Mademoiselle de Park Chan-wook vs. Du Bout des doigts de Sarah Waters (spoilers)

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  • Ce sujet contient 15 réponses, 2 ps. et a été mis à jour pour la dernière fois par Mozza, le Il y a 6 années, 2 mois.
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  • #34852 Répondre
    milù
    Invité

    Bonjour à toutes! (féminin neutre, parce que, pourquoi pas)

    Je viens d’aller voir Mademoiselle, du réalisateur Sud-coréen Park Chan-wook (OldBoy, Lady Vengeance pour ceux que j’ai vus). Ce film est adapté de « Du Bout des doigts » de la romancière britannique Sarah Waters.
    Je vais rapporter mes impressions sur ce film au cas où ça pourrait intéresser des gentes que ça pourrait intéresser à part moi 🙂
    et j’attends avec beaucoup d’intérêt vos réactions.

    AVANT DE ME METTRE À SPOILER:
    je n’ai vraiment pas beaucoup aimé ce film.
    je ne le recommande pas du tout à celles qui auraient kiffé le roman de Sarah Waters et qui espère en trouver une adaptation fidèle à l’esprit. Celle de la BBC est beaucoup mieux, mais en mode très fidèle (sur la forme comme sur le fond). Celle de Park Chan-wook est située dans un autre espace-temps, et s’écarte complètement de la trame du roman aux 2/3 du film environ, ce qui est chouette et intéressant; mais franchement le résultat est, pour moi, sans intérêt (autre que de trasher un film, ce que j’aime assez faire donc attention, c’est parti hi hi)

    En revanche les fans de Park Chan-wook, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise, vous ne serez pas dépaysées…

    ATTENTION A PARTIR D’ICI IL VA Y AVOIR DES SPOILERS. (que pour le film, je ne spoilerai pas ce que le film n’exploite pas dans le roman.)

    NB: la transidentité étant inexistante dans ce film je ferai l’économie du suffixe « cis » après homme/femme, j’espère ne blesser personne…

    Bon, alors j’avoue, j’ai été voir ce film doublement dubitatif— en tant que lecteur du roman (que j’adoooore <3) j’avais peur d’être déçu; et en plus j’ai vraiment pas aimé les 2 films que j’ai vu de ce réalisateur. Mais voilà, une adaptation de Sarah Waters, j’étais trop curieux pour rater ça.

    Et en effet j’ai pas été déçue niveau déception. Enfin, en vrai c’est pas tant de la déception qu’un mélange d’irritation et de bon gros fou-rire que j’ai sentis monter au fur et à mesure du film.

    en quelques points où je vais tenter de ne pas m’étaler (je le ferai si on m’y incite un tant soit peu 🙂 EDIT: bel échec de non-étalage. désoléééé

    * une sexualité lesbienne (à mon sens, mais je ne suis pas le mieux placé pour en parler) représentée en mode totale complaisance au male gaze (regard masculin hétérosexuel) = gros malaise perso, mais les retours de spectatrices (en particulier concernées en tant que lesbiennes/bi/pan ou simplement ) m’intéressent!

    * c’est super hypocrite parce que à côté de ça, dans la scène de destruction des livres porno, le film semble dénoncer/ridiculiser la « perversion » qui consiste à être excité par des lectures et images pornographiques…

    * Pour bien insister sur ce double standard (le réal se kiffe en faisant ce qu’il reproche à ses personnages masculins) la scène de sexe finale est une reproduction assez explicite d’une scène lesbienne lue par Hideko pour le public de son oncle dans un des livres porno dont on peut supposer qu’il est écrit par un homme hétéro pour un public d’hommes hétéros.

    * sommet d’hypocrisie donc… ou bien (remarque de ma pote de séance que je trouve pertinente) jeu de mise en abîme ironique ou plutôt super cynique, où le réal se représente ou s’identifie au vieil oncle, mais en version beaucoup plus « classe »: comme lui, il a plein de pouvoir, notamment matériel (de la thune) et symbolique: l’oncle est vu comme un patriarche hyper cultivé, célèbre et richissime bibliophile, très pointu dans son domaine avec une collec’ de ouf; le réal de son côté est comme chacune le sait, connu et adulé du pseudo-underground cinéphile du monde entier, et en particulier cannois, pour avoir contribué, avec Tarantino et consorts, à styliser et dépolitiser la violence la plus crue; on peut supposer que ça doit être tellement la classe de participer à ses films que, pour les comédiennes, il devait être difficile de refuser ou négocier les scènes, notamment de sexe très explicites et pas spécialement valorisantes (objectification+++). À noter que ceci est une supposition qui mérite d’être nuancée ou contestée, peut-être que des personnes plus au fait du tournage pourront me dire que les comédiennes sont elles même à l’initiative des scènes de sexe par exemple etc. J’en doute, mais si c’était le cas ça pourrait être du fait qu’elles anticipent le male gaze qui existe de toutes façons et qui conditionne la réception critique du film. Et ça ne change rien à l’effet que me semble avoir le film: renforcer des tropes genrés sexistes et lesbophobes (?).

    Il se distingue en revanche de son personnage parce que:
    1/ l’oncle est ridicule avec ses vieux bouquins et son obsession qui est en fin de compte impuissante (sa nièce lui échappe et il meurt sans avoir réalisé ce désir qui l’obsède: s’entendre narrer sa nuit de noce par Fujiwara). Alors que Park Chan-wook, lui, accomplit « réellement » ses fantasmes de mec hétéro plutôt que de se contenter de bander sur des récits écrits par d’autres: objectifier à outrance deux jeunes femmes « belles » (selon les canons aphrodistes).
    2/ l’oncle est obligé, pour se faire obéir de sa femme et sa nièce, d’avoir recours à son pouvoir légal (tuteur légal, il a tout pouvoir sur elles et menace de les faire interner) et de violence physique (coups, menace de mort, et assassinat pur et simple dans le cas de sa femme), ce qui est clairement « pas classe » (bouh le vilain misogyne), alors que Park lui n’a qu’à (on imagine) allonger les biftons, et exiger ce qu’il veut de ses comédien-ne-s. pas besoin d’être vulgairement violent.

    Il y a une scène très éloquente si on l’interprète dans ce sens: Hideko lit lors d’une séance privée offerte par son oncle à ses clients une scène de sexe sadomaso. La caméra s’arrête sur les visages aux rictus d’excitation des auditeurs. Leur plaisir « imaginaire » me semble ici ridiculisé. Ensuite l’image montre ce qui occupe leurs fantasmes: le corps de Hideko (qui dans la salle de lecture apparaît « inaccessible » sexuellement, se maintient très droite, habillée de façon très pudique) qu’on voit ici nue, attachée, fouettée puis fouettant. Autrement dit: ces hommes sont impuissants, leur plaisir est virtuel et par procuration, ce qui est ridicule (pas très « viril », peut-être?); mais Park Chan-Wook lui ne se contentera pas de cette chaste évocation (celle du texte lu à haute voix), et en faisant mine de ne faire que « représenter des fantasmes », les réalise: il dénude et dirige selon son bon vouloir la comédienne Kim Min-Hee.

    Bref, si c’est bien le cas et que, de façon super ironique et subtile (¬_¬), il joue à mettre en scène et à condamner pour de vrai-faux le pouvoir énorme qu’il possède en tant que réalisateur pété de thunes et tellement reconnu que personne ne va oser être la première à l’ouvrir pour le critiquer, c’est juste malsain à souhait (mais si je comprends bien, plutôt il s’en vante, en fait. « ouais j’suis trop creepy et tout le monde me kiffe quand même. vive moi »)

    * ensuite sans trop rentrer dans les détails, le film fait quasiment l’impasse sur la violence de l’hôpital psychiatrique au Japon du début 20e (qui est amplement documentée et représentée pour son équivalent britannique fin 19e dans le roman de Sarah Waters) de même que sur la misère de la famille de Sookee (qui risquent la pendaison tous les jours quand même, donc on peut s’imaginer que comme son équivalente dans le roman elle roule pas sur l’opulence) et la brutalité de la condition de domestique. Plus largement le discours de Waters sur la condition de classe de Sookee et la difficulté à dépasser cette condition (c’est un des axes majeurs du livre) est complètement zappé. comme si l’amûûûr abolissait tous les obstacles (oui j’ai trouvé le film un tout petit peu assez très naïf)

    * un point intéressant tout de même (je n’ose pas dire positif parce que je manque totalement des données historiques et culturelles pour me prononcer) c’est donc la transposition de l’histoire dans la Corée colonisée par le Japon des années 30. Ce rapport colonial semble être un peu plus exploré pour le coup que la dimension de classes sociales, mais je ne peux pas me prononcer plus que ça. Si d’autres personnes qui connaissent mieux le contexte veulent parler de son traitement par le film, ça m’intéresse d’avoir des avis!

    * Les personnages féminins ont très peu d’épaisseur selon moi; même si ce sont les héroïnes, elles sont surtout objectifiées à longueur de film, tout ce qui semble compter c’est leur relation amoureuse (et surtout sexuelle en vrai) et leur rôle de porte-fantasme; sinon, elles servent de faire-valoir pour les deux personnages masculins qui pour le coup sont beaucoup plus « intéressants » (=super dégueu mais c’est toujours quelque chose).

    * la scène finale de torture-porn entre deux hommes, espèce de duel viril catégorie concours de l’ordure la plus décadente, avec pénétration à la perceuse s’il vous plaît et cette réplique ahurissante quand même: « au moins je mourrai avec ma bite entière »… très déplaisante pour moi, mais bref. peut-être que d’autres y trouvent du sens. Mais j’sais pas, j’ai envie de lui dire, Chan-wook, sérieux. cesse de te voiler la face. Tu aimes les hommes. Tu les trouves intéressants, tu aimes qu’ils se tournent autour, se lancent des regards éloquents et aient des dialogues intenses qui parlent souvent de sexe. Leur pénis est pour toi un aspect important du pouvoir que tu leur confères. Bref, tu veux pas arrêter avec les scènes de vengeance gore et plutôt montrer du sexe gay décomplexé et peut-être un peu BDSM?? 😀 (et au passage t’abstenir d’utiliser des persos féminins sans substance comme alibi?) Désolé mais j’ai trop l’impression que c’est du grand refoulement cette histoire. En vrai Fujiwara et l’oncle ont juste l’air de se trouver trop sulfureux l’un l’autre, à jouer au concours de qui c’est qu’à la plus grosse amoralité.

    * En fait les 2 scènes finales sont assez emblématiques.
    Dans l’une, les deux hommes se confrontent dans un jeu de pouvoir où celui qui possède une potentielle histoire de cul à raconter semble avoir l’ascendant sur celui qui tient le massicot et est en train de lui élaguer la main doigt par doigt; bref, des personnages très, hum, farfelus mais plein de ressources et d’inventivité dans le farfelisme, et dont les actions ne se résument pas à leur sensualité.
    Et dans l’autre, les deux femmes, après avoir il est vrai fait preuve d’audace et d’indépendance pour s’échapper (mais ça me semble très peu mis en valeur) (et franchement la fausse moustache c’est pas ouf transcendant narrativement comme stratagème) font du sexe super « esthétique » (dans une esthétique normée mainstream hétérosexiste s’entend) mettant en valeur leur corps parfaits et leurs petits gémissements très féminins en suivant un script écrit pour elles par un homme hétéro dans un livre porno. paie ta conclusion bébé.

    bref voilà, qu’en pensez-vous? J’espère ne pas avoir fait fuir toute personne potentiellement intéressée par ce film avec mon pavé indigeste. gloups

    NOTE: je crains qu’on trouve cette critique un peu « puritaine » ou sexe-négative, j’espère qu’on comprend que ce n’est pas le cas. (si besoin je peux citer plein de films montrant du sexe de façon que je considère chouette ou du moins intéressante et pas juste phallocrate ou cliché.) Je suis très critique ici parce que 1/ l’objectification pourquoi pas mais hey, c’est toujours les meufs aphrodisées qui sont objectifiées, ça fait d’une pierre deux injonctions (« sois belle » et « sois un objet »), et c’est relou, pour ne pas dire d’une violence qu’on trouverait hallucinante si elle n’était pas complètement banale et 2/ en plus là c’est adapté d’un roman lesbien que je trouve très powerful et dont il ressort de la bouillie pour male gaze cynique et péteuse, et ça m’énerve beaucoup. si vous aviez pas encore compris 😀

    #34857 Répondre
    Arroway
    Maître des clés

    Je n’ai pas lu le bouquin, donc je ne réagis qu’en fonction de ce que j’ai vu et perçu du film.

    * une sexualité lesbienne (à mon sens, mais je ne suis pas le mieux placé pour en parler) représentée en mode totale complaisance au male gaze (regard masculin hétérosexuel) = gros malaise perso, mais les retours de spectatrices (en particulier concernées en tant que lesbiennes/bi/pan ou simplement ) m’intéressent!
    Qu-est-ce qui vous amène à dire que c’est du male gaze ? J’ai trouvé au contraire que c’était hyper centrée sur les meufs, sur leur excitation à chacune et sur leur plaisir. La scène de sexe principale, celle de « l’initiation sexuelle », est doublement ironique. Le but est soit-disant de montrer ce que c’est du sexe hétéro avec coït à l’une des héroïnes, mais les codes sont tout à fait détournés : cuni plutôt que pénétration pénile, image centrée sur la langue Sook-hee qui fait que les spectateurices sont invité-e-s à s’identifier à Hideko qui va recevoir le plaisir. Autrement dit, on se centre sur les plaisirs des femmes, par des femmes. Et la deuxième ironie, c’est qu’en fait l’héroïne n’est pas cette « innocente » qui ne connaît rien au sexe, mais qui découvre quand même le plaisir dans un cadre lesbien, à l’opposé des lectures porno à destination des hommes. Une sorte de revanche, en somme.

    * Pour bien insister sur ce double standard (le réal se kiffe en faisant ce qu’il reproche à ses personnages masculins) la scène de sexe finale est une reproduction assez explicite d’une scène lesbienne lue par Hideko pour le public de son oncle dans un des livres porno dont on peut supposer qu’il est écrit par un homme hétéro pour un public d’hommes hétéros.
    * sommet d’hypocrisie donc… ou bien (remarque de ma pote de séance que je trouve pertinente) jeu de mise en abîme ironique ou plutôt super cynique, où le réal se représente ou s’identifie au vieil oncle, mais en version beaucoup plus « classe »: comme lui, il a plein de pouvoir, notamment matériel (de la thune) et symbolique: l’oncle est vu comme un patriarche hyper cultivé, célèbre et richissime bibliophile, très pointu dans son domaine avec une collec’ de ouf; le réal de son côté est comme chacune le sait, connu et adulé du pseudo-underground cinéphile du monde entier, et en particulier cannois, pour avoir contribué, avec Tarantino et consorts, à styliser et dépolitiser la violence la plus crue; on peut supposer que ça doit être tellement la classe de participer à ses films que, pour les comédiennes, il devait être difficile de refuser ou négocier les scènes, notamment de sexe très explicites et pas spécialement valorisantes (objectification+++). À noter que ceci est une supposition qui mérite d’être nuancée ou contestée, peut-être que des personnes plus au fait du tournage pourront me dire que les comédiennes sont elles même à l’initiative des scènes de sexe par exemple etc. J’en doute, mais si c’était le cas ça pourrait être du fait qu’elles anticipent le male gaze qui existe de toutes façons et qui conditionne la réception critique du film. Et ça ne change rien à l’effet que me semble avoir le film: renforcer des tropes genrés sexistes et lesbophobes (?).

    Je pense que la scène finale est un clin d’oeil. Et qu’il faut le recadrer dans son contexte : c’est le dénouement final du film où après avoir échappé à un vieux mec pervers qui, en quelque sorte, la prostituait de force, à un soit-disant « allié » qui a tenté de la violer, à la police et à l’institution psychiatrique, les deux héroïnes se retrouvent enfin ensemble. L’autre clin d’oeil, c’est que pour s’enfuir, elles se déguisent en couple hétéro (ou frère et sœur ? Je sais plus). En tout cas, il y en a une qui se travestit en mec, et c’est assez intéressant comment encore une fois, des codes masculins sont détournés au profit de l’émancipation des héroïnes.
    Il y a très peu de films autant distribués qui mettent en scène deux héroïnes lesbiennes qui s’allient pour s’ émanciper des hommes. Car finalement, contrairement à ce que laisse penser l’intrigue au début, ce n’est pas Fujiwara qui va être le sauveur d’aucune des deux femmes  et alors qu’au début il tente de les dresser l’une contre l’autre, cela échoue et se retourne contre lui.

    Il y a une scène très éloquente si on l’interprète dans ce sens: Hideko lit lors d’une séance privée offerte par son oncle à ses clients une scène de sexe sadomaso. La caméra s’arrête sur les visages aux rictus d’excitation des auditeurs. Leur plaisir « imaginaire » me semble ici ridiculisé. Ensuite l’image montre ce qui occupe leurs fantasmes: le corps de Hideko (qui dans la salle de lecture apparaît « inaccessible » sexuellement, se maintient très droite, habillée de façon très pudique) qu’on voit ici nue, attachée, fouettée puis fouettant. Autrement dit: ces hommes sont impuissants, leur plaisir est virtuel et par procuration, ce qui est ridicule (pas très « viril », peut-être?); mais Park Chan-Wook lui ne se contentera pas de cette chaste évocation (celle du texte lu à haute voix), et en faisant mine de ne faire que « représenter des fantasmes », les réalise: il dénude et dirige selon son bon vouloir la comédienne Kim Min-Hee.
    Bref, si c’est bien le cas et que, de façon super ironique et subtile (¬_¬), il joue à mettre en scène et à condamner pour de vrai-faux le pouvoir énorme qu’il possède en tant que réalisateur pété de thunes et tellement reconnu que personne ne va oser être la première à l’ouvrir pour le critiquer, c’est juste malsain à souhait (mais si je comprends bien, plutôt il s’en vante, en fait. « ouais j’suis trop creepy et tout le monde me kiffe quand même. vive moi »)

    J’ai l’impression en vous lisant que vous faites abstraction du déroulé de l’intrigue du film, et que du coup, à partir du moment où un mec film des scènes érotiques avec des femmes, c’est forcément problématique. Ces scènes de lecture montrent la violence abjecte exercée sur Hideko, la manière dont elle est objectifiée et fantasmée de manière soit-disant « propre et raffinée » par ses messieurs de haute classe qui collectionnent les livres. On pourrait penser que le film se complait là-dedans, mais selon moi ce qui renverse tout, c’est la scène où Sook-Hee et Hideko (encore une fois, une scène où elles s’allient et prennent soin l’une de l’autre) saccagent la bibliothèque. C’est une scène super puissante où des femmes lesbiennes se rebellent contre des siècles d’hétéropatriarcat (symbolisés par les livres) et contre le vieil oncle.

    * Les personnages féminins ont très peu d’épaisseur selon moi; même si ce sont les héroïnes, elles sont surtout objectifiées à longueur de film, tout ce qui semble compter c’est leur relation amoureuse (et surtout sexuelle en vrai) et leur rôle de porte-fantasme; sinon, elles servent de faire-valoir pour les deux personnages masculins qui pour le coup sont beaucoup plus « intéressants » (=super dégueu mais c’est toujours quelque chose).
    Je ne suis pas d’accord. D’abord parce que leur relation amoureuse (non, pas que sexuelle, il y a de nombreuses scènes qui montrent leur attirance, mais aussi les sentiments et le soin que Sook-Hee apportent à Hideko, sa jalousie envers Fujiwara, etc) est une relation entre femmes. Ensuite, parce que cette relation va être le moteur de leur émancipation mutuelle des hommes. Ensuite, si les mecs hétéros de la salle transposent leurs fantasmes sur les deux héroïnes, ça on n’y peut pas grand-chose. On va pas s’empêcher de montrer des scènes de sexe lesbien sous prétexte qu’à la vision du moindre sein dénudé, les hétéromecs s’excitent…

    * la scène finale de torture-porn entre deux hommes, espèce de duel viril catégorie concours de l’ordure la plus décadente, avec pénétration à la perceuse s’il vous plaît et cette réplique ahurissante quand même: « au moins je mourrai avec ma bite entière »… très déplaisante pour moi, mais bref. peut-être que d’autres y trouvent du sens. Mais j’sais pas, j’ai envie de lui dire, Chan-wook, sérieux. cesse de te voiler la face. Tu aimes les hommes. Tu les trouves intéressants, tu aimes qu’ils se tournent autour, se lancent des regards éloquents et aient des dialogues intenses qui parlent souvent de sexe. Leur pénis est pour toi un aspect important du pouvoir que tu leur confères. Bref, tu veux pas arrêter avec les scènes de vengeance gore et plutôt montrer du sexe gay décomplexé et peut-être un peu BDSM?? (et au passage t’abstenir d’utiliser des persos féminins sans substance comme alibi?) Désolé mais j’ai trop l’impression que c’est du grand refoulement cette histoire. En vrai Fujiwara et l’oncle ont juste l’air de se trouver trop sulfureux l’un l’autre, à jouer au concours de qui c’est qu’à la plus grosse amoralité.

    Je sais pas pour l’histoire du refoulement, mais la réplique « au moins je mourrai avec ma bite entière » est juste géniale (même si perso j’aurais pu me passer des scènes de torture que j’ai à peine pu regarder). Cette réplique, ça résume le coeur de la construction d’une certaine masculinité : qu’importe le reste, l’intrégrité et l’honneur restent intactent si la bitte l’est. On est quand même à un moment du film où Fukiwara a échoué dans son intrigue, a tenté de violer Hideko sans succès, et que l’objet de son « amour » s’est fait la malle avec une femme. Quelque part, il s’est déjà bien fait émasculé selon les termes de l’hétéropatriarcat. Cette scène finale illustre l’annihilation mutuelle des deux mecs dégueulasses du film, ce qui est assez intelligent puisqu’elle montre comment la violence patriarcale qui est exercée par les hommes se retournent aussi contre eux (ce qui évite au passage tous les problèmes que peuvent avoir les intrigues de « rape and revenge » où les héroïnes se vengent des hommes en utilisant cette même violence ; ici, ce n’est pas le cas, les hommes s’auto-détruisent).

    * En fait les 2 scènes finales sont assez emblématiques.
    Dans l’une, les deux hommes se confrontent dans un jeu de pouvoir où celui qui possède une potentielle histoire de cul à raconter semble avoir l’ascendant sur celui qui tient le massicot et est en train de lui élaguer la main doigt par doigt; bref, des personnages très, hum, farfelus mais plein de ressources et d’inventivité dans le farfelisme, et dont les actions ne se résument pas à leur sensualité.

    Oui, mais l’utilisation de cette histoire de cul de Fujiwara est précisément instrumentalisée pour amener le vieil oncle à sa perte : finalement, sa concupiscence et son voyeurisme, ce qui lui confèraient son statut social envers les autres hommes lors des soirées lectures qu’il organisait, provoquent sa mort puisqu’il ne voit pas venir le stratagème de Fujiwara qui le manipule.

    Et dans l’autre, les deux femmes, après avoir il est vrai fait preuve d’audace et d’indépendance pour s’échapper (mais ça me semble très peu mis en valeur) (et franchement la fausse moustache c’est pas ouf transcendant narrativement comme stratagème) font du sexe super « esthétique » (dans une esthétique normée mainstream hétérosexiste s’entend) mettant en valeur leur corps parfaits et leurs petits gémissements très féminins en suivant un script écrit pour elles par un homme hétéro dans un livre porno. paie ta conclusion bébé.

    C’est quoi pour vous les éléments de cette « esthétique normée mainstream hétérosexiste » qui sont présents dans cette scène finale ? Pourquoi sont gênants ces « petits gémissements très féminins » (et pourquoi c’est problématique que ça soit « très féminins ») ?

    #34861 Répondre
    Arroway
    Invité

    Cet article apporte des arguments intéressants. Je ne suis pas d’accord avec tout, mais je comprend et suis d’accord avec l’argumentation générale autour du male gaze, bien que des éléments du film et d’autres éléments extérieurs m’amènent à une conclusion différente :

    https://www.buzzfeed.com/shannonkeating/the-handmaiden-and-lesbian-sex-scenes?utm_term=.qsPQRqAxPr#.ehwP2gp8Mx

    #34872 Répondre
    milù
    Invité

    Wah merci de ta réponse hyper riche et attentionnée Arroway!
    C’est toujours super chouette de lire tes interventions sur ces forums et dans les commentaires, j’en profite pour te remercier pour la patience et la minutie dont tu fais preuve à chaque fois!

    Je me sens un peu débile à côté avec ma virulence exagérée, c’était un peu pour rigoler je crois, mais c’était pas très malin. J’espère que ça t’a pas trop agacée ou saoûlée, une telle ardeur à trasher c’est un peu destructeur et pas très utile. Bon j’imagine que toi tu es assez aguerrie de ce côté là, mais je demande pardon aux personnes qui auraient pu être blessées qu’on traite ce film qu’elles ont peut être beaucoup apprécié avec autant d’agressivité et de désinvolture. Ça représentait plutôt un état momentané juste post-séance, là je me suis bien calmée et je suis en mesure de considérer des avis divergents.

    Par ailleurs merci beaucoup pour l’article de Shannon Keating il est super intéressant et bien écrit, et ça va grandement me faciliter la tâche pour te répondre! (Par contre je trouve ça pas mal d’avertir que c’est en anglais, enfin c’est pas comme si c’était fatigant d’ouvrir un lien et de voir bien sûr, mais ça me gêne qu’on parte plutôt du principe que ça va de soi que les lecteurices auront pas de souci de compréhension)

    En effet, pas mal de ce que j’avançais était de l’ordre du ressenti assez brut, et j’aurais eu beaucoup de mal à l’exposer en des termes aussi précis et classe que Keating, mais ça exprime très bien beaucoup de choses que j’ai ressenties et tenté de transmettre dans le post #1. En plus il semblerait qu’elle soit la LGBT Editor de BuzzFeed, autrement dit, elle a une certaine expérience d’analyse des représentations lesbiennes dans la culture populaire.

    Bon avant de me mette à pomper éhontément son article pour soutenir mes propres ressentis, en ce qui me concerne je dois plaider complètement coupable de l’accusation de fan du bouquin (presque) inévitablement déçue par le film. Il y a en effet énormément de trucs cool dans le film, y compris certains éléments qui ne sont pas présents dans le livre, et c’est vraiment chouette et riche.

    Avant d’aller plus loin, une note sur quand je parle de mecs (cis) hétéros et de « leur » désir (je suis (plus ou moins) un mec cis hétéro et je ne me reconnais pas du tout dans ce désir donc bon) je parle de ce qui est construit majoritairement (et sans doute ressenti par de nombreuses personnes) comme le désir normé des mecs cis hétéros dans la société cishétéropatriarcale occidentale. Ce dernier mot est important: tout ce que j’élabore ici se fait dans l’hypothèse d’une concordance culturelle suffisante pour critiquer une oeuvre sudcoréenne avec mes grilles d’européen occidental. Mais j’accepterai sans sourciller qu’on m’informe que je suis à côté de la plaque sur tel ou tel point ou sur la totalité parce que, allô, pas le même contexte culturel?! En plus, je ne regarde pas beaucoup de films sud-coréens et je pense que le style de jeu (et peut-être d’autres éléments) me perturbent sans doute, et ça doit jouer dans cette sensation de trouver que beaucoup de scènes sont téléphonées. (parce que, c’est vrai, peut-être qu’il faudrait demander à des lesbiennes coréennes et/ou japonaises de nous dire ce qu’elles en pensent; même au niveau des pratiques sexuelles, il peut y avoir des différences importantes)

    Enfin, pour parler de (quasiment) la même chose (désir mec-hétéro) Shannon Keating parle plutôt d’esthétisation; c’est peut-être un angle d’analyse tout aussi voire plus pertinent, tout en se reposant moins directement sur des catégories de genres et d’orientation, dont il faut du coup sans cesse préciser qu’elles sont relatives etc. (n’empêche que l’esthétique majoritaire est bien sûr produite & consommée par des mecs hétéro bien plus que par des meufs lesbiennes).

    Qu-est-ce qui vous amène à dire que c’est du male gaze ?
    Bon du coup, comme je disais je suis pas hyper bien placée pour juger de la pertinence de scènes de sexe lesbien, n’étant pas une meuf, mais j’ai quand même l’impression d’avoir beaucoup entendu et lu d’avis sur divers autres films (en particulier le fameux et controversé Le Bleu est une couleur chaude mais aussi bien d’autres), et bref, je crois que je ne le dirais pas mieux que Shannon Keating, mais voilà j’ai remarqué et trouvé chelou un peu les mêmes choses qu’elle. (le truc du tribadisme en ciseaux j’avais déjà lu que c’était quasiment inexistant comme pratiques parmi les lesbiennes, mais en revanche très présent comme fantasme de mec hétéro.)

    Y’a d’autres éléments, je laisse ça pour plus tard.

    Ha si quand même, le côté « j’ai lu tous les bouquins de fantasmes masculins sur le sexe lesbien, donc non seulement je ne suis pas « candide » (ça ok) mais en fait j’ai direct toutes les clés en mains pour que la première fois que je fais l’amour avec une meuf ça soit de la gymnastique orgasmique de haut vol, passé un petit moment de gêne/découverte au début plutôt mignon (que j’ai trouvé zarbi également mais bref)… Ce serait pour moi beaucoup plus sexy si les persos prenaient du temps pour apprivoiser cette relation toute naissante; mais ce serait certes moins « spectaculaire » -> la mise en scène spéciale male gaze exige qu’on perde pas de temps avec de la timidité, de la gêne, des lenteurs, etc. faut du show.

    Bref ça c’est pour le côté male gaze sur la 1ère scène de sexe, pour ce qui est de la 2ème cf. plus loin.

    c’est assez intéressant comment encore une fois, des codes masculins sont détournés au profit de l’émancipation des héroïnes.
    Bien vu, j’avoue!
    Mais on peut se demander qui détourne quoi: <i>au sein du film</i>, oui, ce sont les meufs, ayant dupé et échappé aux hommes qui les ont torturées, qui « mettent à profit » le savoir lubrique hérité par Hideko pour faire du sexe de ouf malade… Mais <i>le spectateur cis-hétéro stéréotypé</i> profite surtout d’une scène de sexe entièrement orchestrée par des hommes (l’auteur du texte et le réal du film) et pour des hommes (en tout cas telle est l’intention du texte porno qui sert de trame), et ça me rend amer de constater ça, je trouve ça hypocrite. Encore une fois appelons ça une « mise en abîme » ou jsais pas quoi: tout en donnant l’impression de laisser le dernier mot à Sookee et Hideko, c’est en réalité (pour forcer le trait) un cadeau d’adieu pour les clients hétéros-mecs-voyeurs du film qui attendaient quand même quelque chose de ce genre pour partir avec la trique. Et non, j’ai rien contre le fait que certains mecs-cis-hétéros (et certainement quelques personnes d’autres genres et orientations aussi) bandent devant des images représentant du sexe lesbien; mais y a plein de façons de représenter du sexe entre femmes, et certaines façons sont plus susceptibles de plaire aux hommes hétéros et d’autres moins, et là il me semble qu’il ya le bingo de tous les éléments permettant qu’un désir de mec hétéro bien normé s’y retrouve à fond. C’est pas le fait que ce soit « irréaliste » qui me gêne en fait (sur ça je n’ai pas vraiment la possibilité de me prononcer, juste de rapporter les avis d’autres) mais le fait que ce soit déséspérément cliché! Voilà ce qui me navre en fait. C’est juste du gros cliché. Et les clichés en matière de sexualité au cinéma ont tendance à être plutôt conformes au désir tel que les mec-cis-hét sont socialisés à le ressentir. parce que pas hey, cishétéropatriarcat et tout ça.

    J’ai l’impression en vous lisant que vous faites abstraction du déroulé de l’intrigue du film, et que du coup, à partir du moment où un mec film des scènes érotiques avec des femmes, c’est forcément problématique.
    Pas faux, en tout cas en ce qui concerne ce film, j’avoue avoir eu assez vite tendance à avoir un préjugé négatif systématique. Pas assez pris de recul avant d’écrire, mea culpa.

    Ces scènes de lecture montrent la violence abjecte exercée sur Hideko, la manière dont elle est objectifiée et fantasmée de manière soit-disant « propre et raffinée » par ses messieurs de haute classe qui collectionnent les livres. On pourrait penser que le film se complait là-dedans, mais selon moi ce qui renverse tout, c’est la scène où Sook-Hee et Hideko (encore une fois, une scène où elles s’allient et prennent soin l’une de l’autre) saccagent la bibliothèque. C’est une scène super puissante où des femmes lesbiennes se rebellent contre des siècles d’hétéropatriarcat (symbolisés par les livres) et contre le vieil oncle.
    En vrai je ne trouve rien à redire à cette analyse, à part peut-être que les deux niveaux de lecture ne s’excluent pas forcément… Mais oui, complètement d’accord, ces scènes de fantasmes masculins tordus et de visages libidineux contribuent à faire ressentir l’humiliation que vit Hideko et par conséquent rendent la scène de la destruction des bouquins d’autant plus powerful. Je prends 🙂

    [concernant le manque de substance des persos féminins]Je ne suis pas d’accord. D’abord parce que leur relation amoureuse (non, pas que sexuelle, il y a de nombreuses scènes qui montrent leur attirance, mais aussi les sentiments et le soin que Sook-Hee apportent à Hideko, sa jalousie envers Fujiwara, etc) est une relation entre femmes.
    OK, j’avoue là encore je pense que j’ai juste eu envie de trasher pour trasher. Désolée, si je venais à revoir ce film ce serait sans doute avec un oeil plus distancié et j’arriverais peut-être à apprécier les personnages… Mais je crois que aussi c’est la faute à Sarah Waters (Sue et Maud sont juste teeeeellement cool dans le roman!) Mais voilà désolée de cette virulence, encore une fois je la renie 🙂

    Ensuite, parce que cette relation va être le moteur de leur émancipation mutuelle des hommes. Ensuite, si les mecs hétéros de la salle transposent leurs fantasmes sur les deux héroïnes, ça on n’y peut pas grand-chose. On va pas s’empêcher de montrer des scènes de sexe lesbien sous prétexte qu’à la vision du moindre sein dénudé, les hétéromecs s’excitent…
    Un sein dénudé… avec une aisselle poilue ça en ferait sans doute débander plus d’un ha ha 🙂 mais c’est peut-être trop demander, et en plus c’est clair je m’en fous que les (ou plutôt des) mecs soient excités. et en fait tant mieux! why not! Mais j’aimerais que <i>tout le monde</i> puisse trouver des trucs qui l’excitent au ciné, et aussi de quoi s’identifier; qu’il y ait du sexe en tous genres, des pratiques diverses, avec des corps de tous genres, de toutes présentation de genre, de toutes formes, âges, etc.! Ce qui me désole c’est les clichés dans ces scènes de sexe, comme dans le choix des corps et des attitudes genrées des actrices qui les incarnent. Si ton désir s’écarte de la norme construite (par le cinéma entre autre!) pour ce qui concerne le sexe lesbien, si t’as le malheur d’être excitée par des scènes de sexe lesbiennes plutôt réalistes que complètement fantaisistes comme ça semble être le cas de celles de Mademoiselle, mais aussi de beaucoup de films « mainstream » avec du sexe lesbien, hé bah pas de bol…

    Je sais pas pour l’histoire du refoulement
    Euh moi non plus en vrai. C’était gratos. Moi aussi j’ai trouvé la scène de torture insoutenable, j’aurais préféré des bisous.

    mais la réplique « au moins je mourrai avec ma bite entière » est juste géniale (…) Cette réplique, ça résume le coeur de la construction d’une certaine masculinité : qu’importe le reste, l’intrégrité et l’honneur restent intactent si la bitte l’est. Cette réplique, ça résume le coeur de la construction d’une certaine masculinité : qu’importe le reste, l’intrégrité et l’honneur restent intactent si la bitte l’est. On est quand même à un moment du film où Fukiwara a échoué dans son intrigue, a tenté de violer Hideko sans succès, et que l’objet de son « amour » s’est fait la malle avec une femme. Quelque part, il s’est déjà bien fait émasculé selon les termes de l’hétéropatriarcat.
    OK, j’avais pas du tout vu ça (j’étais trop occupé à vomir ces personnages pour me rendre compte que, bah clairement le film m’y invitait et de façon en réalité assez stylée 🙂
    J’adore ton analyse, je suis complètement convaincue, cette réplique est en fait géniale! 😀

    Cette scène finale illustre l’annihilation mutuelle des deux mecs dégueulasses du film, ce qui est assez intelligent puisqu’elle montre comment la violence patriarcale qui est exercée par les hommes se retournent aussi contre eux (ce qui évite au passage tous les problèmes que peuvent avoir les intrigues de « rape and revenge » où les héroïnes se vengent des hommes en utilisant cette même violence ; ici, ce n’est pas le cas, les hommes s’auto-détruisent).
    Pareil ça me parle à fond en fait, comme j’écrivais, cette scène m’était tellement désagréable que j’arrivais pas à y trouver du sens, et je te remercie de l’avoir éclairée d’une façon qui me va très bien et qui effectivement est très élégante narrativement et (disons) politiquement!

    Oui, mais l’utilisation de cette histoire de cul de Fujiwara est précisément instrumentalisée pour amener le vieil oncle à sa perte
    Yep! Ça se tient!

    C’est quoi pour vous les éléments de cette « esthétique normée mainstream hétérosexiste » qui sont présents dans cette scène finale ?
    Cf. Keating, je crois qu’elle l’exprime très très bien et que je suis très d’accord avec sa critique esthétique de cette scène:

    Their beautiful, lithe bodies are arranged in perfect symmetry, just like the room around them. The scene is an immaculately arranged tableau. It would be stunning, if it weren’t also so laughably absurd. <i>Whose sex life looks remotely like this? </i>(…) [The] depictions of lesbian sex as choreographed by these male directors are, (…) at worst, formalist experiments in symmetry and duality <i>(Hey, they’re having sex and they’re both women! They look alike! See? Pretty!)</i> that can easily become flat-out fetishistic. (…) [at the end] Kouzuki is ultimately condemned — and yet the film itself presents us with sex scenes one might expect to find depicted in Kouzuki’s ruined pages. The power of Hideko and Sook-hee’s triumph over men who’ve treated them like pretty sexual pawns is belied by sex scenes that slip into positioning them as exactly that. (…) the film closes with the most matchy-matchy sex scene of all (…) which is as over-the-top as it is improbable.

    TRADUCTION:Leurs magnifiques corps sveltes sont disposés en une symétrie parfaite, tout comme la pièce qui les entoure. La scène est un tableau à l’arrangement immaculé. Ce serait frappant si ce n’était si comiquement absurde. <i>Qui a une vie sexuelle qui ressemble un tant soit peu à ça?</i> (…) Les représentations de sexualité lesbienne, telles que chorégraphiées par ces réalisateurs [Park, Kechiche et Todd Haynes, réalisateur de <i>Carol</i>] sont (…) au pire des études formelles sur la symétrie et la dualité (<i>wow c’est un couple qui fait du sexe, et les deux partenaires sont des femmes! Qui se ressemblent! Vous voyez ça? C’est joli non?</i>) qui peuvent très vite devenir carrément fétichistes. (…) [à la fin] Kouzuki est condamné—et pourtant le film lui-même nous sert des scènes de sexe qu’on pourrait s’attendre à trouver représentées dans les pages de sa collection détruite. La puissance de la victoire de Hideko et Sookee contre les hommes qui les ont traitées comme de charmants pions sexuels est démentie par des scènes de sexe où elles sont amenées à tenir exactement ce même rôle. (…) La scène de sexe qui clôt le film est celle qui joue le plus de cette symétrie factice (…) en étant aussi exagérée qu’improbable.

    Elle évoque aussi l’aspect « symétrique mais opposées » qui est aussi selon elle un vieux trope des relations lesbiennes au cinéma. Bref voilà pour les aspects « normée mainstream ».

    L’esthétique hétérosexiste je suis pas sûre de ce mot, mais il semble que c’est bien ça: on parle de conformité aux normes de beauté dominantes très genrées, avec des injonctions beaucoup plus pesantes pour les femmes, qui sont requisent pour la séduction hétérosexuelle; ces normes sont subverties ou ignorées d’une façon ou d’une autre dans la plupart des sous-cultures lesbiennes/gouines que j’ai pu fréquenter ou entrevoir au ciné, sur internet etc. (je devrais préciser ça plus souvent, mais c’est à nuancer voire démentir selon le contexte culturel sud-coréen que je ne connais pas.)

    Pourquoi sont gênants ces « petits gémissements très féminins » (et pourquoi c’est problématique que ça soit « très féminins ») ?
    Non, bien entendu je n’ai aucun problème avec les petits gémissements, pas plus que, en soi, avec n’importe quel caractéristique ou comportement qui serait plutôt considérée « féminine ». J’ai hésité à le préciser pour ne pas alourdir ma phrase mais bien sûr j’aurais dû pour ne pas laisser d’ambiguïté. C’est simplement que, selon moi, ces « petits gémissements » sont extrêmement clichés! Et y a rien qui empêche <i>une représentation donnée</i> d’être conforme à tel ou tel cliché c’est cool. mais comme d’hab c’est juste que cliché sur cliché c’est… fatigant.

    Pour reprendre un truc que dit Keating, et qui effectivement m’a fait tiquer aussi, quand Hideko se déguise en homme c’est chouette (oui j’ai dit que c’était un vieux truc mais ça n’empêche que je kiffe toujours énoooormément le travestissement donc en vrai ça m’a beaucoup plu ;D). Mais dès qu’elles sont en mer la moustache collée jarte et dès qu’elles se retrouvent dans la cabine Hideko enlève son chapeau et révèle qu’elle a toujours ses longs cheveux, alors que ça aurait pu être stylé qu’elle les ait coupés, non?? et si elle avait gardé sa moustache là ça aurait été tellement sexy enfin bref, après ça c’est mes fantasmes à moi, mais juste quelque chose de pas clicheton ça m’aurait déjà tellement plu 🙂

    Bref, avec ce travestissement y avait une opportunité parfaite pour ne pas retomber dans les clichés sur la vision hyper cliché du lesbianisme érotique/porno typique « pour mecs hétéros », où les deux femmes sont hyper « féminines » (c’est pour ça que je précisait que les gémissements étaient « très féminins », ceci sans aucune dévalorisation des caractéristiques dites « féminines »! mais c’est juste toujours pareil, c’est ennuyeux quoi!), ont des corps normés, des visages très fins, les cheveux longs, les ongles manucurés, les aisselles épilées etc. Et juste, on aurait pu avoir des persos aux physiques un peu plus hors-norme peut-être? grosses, grandes, handi??! allez rêve toujours.

    En tous cas merci beaucoup d’avoir suscité ces pensées sur ce film Arroway, j’espère que ça vous stimulé aussi… si vous avez encore envie de continuer d’en discuter c’est avec plaisir. En attendant j’ai l’impression d’être partie à 100 à l’heure dans cette réflexion, à croire que je procrastine 🙂

    #34875 Répondre
    milù
    Invité

    je sais pas comment fonctionnent ces forums, ce serait trop chouette d’avoir une FAQ 🙂 (j’l’ai peut-être juste pas bien cherchée?) je veux bien aider à la rédiger, si une admin a envie de s’y coller…

    mais en l’occurrence si quelqu’une qui s’y connaît voulait m’expliquer ce qui coince?

    c’est la 2e fois que j’essaie de poster un truc et que ça veut pas.

    il y a une limite au nombre de caractères? mais ça peut pas être ça parce que y en avait moins que dans le précédent post.

    une modération, mais pas à chaque fois? (un filtre « intelligent » qui essaie de détecter le spam?)

    une limite au nombre de posts pour le même utilisateur?
    ou au nombre total de caractères dans deux posts successifs?

    bref, si quelqu’une voulait m’aider!
    sinon c’est vraiment pas grave si mes fixettes personnelles s’étalent pas à longueur de topic… 🙂
    c’est peut-être un filtre anti-« mec pédant qui s’écoute écrire », auquel cas: bien joué

    #34876 Répondre
    milù
    Invité

    @Arroway: par ailleurs désolée j’me suis mis à vous tutoyer un moment. c’était pas conscient du tout, mais ça n’enlève rien au fait que ça a pu peut-être vous irriter ou vous déplaire. Je crois que j’ai pas l’habitude de vouvoyer les gentes sur internet, n’empêche que vous avez pris soin de me vouvoyer y’a aucune bonne raison de pas respecter ça.

    bref je m’excuse!

    #34874 Répondre
    milù
    Invité

    PROCRASTINATION PART 2
    (TW: évocation d’agressions sexuelles/viols sans détails)

    Comme si le pavé n’était pas encore assez inacceptablement long, j’ai envie de revenir sur cette idée qui me perturbe, du pouvoir démesuré (qui dit pouvoir dit abus quasi garantis) que possède le réalisateur d’un long-métrage ciné, a fortiori lorsqu’il est aussi célèbre, et a fortiori lorsque comme ici il est également producteur.

    J’ai l’impression que de dire ça c’est quelque part entre le lieu commun hyper naïf (=oui les réals ont un pouvoir de ouf sur les tournages, c’est juste une réalité basique du ciné = j’enfonce des portes ouvertes…?) et l’accusation quasi-diffamatoire complètement non-étayée (homme + pouvoir = pas automatiquement certes mais bien souvent agressions sexuelles; en fait je pense que les personnes détenant du pouvoir sont particulièrement à même de ne pas respecter les limites des autres (en fait cette possibilité est la définition même du pouvoir non?) et que lorsque c’est un homme cis le risque que ce non-respect prenne la forme d’agressions sexuelles est très amplifié selon moi. Mais ce que je dis là c’est vraiment soutenu par rien d’autre qu’une intuition… et de nombreux récits et expériences. En tout cas pas de recherche chiffrée ou quoi…).

    Keating rappelle (je l’avais lu mais oublié depuis) « l’affaire » Abdellatif Kechiche, où Léa Seydoux lui a reproché (sans mettre ce mot-là j’crois) d’avoir fait des demandes « humiliantes » que « personne d’autre ne se serait permis » dans la mise en scène de « Le Bleu.. »; et qu’il se défend de façon ahurissante (du genre, « d’où elle parle de souffrance, elle a de la chance de faire ce métier », « elle faisait pas tant sa chochotte quand elle montait les marches à Cannes » et j’en passe, zéro remise en question, pauvre génie attaqué par sa créature, c’est ignoble) LIEN (en anglais)… bref, j’ai peur de pas avoir tapé bien loin d’une réalité assez glauque, à savoir l’omniprésence de violence sexuelles dans le monde du cinéma à gros budget, dont rien que de l’envisager, en tant que spectateur (=consommateur des « produits cinématographiques ») me dégoûte pas mal…

    Et la critique de Mademoiselle par Laura Miller pour Slate (en anglais) en rajoute une couche en faisant le lien entre l’obsession du regard partagée par Park Chan-wook et (son idole) Alfred Hitchcock, « dont la ravissante perversité était si flagrante que la révélation de son traitement sadique de l’actrice Tippi Hedren ainsi que d’autres fut l’une des plus grandes non-surprises dans l’histoire des scandales d’Hollywood. » (traduction de moi) C’est dit comme en passant, comme une anecdote piquante. Merci la banalisation! Ça fait pas encore *warning* CULTURE DU VIOL *warning* sérieux?? Ce mot n’est pas encore rentré dans le vocabulaire et les habitudes d’analyse d’une critique cinéma de Slate?

    Et je me pose la question du coup, combien sont-ils aujourd’hui, les cinéastes adulés par la critique dont les abus sexuels ou émotionnels sont un secret de polichinelle à Hollywood, Paris, Séoul…? Comment peut-on continuer à encenser Hitchcock universellement sans au minimum préciser que « Les Oiseaux » a été réalisé au prix de la santé physique et mentale de l’actrice principale, la même que Hitchcock agresse sexuellement (avances insistantes, menaces puis gros caca boudin) sur Pas de Printemps pour Marnie (LIEN) (en anglais)? « Le Dernier Tango à Paris » (lien: TW viol, violence sexuelle) ne devrait-il pas contenir un avertissement: « attention, contient au moins 1 scène d’agression sexuelle non simulée » et être soumis à une mise en quarantaine au moins aussi restrictive que celle qui frappe les films X? (je ne suis pas pour la censure comme solution, mais encore moins pour le deux-poids, deux-mesures) Hitchcock (bon ok lui il est mort), Bertolucci, Kechiche, et tellement d’autres ne devraient-ils pas avoir à présenter des excuses claires et précises, et entrer dans un processus de réparation des victimes de leurs abus, d’écoute de leurs demande (y compris celle d’abandonner ce métier, ça serait sans doute légitime dans bien des cas et un génie misogyne de moins, l’Histoire s’en remettra) et de travail sur eux-mêmes AVANT qu’on leur remette un film entre les mains qui les mettra dans la même position de pouvoir dont ils ont abusé par le passé??

    Mais évidemment non, on continue de les encenser sans vergogne en faisant une pichenette de victim-shaming ou minimisation lorsqu’on n’a pas d’autre choix (aveu, décision de justice etc., autant dire que c’est une minorité des cas) que d’admettre que l’idole a commis un viol/agression.

    cf. la BD de Mirion Malle « L’impunité des hommes (célèbres) » http://www.mirionmalle.com/2016_09_01_archive.html, très bien faite et accablante.

    En bref: tout ça pour revenir, de façon moins centrée sur Mademoiselle et Park Chan-wook même si je trouve que c’est un très bon exemple, mais sur, en général, la glorification, la mystique qui entoure ce rôle de réalisateur-voyeur/sadique/pervers. Je pense que le pouvoir du réal pourrait être extrêmement destructeur même sans s’appuyer sur cette représentation, mais ça aide, cf. les justifications de, ou des alliés de, Polanski, Allen, Von Trier, Kechiche, etc et de façon exemplaire la phrase sur Hitchcock citée plus haut: on invoque le génie créateur, la « nécessaire » perversion qui permet à ce génie de s’exprimer, pour minimiser les violences que ces hommes de pouvoir font subir. À mon sens, il s’agit d’un mode de légitimation des violences sexistes qui est spécifique aux réalisateurs (et peut-être producteurs) de cinéma.

    Cette glorification de la perversité, qui est souvent je pense explicite ou implicite dans pas mal de films, est souvent sans doute plus insouciante et candide que cynique: dans mon premier post, j’ai sans doute surestimé la conscience politique de Park Chan-wook et autres.

    Bref et comment mieux glorifier, avec force métaphores, mises en abîmes et niveaux d’ironie imbriqués histoire de compliquer la tâche à la critique féministe, ce personnage du voyeur-sadique tout-puissant que par le male gaze, c’est-à-dire l’esthétisation dans un même mouvement du pouvoir masculin (qui voit) et de la soumission féminine (qui se montre)? Ensuite dans une boucle auto-justificatrice, le fait que « c’est beau » va servir de justification pour continuer à esthétiser la même chose.

    Le spectateur est invité à jouire de cette soumission (objectification) des personnages féminins au « regard » de la caméra et au regards d’autres hommes à l’écran (elles sont mises en scène en position de vulnérabilité, soumission, etc et d’érotiser/esthétiser ces scènes, plutôt que de filmer depuis leur subjectivité ou de les montrer en position de force et d’émancipation); ce regard est voyeur: on les voit dans leur intimité, le cinéma dévoile des choses qui appartiennent au domaine du privé et de l’intime (et pourquoi pas, c’est souvent intéressant) mais là où ça devient du male gaze c’est que c’est toujours mis en scène/filmé de façon à érotiser (de façon stéréotypée) cette intimité, ce qui prive beaucoup de femmes de la possibilité de s’identifier aux personnages; elles sont objectifiées plutôt qu’humanisées.

    Ce dévoilement de l’intimité des femmes est censé servir un discours de surface qui peut être de toutes sortes politiquement (dans le cas de Mademoiselle la représentation de sexe lesbien est (censée être) progressiste, inclusive) mais dans l’analyse critique de ce regard masculin on constante que cela reproduit un imaginaire réac, toujours le même: pouvoir du metteur en scène, soumission au regard masculin pour le spectateur, relation clientéliste entre l’un et l’autre: le réal fournit des représentations sexistes et érotiques à son public qui le récompense en argent et reconnaissance critique, ce qui renforce la légitimité du réal à être un « pervers voyeur » puisqu’il est récompensé pour avoir fait juste ça.

    Bref, objectification +++ (le corps des femmes (certaines femmes) sert le plaisir oculaire des hommes) = culture du viol +++ (les femmes sont à la disposition des hommes)!

    Ceci étant dit (et pas très bien dit sûrement, j’ai un peu l’impression de réinventer la poudre, désolée) qu’est-ce que je reproche à Mademoiselle et Park Chan-wook? Je ne sais rien de la vie de Park, c’est peut-être une personne très bien et qui n’a jamais agressé personne sur ses tournages. C’est pas la question en fait.

    Ce qui me gêne c’est ce que j’ai essayé de développer dans mon premier post: son film, en prétendant le condamner, renforce en réalité la légitimité du male gaze, puisque caché derrière une intrigue avec une certaine portée féministe, il y a de la complaisance dans l’objectification des héroïnes qui rend ce voyeurisme « acceptable » (puisque c’est cool, c’est des personnages lesbiens badass à la sexualité « décomplexée » = alibi féministe).

    Et on a peut-être tout faux avec ma copine de séance, mais ça me paraît toujours pas si bête cette idée que l’oncle Kouzuki représente un metteur en scène raté, un control freak qui pense mener tout le monde à la baguette dans son monde clos, rigide, violent; mais il est incapable de « tenir » ses femmes et de les plier à ses fantasmes, sa « mise en scène » avec le pantin de bois est pathétique, son désir de savoir le tue littéralement (merci Arroway ;)) alors que Park sera « là », à la toute fin, avec les deux jeunes femmes, à leur dicter des poses et pratiques sexuelles tout aussi « absurdes », irréalistes, formalistes (en fait les mêmes que celles auxquelles fantasmaient Kouzuki!); sauf que à lui elles se soumettent.

    Et tandis que le contrôle de Kouzuki est fait de dureté, de rigidité, d’un cadre sec et plaqué comme celui d’un dessin ou la couverture d’un livre, ou les petites piscines carrées de sa bibliothèque, le cadre du viseur panoptique de Park est mouvant, sinueux, il épouse les ondulations amples des rivières et de la mer, c’est un steadycam omniprésent super smooth et somptueux, il met de l’arrondi, du circulaire partout (=douceur/féminité: il se veut un allié des deux femmes dans leur émancipation). Mais en fait ce cadre est d’autant plus intrusif et autoritaire sous ses aspects doucereux.

    C’est cette idée de « vraie-fausse » dénonciation du pouvoir-regard: celui de l’oncle est représenté comme d’une misogynie crasse, il est pathétique et voué à l’échec. Le pouvoir-regard de Park en revanche, prétendument « féministe » (il comprend les femmes, lui…), superficiellement complice de l’émancipation de Sookee et Hideko, n’est du coup jamais dénoncé ou questionné. Il peut du coup s’en donner à coeur joie dans la mise en scène voyeuriste et complaisante. Le spectateur ne s’identifie jamais à l’oncle, ridiculisé dès le début. Ni a Fujiwara, intrigant auquel on ne peut pas se fier. En revanche on peut « s’identifier », se sentir à l’aise à habiter ce regard « bienveillant » (beurk) et extérieur, celui du réalisateur, de fait.

    ——-

    Est-ce que ça vous parle Arroway/autres lectrices ce que je tente tant bien que mal de développer, ou bien est-ce que ça vous semble être un énorme fouillis incompréhensible et hors sujet? :/
    en tout cas si vous avez lu jusqu’ici, bravo et merci de vos efforts 🙂 et vos réactions sont carrément les bienvenues!!

    ——-

    et sinon:
    il y a de nombreuses scènes qui montrent leur attirance, mais aussi les sentiments et le soin que Sook-Hee apportent à Hideko

    en pensant à autre chose je me suis souvenue de cette super belle scène où Sookee rabote la dent de Hideko au dé à coudre. Je l’ai trouvée adorable!! (même si l’idée vient du roman de Waters ;)) elle est vraiment bien faite, et pour le coup, on a vraiment plein de plans subjectifs, c’est hyper engageant niveau identification, et tendre avec les personnages je trouve.
    ha ha je l’avais complètement oubliée. Alors que c’est clair qu’elle est trop trop chouette 😀

    et aussi j’ai beaucoup aimé aussi ce gimmick de la sucette, qui revient quand Sookee embrasse Hideko: c’est trop chou 🙂 même si j’ai peur qu’il y ait aussi quelque chose de l’ordre d’un préjugé du désir lesbien comme « infantile », genre pas aussi mature que l’hétérosexualité. pas sûre. n’empêche que j’ai trouvé ça cool!

    #34880 Répondre
    Paul Rigouste
    Participant

    @ milù

    Désolé pour les posts qui ont été mis en attente. Je crois que j’ai réussi à les valider (dites-moi si ce n’est pas le cas). Je crois que c’est le truc qui sert à bloquer les pubs qui bloque parfois automatiquement des posts qui ne devraient pas l’être…

    #34881 Répondre
    milù
    Invité

    yep c’est bon! merci beaucoup 🙂

    #34887 Répondre
    Maniak
    Invité

    Hello !

    Je suis tombé sur cette critique depuis un autre site et je me permet de réagir sur quelques points qui m’ont fait bondir…
    Je précise juste que j’ai beaucoup apprécié le film, que j’ai trouvé très fin, subtil et… totalement féministe. Je me retrouve beaucoup dans les remarques de Arroway (mais pas du tout, mais alors du tout dans celle de Milù)

    Un sein dénudé… avec une aisselle poilue ça en ferait sans doute débander plus d’un ha ha

    Bah non. Au cinéma l’érotisme ça se construit par la mise en scène, et donc la façon de montrer les choses, plus que par les choses montrées en elles-mêmes. Ainsi un réalisateur comme Tinto Brass arrive très facilement à atteindre des sommets d’érotisme en filmant une fille pas épilée qui fait pipi au milieu d’une route (c’est dans Monella, aka Frivolous Lola si vous ne me croyez pas… mais de manière générale toutes les héroïnes des films de Tinto Brass ont les aisselles poilues et sont diablement sexy)

    De la même manière, Norman Jewison arrive à créer un érotisme incroyable en filmant une partie d’échec dans Thomas Crown Affair, tandis qu’à l’opposé un tâcheron comme Alexandre Aja ne provoque absolument rien dans mon pantalon même quand il film Kelly Brook qui nage nue…

    Et c’est pareil dans Mademoiselle, dont les sommets d’érotismes sont atteint lors de la scène de limage de dents dans la baignoire, soit une scène qui ne représente à priori rien de sexuel, mais la manière dont elle est mise en scène en lien avec sa signification (naissance des sentiments entre les deux femmes, puissance du lien qui les unit…) ça en fait une scène très érotique.
    Les scènes de sexe du film sont filmées différemment, et c’est d’autant plus intéressant à observer que la première relation sexuelle est montrée à deux reprises dans le film, mais avec des points de vue différents et de manière assez habile : la première fois, l’accent est mis sur l’inexpérience des personnages (première expérience sexuelle -du moins le croit-on- pour l’une et première expérience lesbienne pour l’autre) ce qui du coup n’est pas très excitant, et Park Chan Wook joue du décalage entre une pratique lesbienne et le dialogue qui décrit l’acte avec un homme. Bref voilà une scène plus humoristique qu’érotique.
    Tandis que la deuxième fois que cette scène est montrée, Park Chan Wook ne filme plus l’inexpérience, mais la découverte du plaisir d’une part, et d’autre part la réapropriation par la lectrice des passages érotiques qu’elle est contrainte de lire, et là, la scène est à présent érotique.

    Bon, ce n’est qu’une interprétation personnelle, mais à mon avis Park Chan Wook sait très bien ce qu’il fait et choisi sciemment de montrer les choses sous un angle ou un autre, ce qui selon moi le dédouane de faire uniquement du cliché, voir d’être lesbophobe, c’est même tout le contraire !!

    #34929 Répondre
    Arroway
    Invité

    J’ai pris un peu de temps pour répondre, je n’ai pas eu le temps plus tôt dans la semaine.


    Par ailleurs merci beaucoup pour l’article de Shannon Keating il est super intéressant et bien écrit, et ça va grandement me faciliter la tâche pour te répondre! (Par contre je trouve ça pas mal d’avertir que c’est en anglais, enfin c’est pas comme si c’était fatigant d’ouvrir un lien et de voir bien sûr, mais ça me gêne qu’on parte plutôt du principe que ça va de soi que les lecteurices auront pas de souci de compréhension)

    Ouais, t’as raison. C’est pour ça qu’on traduit au maximum dans les articles, mais quand c’est en commentaires ou sur le forum, je vais souvent vite pour trouver des articles ressources, et bien souvent c’est en anglais…:/ Je note de prévenir plus systématiquement la langue.

    Ha si quand même, le côté « j’ai lu tous les bouquins de fantasmes masculins sur le sexe lesbien, donc non seulement je ne suis pas « candide » (ça ok) mais en fait j’ai direct toutes les clés en mains pour que la première fois que je fais l’amour avec une meuf ça soit de la gymnastique orgasmique de haut vol, passé un petit moment de gêne/découverte au début plutôt mignon (que j’ai trouvé zarbi également mais bref)… Ce serait pour moi beaucoup plus sexy si les persos prenaient du temps pour apprivoiser cette relation toute naissante; mais ce serait certes moins « spectaculaire » -> la mise en scène spéciale male gaze exige qu’on perde pas de temps avec de la timidité, de la gêne, des lenteurs, etc. faut du show.

    Je vois ce que tu veux dire. Ca me fait penser au film Barash qui est très très bien de ce point de vue là : la première scène de sexe avec une fille de l’héroïne, on la voit hésiter, rire parce qu’elle est gênée, etc. C’est très « frais ».

    Je comprend les arguments sur tout le côté « male gaze » (surtout sur la scène finale qu’il est difficile de sauver). En prenant du recul, je ne peux qu’être d’accord, ça m’a convaincu 🙂
    Le film mêle des scènes très cools, et d’autres moins de ce point de vue-là, ce qui fait qu’on peut toujours se rattacher aux premières pour recontextualiser les deuxièmes pour en, hum, « profiter » en tant que spectateurice.

    Sur la question du travestissement :

    Mais dès qu’elles sont en mer la moustache collée jarte et dès qu’elles se retrouvent dans la cabine Hideko enlève son chapeau et révèle qu’elle a toujours ses longs cheveux, alors que ça aurait pu être stylé qu’elle les ait coupés, non?? et si elle avait gardé sa moustache là ça aurait été tellement sexy enfin bref, après ça c’est mes fantasmes à moi, mais juste quelque chose de pas clicheton ça m’aurait déjà tellement plu
    Bref, avec ce travestissement y avait une opportunité parfaite pour ne pas retomber dans les clichés sur la vision hyper cliché du lesbianisme érotique/porno typique « pour mecs hétéros », où les deux femmes sont hyper « féminines » (c’est pour ça que je précisait que les gémissements étaient « très féminins », ceci sans aucune dévalorisation des caractéristiques dites « féminines »! mais c’est juste toujours pareil, c’est ennuyeux quoi!), ont des corps normés, des visages très fins, les cheveux longs, les ongles manucurés, les aisselles épilées etc. Et juste, on aurait pu avoir des persos aux physiques un peu plus hors-norme peut-être? grosses, grandes, handi??! allez rêve toujours.

    Oui, c’est sûr pour les physiques très féminins, minces, valides, etc des actrices. Et je suis d’accord aussi que ça participe à cette esthétique lesbienne pour mecs hétéros. Après, pour le côté cliché ou pas cliché de ne pas avoir garder la moustache et les cheveux courts, je ne sais pas. Je pense que ce film n’est pas un bon « cadre » pour réfléchir dessus, parce qu’il ne se pose pas vraiment la question du genre. Déjà, perso, c’est Sook-Hee que j’aurai travesti en homme plutôt que Hideko, car du point de vue d’une dynamique «butch-fem », c’était elle qui collait le plus avec le côté « butch » (dans le cas où on souhaite réfléchir en ces termes de butch-fem, ce qui n’est pas le cas de tout le monde). Ensuite, venant d’un réal mec hétero, on aurait reproché au film qu’il cherchait à recoller à un modèle hétérosexuel, ou à reconduire un fantasme, et ça aurait été difficile de le défendre parce que il n’y a vraiment aucun contenu dans son film qui questionne le rapport au genre des héroïnes (ou en tout cas je l’ai pas vu). Du coup, je pense qu’il a eu raison d’évacuer la question du travestissement. Mais c’est directement lié à d’autres faiblesses de son film sur les points que tu cites (physique des actrices).

    C’est cette idée de « vraie-fausse » dénonciation du pouvoir-regard: celui de l’oncle est représenté comme d’une misogynie crasse, il est pathétique et voué à l’échec. Le pouvoir-regard de Park en revanche, prétendument « féministe » (il comprend les femmes, lui…), superficiellement complice de l’émancipation de Sookee et Hideko, n’est du coup jamais dénoncé ou questionné. Il peut du coup s’en donner à coeur joie dans la mise en scène voyeuriste et complaisante. Le spectateur ne s’identifie jamais à l’oncle, ridiculisé dès le début. Ni a Fujiwara, intrigant auquel on ne peut pas se fier. En revanche on peut « s’identifier », se sentir à l’aise à habiter ce regard « bienveillant » (beurk) et extérieur, celui du réalisateur, de fait.

    Je trouve cette thèse intéressante. J’aurais envie d’aller vérifier un peu le background de Park avant de m’avancer pour dénoncer son féminisme comme étant « faux », au moins pour trouver des arguments pour étayer cette idée. Mais sur le reste, je trouve que c’est très bien vu. Merci d’avoir partagé.

    #38473 Répondre
    You Na Jung
    Invité

    Alors je viens super tard pour commenter cet article mais je viens de le découvrir ^^ »

    J’avais simplement deux choses à dire (car je pense que ça peut amener une certaine explication au film).

    Tout d’abord, le physique « parfait » des actrices. Je pense que de 1, c’est pour montrer le côté « maison de poupée » du film (cette presque obsession de Sook Hee qui habille Hideko, plus en prenant en compte le fait que l’intrigue se base sur des manipulations). Ensuite, c’est peut-être pour correspondre aux critères de beauté de l’époque du film (rappelons quand même que cela se passe dans les années 1930 ; les femmes ne sont bonnes qu’à être des objets :/). Enfin, je pense que c’est une raison « culturelle » : la Corée du Sud est obsédée par l’apparence physique, et ce de façon assez choquante. 90% des célébrités Sud-coréennes sont très minces voire maigres, des acteurs et actrices non minces c’est assez rare (er souvent, c’est parce qu’ils sont déjà un peu « vieux »).

    L’autre point concerne la scène de fin. Pour moi, elle a deux significations pas négligeables.
    La première est liée au film tout simplement. Je pense que d’une part, c’est pour montrer qu’elles ont été mises à nue, dans tous les sens du terme : leur rang social, leur machination, tout ça ne compte plus et elles sont mises au même niveau. Puis l’une est un peu comme le reflet de l’autre ; elles sont « identiques » tout en étant opposés et je pense que cette scène dans le lit, allongées toutes les deux l’une à côté de l’autre voulait montrer cet aspect. D’autre part, cette scène entre les deux femmes montre qu’en fait, même si les deux personnages ont réussi à s’enfuir, les hommes continuent de les dominer (de par le côté « surréaliste » de leur ébat). Ce serait en fait une critique de nos sociétés, et surtout de la société coréenne je pense, étant donné que le pays prône le patriarcat (une femme n’abandonnant pas son travail pour s’occuper de ses enfants est considérée comme étant une mauvaise mere par exemple).
    La deuxième signification serait plus politique. Je pense que le réal a voulu montrer que ces deux femmes se ressemblent ; l’une est Coréenne, l’autre est Japonaise mais elles se ressemblent. Elles sont pareilles. Ce serait d’une, une tentative de « réconciliation » entre la Corée et le Japon et de deux, par extension, pour montrer qu’au fond, nous humains sont tous pareils.

    Voilà. Je m’excuse si les explications sont bâclées, j’avouerai que je suis super fatiguée mais j’ai tout de même voulu commenter (par peur d’oublier haha).

    Si vous ne connaissez pas vraiment les films Sud-coréens, je conseille 200 pounds of beauty (film qui montre assez bien la mentalité coréenne vis-à-vis de la beauté). C’est une comédie romantique qui dénonce tout de même quelque chose (il y a une légère critique du monde du divertissement coreen aussi, bien que ce soit pas aussi développé que la critique de la société en générale).
    L’autre film est Roaring Currents : ce film parle de Lee Soon Shin, le héros national de la Corée. Le film se concentre sur sa bataille la plus mémorable.
    Les films d’horreur coréens valent un petit détour aussi (mais je suis bien trop peureuse pour ce genre de films donc je ne peux pas vraiment conseiller sur ce sujet).
    Voilà~~

    P.S : je préfère préciser que je suis Sud-coréenne. Que l’on ne vienne pas me sauter à la gorge quand je parle de la société coréenne puisque je le fais en connaissance de cause haha.

    #38510 Répondre
    Arroway
    Invité

    Merci pour ces infos intéressantes !

    Par rapport au physique « parfait » des actrices, merci pour les précisions par rapport à l’époque et au contexte de réalisation du film. Je ne me souviens pas d’avoir vu dans le film de regard critique sur la question, du coup c’est dommage que le film ne questionne pas plus ouvertement les injonctions à la beauté et à la minceur. Je pense que c’était ça qu’on reprochait au film dans nos commentaires plus haut.

    « D’autre part, cette scène entre les deux femmes montre qu’en fait, même si les deux personnages ont réussi à s’enfuir, les hommes continuent de les dominer (de par le côté « surréaliste » de leur ébat). »

    C’est intéressant comme interprétation, ainsi que l’explication « politique » que vous soulignez. Ce qui est compliqué avec cette fin du film, je trouve, c’est son ambivalence : d’un côté elle peut avoir des interprétations intéressantes d’un point de vue politique, et en même temps elle utilise une esthétique et des éléments de mise en scène problématiques (esthétisation érotique des lesbiennes, pose que les femmes prennent qui est repris d’un livre érotique comme cela a été dit plus haut).
    Ca donne un peu l’impression que le réal joue sur les deux tableaux, en mode « c’est ok d’utiliser des éléments de mise en scène problématiques parce qu’avec je dis un truc intelligent ». Oui, mais il aurait pu dire le même truc d’une autre manière aussi… ^^

    J’ai vu 200 pounds of beauty il y a quelques années, qui pousse le sujet assez loin effectivement. Je me souviens plus des détails, mais je crois que la fin m’avait dérangé, car au final l’héroïne redevient assez « normée » : elle correspond aux normes de beauté, elle conquiert le beau gosse et elle chante super bien… du coup le potentiel de dénonciation du film en était pas mal émoussé je crois.

    #38933 Répondre
    Shelter
    Invité

    Je viens de découvrir cet article et de manière général ce forum que je trouve super. Et j’aimerais réagir sur cette scène finale entre les deux femmes.

    Pour moi, c’est à ce moment qu’elles se libèrent. En utilisant l’objet avec lequel l’oncle la frappe (quand elle est enfant), Hideko transforme cette soumission en plaisir. L’objet de torture se transforme en objet de plaisir. Je pense que le travail de Park Chan-Wook avec sa scénariste à été plus que bénéfique dans cette adaptation. Par ailleurs le film à été très bien accueilli aussi bien par les femmes, que les hommes en Corée du Sud.

    Je pense que le coté culturel joue beaucoup dans l’analyse d’une oeuvre, le contexte spacio-temporelle joue beaucoup également.

    Voilà, j’apporte rien de nouveau, mais j’avais envie de partager mon début d’analyse quant à cette scène finale.

    #38965 Répondre
    Milu
    Invité

    Merci pour vos contributions You Na Jung et Shelter!

    You Na Jung:

    Ce serait en fait une critique de nos sociétés, et surtout de la société coréenne je pense, étant donné que le pays prône le patriarcat (une femme n’abandonnant pas son travail pour s’occuper de ses enfants est considérée comme étant une mauvaise mere par exemple).

    comme Arroway, je suis un peu sceptique face à cette interprétation, parce que dans cette scène finale, Park Chan Wook utilise à fond cette esthétique disons « patriarcale » (male gaze etc). or ça me semble une façon assez limite voire hypocrite de prétendre dénoncer lorsqu’on rend sexy et esthétique cela même qu’on prétend critiquer.

    La deuxième signification serait plus politique. Je pense que le réal a voulu montrer que ces deux femmes se ressemblent ; l’une est Coréenne, l’autre est Japonaise mais elles se ressemblent. Elles sont pareilles. Ce serait d’une, une tentative de « réconciliation » entre la Corée et le Japon et de deux, par extension, pour montrer qu’au fond, nous humains sont tous pareils.

    Oui ce truc antiraciste je vois bien comment ça traverse le film en effet, et ce serait intéressant si tu voulais nous en dire plus? mais c’est vrai que je connais rien à l’histoire et la culture coréenne, donc effectivement je saisis pas la portée que ça peut avoir. Juste comme ça ça me semble un peu banal comme message, mais peut-être qu’en Corée c’est loin d’aller de soi?

    Sinon en terme de rapport de classes, je trouve le film un peu léger… enfin en tout cas par comparaison avec le roman de Sarah Waters dont le film est adapté 🙂 dans le roman cette distance de classe crée une tension entre les 2 héroïnes, du fait notamment des privilèges qui protègent l’une au détriment de l’autre. Dans le film ce rapport de classe me semble (??) pas très visibilisé. je me trompe peut-être? ça fait quand même un an maintenant… mais ouais là ce serait intéressant de spoiler le bouquin pour montrer comment l’intrigue prend au sérieux (et exploite hyper intelligemment 😉 ce rapport de classe. mais bon… (juste lisez le sérieux <3)

    Shelter:

    Pour moi, c’est à ce moment qu’elles se libèrent. En utilisant l’objet avec lequel l’oncle la frappe (quand elle est enfant), Hideko transforme cette soumission en plaisir. L’objet de torture se transforme en objet de plaisir.

    OK je me souviens plus de quel objet on parle? là encore, c’est intéressant comme idée mais pour moi j’ai été surtout gênée par cette scène parce qu’elle me semblait pas prendre position très clairement. bon après tant mieux si pour d’autres personnes elle est perçue comme powerful et comme exprimant l’émancipation, la réappropriation de ce fantasme à la base imaginé par et pour des mecs hétéros!

    mais moi je l’ai vraiment pas vécue comme telle. peut-être parce que c’est tellement propre, léché, sans humour, sans rien qui indique explicitement qu’il y a subversion, et que j’aurais eu besoin que ce soit plus clairement exprimé. De l’humour de la part des personnages, ou jsais pas, qqch pour créer une complicité avec elles dans un moment où elles sont censées (dans ton interprétation) dealer par le jeu érotique avec des expériences trash qu’elles ont subies.

    là j’ai eu plus l’impression d’être au spectacle, ou plus exactement devant une version de luxe/intello de film érotique pour public mec hétéro. bref j’sais pas. c’est peut-être juste moi hein.

    Peut-être que le malaise pour ma part vient d’un manque de « confiance » en ce réalisateur, sur la base de ce film et des deux trois autres de lui que j’ai vu, et qui m’ont aussi pas trop plu. je trouve qu’il a beaucoup de complaisance pour la violence, une tendance à l’exhibitionnisme, au sensationnel, au formalisme un peu simple (mais très efficace d’ailleurs.) du coup j’ai pas eu trop de mal à voir certains de ces traits dans cette scène. mais bon, là c’est un peu gratuit et subjectif, en tout cas pas assez argumenté j’en ai bien conscience, je parle juste de ma sensibilité.

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