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#37530
ZeE
Invité

Sur la scène avec les flics je pensais moins à une « pactisation » qu’à des conséquences de comment les normes agissent, ici la normalisation raciste. Je m’explique, perso je pense que les normes ont des effets de corps très matériels, dans le sens où elles s’insèrent dans les corps des gentes. Pas que strictement biologiquement parlant, on peut tout à fait bien faire partie d’un groupe opprimé tout en s’incorporant parfaitement les enjeux de dominations de ces mêmes oppressions. Ici c’est moins le fait d’être des agents du racisme d’état que la façon dont ayant eu et jouissant d’une forme de reconnaissance sociale par leur statut de flics que des personnes non-blanches en viennent à n’avoir aucune empathie, aucun soutient et de se moquer clairement d’une personne qui vient leur parler à elleux en particulier d’un truc super grave qui arrive à des noir-e-s et fait par des blanc-he-s.

Bon je marche sur des œufs là, j’avance des trucs sur lesquels je médite sans être certain’e de moi. Sur le truc de la possession de corps noirs par des blancs je me demande si on peut ne pas y voir aussi une façon personnifiée/corporalisée des mécanismes de dominations normatives. Pour que tout ce bordel marche il faut qu’une partie des personnes dominées y trouvent leur compte, ou soit persuadées qu’elles sont dominées à raison. Je vais faire un parallèle avec ce que je connais, un des mécanisme de la dysphorie appliquée à l’identité de genre est de sentir un corps anormal, de se sentir monstrueux, pas désirable, éjectable, d’avoir envie de disparaître dans un monde ou tout nous dit que l’on n’existe pas. Hors d’une on existe bel et bien, et une grande partie de ce malaise vient du fait que rien ne nous permet de vivre tel que l’on est. Tout nous dit on n’est pas normal-e-s donc si on souffre c’est normal. Et à un certain niveau c’est nous-mêmes qui nous affligeons ça par intégration des dites normes. Au pire on est juste un peu taré-e-s quoi.

Dans Get Out j’ai l’impression que ce truc d’incorporation devient littéral. Les blancs entrent sans ambiguïté dans les corps des noirs avec toute la légitimité qu’elleux pensent avoir (cela ne remet pas en question leur place de personnes blanches, ils ne font qu’acheter ce dont elleux rêvent – avoir des yeux, être plus fort-e-s, plus jeun-e-s, avoir une grosse bite (!!!!) etc…). Bien sûr Georgina, Walter et Logan ont été possédé-e-s de force et pour elleux la piste du renversement de tropes sur la possession et la magie fait sens. Mais pour ce qui est des trois flics j’ai bien l’impression que cela donne à voir un autre régime de fonctionnement des dominations. Dans les deux « cas » ni Rob ni Chris ne trouvent de soutient auprès des personnes noires. Chris parce qu’il est face à des !!!! blanc-he-s, Rob parce qu’il est face à des personnes qui ont intériorisé des dominations plus classistes que racistes mais qui parce qu’elles sont noires révèlent l’intersectionnalité et la complexité des mécanismes de dominations. On peut même rajouter à ça une couche de validisme, Rob n’est pas pris au sérieux parce que son discours n’apparaît pas comme cohérent. Comment pourrait-il y-avoir encore des esclaves sexuels noir-e-s dans un monde ou les noir-e-s ont été intégré-e-s par les blanc-he-s? Je ne trouve pas que Rob soit peu instruit, au contraire il semble en savoir long sur l’histoire des noir-e-s aux Etats Unis. Mais comme son savoir n’est pas celui dominant ou officiel son discours parait fou, communautaire et paranoïaque. Alors qu’il est tout à fait sensé.

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