Person of Interest (et ses protagonistes féminins)
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- Ce sujet contient 12 réponses, 1 ps. et a été mis à jour pour la dernière fois par Tim, le Il y a 9 années, 8 mois.
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TimInvité
Bonjour à tous,
Arrivé un peu par hasard sur ce site (et ses forums) en surfant d’un site féministe à l’autre, j’y ai découvert des aspects de films que je ne soupçonnais pas. Je n’ai donc pas du tout la même capacité d’analyse, mais je voudrais discuter ici d’une série pour avoir vos avis (voire pour suggérer un article à son sujet) car son approche des personnages féminins m’interpelle. Il s’agit de « Person of Interest ».
J’annonce pour ceux qui la regarderaient que je risque de spoiler les deux premières saisons 🙂
Voici le topo, pour les autres : le gouvernement américain a créé une machine pour espionner la totalité de la population, en reliant entre eux tous les dispositifs permettant de capter sons et images, des caméras de surveillance standard jusqu’aux webcam des particuliers. L’objectif est d’arrêter les terroristes avant qu’ils ne passent à l’action, mais les héros, de façon non-officielle, essaient d’arrêter les citoyens ordinaires qui sont en train de préméditer un crime… ou pourraient en être la victime (c’est ce qui crée le suspens : la personne d’intérêt est-elle coupable ou victime ?).
Certes, les deux personnages principaux sont des hommes :
– Harold Finch, le créateur de la machine, milliardaire tendance agoraphobe mort au yeux du monde.
– John Reese, ancien de la CIA porté disparu en mission.Rapidement, ils sont rejoints par un autre homme, un flic corrompu qui joue un double-jeu pour eux, mais surtout, la plupart des autres protagonistes sont des femmes :
– L’agent Carter, lieutenant de police, mère célibataire. Elle lutte contre la corruption et sait se faire respecter, tant par ses collègues que par les mafieux (même quand ils veulent la descendre).
– Zoé Morgan, experte en « gestion de crise », qui aide (contre un gros salaire) les puissants autant qu’elle les manipule. Elle donne occasionnellement un coup de main aux persos principaux après avoir été elle-même personne d’intérêt.
– Root, jeune surdouée informatique totalement cinglée, probablement la pirate la plus douée qui ait existé, qui voit un dieu dans la machine. Elle bat Finch d’un point de vue informatique à plusieurs reprises (et sait se salir les mains).
– Shaw, ancienne tueuse à gages qui ne semble plus ressentir aucune émotion (à part la colère de temps à autre).
– L’ex-coéquipière de Reese à la CIA, qui est la seule à avoir tiré lorsqu’ils avaient tous deux l’ordre secret de tuer leur coéquipier.
– La Machine elle-même, qui est je crois désignée par « she » et non « it » en VO, et qui se révèle peu à peu bien plus qu’une excuse pour inventer des enquêtes.
– La femme de Finch / Alicia, ingénieure qui a travaillé sur la machine / l’ex petite amie de Reese / …Elles sont toutes des personnages vraiment différents, ce ne sont pas toutes des grandes blondes au physique classé comme « stéréotype du canon occidental » qui sont-des-filles-qui-ne-se-laissent-pas-faire-mais-en-vrai-elles-sont-toutes-douces-et-émotives. Leurs motivations sont différentes, leurs interventions variées, la psychologie fouillée (il y a de réguliers flash back pour en apprendre plus sur chacune d’elles).
De plus, si certaines enquêtes (notamment au début de la première saison) sont très classiques, avec des dénouvements prévisibles, le topo général permet de s’affranchir de certains clichés, ou en tout cas de jouer avec eux : comme on ne sait pas si la personne d’intérêt est coupable ou victime (voire les deux en même temps), lorsqu’il s’agit d’une femme, les pistes sont brouillées et, je pense, s’éloignent souvent des stéréotypes sexistes tels que ceux évoqués régulièrement sur ce site.
Connaissez-vous cette série ? Qu’en pensez-vous ?
ArrowayInvitéJe n’ai jamais regardé la série, mais le pitch a l’air intéressant, je vais aller regarder les premiers épisodes ! (du coup, j’ai pas lu tout le commentaire pour pas me spoiler :p)
Paul RigousteParticipantOui, j’ai entendu parler de cette série. On m’avait dit qu’au début c’était un « procedural » classique (et potentiellement ennuyeux du coup, pour celleux qui n’aiment pas le genre), mais qu’à un moment, la série changeait brutalement de direction et devenait du coup plus intéressante (d’un point de vue narratif je veux dire, parce que politique je sais pas). Tout ça pour dire que moi aussi je ne lis pas tout ce que vous dites pour ne pas me spoiler, car si j’ai bien compris, il y a des trucs à ne pas spoiler dans cette série…
(bref, le post inutile du Paul quoi…)TimInvitéPour faciliter un peu un possible premier débat, je copie-colle ci-dessous la fin de mon premier message, situé après les spoilers 😀
Au sujet des nombreux protagonistes féminins dans la série :
Elles sont toutes des personnages vraiment différents, ce ne sont pas toutes des grandes blondes au physique classé comme « stéréotype du canon occidental » qui sont-des-filles-qui-ne-se-laissent-pas-faire-mais-en-vrai-elles-sont-toutes-douces-et-émotives. Leurs motivations sont différentes, leurs interventions variées, la psychologie fouillée (il y a de réguliers flash back pour en apprendre plus sur chacune d’elles).
De plus, si certaines enquêtes (notamment au début de la première saison) sont très classiques, avec des dénouvements prévisibles, le topo général permet de s’affranchir de certains clichés, ou en tout cas de jouer avec eux : comme on ne sait pas si la personne d’intérêt est coupable ou victime (voire les deux en même temps), lorsqu’il s’agit d’une femme, les pistes sont brouillées et, je pense, s’éloignent souvent des stéréotypes sexistes tels que ceux évoqués régulièrement sur ce site.
YaelInvitéJe trouvais effectivement le personnage de Carter intéressant.
Par contre les personnages de Shaw et de l’ex-coéquipière de Reese m’ont beaucoup gênée. Ce sont deux femmes « nettoyeuses » qui ont chacune un coéquipier et j’ai été frappée par le fait qu’alors que dans les deux situations, le coéquipier se posait des questions morales, n’étaient pas dans l’exécution aveugle, toutes les deux étaient présentées comme des machines obéissantes. La coéquipière de Reese n’aurait pas hésité à le tuer quand on lui en a donné l’ordre alors qu’on voit que c’est un dilemme moral pour Reese et qu’on le voit dans des flashback désobéir quand il est sûr que la personne à éliminer est innocente. Quant à Shaw, ce n’est que parce que ses employeurs tentent de la tuer qu’elle se retourne contre eux et elle est présentée comme une personne « anormale » (même si elle n’est pas totalement insensible).En outre, à part la question du féminisme, il y a quand même beaucoup à dire sur la présentation de l’usage de la surveillance généralisée qui rejoint un peu ce qui est évoqué dans le deuxième Batman de Nolan (je crois d’ailleurs que c’est le frère de Nolan qui a créé Person of interest) sur la bonne surveillance quand elle est entre de « bonnes mains » en opposition à une mauvaise surveillance sans qu’il y ait de réelle remise en question de cette surveillance… D’ailleurs les opposants à celle-ci sont présentés comme des militants fanatiques et au final instrumentalisés par des gens qui veulent instaurer une quasi-dictature bien plus violente… ce en quoi cela m’a aussi évoqué le Batman de Nolan (cette fois, le troisième opus) avec les tribunaux du comité de salut public.
TimInvitéJ’ai l’impression, à voir le début de la saison 3, que le personnage de Shaw va être un peu plus creusé (et qu’on va en apprendre plus sur elle et son passé). A voir donc si elle est autre chose qu’un personnage catalogué « anormale insensible » !
Mais pour la coéquipière de Reese, justement : j’aurais tendance à penser que ça prend à contrepied les personnages de « femme forte » qui finalement ont un moment de faiblesse dû à leurs émotions (et, sous-entendu, à leur féminité), alors qu’ici c’est l’homme qui hésite et se pose un cas de conscience.
Et sinon, oui, il y a tout le débat sur la surveillance, même si du coup ce n’est pas celui que je voulais discuter dans le cadre de ce site ; mais on peut en parler tout de même 😀 Un des points qui m’interpelle, c’est le fait que tout soit automatisé par la machine : personne d’humain « n’espionne » vraiment les citoyens, ce n’est qu’un programme qui compile toutes les données, un peu comme Google regarde notre historique pour en déduire des pubs ciblés et adapter les résultats de recherche. Est-ce déontologiquement plus acceptable d’être surveillé par une machine qui ne nous juge pas que par quelqu’un physiquement derrière un écran qui regarderait notre historique web à notre insu ?
YaelInvitéLa question est d’être surveillé tout court. La machine a toutes les données sur tous les individus et on est quand même à la limite d’un monde à la Minority report où on anticipe les crimes avant qu’ils ne soient commis. Là c’est axé sur le fait de sauver des gens et non pour en condamner d’autres, mais on voit bien que dans l’ancien travail de Shaw notamment, la frontière était bien plus floue.
Harold a semble-t-il créer une machine « inviolable » où les données sont complètement secrètes, mais il n’en reste pas moins que la surveillance et les écoutes pratiquées sont une atteinte aux libertés. La seule chose qui protège les citoyens face à l’arbitraire que pourrait pratiquer le gouvernement avec ce pouvoir repose sur la seule moralité du créateur et de la créature (Harold et la machine). Je vous laisse voir la suite car cette notion va se préciser sans pour autant être remise en question dans son fondement même, à savoir : est-il justifié d’espionner tous les citoyens pour les protéger ?YaelInvitéMince, j’ai posté deux fois la réponse et je n’avais pas fini.
Concernant la coéquipière de Reese, je ne suis pas convaincue, car le dispositif narratif nous met en empathie avec Reese et non pas avec elle… Il me semble en outre significatif que nous n’arrivions tous deux pas à nous rappeler son prénom.ArrowayInvitéJ’ai commencé à regarder le premier épisode, mais j’ai beaucoup de mal, pour l’instant, pas grand-chose de nouveau (ce qui rejoint ce que l’on t’a dit, Paul). Le concept sur la surveillance, qui n’a pas l’air d’être remis en cause dans son principe, est assez puant et fait écho à pas mal de choses comme :
* La surveillance généralisée, B. Bayart : https://www.youtube.com/watch?v=2mBvWOFaD8M
* Le Panoptique : https://fr.wikipedia.org/wiki/Panoptique
* Un article assez détaillé sur la machine de la série en elle-même qui met en lumière les limites du concept : https://interstices.info/jcms/nn_73513/person-of-interest-la-surveillance-des-donnees-individuelles-pour-anticiper-les-crimesD’un point de vue genré, le pitch de départ est un grand classique : l’alliance du cerveau et des muscles, l’homme désespéré parce qu’il a pas pu sauver sa copine mais à qui on offre l’occasion de sauver une autre femme pour se remettre en selle (même si elle s’avèrera ne pas être la victime), la policière qui n’est pas bête mais a un cran de retard.
TimInvitéPas sûr qu’elle ait toujours un cran de retard 😀 (mais ne spoilons pas ^^)
C’est vrai que le fait qu’on ne se souvienne pas spontanément du nom de la coéquipière peut être révélateur. A y réfléchir, elle apparaît en fait plus comme élément perturbateur que comme un vrai protagoniste…
Pour ce qui est de la surveillance, j’ai déjà évoqué l’analogie avec le traitement des données utilisateurs par des entreprises type google, et je voudrais raconter une anecdote : j’apprécie grandement un manga/anime assez peu connu, au point d’en avoir rejoint la page facebook lorsque je m’y suis inscrit il y a un moment. A l’époque, le seul moyen de voir cet anime était par streaming de mauvaise qualité ; mais bien des années après, un coffret DVD est finalement sorti en France. Qu’est-ce qui m’en a informé ? Une pub ciblée sur Facebook. Et, oui, sur ce, j’ai commandé les DVDs, en cliquant sur la pub ciblée. Non, l’idée de vendre mon âme à Google ou Facebook ne me plaît pas du tout, et oui, l’utilisation qu’ils peuvent faire de mes données plus ou moins à mon insu et plus ou moins légalement me gène. Mais sans ce traitement automatisé et personnalisé, je n’aurais probablement jamais eu l’occasion de prendre mon pied devant une version HD de cet anime.
J’ai un peu la même opinion pour la surveillance généralisée : le concept est horrifiant, mais si on se base sur la machine de la série, elle ne semble pas foncièrement limiter les libertés. Puisque tout est automatisé et géré par la machine, être surveillé (par elle) n’entraînera pas qu’on nous fera chanter pour une tromperie, qu’un employeur nous stalkera ou qu’on recevra un lettre d’Hadopi. On peut continuer à agir parfaitement normalement, et l’on est inquiété que lorsqu’il y a un risque pour la vie d’une personne.
Mais ceci est une joyeuse utopie, avec l’hypothèse que le créateur du dispositif a réellement verrouillé le système \o/ C’est un peu comme un médoc : il faut étudier le ratio bénéfice/risque mais aussi espérer que le labo n’est pas juste crapuleux…
Autre sujet : ce qui me gênait au début de la série, c’était plus l’aspect « Batman » de Reese-je-ne-tire-que-dans-les-pieds, ainsi que « je m’en fous je mets pas de cagoule et je laisse mes empreintes partout ». Pour tout ce qui concerne la machine, je dois avouer que c’est surtout l’aspect SF-geek et les fantasmes techniques qui m’accrochent.
TimInvitéArroway, tes liens sont très intéressants ! Celui de Interstices, quand il analyse la crédibilité de la machine, me fait penser qu’à ce niveau le débat est ailleurs. A mon sens, ce qui fait qu’une telle machine ne pourrait pas réellement exister à l’heure actuelle, ce sont tous les aspects où un humain est indispensable, notamment lorsqu’il faut détecter les nuances de langage (ce qu’elle fait : dans le générique, on la voit juger non pertinente la phrase « I would kill for that job »). Donc le verrou devient celui de l’intelligence artificielle, thème qui semble d’ailleurs se développer peu à peu dans la série.
ArrowayInvitéJ’ai un peu la même opinion pour la surveillance généralisée : le concept est horrifiant, mais si on se base sur la machine de la série, elle ne semble pas foncièrement limiter les libertés. Puisque tout est automatisé et géré par la machine, être surveillé (par elle) n’entraînera pas qu’on nous fera chanter pour une tromperie, qu’un employeur nous stalkera ou qu’on recevra un lettre d’Hadopi. On peut continuer à agir parfaitement normalement, et l’on est inquiété que lorsqu’il y a un risque pour la vie d’une personne.
Mais ceci est une joyeuse utopie, avec l’hypothèse que le créateur du dispositif a réellement verrouillé le système \o/ C’est un peu comme un médoc : il faut étudier le ratio bénéfice/risque mais aussi espérer que le labo n’est pas juste crapuleux…
Il est aujourd’hui impossible d’assurer, en pratique comme en théorie, qu’un système informatique soit sécurisé à 100%. Il y aura toujours une part de risque que les données soient volées, que le système soit piraté, etc.
J’ai vraiment l’impression que ce genre de séries est là pour nous habituer à nous faire à l’idée que la surveillance, ça ne change rien à nos vies et que c’est inoffensif et/ou pour notre bien. Sauf qu’en réalité, c’est totalement mystificateur. Ne serait-ce que le personnage du multi-millionnaire philanthrope : comme si de nos jours, les gens qui font fortune ont tous des méthodes et des valeurs d’altruisme auxquelles on peut faire confiance, parce qu’ils ne veulent que le bien de l’humanité.
TimInvitéCe sera intéressant de voir si cet aspect de multimillionnaire bienveillant, et de machine inviolable, perdurent par la suite ; ce ne sont pas des spoilers, juste des doutes que j’émets suite à quelques indices.
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