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#10649
caerbannog
Invité

Franchement, je ne pense pas que la « clarté de la couleur de peau » tempère la force de ce que Sarah Jane dénonce.

En 1925, Claude MCKAY, un poète américain écrivait ça :

Because I am the white man’s son — his own
Bearing the bastard birth-mark on my face,
I will dispute his title to his throne,
Forever fight him for my rightful place.
There is a searing hate within my soul,
A hate that only kin can feel for kin,
A hate that makes me vigorous and whole,
And spurs me on increasingly to win.
Because I am my cruel father’s child,
My love of justice stirs me up to hate,
A warring Ishmaelite, unreconciled,
When falls the hour I shall not hestitate
Into my father’s heart to plunge the knife
To gain the utmost freedom that is life.

Et deux ans plus tard, langston Hughes écrivait ça :

MULATTO, Langston Hughes

I am your son, white man!
Georgia dusk
And the turpentine woods.
One of the pillars of the temple fell.
You are my son!
Like Hell!
The moon over the turpentine woods.
The Southern night
Full of stars,
Great big yellow stars.
What’s a body but a toy?
Juicy bodies
Of nigger wenches
Blue black
Against black fences.
O, you little bastard boy,
What’s a body but a toy?
The scent of pine wood stings the soft night air.
What’s the body of your mother?
Silver moonlight everywhere.
What’s the body of your mother?
Sharp pine scent in the evening air.
A nigger night,
A nigger joy,
A little yellow
Bastard boy.
Naw, you ain’t my brother.
Niggers ain’t my brother.
Not ever.
Niggers ain’t my brother.
The Southern night is full of stars,
Great big yellow stars.
O, sweet as earth,
Dusk dark bodies
Give sweet birth
To little yellow bastard boys.
Git on back there in the night,
You ain’t white
The bright stars scatter everywhere.
Pine wood scent in the evening air.
A nigger night,
A nigger joy.
I am your son, white man!
A little yellow
Bastard boy.

Il y a plusieurs voix dans ce poème : celle du narrateur (métis) qui confronte son père (blanc) qui a violé sa mère (noire), et le père qui lui répond en reniant sa paternité parce que l’enfant n’est pas blanc et que sa mère n’était « qu’une esclave », un corps avec lequel on pouvait « s’amuser » et le frère (blanc) qui nie toute fraternité avec le narrateur (pour les mêmes raisons que le père). Au-delà du niveau de la question des personnes individuelles, c’est une sévère critique des relations de races dans une société raciste, une question d’héritage collectif de l’histoire de l’esclavage, de l’injustice et de la non-fraternité.

Certes, on ne connaît pas l’histoire d’Annie et Sarah Jane, mais le fait que SJ rejette sa mère et soit si véhémente n’est pas si singulier que ça. Je ne pense pas que sa couleur « édulcore » la force de sa rage et la violence qu’elle subit. Langston Hughes a aussi rejeté un temps ses parents bien plus noirs que lui, lui qui avait des grand-parents respectivement Cherokee et Français. Et encore une fois, Leila dans Shadows essaie aussi de « passer » pour blanche auprès de ses amis littéraires et soi-disant progressistes, parce qu’elle est plus blanche de peau que ses frères d’où le titre du film qui annonce bien la question des « nuances ».

C’est pas que je veux défendre le film à tout prix mais je pense pas qu’il faille mesinterpréter le choix de montrer SJ comme « moins noire » que sa mère comme « moins critique ». Annie, c’est vrai, essaie de faire une vie aussi confortable que possible dans une société raciste et ségrégée à SJ, qui, plus jeune, ne s’y résigne pas.
Bon, la toute fin (dans la voiture) est une forme de réconciliation un peu trop satisfaisante, mais elle n’a lieu qu’après que SJ ait crié devant tout le monde : « It’s my mother ! ». Ce qui est une forme d’affirmation de son identité super importante.

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