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#35036
milù
Invité

@Lison: merci pour tes remarques!

moi aussi certains aspects du film m’ont gênée, j’avais hésité à en parler parce que spoilers, mais bon, maintenant que c’est fait… 🙂

non mais en effet moi j’ai surtout trouvé vraiment dommage et contre-productif que le film décide (et ce parti-pris est révélé très tôt) que la sorcière existe bel et bien, et a effectivement décidé de tourmenter la famille. à mon sens le film aurait eu un discours beaucoup plus intéressant s’il avait laissé planer l’ambiguité quant à l’existence ou non d’un élément extérieur hostile.

déjà parce que de nombreuses personnes s’identifient comme sorcières, c’est une forme de spiritualité/un ensemble de pratiques (je sais pas vmt comment elles le définissent) qui existe vraiment, et il est dommageable à ces personnes que ces vieux clichés dépréciatifs (et misogynes en plus) continuent d’être propagés.

d’autre part, parce que, si je comprends bien, l’argument qui fonde la chasse aux sorcières est que les sorcières sont des femmes extérieurement indistinguables mais ayant secrètement pactisé avec le diable et causant toutes sortes de malheurs. Ce qui veut dire que que toute femme pourrait être une sorcière. soit, dans la relecture féministe de ce discours, ça permet de viser des femmes qui recherchent un tant soit peu leur propre autonomie et refusent les diktats patriarcaux. En même temps, l’insoumission chez les femmes est désastreux pour la communauté (puisque son ordre économique et symbolique est fondé sur la sujétion des femmes) et est donc considéré— tour de passe-passe intellectuel— comme maléfique (avec toutes les enjolivures qui vont avec, comme tu dis, “à la Goya”).

Et donc pour que le film puisse mobiliser cette grille de lecture, il aurait fallu que la sorcière n’existe pas, mais que toute cette violence qui se déchaine contre Thomasin soit simplement l’effet de la recherche de bouc émissaire face à une situation de merde— et en effet, cette famille anglaise se retrouve isolée dans une nature qu’elle ne connait pas, y’avait de fortes chances que ça se finisse mal.

Le personnage du père est en effet intéressant, on sent que le film s’est intéressé aux contradictions qui le traversent. On comprend qu’il s’est fait chasser du village pour avoir tenu tête à d’autres hommes— sans doute plus vénérables. Bref, c’est un combat de coqs. Le film s’ouvre sur des déclarations grandiloquentes de sa part face au tribunal qui l’exclut. On comprend qu’il aurait pu lâcher l’affaire et accepter d’être humilié, et qu’il serait resté au village. Au lieu de ça il leur tient tête et est chassé- avec toute sa famille qui n’a rien demandé.

A un moment du film, face à la série de catastrophes qui leur tombe dessus, le père se met a prier en s’accusant d’avoir péché par vanité (je crois). Il semble réaliser que c’était irréfléchi et dangereux de sa part de tenir tête face aux chefs du village, et d’attirer sa compagne et ses enfants dans une situation qu’il ne maitrise pas.

Il me semble qu’il peut représenter la croyance virile/colonialiste européenne en la domination de la nature par la civilisation. Ce serait donc sa fierté virile, sa certitude d’être un représentant de la civilisation conquérante européenne, qui entraîne la perte de la famille.

Par contraste la menace (sorcière) est associée à une “nature” féminine (en opposition à la force civilisatrice masculine) qui cherche à engloutir la famille. Et le corps de Thomasin (ni enfant ni épouse, c’est une femme dont la place sociale est en flottement, donc dangereuse) la rattache, du point de vue des autres, à cette “force de la nature”, puissante et potentiellement opposée à une société qui tente de la soumettre.

Dans cette vision, si la virilité-colonialiste de Michael est tenue en échec, ce n’est pas parce qu’elle serait en soi problématique et destructrice, mais parce qu’une force opposée (féminine) viendrait la contrer. En chargeant Thomasin de tous les malheurs de la famille, celle-ci absous symboliquement le père (le pôle masculin) de sa responsabilité dans le désastre.

En tout cas c’est la lecture que j’ai eu envie de trouver dans le film…

Mais encore une fois, c’est vrai, ce discours symbolique sous-jacent dans l’accusation de sorcellerie pourrait être intéressant si on montrait clairement qu’il s’agit d’une pure construction, d’un échafaudage sexiste.

Or puisque dans le film y a vraiment une sorcière, tout ça n’est pas vraiment la faute du père, et accuser Thomasin était plus une erreur sur la personne qu’un exemple de misogynie structurelle.

après je sais pas pourquoi, j’ai eu envie de trouver des excuses au film et, ayant pourtant vu tout ça, j’ai décidé que l’existence de la sorcière dans le film reflétait une vision du monde d’époque dans laquelle cette figure maléfique existant réellement… mais là c’est vraiment tiré par les cheveux hein? et cette lecture n’est soutenue par rien d’autre qu’une grosse dose de complaisance de ma part…

bref, je sais pas si ce que je dis est bien claire? j’espère que c’est pas trop embrouillé et cérébral, j’ai du mal à être sûre avec mes délires symboliques si je dis des trucs vaguement intéressants ou si je brasse du vent… faut pas hésiter à me dire si vous pensez que c’est n’importe quoi 🙂

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