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#34255
Douffie Shprinzel
Invité

Je réagis juste Gentleman’s Agreement de Elia Kazan […] le fait que le film nous fasse avaler qu’un type qui n’est pas juif puisse avoir une expérience profonde de l’antisémitisme en se faisant passer pour juif pendant 3 semaines…

Ah c’est ce film, je n’avais pas reconnu !

Bon je viens de perdre une longue réponse fouillie par accident d’ordinateur. Ca m’énerve.

Condoléances ^^

– Peut-être que la frontière est floue entre « stratégie pour anticiper des insultes » et « défense spontanée de son identité et de sa culture ».
[…]
>>> Du coup je me demande si chercher dans A Serious Man s’il s’agit soit d’une appropriation de clichés antisémites ou soit simplement un récit subjectif de la culture propre des frères Coen n’est pas un peu vain …

Je suis d’accord que les frontières sont floues, mais je ne dirais pas que c’est vain de chercher à faire la part des choses, puisqu’il ne s’agit pas de départager artificiellement quelque chose d’emmêlé, mais justement de montrer comment même des éléments positifs, qui nous paraissent aller à l’encontre de l’antisémitisme (ou d’une autre oppression), sont facilement récupérés.

peut-être que si la réappropriation de telle ou telle caractéristique attribuée par l’oppresseur ou d’insulte peut être vouée à l’échec si c’est une stratégie justement. […] Mais si c’est authentique, c’est de la vraie affirmation et revendication, même de clichés racistes, ça attaque le patriarcat.

(tu voulais dire « sexistes » à la place de « racistes » j’imagine ?)

Mais comment tu fais la différence entre une stratégie et quelque chose d’authentique ? Tu peux sûrement trouver deux exemples-type « extrêmes » mais souvent la frontière est floue.

Je crois que le patriarcat (et les autres systèmes de domination) veut avant tout que tu intériorises la domination, pas que tu l’affirmes.

Je pense que le patriarcat « veut » avant tout continuer de perdurer et qu’il s’accommode très bien d’un grand nombre de choses. C’est pour ça que je parle de dynamisme, du fait que le féminisme doit tout le temps s’actualiser. Le patriarcat, lui, intègre sans problème nombre d’éléments féministes à sa sauce.

[TW viol]
Je me rappelle une discussion que j’avais eu avec une pote féministe. On parlait des viols en milieu féministe, et on était en train de déprimer de la fréquence monstrueuse à laquelle l’une de nous était agressée sexuellement ou violée, y compris par des mecs trop cool trop pro-féministes. Moi ça m’est arrivé, un mec trop bien déconstruit m’a violée, ainsi qu’une bonne dizaine d’autres meufs, comme je l’ai appris plus tard (et probablement bien d’autres femmes). Comme il maîtrisait le vocabulaire féministe, il avait un discours aussi subtil que gerbant. Il dissertait ainsi sur le fait qu’il attendait toujours un « oui » et c’est vrai, sauf qu’il l’obtenait par manipulation, pression, insistance, menaces. Quand on lui disait qu’un « oui » obtenu par de tels procédés n’en était pas un, il partait en envolées lyriques sur est-ce qu’un consentement est possible en contexte patriarcal, comment c’est triste et navrant de voir à quel point le cerveau des femmes a été lavé, que « oui » et « non » ne veulent plus rien dire, et que face à ces dégâts, la meilleure chose qu’il puisse faire en temps qu’allié, pour respecter les femmes, les traiter en adultes, c’était de les croire sur parole quand elles disent « oui ». Face à une telle avalanche constituée d’éléments proches de ce que moi j’ai pu dire si on les prend séparément ou dans d’autres contextes, avec la pote féministe dont je parlais plus haut, on a fini par exploser de rire, nerveusement. « T’as l’impression de leur avoir préparé le boulot, genre tu coupes les petits légumes et ils les font cuire », qu’on disait. Mais c’est exactement ça. La prochaine fois, je ne sais pas quelle forme ça prendra, peut-être ce que j’écris maintenant sera utilisé.

Donc mon idée c’est que la questions centrale c’est extérioriser son identité et sa domination. Et que les bases sur laquelle cela se fait (parfois des clichés racistes intégrés), c’est peut-être secondaire.

Oui, je suis d’accord, mais justement, la question c’est : est-ce que ce qui est exprimé, que ce soit des clichés réutilisés ou n’importe quoi, fait bien ce qu’on aimerait que ça fasse, à savoir mettre en avant la domination pour ce qu’elle est ?

Sur la haine de soi, de sa propre identité ça existe bien sur, mais c’est un truc individuel à discutailler avec son psy. Mais comme phénomène social, politique, non je pense que ça ne peut pas exister.

Je ne crois pas que ça soit juste individuel, je pense que ça fait partie des « stratégies » de maintien de la domination. Les dominé.e.s doivent choisir entre être ouvertement en opposition avec tout ce que ça a d’épuisant et de dangereux, ou de s’accommoder de leur sort en se disant qu’il est un peu justifié, au fond. On est dans les injonctions contradictoires, en fait. Ça me fait aussi penser aux stratégies de division, le bon opprimé, le mauvais opprimé. (Bon là je parle des dominations en général mais il y a quand même vachement de différences entre le sexisme, le racisme, le capitalisme, etc…)

Un groupe ne peut pas se détester lui même. Et si c’était le cas, où serait le problème d’ailleurs ?

Sur le sexisme, par exemple, ce que je connais le mieux, je pense qu’il y a beaucoup de misogynie intériorisée, ce qui n’empêche pas, ni l’exploitation et la souffrance, ni le sentiment de révolte, que ce dernier soit porté par d’autres femmes, ou que les deux se mélangent et cohabitent pour beaucoup de femmes.

Du coup politiquement je trouve cette idée dangereuse et inopérante…. Enfin je crois …non ?

Bien sûr, c’est quelque chose qui est très facilement récupéré, et même moi, en essayant de faire un travail féministe, ai peut-être tendance sans m’en rendre compte à faire porter la responsabilité aux femmes plus souvent qu’à leur tour.
Mais je pense que c’est quand même important de reconnaître que ça existe, si ça existe, ce que je pense.
Politiquement, il y a un intérêt à remettre les choses à l’endroit, rappeler qui sont les oppresseur.se.s et les opprimé.e.s, et bien sûr, le sexisme ce n’est pas la faute des femmes et minorités de genre, l’antisémitisme ce n’est pas la faute des juif.ve.s, ça mérite d’être répété souvent. Mais il ne faut pas non plus transformer les opprimé.e.s en victimes christiques, où on retombe dans quelque chose d’essentialisant.

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