Répondre à: Apprentie Réalisatrice/Scénariste recherche témoignages.

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milu
Invité

@Poppy: Hey, comment ça se passe l’écriture? T’as envie de faire un update de tes réflexions sur ces question de représentation? en tout cas ça a l’air très très chouette comme projet <3

@Izit & Dites Donc:
J’ajoute mon grain de sel 1 an après, mais l’un.e comme l’autre, voulez-vous nous dire qu’est-ce qui vous heurte personnellement dans ce que vous (Izit) appelez le « politiquement correct ». Il me semble que pour vous deux, la liberté de ton d’un.e créateur.ice est une valeur très importante, et peut-être vous vous êtes personnellement senti.es blessé.es par certaines critiques (par exemple sur ce site) d’oeuvres que vous avez aimées voire qui tiennent une place précieuse dans votre coeur de spectateur.ices. Si c’est le cas, on est d’accord sur les valeurs de fond, je pense.

Vous connaissez peut-être Anita Sarkeesian? De 2013 à 2017, cette Américaine a réalisé avec son asso Feminist Frequency une série de vidéos qui dénonçaient les clichés sexistes et misogynes dans les jeux vidéos, « Tropes vs Women » et expliquaient de façon pédagogique les problèmes que posaient les clichés en question. Elle n’a eu de cesse de répéter, dans ses videos, ses conférences, ses interviews, etc qu’elle faisait ce travail pour que l’industrie du jeu vidéo progresse car elle-même adore les jeux vidéos.

Ses vidéos, surtout les premières, ont été vues des millions de fois et ont eu un énorme retentissement dans la communauté des gamers (joueur.euses de jeux vidéos).

Avec quelques autres personnes (des femmes, surtout) qui publiaient le même genre de critiques depuis l’intérieur ou l’extérieur de l’industrie du jeu vidéo, elle a subi dès le lancement du crowdfunding pour sa série une campagne de harcèlement en ligne antiféministe extrêmement violente (menaces d’assassinat, appels au viol, divulgation de son adresse etc) qui a sérieusement affecté son équilibre mental. Les critiques les plus modérés l’accusaient de misandrie, d’appel à la censure (le fameux « politiquement correct ») ou de mépris ou condescendance envers les gamers, mais par rapport à la vague de haine, il y avait bien peu de débat posé et argumenté face à ses vidéos qui elles-mêmes étaient posées, argumentées, et certes revendicatrices mais jamais agressives ou désobligeantes envers les gamers ou l’industrie, justement.

Ces quelques années ont marqué un début de virage dans la représentation des femmes dans les jeux vidéos, et il est évident pour tout le monde que le travail d’Anita Sarkeesian est un des principaux facteurs qui ont contribué à ce changement. Il y a bien sûr encore beaucoup de progrès à faire, mais les choses ont commencé à changer dans le bon sens, et bien des tropes extrêmement récurrents il y a encore 5 ou 10 ans sont aujourd’hui quasi-impensables dans un jeu grand public.

On peut penser à de nombreux autres examples, depuis les lointains débuts de la pop culture, d’auteur.es qui écoutent les retours de leurs fans et notamment les critiques constructives, pour tenter d’améliorer leur oeuvre.

Tout ça pour dire, identifier des clichés (« tropes »), critiquer leur prévalence et leurs conséquences politiques et psychiques est bien souvent un acte d’amour pour un média, un genre, un.e artiste ou une oeuvre. La plupart du temps, il s’agit pas de limiter la créativité des artistes, mais TELLEMENT au contraire, c’est parce qu’on les aime, les admire, qu’on les trouve géniaux/géniales, qu’on souhaiterait qu’elles/ils fassent usage de leur créativité à bon escient, en prenant pleinement conscience de leur pouvoir culturel en tant qu’artistes (je n’ai pas besoin de citer Spiderman sur ce qu’implique un grand pouvoir je pense?!) en se posant sérieusement la question de comment éviter de répercuter des représentations nocives, et en écoutant celles et ceux qui pourraient se reconnaître dans leurs personnages.

Finalement, quand on accuse le fait de pointer les clichés du doigt d’être un frein à la créativité, j’ai parfois l’impression qu’on ne parle pas le même langage. Un cliché par définition c’est un lieu commun, c’est donc une paresse de l’esprit, une solution de facilité; soit précisément le contraire du génie créateur et de l’innovation. C’est aussi une représentation courante, commune d’un type de personne, ça fait partie de la conscience collective— donc c’est également le contraire de l’expression radicale, transgressive, poétique, inédite d’une individualité qui s’exprimerait dans la création. Bon, je suis assez méfiant personnellement de l’idée du génie solitaire de toute façon, mais soyons clair, créer une oeuvre pleine de clichés faciles (pléonasme) ça n’est pas du génie, ça n’est vraiment pas très créatif, et ça n’est en aucun cas subversif!

Ce qui est: chouette, excitant, subversif, poétique, touchant etc. dans une oeuvre, à mon sens, c’est ce qui ne fait pas appel à des clichés, qui sort des sentiers battus, c’est ce qui est nouveau, c’est ce-qui-n’avait-jamais-été-dit-exactement-comme-ça, c’est des associations d’idées à la fois choquantes ou perturbantes, mais aussi profondément parlantes… Bref! Tous ces clichés, prenons-les et balançons-les une bonne fois pour toute sur la Place des Clichés sérieux!!

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