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#37506
Milu
Invité

waaaaaaah j’l’ai vu hier soir j’ai vraiment vraiment kiffé!!! 😀

un chouette demi-podcast (la première moitié) de BitchMedia sur le film: https://soundcloud.com/bitch-media/backtalk-get-out-uber-sexism (en anglais)

Le film a plein de niveaux de lecture, de détails, de références… j’ai déjà envie de le revoir!!

J’ai envie de parler de plusieurs trucs qui m’ont marquée, attention ça va être la fête du SPOILER

  • il y a un p’tit clin d’oeil au trope du noir qui meurt en premier dans les films d’horreur; sauf qu’ici c’est littéralement le racisme des (personnages) blanc-hes qui le tue, et pas le racisme des scénaristes (blanc-hes) qui exploitent les personnages noir-es pour produire du gore et de la terreur à moindre frais scénaristique (puisque les personnages blanc-hes ont plus de valeur pour eux).
  • j’ai bien aimé le twist de la toute fin: alors que Chris se relève péniblement, couvert de sang, d’une scène de carnage, une voiture de flics arrive, sirènes hurlantes. là tu te dis « noooon c’est foutu il va prendre tellement cher, personne va le croire (vu qu’il est noir et que la justice est raciste)… et en fait c’est son pote Rod dans sa voiture de fonction de sécurité de l’aéroport 🙂 du coup c’est un « happy end » (ils dégagent et on peut supposer que personne n’aura su qu’il était là), il se fait sauver par son ami qui, malgré sa fierté naïve de porter un uniforme et d’avoir fait un boulot d’enquêteur, a clairement agi par amitié et non par amour de la justice. C’est encore un trope qui est subverti, celui de la police qui arrive à la fin et conclut l’histoire en menottant les méchant-es et en libérant les gentil-les.
  • mais en même temps c’est pas un film d’exploitation à base de vengeance, les meurtres sont commis en autodéfense, et on capte bien que ça risque de laisser des séquelles psychologiques énormes à Chris. Il ne s’agit pas d’une valorisation naïve de la violence des dominé-es; on montre qu’elle est nécessaire et libératrice (ho comme ça m’a fait du BIEN quand il explose le crâne de Jeremy!! tout comme une certaine scène de Moonlight impliquant une chaise, pour celleux qui l’ont vu 😉 mais à la fin, à part d’avoir sauvé sa peau, Chris n’a rien gagné. Il a donné sa confiance et a été trahi, manipulé, torturé.
  • cette question de la confiance rappelle une intervention de James Baldwin dans I Am Not Your Negro: sur un plateau de télé, il reproche à un philosophe blanc de lui demander de le croire sur parole quand il dit qu’il exagère, que l’Amérique n’est pas raciste, etc, sans prendre en considération les risques énormes qu’il prendrait en accordant sa confiance sur la base d’une simple profession de foi pour ménager les blanc-hes, alors que son vécu lui a donné tellement de raisons de se méfier. Dans Get Out, il y a plein de signaux d’alarme (des micro-agressions notamment) que Chris, par amour et confiance envers Rose, choisit d’ignorer. Il ménage sa fragilité blanche en prenant sur lui. On le voit plusieurs fois lui évoquer des détails qui clochent et lorsqu’il voit que, bien sûr, elle ne comprend pas, il décide de lâcher l’affaire et de lui dire de ne pas s’en faire, que tout va bien. Je pense que ce film demande aux blanc-hes (dont je suis) de faire en sorte de prendre au sérieux et de créer un climat d’écoute lorsqu’une proche non-blanc-he parle de racisme. d’abord parce qu’iels savent de quoi iels parlent. Et puis parce que les enjeux sont bien plus importants pour elleux.
    (bien sûr il s’avérera plus tard que Rose joue un double jeu. mais ça n’enlève rien à ce niveau d’analyse des premiers deux-tiers du film où on croit vraiment qu’elle aime et respecte Chris.)
  • le film parle assez clairement d’esclavage, d’exploitation du corps des noir-es. Il y a une référence au nazisme (le grand-père qui a été battu par Jesse Owens sous les yeux d’Hitler aux JO de Berlin 1936). Il me semble que pour Dean et sa secte, sans doute le nazisme est une idéologie européenne grossière et gaspilleuse. Certes le fantasme de l’extermination perdure dans l’Amérique blanche, tout en servant d’épouvantail (KKK, alt-right etc) (les commentaires tranquillement « anti-chevreuils » du père témoignent que cette tentation génocidaire coexiste peut-être dans son esprit avec un racisme plus « utilitariste ») mais historiquement, après un génocide des peuples indigènes, l’Amérique blanche a accumulé une richesse démesurée qui s’est construite sur une sorte de dualisme corps/esprit: aux blanc-hes les décisions et les profits matériels et symboliques; les corps noirs, eux, sont exploités pour les travaux physiques, via un certain discours raciste les représentant comme plus performant, résistants (les chroniqueuses de Bitch Media font le rapprochement avec la critique du sport de haut niveau comme une forme d’exploitation nationaliste des corps noirs), mais aussi: interchangeables, objectifiés.
  • un autre point intéressant soulevé dans le podcast que j’ai cité est la réaction du seul acheteur potentiel non-blanc – un homme asiatique – présent à ce qui s’avère être une vente aux enchères du corps de Chris: contrairement aux blanc-hes qui ne voient en Chris qu’un corps avec des parties (musclé, sexy, etc) lui pose la question de « son vécu d’africain-américain ». Peut-être pour montrer qu’étant non-blanc, il capte que ça peut être galère, et se demande à quel point.

Arroway: Vous oubliez deux éléments décisifs : le premier, et le plus évident, c’est qu’au premier abord, Chris est rassuré de voir un deuxième homme noir parmi les invités. C’est sa réaction et son comportement qui lui mette la puce à l’oreille. Ensuite, le deuxième élément, c’est qu’il faut prendre en compte le rapport de pouvoir entre les deux personnages. La femme âgée, blanche, bourgeoise, qui est en couple avec un homme noir, jeune, qui agit de manière un peu bizarre, gênée. Oui, c’est normal que ça paraisse suspect.

Comme j’ai compris cette scène, ce qui met surtout la puce à l’oreille de Chris, c’est l’absence totale de solidarité noire de Logan. Chris l’aborde avec soulagement, lui disant d’emblée que ça lui fait trop du bien de tomber sur « un frère » au milieu de toustes ces blanc-hes. Et non seulement Logan ne semble pas comprendre, mais dès que sa compagne blanche le rejoint il rompt brutalement cette complicité intuitive entre noirs sur laquelle Chris pense pouvoir compter en disant sur un ton plaisant, sans avoir l’air de saisir à quel point ça se fait pas: « Chris était justement en train de me dire que ma présence le rassurait » ou qqch du genre. Le fait qu’il sorte avec une blanche plus âgée me semble être une bizarrerie presque anecdotique à côté de ce comportement complètement inattendu.

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