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#37528
Milu
Invité

hihi c’est trop bien d’avoir un copinou pour discuter du film 😀 ça fait plein de nouvelles idées. cimer ZeE <3

bon faut-il encore le préciser, je vais spoileeeer

Un truc hyper bien foutu c’est que grâce au twist, le même film peut se lire deux fois, à deux niveaux: une première lecture (qui commence au cours du premier visionnage) qui traite du racisme « ordinaire ». Ensuite, en rétroprojetant ce qu’on apprend à la fin, on comprend le début du film de façon beaucoup plus sinistre, et là ça parle d’esclavage, d’exploitation des corps noirs. Et le super banco c’est que ces deux niveaux d’analyse ne s’excluent pas, car si le twist de Get Out est fantastique et symbolique, c’est une métaphore d’une exploitation bien réelle et actuelle, fondée sur une histoire longue et sanglante. On peut peut-être même dire que les deux niveaux de lecture se renforcent mutuellement, peut-être pour montrer que le racisme « quotidien » masque, entretient, normalise un système raciste qui va jusqu’à des actes violents contre la vie même des personnes noires.

Ainsi, quand les parents de Rose engueulent Chris sur sa tabagie, iels semblent d’abord « simplement » paternalistes, et c’est un peu irritant. Quand on comprend qu’iels veulent vendre son corps on comprends que ce qu’iels avaient réellement en tête, c’est la qualité de la marchandise.

De même sur les multiples commentaires objectifiants faits lors des présentations de Chris à la « famille élargie »: au premier abord des micro-agressions racistes, puis on comprend que ce sont en fait des acheteureuses en train d’évaluer leur futur esclave.

Idem les sorties du frère Jeremy sur les aptitudes de close-combat de Chris. On le voit d’abord comme un gros relou qui force sur le stéréotype du mec noir = a forcément grandi dans un ghetto ultraviolent; puis on comprend qu’il cherchait à se mesurer à lui pour jauger si il peut le maîtriser en cas de besoin.

Aussi, lorsque le keuf demande ses papiers à Chris et que Rose s’interpose, on peut se dire qu’elle prend à coeur son rôle d’alliée blanche… ou bien qu’elle se met en posture de white savior tout en le mettant lui en danger, alors qu’elle-même ne risque rien. quoi qu’il en soit plus tard on comprend en fait qu’elle s’assure que l’identité de Chris ne soit pas signalée dans un contrôle de police à proximité de chez elle quelques jours avant son avis de disparition…

Sur la scène des flics noir-es moi non plus j’crois j’ai pas compris.
Mais je suis sceptique sur les analyses de ZeE et bender qui pensent que la scène dénoncent les flics non-blanc-hes comme pactisant avec le racisme d’état, vu que l’histoire que déballe Rod est franchement tordue et vraiment difficile à croire. le fait que l’inspectrice fait semblant de croire Rod donne l’impression que contre toute attente elle va l’écouter, le prendre au sérieux, qu’il s’installe entre elleux une solidarité — en tant que personnes noires, peut-être. Mais on comprend ensuite qu’il n’en est rien, que Rod a eu tort de croire que la police allait l’aider. Mais se refuse-t-elle à l’aider parce qu’il est noir et dénonce un kidnapping raciste? ou parce que son histoire est totalement tirée par les veuch? j’ai l’impression que la scène va plutôt dans ce second sens, donc c’est pas franchement politique. Sauf dans la mesure où certes non seulement on l’écoute pas mais on se fout violemment de sa gueule, histoire d’en mettre une couche sur le mépris de classe des policiers, quelle que soit leur race? (Rod est clairement pas très éduqué)
enfin bref pareil, j’aimerais bien entendre d’autres avis là dessus.

Sinon, concernant les méthodes employées par la famille Armitage…
En en discutant on en est venu-es à l’idée que là aussi il y avait un renversement de trope.

Habituellement, on associe la « possession » des corps et des esprits à de la magie « sauvage », exotisée, du vaudou ou du chamanisme, bref: des trucs de non-blanc-hes qui sont pour le coup renvoyé-es à une image tribale, primitive, a-scientifique etc. Là où le pouvoir occidental, par contraste, viendrait de la connaissance et de la manipulation objective et rationnelle du monde, celui des peuples « Autres » vient d’une soumission à un ordre naturel, d’une fusion avec une Nature animiste, d’une violence ritualisée qui canalise la violence du milieu naturel dans lequel iels sont censé-es évoluer.

Or ici, outre le fait que tout ça se passe dans une secte au discours sacrément allumé, l’hypnose de la mère et la chirurgie du père ressemblent plus à de la magie et des rituels qu’à des pratiques scientifiques. La scène de chirurgie notamment mélange les codes de la salle d’opération à ceux du rituel occulte: y’a les bougies, la déco de la pièce (pas franchement aux normes d’asepsie!!) les outils de chirurgie dans une mallette posés sur du velours rouge, et qui font penser à un kit de tortionnaire… Bref qui sont les sauvages je vous le demande!!

En plus, le fait que la personne possédée reste présente mais impuissante à l’intérieur de l’esprit après la greffe de cerveau fait penser à une forme de possession magique, bien plus qu’à une tentative d’approcher un quelconque réalisme neurochirurgical. Et je prétends que c’est fait exprès, même si certaines critiques ont trouvé cet élément de scénar un peu teubé ou exage. Pour moi c’est au contraire très malin parce que c’est un clin d’oeil aux films racistes où pour rendre crédible un élément de scénario un peu fantastique il faut forcément que cellui qui opère la magie viennent d’une culture bien non-blanche, bien exotisée, bien « préscientifique »… il y a plein plein d’exemples, des sortilèges des pyramides égyptiennes aux cimetières indiens. ben pour une fois surprise! c’est les blanc-hes qui font de la magie flippante, sinistre et irrationnelle.

Une pensée sur le fait que les personnes blanches qui « possèdent » ainsi un corps noir n’ont pas l’air d’avoir le moindre complexe du fait de leur apparence de non-blanc-hes, et au contraire semblent n’avoir aucun doute quant à leur appartenance pleine et entière à la race blanche (ou disons à la classe des blanc-hes): j’y vois un commentaire rappelant que la racisme n’a rien de biologique mais est une réalité sociale, construite par le vécu de l’oppression raciste.

autres points qui m’ont interpellée, où j’ai eu l’impression qu’il y avait un sens caché/métaphorique, mais que j’ai pas capté; si d’autres pensent avoir saisi des trucs?

  • l’accident au début, lorsque Rose percute un chevreuil, puis que Chris sort de la voiture pour voir la bête mourante?
  • l’histoire, racontée par Jeremy, de Rose qui mord la langue d’un type qui tente de l’embrasser de force?
  • le rictus chelou (satisfait?) de Rose lorsque Chris commence à l’étrangler à la toute fin?

voilà voilà j’espère que tout le monde ira voir ce film et donnera ses avis et réactions et franchement j’espère surtout pas dire de la merde en tant que personne blanche! si c’est le cas j’suis vraiment désolée, et merci à celleux qui auront la patience de me contredire :/
Je suis pas non plus hyper familière des tropes racistes au cinéma mais j’ai quand même l’impression d’en avoir spotté quelques uns, mais je suis sûr qu’il y a plein d’autres trucs!

bisous et tant qu’àf’ merciii pour cet espace de réflexion ciné-politique je kiiiiiffe 😀 <3

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