogies « alternatives », les différences ne sont pas perçues comme un obstacle mais comme une richesse. Car si les élèves n’ont pas le même « niveau » ou ont des références culturelles différentes, et bien ça signifie qu’illes vont avoir plein de choses à échanger et à s’apprendre entre elleux.

    J’avais vu l’an dernier un petit reportage sur une école Freinet qui me semble illustrer cette idée : http://www.france5.fr/oeil-et-la-main/?page=emission&id_article=2873
    Je ne m’en souviens plus très bien parce que ça fait longtemps que je l’ai vu, mais si je me souviens bien, ça raconte l’histoire d’une enfant sourde qui n’arrivait pas à trouver sa place dans des classes « normales » parce qu’elle était la « différente », celle qui aurait retardé tout le monde. Alors que dans la classe Freinet où on la voit dans le reportage, elle s’est beaucoup plus épanouie. C’est qu’au lieu de se dire « quelle poisse, une fille qui parle pas », la classe Freinet s’est plutôt dit « chouette, une occasion d’apprendre une autre langue, la langue des signes ». Et du coup, toute la classe s’est mise à apprendre la langue des signes, et à communiquer à la fois oralement et en langue des signes. (Peut-être que j’ai reconstruit mon souvenir et que ce n’est pas exactement ce qui se passe dans le reportage, mais je crois que c’était l’idée). Du coup, la mixité ici, est plus une richesse qu’un problème.

    Une autre pratique des écoles type Freinet qui me semble intéressante sur cette question est l’idée des « conseils de vie » (ça doit avoir parfois un autre nom mais c’est juste pour l’idée). Dans ces conseils où toute la classe participe se discutent entre autres tous les problèmes concernant le vivre ensemble. Le gamin qui s’est fait appeler « Ben Laden » aurait alors expliqué ça publiquement, et cela aurait fait l’objet d’un débat avec toute la classe. Dans cette configuration, la personne qui en a blessé une autre doit alors rendre compte publiquement de son acte et éventuellement s’engager à se comporter différemment s’il en ressort que l’acte ou la parole était discriminante, blessante, etc. Je me dis que c’est qu’avec ce genre de moments d’échange et de vie commune que les problèmes comme le racisme peuvent être sérieusement combattus. Car le gamin auteur de l’acte ne va pas juste se prendre (au mieux) une punition, mais à la place de ça il y aura au contraire un débat de fond et un accord pris collectivement, ce qui aura déjà à mon avis plus d’effet.

    Bref, je m’arrête là pour ne pas parler tout seul et en étaler des tartines, mais voilà, j’ai repensé à cette question que vous soulevez dans votre brève (sans prétendre apporter de réponse), et je me disais que suivant la pédagogie qu’on adopte, la mixité scolaire peut-être soit une source de problèmes et de souffrances, soit au contraire une expérience enrichissante à tous les niveaux pour les enfants.

    • Sigob et Thomas J

      Salut !

      Merci beaucoup pour tes remarques !

      Il nous semble en effet difficile d’avoir un avis tranché sur cette question de façon abstraite car les arguments pour ou contre la « mixité sociale » à l’école nous semblent tous pertinents à différents niveaux dans le système scolaire actuel (c’est ce que montre bien Philippe Meirieu dans cet extrait de conférence qui résume assez bien le méli-mélo lié à cette question : http://www.ecoledurable.ch/article.php?permalink=l-oscillation-infernale ).

      Discutant avec des ami-e-s professeur-e-s, nous avons personnellement toujours constaté la variété des arguments et des expériences, tous également valables : l’un d’eux, qui nous a fait part en privé de ses impressions sur notre article nous a expliqué les bienfaits de la «mixité sociale » à l’école parce que les apports culturels des élèves qui réinvestissent dans ses classes les connaissances dont illes bénéficient grâce à leur environnement familial montrent l’exemple aux autres et ainsi donnent une bonne dynamique de travail à la classe. Une autre amie professeure nous a au contraire indiqué que les élèves les plus faibles dans ses classes « hétérogènes » pouvaient se sentir implacablement déprécié-e-s dans la mesure où illes étaient quasi-systématiquement dernier-e-s de la classe, relégué-e-s au fond de la salle sans participer, avec tous les effets d’auto-élimination que l’on peut imaginer si, en plus (comme cela arrive parfois), l’on a déplacé des élèves « faibles » mais « prometteurs » dans de « bonnes classes » afin de leur « donner une chance » de hausser leur niveau à la hauteur de leurs « capacités ». En effet, si ces élèves se font surclasser d’emblée en passant de la 4ème F à la 4ème B ou de la 1ère S 3 à la 1ère S 1 (ou n’importe quoi de ce style, les parents, les enfants et les profs connaissent parfaitement la hiérarchie –plus ou moins tacite- interne à un établissement scolaire et les attentes qui en découlent), la culpabilité des élèves qui pensent avoir raté leur chance parce qu’illes seraient de mauvaise volonté entérine et renforce les inégalités scolaires existantes : non seulement j’échoue, je n’y arrive pas, mais en plus c’est de ma faute car on m’a donné ma chance… Quant à une autre amie, qui enseigne dans une classe homogène (en fait, dans une école homogène :D, dans une petite ville à la population plutôt blanche et bourgeoise), elle nous a expliqué que les enfants de ses classes développaient tout un tas de préjugés absurdes sur les personnes noir-e-s parce qu’illes n’en avaient pratiquement jamais vu !

      En fait, toutes ces expériences sont également incontestables (et nous avons tou-te-s probablement des dizaines d’anecdotes sur le même thème, toutes informées et intéressantes). Mais justement, et on te rejoint là-dessus, le problème de cette histoire de « mixité sociale » tient probablement au fait qu’elle n’est un problème insoluble que si l’on suppose que le fonctionnement des classes et les méthodes d’enseignement ne bougent pas d’un pouce. Dans une classe au (grand) nombre d’élèves fixe, réuni-e-s durant une année en fonction de leur âge, hiérarchisé-e-s selon la notation individuelle qui détermine leur orientation pour l’année suivante, et où illes apprennent quasi-uniquement grâce aux vertus de l’exemple magistral (exemple des professeur-e-s dont la rigueur sert de modèle et que les élèves doivent imiter, exemples des « bon-ne-s » élèves qui répondent bien ou dont on lit la copie en disant « vous voyez ce qu’a fait votre camarade ? Vous aussi, vous pouvez le faire ! ») la « mixité sociale » à l’école peut, d’une année sur l’autre, selon les personnalités et l’humeur des élèves et des profs, « créer une ambiance de travail », « tirer les bon-ne-s élèves vers le bas », ou « décourager les mauvais élèves ».

      Mais tous ces problèmes n’ont aucun sens, ou du moins, sont fortement atténués, si l’on cesse de considérer comme naturelles les conventions arbitraires précédemment citées selon lesquelles fonctionnent majoritairement l’enseignement aujourd’hui. Le reportage dont tu nous as donné le lien est à cet égard super intéressant, et donne du baume au cœur. Il y a une élève sourde dans la classe ? Pas de problème, l’école primaire fonctionne en terme de cycles, autrement dit il n’y a pas de passage obligatoire en classe supérieure chaque année mais un ensemble de connaissances à maîtriser sur 3 ans, ce qui fait qu’on a tout notre temps, qu’on n’a pas besoin d’utiliser des devoirs fixes avec notation individuelle régulière et pressurisante, qu’on peut faire du travail sur la durée en faisant continuellement des entraînements au rythme souhaité par chacun-e des élèves, le tout avec des « grands conseils » fréquents où les élèves s’expliquent leurs difficultés et ce qu’illes souhaitent faire pour les deux semaines à suivre, ainsi que des rendez-vous réguliers avec les parents pour qu’illes voient comment leurs enfants avancent. Et on va tou-te-s apprendre la langue des signes parce que ça va profiter à tout le monde.

      (NB 1 : c’est encore en « cycles » qu’est officiellement organisée l’école maternelle et primaire aujourd’hui, mais la forme « passage en classe supérieure » domine tellement toute la scolarité qu’appliquer à la lettre ce qui existe au primaire, comme le fait la professeure dans ce reportage, a tout de suite l’air révolutionnaire !

      NB 2 : 4 millions de sourd-e-s en France quasi-condamné-e-s à l’exclusion sociale et professionnelle, notamment parce que la langue des signes n’est toujours pas apprise à l’école… Il semble que l’on préfère plutôt que les personnes sourdes ou malentendantes «s’intègrent » dans un système scolaire qui ne fait, lui, aucun effort pour les « intégrer » parmi les entendant-e-s. )

      Ainsi, dans un système scolaire rigide sur ses méthodes et brutale dans la sélection qu’elle opère, la question de la « mixité sociale » nous semble automatiquement buter sur les mêmes difficultés et les mêmes arguments. Envisager les choses sous un angle plus global (la remise en cause d’un tel système), et en s’interrogeant plutôt sur les méthodes pédagogiques mises à l’œuvre dans les classes et les alternatives à celles-ci, nous semble plus fructueux et porteur d’espoir. L’on perçoit aussi en considérant les choses de cette façon, que des mesures ponctuelles en faveur de la « mixité sociale » à l’école comme la revalorisation de la carte scolaire (que nous trouvons positive car largement préférable à son « assouplissement » ou à sa suppression, bien qu’il n’y ait par ailleurs aucune raison d’idéaliser cette mesure, comme l’explique bien l’article suivant : http://www.skolo.org/spip.php?article974) , si elle ne prennent pas en compte notamment les autres dimensions que tu évoques dans ton commentaire, risquent fort de ne pas résoudre grand-chose.

      Après, dire cela laisse évidemment irrésolues tout un tas de questions, à savoir toutes celles qui concernent ce que l’on peut faire tous les jours en tant que parent-e/professeur-e/élève, où on est bien forcé-e-s de jongler avec la réalité scolaire telle qu’elle se présente à nous, et où on bricole comme on peut…

  6. Bonsoir !

    Effectivement développer des activités culturelles et artistiques à l’école est une bonne idée qui devrait être davantage suivie. Après entre la musique, le théâtre, les échecs ou autre c’est difficile de choisir. Il reste à chercher comment organiser l’offre d’activité…

    Après je pense que le gros problème du système éducatif français à partir du collège c’est l’orientation des élèves. A mon avis c’est là que se joue une grande partie de la différence entre les élèves issus de milieux favorisés et les autres. Les premiers ont bien plus de chance de trouver la filière qui leur convient parmi tout l’éventail de possibilité qui s’offre à eux. Les autres risquent de se retrouver par défaut dans une formation qui ne leur convient pas.

    Pour le primaire et avant j’avoue que mes souvenirs n’en sont pas assez clairs pour me permettre d’avoir une opinion sur ce qu’il faut y faire (à part apprendre à lire, écrire et compter ^^).

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