Christian & Christiane

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    Arroway
    Maître des clés

    Christian & Christiane est film/documentaire passé sur arte il y a quelques semaines.
    Il est également disponible sur Youtube:

    Le descriptif d’arte:

    « Des années durant, Christian Seidel fut un producteur à succès, travaillant aux côtés de top models comme Claudia Schiffer ou Heidi Klum. Mais quelque chose ne tournait pas rond. Il ne se reconnaissait plus dans le rôle qu’il jouait, cette masculinité rigide que la société demande aux hommes, et qui passe par un rejet des valeurs dites féminines et une domination des femmes. Il décida alors de tenter une expérience : vivre comme une femme, sans pour autant se définir comme transsexuel.

    L’expérience, dont il tirera un livre, Die Frau in mir (« La femme en moi »), dure deux ans. Au fil des jours, sa relation avec les femmes, notamment son épouse, gagne en richesse, tandis que les hommes se mettent sur la défensive. Sa nouvelle personnalité va jusqu’à transformer son corps, mettant en question la part d’acquis dans ce que l’on croit naturel. En explorant ce qu’il nomme sa « part de féminité », Christian fait apparaître la masculinité comme une construction sociale. Il se heurte à des préjugés, y compris les siens : en devenant Christiane, ne cède-t-il pas à des clichés sur la féminité ? Cette troublante déconstruction des rôles prouve que la frontière entre les sexes est mince : notre identité, avant d’être masculine ou féminine, est individuelle. »

    Ce film est à la fois très intéressant et profondément frustrant. Si l’on met de côté certains passages en mode chelou-onirique (il faut notamment savoir persévérer au delà des premières minutes du film pour le voir vraiment commencer), il y a une réflexion très intéressante sur la construction du genre, sur l’impact de l’image physique (coiffure, vêtements) sur soi et sur les relations avec les autres. Il y a une scène assez évocatrice où un couple est invité chez les Seidel et où l’homme se fait travestir en femme par Christian (à 22:00). La réaction de sa compagne autour des 24:00 est très explicite : le fait que son compagnon quitte son « rôle/image d’homme » la libère de certaines restrictions.

    Le documentaire montre les difficultés à s’extirper des normes de genre, comment la défense de la « masculinité » traditionnelle est revendiquée par certains hommes (comme dans un club de free fight avec des « hommes qui cherchent la libération dans une cage » 28:46) et explique aussi les tensions personnelles vécues par le réalisateur. Ceci le mène à consulter un gynécologue et spécialiste des hormones (43:10): ce passage est sans doute le plus frustrant du film (avec la mise en scène de la fameuse peur de la perte de la virilité).

    En quelques phrases, le réalisateur s’entend ainsi dire, sans vraiment le remettre en cause, qu’à l’état embryonnaire, tous les bébés sont des « femmes » jusqu’à ce que les hormones mâles ne soient plus « bloquées » et que les organes génitaux masculins puissent se former (la fameuse « lutte » pour la masculinité qui commencerait dès le stade embryonnaire, cf Fausto-Sterling sur le sujet qui montre que la construction de cette théorie ou plutôt vision des choses s’inscrit à un moment de l’histoire où la masculinité était perçue comme étant en danger par la féminisation supposée de la vie sociale et des hommes, et qui suppose l’action pour devenir un homme et la passivité pour devenir une femme).

    Puis, que l’expérience du réalisateur le féminise au point que la concentration de spermatozoïdes dans son sperme ait considérablement baissé (concentration qui est le signe ultime de la virilité en bonne santé en se basant sur un certain taux dit « normal »). Il affirme que « l’homme est de plus en plus domestiqué. Il faut le dire clairement, il est de plus en plus féminisé » : cette féminisation est bien un danger pour les hommes, pour leur virilité, et tant qu’à faire, pour la survie de l’espèce humaine elle-même. Et d’affirmer que si la natalité est en chute libre, c’est à cause de la féminisation de la société. In fine, l’expérience du réalisateur mettrait en danger sa fertilité et même sa santé.

    Le documentaire se conclue sur l’arrêt de l’expérience (sans oublier une petite séance de tarot, pour continuer sur de la vraie science). En bref : un documentaire intéressant pour sa première moitié, une conlusion décevante mais révélatrice des tensions autour du genre qui peuvent se jouer au niveau social et personnel et de la force des théories « naturalistes » et pseudo-médicales qui prônent le respect des traditions genrées pour la survie de l’espèce humaine.

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