Répondre à: La Vie Domestique (2014)

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#9489
Arroway
Invité

Oui, c’est vrai, j’avais oublié cette scène. Elle fait partie des moment que je trouve intéressant politiquement, mais malheureusement assez mal fait, je trouve que ça sonne un peu faux, que c’est un peu trop caricatural (je sais pas trop pourquoi).

Perso, j’ai trouvé que justement, parce que c’était à la limite du caricatural (parce qu’on enchaîne les clichés, mais j’ai déjà assisté à ce genre de conversations creuses dans la vraie vie), on pouvait comprendre que le film avait un regard critique et conscient sur la situation privilégiée de ces femmes. Pourtant à un moment, on voit celle qui est enceinte en train de lire Courrier International. Donc il y a aussi une critique de cette sorte de smalltalk au raz des paquerettes qui s’impose comme ça, entre épouses (et c’est pas exagéré comme représentation, malheureusement), et qui révèle aussi peut-être la superficialité/stérilité de leurs échanges. Il y a une autre scène où l’une des épouses apprend par téléphone que sa grand-mère est morte, raccroche et fait bonne figure pour recevoir les deux autres comme si de rien n’était : finalement, malgré des moments de sociabilité comme ça, chacune reste
isolée avec ses problèmes domestiques à gérer toute seule.

Une autre scène qui m’intrigue un peu à ce niveau, c’est celle de l’atelier de littérature. Après que la prof a lu l’extrait de Virginia Woolf, il y a une discussion avec les élèves. A la fin, la prof s’adresse à l’une des élèves en disant « En France, les femmes sont libres de leur corps, elles sont libres d’avoir des enfants ou pas, de se marier ou pas, de travailler, de voter ». Et une des élèves (noire) lui rétorque : « ah ben on doit pas toutes vivre en France alors ». Et c’est sur cette phrase que se termine la scène.
Comment tu as compris cette scène toi? Moi je me demande si le discours est raciste (à base de : la femme blanche n’a pas conscience de l’oppression sexiste que vivent les femmes noires parce qu’elle est privilégiée par rapport à elle. Dans le sens de l’instrumentalisation raciste du féminisme qui domine aujourd’hui en France). Mais en même temps je ne crois pas, car tout le film est centré sur des femmes blanches de classe moyenne/supérieure qui vivent en banlieue pavillonnaire. Du coup, je me dis que la phrase de l’élève a peut-être pour but de mettre en évidence que la prof n’a pas une claire conscience de l’oppression sexiste qu’elle subit elle aussi en tant que femme blanche française de sa classe. Mais je sais pas trop. Comment tu l’as comprise toi cette scène ?

J’ai eu l’impression que le film avait l’approche suivante : filmer une sorte de ghetto pour riches de l’intérieur, du point de vue de quelqu’un qui vient d’arriver et qui a assez de privilèges (moyens financier, couleur de la peau) pour s’y intégrer sans problème mais qui y étouffe. Donc on a vraiment un point de vue interne. Et en même temps, il y a plein de petits passages où le film nous rappelle qu’il y a un autre monde à l’extérieur de ce quartier, dans lequel les règles ne sont pas les mêmes :
* à un moment, l’une des femmes qui conduit tourne la tête vers une sorte de camp (de gens du voyage je crois?) devant lequel elle passe. Leurs caravanes contrastent avec les maisons spacieuses qu’on nous a montré avant.
* la jeune fille qui tue son bébé (qui fait intelligemment écho au personnage de la mère de Robinson, qui manifestement a pas super envie de s’occuper de son gosse et en a même la trouille le soir à l’heure du bain)
* quand on parle du quartier plus « populaire » d’à côté
* dans la scène du repas du début du film, je crois me souvenir qu’il y a des perles au sujet de l’éducation, de l’intégration, etc. Et comme le gars est bien montré comme un connard fini, je crois que le film se désolidarise de ce discours.

Pour la scène que tu mentionnes, ça m’a aussi fait tiquer sur le moment, mais je crois qu’on peut la remettre en perspective avec la fin du film. La réplique de l’élève que tu mentionnes fait écho avec la réaction du personnage jouée par E. Devos quand elle se rend compte qu’elle connaissait le jeune fille qui a tué son bébé : c’est comme si elle découvrait soudain un autre monde, elle est abasourdie et on voit qu’elle réfléchit vraiment à ce qui s’est passé.

Maintenant, je pense que tout ça, c’est aussi ce que j’ai voulu voir/comprendre : le film ne va pas très loin, cela aurait mérité un message final plus affirmé pour qu’on saissise le point de vue du film. Parce qu’en l’état, on a juste une fille pauvre, qu’on a vu voire de la bière à 10h du matin, complètement paumée, qui a tué son gamin: on sait pas ce qu’elle a vécu, pourquoi elle a agi comme elle a fait, etc… Du coup, ça retombe dans le fait divers un peu cliché et on pourrait très bien comprendre que le film considère que les filles pauvres, noires, etc, sont des petites racailles fortes en gueule qui aiment bien se plaindre au lieu d’écouter la professeure blanche qui veut les aider (et qui leur apprend les valeurs de la République française) et qui commettent des crimes impardonnables parce qu’elles sont incapables de gérer des situations difficiles.

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