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#10456
Paul Rigouste
Participant

@ caerbannog

Complètement d’accord avec tout ce que tu dis sur Imitation of Life (qui est aussi un de mes films préférés 🙂 ). Après le film est ambivalent sur pas mal de points je pense (que j’arrive pas tous à analyser, sûrement en partie parce que je connais pas assez bien le contexte politique des États-Unis à l’époque au niveau des rapports sociaux de « race »).

Là j’ai pas le temps de trop écrire (et j’aurais pas trop le temps pendant un mois, mais je reviendrai après parce que ton avis sur ce film m’intéresse beaucoup, tu as l’air de très bien le connaître). Juste un point qui me travaille sans que j’arrive trop à savoir quoi en penser : pourquoi avoir choisi de faire subir l’oppression raciste avant tout à un personnage blanc de peau (Sarah Jane) ? J’ai l’impression que c’est tordu (mais ça l’est peut-être pas…). Parce que du coup j’ai l’impression que l’oppression que subit Annie « passe par » Sarah Jane (au sens où elle meurt parce que son cœur est brisé de ne plus pouvoir voir sa fille). Alors c’est sûr qu’en dernier lieu c’est clair qu’elle meurt parce qu’elle est Noire (à la fois à cause de ce que subit sa fille mais aussi parce qu’elle s’est usée au travail pour les Blanc-he-s), mais je sais pas, ce dispositif me met un peu mal à l’aise en même temps. Pas toi ?

C’est comme ce dialogue que tu cites, où Annie fait prendre conscience à Lora qu’elle s’est jamais intéressée à elle, à ses ami-e-s, à sa vie. Ce moment est génial, mais en même temps on peut aussi se demander pourquoi le film ne nous l’a pas montrée non plus à nous (spectatrices/teurs) la vie d’Annie et ses ami-e-s. Si on est gentil avec le film, on peut peut-être voir ça comme une stratégie qui viserait à faire prendre conscience au public qu’il est en train de regarder un film où les Noir-e-s sont au final totalement invisibilisé-e-s quand illes ne sont pas dévoué-e-s aux Blanc-he-s. Et du coup la scène d’enterrement finale est d’autant plus émouvante que celleux qui avaient été totalement invisibilisé-e-s par le film y ressurgissent en tant que communauté. Mais en même temps, si on est un peu moins gentil, on peut si dire que c’est une ambivalence politique, voire une contradiction, vu que le film se désintéresse autant les Noir-e-s non-dévoué-e-s aux Blancs que Lora s’en désintéresse. Non ?

Je suppose de toute façon que l’ambivalence était de mise dans le contexte d’une production hollywoodienne de cette envergure (le film a quand même été 4ème au box-office de 1959). Mais après quand on compare ce film avec par exemple Le Majordome, lui aussi gros succès au box-office et film hautement ambivalent, je préfère quand même de loin l’ambivalence d’Imitation of Life, car il me semble que les éléments progressistes y sont plus nombreux que les éléments conservateurs/réactionnaires (alors que pour le majordome, c’est l’inverse à mon avis). Mais bon après ça c’est mon point de vue subjectif.

(sinon j’ai commencé à regarder la version de 1934 avec Claudette Colbert (http://en.wikipedia.org/wiki/Imitation_of_Life_%281934_film%29) , et c’est marrant de voir les différences, notamment sur la question du racisme. J’ai pas encore fini donc je peux pas développer, mais c’est intéressant à voir je trouve, car les choix de Sirk apparaissent du coup beaucoup plus clairement).

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