Répondre à: Mademoiselle de Park Chan-wook vs. Du Bout des doigts de Sarah Waters (spoilers)

Accueil Forums Le coin pop-corn Films Mademoiselle de Park Chan-wook vs. Du Bout des doigts de Sarah Waters (spoilers) Répondre à: Mademoiselle de Park Chan-wook vs. Du Bout des doigts de Sarah Waters (spoilers)

#34929
Arroway
Invité

J’ai pris un peu de temps pour répondre, je n’ai pas eu le temps plus tôt dans la semaine.


Par ailleurs merci beaucoup pour l’article de Shannon Keating il est super intéressant et bien écrit, et ça va grandement me faciliter la tâche pour te répondre! (Par contre je trouve ça pas mal d’avertir que c’est en anglais, enfin c’est pas comme si c’était fatigant d’ouvrir un lien et de voir bien sûr, mais ça me gêne qu’on parte plutôt du principe que ça va de soi que les lecteurices auront pas de souci de compréhension)

Ouais, t’as raison. C’est pour ça qu’on traduit au maximum dans les articles, mais quand c’est en commentaires ou sur le forum, je vais souvent vite pour trouver des articles ressources, et bien souvent c’est en anglais…:/ Je note de prévenir plus systématiquement la langue.

Ha si quand même, le côté « j’ai lu tous les bouquins de fantasmes masculins sur le sexe lesbien, donc non seulement je ne suis pas « candide » (ça ok) mais en fait j’ai direct toutes les clés en mains pour que la première fois que je fais l’amour avec une meuf ça soit de la gymnastique orgasmique de haut vol, passé un petit moment de gêne/découverte au début plutôt mignon (que j’ai trouvé zarbi également mais bref)… Ce serait pour moi beaucoup plus sexy si les persos prenaient du temps pour apprivoiser cette relation toute naissante; mais ce serait certes moins « spectaculaire » -> la mise en scène spéciale male gaze exige qu’on perde pas de temps avec de la timidité, de la gêne, des lenteurs, etc. faut du show.

Je vois ce que tu veux dire. Ca me fait penser au film Barash qui est très très bien de ce point de vue là : la première scène de sexe avec une fille de l’héroïne, on la voit hésiter, rire parce qu’elle est gênée, etc. C’est très « frais ».

Je comprend les arguments sur tout le côté « male gaze » (surtout sur la scène finale qu’il est difficile de sauver). En prenant du recul, je ne peux qu’être d’accord, ça m’a convaincu 🙂
Le film mêle des scènes très cools, et d’autres moins de ce point de vue-là, ce qui fait qu’on peut toujours se rattacher aux premières pour recontextualiser les deuxièmes pour en, hum, « profiter » en tant que spectateurice.

Sur la question du travestissement :

Mais dès qu’elles sont en mer la moustache collée jarte et dès qu’elles se retrouvent dans la cabine Hideko enlève son chapeau et révèle qu’elle a toujours ses longs cheveux, alors que ça aurait pu être stylé qu’elle les ait coupés, non?? et si elle avait gardé sa moustache là ça aurait été tellement sexy enfin bref, après ça c’est mes fantasmes à moi, mais juste quelque chose de pas clicheton ça m’aurait déjà tellement plu
Bref, avec ce travestissement y avait une opportunité parfaite pour ne pas retomber dans les clichés sur la vision hyper cliché du lesbianisme érotique/porno typique « pour mecs hétéros », où les deux femmes sont hyper « féminines » (c’est pour ça que je précisait que les gémissements étaient « très féminins », ceci sans aucune dévalorisation des caractéristiques dites « féminines »! mais c’est juste toujours pareil, c’est ennuyeux quoi!), ont des corps normés, des visages très fins, les cheveux longs, les ongles manucurés, les aisselles épilées etc. Et juste, on aurait pu avoir des persos aux physiques un peu plus hors-norme peut-être? grosses, grandes, handi??! allez rêve toujours.

Oui, c’est sûr pour les physiques très féminins, minces, valides, etc des actrices. Et je suis d’accord aussi que ça participe à cette esthétique lesbienne pour mecs hétéros. Après, pour le côté cliché ou pas cliché de ne pas avoir garder la moustache et les cheveux courts, je ne sais pas. Je pense que ce film n’est pas un bon « cadre » pour réfléchir dessus, parce qu’il ne se pose pas vraiment la question du genre. Déjà, perso, c’est Sook-Hee que j’aurai travesti en homme plutôt que Hideko, car du point de vue d’une dynamique «butch-fem », c’était elle qui collait le plus avec le côté « butch » (dans le cas où on souhaite réfléchir en ces termes de butch-fem, ce qui n’est pas le cas de tout le monde). Ensuite, venant d’un réal mec hétero, on aurait reproché au film qu’il cherchait à recoller à un modèle hétérosexuel, ou à reconduire un fantasme, et ça aurait été difficile de le défendre parce que il n’y a vraiment aucun contenu dans son film qui questionne le rapport au genre des héroïnes (ou en tout cas je l’ai pas vu). Du coup, je pense qu’il a eu raison d’évacuer la question du travestissement. Mais c’est directement lié à d’autres faiblesses de son film sur les points que tu cites (physique des actrices).

C’est cette idée de « vraie-fausse » dénonciation du pouvoir-regard: celui de l’oncle est représenté comme d’une misogynie crasse, il est pathétique et voué à l’échec. Le pouvoir-regard de Park en revanche, prétendument « féministe » (il comprend les femmes, lui…), superficiellement complice de l’émancipation de Sookee et Hideko, n’est du coup jamais dénoncé ou questionné. Il peut du coup s’en donner à coeur joie dans la mise en scène voyeuriste et complaisante. Le spectateur ne s’identifie jamais à l’oncle, ridiculisé dès le début. Ni a Fujiwara, intrigant auquel on ne peut pas se fier. En revanche on peut « s’identifier », se sentir à l’aise à habiter ce regard « bienveillant » (beurk) et extérieur, celui du réalisateur, de fait.

Je trouve cette thèse intéressante. J’aurais envie d’aller vérifier un peu le background de Park avant de m’avancer pour dénoncer son féminisme comme étant « faux », au moins pour trouver des arguments pour étayer cette idée. Mais sur le reste, je trouve que c’est très bien vu. Merci d’avoir partagé.

Commentaires clos