Répondre à: Get Out

Accueil Forums Le coin pop-corn Films Get Out Répondre à: Get Out

#37527
ZeE
Invité

Hey! Owkay, je viens de me mater Get Out et grosse claque! J’ai adoré.
D’abord je suis un très amateurice de films d’angoisse/épouvante/horreur etc… et du coup super chiant’e parce que pas facilement impressionné’e. Et là j’étais en tension pendant quasiment tout le film qui je trouve réussi parfaitement à faire monter l’angoisse. On sait dès le début que c’est pas une bonne idée d’aller dans cette baraque : le film s’appelle Get Out, un noir se fait agresser et kidnapper dès la première scène, la musique du générique (avec cette écriture bleue! Ça m’a marqué même si j’ai encore du mal à analyser pourquoi) est flippante, une blanche affirme que ses parents blancs ne sont pas racistes comment le saurait-elle en fait? Elle ne vit pas le racisme, même avec la meilleure volonté du monde il se peut très fortement qu’elle se plante. Bref dès le début ça pause une atmosphère. Et le film prend son temps pour distiller une ambiance malsaine au possible dans une apparente banalité du quotidien. Bien sûr on ne parle pas de n’importe quel thriller, Get Out installe une ambiance raciste dans un univers de bourges blancs qui s’autoproclament ne pas l’être (son père aurait voté une troisième fois Obama donc il ne peut pas être raciste, raccourci ultraaaa classique qui sert souvent d’argument aux dominants pour ne pas se considérer comme tel).

Il m’a fallu un coussin à serrer (et l’avant bras de Milù, merci <3). Je crois que tout le passage de la garden party est le passage du film qui m’a mis le plus mal. On ressent cet étouffement, l’horreur de se retrouver isolé-e dans une mer de personnes qui au mieux ne vous comprendront pas, au pire sont de véritables ennemi-e-s. Et là on n’est de toutes façons pas sur un film gnagnant qui explique que les blanc-he-s des fois elleux font de la merde mais c’est parce qu’elleux savaient pas (aaaaarg). Au vu des comportements de toutes et tous (renforcés par leur bourgeoisie dégeulante qui surajoute une oppression de classe étouffante) on sent très bien que Chris est paumé au-milieu des ennemis et qu’il n’a pas franchement d’échappatoires.

/!\ Spoilers
A ce moment on peut encore compter sur Rose, mais plus dur en sera la chute. Et l’absence de soutient des autres personnes noires vient renforcer le malaise.
/!\ Spoilers End

La rythmique entre l’humour et la montée de la tension fonctionne super bien. Les moments comiques ou plus légers qui font que l’on desserre un peu les fesses renforcent l’impact des scènes qui suivront. Le personnage de Rod est parfait en ce sens sans pour autant se limiter à un usage purement comique. Je pense à la scène avec les flics noir-e-s mais j’y reviendrais plus tard.

Enfin en écrivant tout ça le film me fait penser à un négatif du film La Porte des Secrets (https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Porte_des_secrets) que j’avais bien apprécié en tant que gestion de son épouvante/angoisse. Dont j’avais bien apprécié la fin. Mais qui pour le coup reprend les clichés des méchants noir-e-s et est politiquement beaucoup plus critiquable (Spoils :le film se déroule dans le bayou et aucune réflexion sur la présence des blanc-he-s en tant qu’impulseurs de ce qui leur arrive au final n’est posé. J’ai dit bien avoir aimé la fin car ce n’est pas un happy ending mais d’un autre côté cela reste très problématique dans le sens où les personnes noires gagnent au final)

Vous avez déjà dit plein de choses, j’ai envie de réagir sur certains truc.

Sur le post de Seb Petit

Merci Arroway, j’étais entrain d’écrire un truc en réponse, ton com brosse en détails plus ou moins ce que je voulais dire. Par contre j’ai envie de revenir sur deux trucs :

« Chris ne s’énerve pas face aux blanc.he.s racistes, sa copine s’en extasie »

Justement je trouve que le jeu de l’acteur qui joue Chris révèle la dimension de l’écrasement social qu’il subit. Se vénère ok mais c’est pas si simple. D’une faut en avoir envie (l’injonction de s’énerver face à une oppression peut être elle-même une forme de d’oppression), faut le pouvoir (matériellement Chris est paumé à pétaouchnoc, entouré que de blancs – je parlerai des deux autres personnes noires après – et affectivement parlant on sait très tôt qu’il n’a pas grand monde, qu’il est amoureux de sa copine et donc que la perte de se lien affectif est un potentiel danger supplémentaire pour lui), enfin le film ambiance très bien le racisme quotidien des sociétés blanches. En gros si Chris doit s’énerver c’est juste tout le temps. Et ça demande une énergie de fou qui bien souvent peu aussi te bouffer du dedans (précision je suis blanc, je ne connaîtrai jamais le racisme. Je fais le parallèle dans ma tête avec des oppressions que je peux subir mais cela à ses limites car les dites oppressions fonctionnent structurellement de façons différentes du racisme).
De plus Chris ne réagit pas comme les autres personnes noires de la maison. Je pense au speech de Georgina qui affirme être heureuse que les Armitage la traite « comme un membre de la famille ». Ça fait très discours de l’esclave heureu-se-s au final de ne pas être (en apparence) mal traité-e par ses maîtres. Ça pourrait être pire en somme. Si on prend la scène avec le flic du début on a quoi, si Chris résiste à donner ses papiers c’est go go un p’tit tour au poste. Là manifestement Chris comprend cash pourquoi on les lui demande – sûrement parce qu’il en a l’habitude – et proportionnellement il n’a peut être pas envie de se faire prendre la tête et de se confronter à des moments d’un racisme encore plus trash. En gros il agit moins dans un assujettissement aux blancs que par des stratégies de survie en milieu hostile.
Quand à Rose elle a les réactions banales de quelqu’une qui ne vivant pas cette violence au quotidien depuis toujours ne comprend pas qu’il y-a un panel de réactions autres que de s’énerver quand on est opprimé-e. Et elle le trouve courageux alors que ce n’est pas la question, il deal comme il peut.

Je crois ne pas avoir compris où tu voulais en venir avec le concept de tolérance? En quoi les personnes non-blanches devraient être tolérantes avec les personnes blanches? Sans devenir prescriptif des comportements à adopter, si une personne racisée décide d’en coller une bonne à un-e oppresseureuse raciste ben soit (et perso j’ai envie de dire youhou). C’est le fond de l’affirmation « le racisme anti-blanc n’existe pas ». Les blancs étant le groupe oppresseur, violent, dominant – devons-nous encore rappeler que la colonisation est toujours en place sous des formes plus pernicieuses peut-être, que les personne non-blanches sont encore régulièrement tuées pour cette « raison », que l’islamophobie est le nouveau joujoue des montés fachistes… – dans un contexte comme celui-ci penser que les gentes qui subissent ça devraient être tolérantes au nom d’une je ne sais quelle égalité entre les races est à mon sens risible. Ceux sont aux blanc-he-s de comprendre les privilèges énormes qu’elleux ont du fait du système dans lequel elleux sont inscrit-e-s, ceux sont à elleux d’arrêter les bullshits. Et c’est pas franchement parti pour aller dans ce sens. Celleux qui subissent ce système fondé sur la violence raciale ne seront pas celleux violentes même si elleux décident d’user de violence via leurs oppresseureuses. En gros quand tu marches sur la gueule de quelqu’un-e t’étonnes pas de te faire bouffer le pied.

A partir de là on va dire que c’est la fête du spoil

Pour moi c’est justement ce que la fin du film montre. Pas de pitié pour ces connards assassin-e-s de secestrateurices, un coup fusil dans le bide ça leur pendait au nez. Chris se bat pour sa survie, il va pas négocier l’ouverture de la porte avec des cookies! Et bordel ce que ça fait du bien à voir!

Milù

tout comme une certaine scène de Moonlight impliquant une chaise, pour celleux qui l’ont vu 😉

<3 <3 <3

mais à la fin, à part d’avoir sauvé sa peau, Chris n’a rien gagné. Il a donné sa confiance et a été trahi, manipulé, torturé.

Je rebondirai même en amenant un élément qui est crucial dans le parcours de Chris c’est la mort de sa mère. C’est ce qui est utilisé par Missy pour l’hypnotiser. Ça revient juste avant qu’il ne se fasse définitivement piégé, il en parle à Rose et lui dit qu’il n’a qu’elle (retour sur la détresse affective du personnage que je mentionnais au début). Le fait que cette scène précède celle où Rose se révèle être une manipulatrice depuis le début a un sens, elle renforce la trahison et montre à quel point Chris perd tout, pas seulement sa liberté. Et enfin il récupère Georgina à la toute fin en sachant parfaitement qu’il fait une connerie mais ne peut s’en empêcher. J’y vois franchement un sous-texte sur les poids des traumas (même carrément ptsd) et qui peut très clairement se mettre en parallèle avec quelque chose comme « comment tu fais pour exister quand dans ce monde t’es traumas dès l’enfance, notamment du fait d’être noir ».
Du coup le film ne le montre pas frontalement mais tout est assez indiqué pour laisser entendre que Chris ne s’en est pas tant sorti que ça de cette maison (souligné par le trait d’humour de son pote, « Je t’avais dit de ne pas aller là-dedans » on peut l’entendre en « ha ben tu vas en chier pour en sortir »)

* Les scènes d’hypnose : je pense même que la forme que prend ce que voit Chris quand il est sous hypnose – ce carré très démarqué – c’est parce que la voit d’entrée c’est sa mère et qu’il regardait la télé quand elle est morte. Il fixe là-dessus et le montage du film lorsqu’il sombre pour la première fois le suggère assez bien. Peut être que toutes les personnes sous hypnose ne voyaient pas cet sorte d’écran au loin. Mais parce que la télévision est son objet de culpabilité c’est aussi ce par quoi il se retrouver enfermé en lui-même.

Milù

Comme j’ai compris cette scène, ce qui met surtout la puce à l’oreille de Chris, c’est l’absence totale de solidarité noire de Logan

Et y-a l’échange de « poignée de mains » qui fait flop juste après qui finit de faire comprendre à Chris que c’est vraiment chelou. Et qui subtilement révèle des codes blanc-he-s bourgeois-es / noir-e-s populaires. Jouant sur les deux tableaux de races et de classe (quand on sait après coup qu’en fait Chris parle à un mec cis-hétéro blancs richousse d’environ 50 balais)

Bender

A mon avis les policiers incarnent une sorte de naïvité. Comme ils sont plutôt bien placés socialement (inspecteurs de police c’est tout de même pas mal), ils pensent que tout est acquis à présent et ne considèrent plus le racisme comme une menace.

Hum oui piste intéressante. Pour le coup la scène pourrait se lire comme une dénonciation de la récupération capitaliste et classiciste du racisme. A partir du moment où des personnes noires sont bien intégrées il n’y-aurait plus de problème. Alors que l’intégration au système est un problème en soit et que cela efface d’un revers de la main les critiques et les défenses plus radicales face au dit système. Ca se sent pas mal avec la façon dont la flic parle à Rod en le ramenant sans cesse à son emploi, qui est aussi de la régulation sécuritaire et justicière quelque part, mais moins bien vue sur l’échelles sociale que le poste d’inspectrice.

Commentaires clos