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  • #37233 Répondre
    milu
    Invité

    Bonsoir! j’ai vu deux fois ce film que j’ai vraiment kiffé.
    mais j’ai été un peu gênée aussi de, comment dire, un truc un peu dissonant entre ce que ça faisait résonner en moi de très juste, beau, complexe, et des interrogations plus théorico-politiques peut-être?

    une copine avec qui je l’ai vu a réagi comme ça « maaaais j’ai pas compris! j’aime pas pas comprendre les films! »

    une autre trouvait gênant l’aspect « militaire » pour le dire de façon exagérée, ou disons l’insistance sur la conformité et l’entraînement forcené (c’est de la danse hyper-synchronisée, et il y a une scène où une ancienne explique aux nouvelles qu’elles vont devoir travailler non-stop sinon c’est la porte)

    encore une autre trouvait ça chelou cette maladie qui touche que les filles, qui lui semblait ressembler beaucoup au mythe de l’hystérie à l’ancienne et que ça l’a gêné qu’une espèce de maladie « spéciale fille » soit esthétisée.

    Et enfin, « évidemment » j’ai envie de dire, il y a la dimension super genrée de l’histoire: Toni boxe avec son grand frère au début (et à part elle il n’y a que des garçons dans le club), puis elle est attirée par un groupe de meufs (que des meufs) qui font du drill (une danse synchronisée en groupe) et elle délaisse la boxe pour le drill et travaille dur pour s’intégrer (par mimétisme) dans ce groupe. C’est pas qu’on doit forcément montrer le plus possible de personnages meufs qui résistent aux injonctions, mais là les injonctions me semblent invisibilisées…?

    Pour moi, ça m’a pas vraiment gênée sur le moment, je crois parce qu’on a un film qui est très subjectif, où on voit vraiment les choses du point de vue de Toni, et que ça ne cherche pas à généraliser je crois. Aussi même si les « crises » peuvent être vues comme un passage obligé, elles sont à la fois similaires et distinctes chez chacune (donc on voit la dialectique entre la conformité, pression de la norme et l’individualité, l’espace pour s’épanouir à l’intérieur de ces contraintes…)

    mais en faisant un pas de recul et en mettant de côté le plaisir de l’immersion dans ce film (vraiment! trop! beau!!!) j’me dit qu’on voit au final un message assez positif (« t’inquiètes c’est flippant mais ça va bien se passer ») dans le fait de se soumettre à une norme de féminité qu’on n’a pas choisie. le film ne montre presque aucune vraie coercition ou violence c’est un choix (la réal le dit), mais plutôt une tension intérieure (et ça me gêne un peu parce que je crois personnellement qu’il n’y a pas de peur, d’angoisse face aux normes qui ne soit intégrée par des violences plus ou moins subtiles, donc le choix a été de les gommer) de la petite Toni qui flippe de grandir, de devenir une jeune femme, mais découvre que finalement c’est pas si pire et s’épanouit…

    puis j’sais pas, un truc un peu essentialiste ou naturalisant aussi qui ressort de l’interview que j’ai citée plus bas, quand la réalisatrice dit que l’adolescence c’est (fatalement? naturellement?) la peur qui vient du fait de ne pas bien connaître son corps, ses désirs, son identité… et une autre citation qui dit que les crises sont « comme ce qui fait qu’on sourit quand quelqu’un d’autre sourit. Un désir d’appartenance. »

    Bref, je sais pas trop quoi penser au final, et c’est pas grave je laisse ces deux lectures/sentiments coexister… mais j’aimerais beaucoup entendre d’autres avis si d’autres l’ont vu!

    m

    PS/ J’ai lu des inter de la réalisatrice Anna Rose Holmer qui m’ont éclairée sur certains trucs, et que je trouve chouettes (en anglais, désolée):

    Kathryn Bromwych pour The Guardian:

    I was producing a documentary, Ballet 422, where we followed a young choreographer and watched dancers learn their moves with this unspoken body exchange. I started thinking about adolescence as a choreography that we learn in a similar way, by body mirroring, by looking at others to define how we move, how we talk, how we think about ourselves. I’d always been fascinated by cases of mass psychogenic illness, and something clicked.

    It’s also about my own coming of age. I co-wrote this with my editor, Saela Davis, and my producer, Lisa Kjerulff. We all had similar experiences of being close with our older brothers and then entering into larger groups of females. Navigating that moment was really defining for us.

    VF:Je réalisais un docu, « Ballet 422″, qui suit un-e jeune chorégraphe et montre les danceur-euses apprendre les mouvement par cette communication corporelle, sans parole. Je me suis mise à réfléchir à l’adolescence comme à une chorégraphie qu’on apprend de la même façon, en miroir, en regardant les autres pour définir comment on bouge, comment on marche, comment on se représente qui on est. J’ai toujours été fascinée par les cas de maladie psychogène de masse, et j’ai eu le déclic.
    C’est aussi une histoire qui parle de mûrir, d’entrer dans l’adolescence. Je l’ai coécrite avec ma monteuse, Saela Davis, et ma productrice, Lisa Kjerulff. Nous avions toutes trois des expériences similaires de proximité avec nos grands frères, avant de nous intégrer dans des groupes de filles. Ce moment de basculement a vraiment été déterminant pour nous. »

    Et celle ci de Julia Felsenthal pour Vogue (je trouve l’itw elle même trop classe d’ailleurs! les questions sont top!)

    This is not a horror movie, but you co-opted horror tropes (movies like Carrie came to mind). Why lend that element of creepiness to what is ultimately, I thought, a very good-hearted movie?
    We’re saying that there is power in collective identity. And it should not be conflated with conformity. There is that fear, though, and it’s real. What Toni is struggling with is fear of herself. Not knowing her own body, desires, insecurities, limits. That’s what adolescence is about. It’s pretty scary.

    The entire film is really about putting the audience in Toni’s headspace and physical bodily space, and that’s fraught with anxiety and tension. That’s where the nod to horror comes from. There was this unseeable monster, which manifests itself in the fits. But I think it’s also brewing quietly in Toni. When you see that monster it might not be what you feared. It could be this beautiful, transformative, graceful thing. The not knowing is what’s so scary.

    Il ne s’agit pas un film d’horreur, et pourtant vous avez récupéré des codes de l’horreur (on pense par exemple à Carrie). Pourquoi ajouter un élément d’inquiétude à un film qui, pour moi, est en fin de compte très bienveillant?

    « Ce qu’on essaie de dire c’est qu’il y a du pouvoir dans une identité de groupe, qui est à distinguer du conformisme, mais on a cette peur quand même, elle est réelle. Ce avec quoi Toni galère c’est sa peur d’elle-même. Ne pas connaître son corps, ses désirs, ses insécurités, ses limites. C’est ça l’adolescence. C’est assez flippant.

    Le but du film est de mettre les spectateur-trices dans l’espace mental de Toni, ainsi que dans son espace physique et corporel, qui comporte une charge d’angoisse et de tension. D’où l’allusion au film d’horreur. On a ce monstre invisible, qui se manifeste dans les crises. Mais je pense qu’on a la même chose qui monte lentement en Toni. Quand on aperçoit enfin ce « monstre », ça ne ressemble peut-être pas à ce qu’on craignait. ça pourrait aussi être quelque chose de beau, transformateur, grâcieux. C’est de ne pas savoir qui rend ça effrayant. »

    #37264 Répondre
    Arroway
    Invité

    Ah, je voulais aller voir ce film justement ! Je regarde et je reviens poster sur ce thread 🙂

    #37265 Répondre
    Milu
    Invité

    ha trop bien, j’ai hâte d’entendre ce que t’en auras pensé 😀

    #37266 Répondre
    Arroway
    Invité

    Bon, quelques réactions à chaud :
    le film m’a mis assez mal à l’aise, et me laisse assez dubitative sur le déroulé du scénario.

    En fait, je le trouve carrément essentialisant pour plusieurs raisons.

    Au départ, Tony semble être « one the boys » sans que cela ne soit réellement problématisé : est-ce que la boxe l’intéresse ou c’est juste pour être avec son frère ? Il n’y a aucun autre garçon ou fille de son âge, cela rend la situation un peu bizarre mais ce n’est pas vraiment expliqué.
    Et puis pour une raison inconnue, elle commence à s’intéresser à la danse, sans qu’on sache vraiment pourquoi (et évidemment, faire de la danse est incompatible avec le fait de pratiquer de la boxe en parallèle).
    On dirait que c’est simplement une manière de mettre en scène le fait que quand on est fille avant la puberté, on peut à la rigueur faire partie du groupe des garçons, mais à l’adolescence, la « nature » reprend ces droits et on est « poussée » mystérieusement vers le groupe des filles.

    Aucun garçon ne cherche à intégrer le groupe de danse. Il n’y a pas d’autres fille qui boxe. D’ailleurs, on ne voit jamais Tony boxer réellement contre quelqu’un. Donc on a vraiment un monde séparé en deux, et dès le départ on nous suggère que Tony n’est pas à sa place parmi les boxeurs.
    Y a cette scène au ralenti où elle regarde les blessures physiques de la pratique de la boxe sur les garçons autour d’elle, on a l’impression que cela la marque, voire la choque. Je me demande si ici le film ne suggère pas que son attirance pour la danse est aussi une forme de refus, de fuite d’un monde masculin violent.

    Il y a aussi une absence de discours sur les différences entre les disciplines pratiquées par les filles et les garçons. On montre les exercices physiques pour l’entrainement à la boxe : musculation, endurance, force. A la boxe, on apprend des gestes qui donnent un pouvoir concret. Au niveau de la danse, on ne voit pas les filles s’entraîner sur le plan musculaire et de l’endurance ; les mouvements de combat (coups de poing, coups de pied) sont fait « dans le vide ».

    Le deuxième point essentialisant, ce sont ces crises qui n’arrivent qu’aux filles. Moi j’y ai vu une métaphore de règles, le truc qui te fait devenir une « femme » : cela arrive d’abord aux filles les plus âgées, elles décrivent entre elles comment ça se passe, il y a les réactions de peur, le fait que c’est différent pour chacune, etc. Et puis l’idée que « il faut bien passer par là ».

    Il y a un truc qui m’a fait tiqué dans l’interview de Vogue :
    « One of the things that we wanted to highlight: No one is bullying Toni or kicking her out or telling her she’s ugly or telling her she’s no good. There’s a little bit of that pressure, but for the most part, she’s self-isolating. »

    Ca me gêne cette idée qu’elle s’isole elle-même, que c’est sa responsabilité. Parce qu’en règle générale, c’est surtout un comportement en réaction à des expériences passées plutôt négatives; ou alors la conscience qu’elle ne colle pas aux normes de féminité du groupe.

    #37269 Répondre
    Milu
    Invité

    Merci pour ta réaction. Oui ça m’a fait tiquer aussi cette formule sur le fait qu’elle « s’auto-isole ». What the fuck n’est-ce-pas?! comme je disais, si le choix est fait de « ne pas montrer » de violences, c’est pour le dire sans fard, qu’elles sont invisibilisées.

    Hmm, tout ça me fait me demander dans quelle mesure je ne suis pas aveuglée dans ma critique, d’une par l’esthétique du film (encore une fois je l’ai trouvé hyper beau, donc j’ai envie de lui trouver des excuses) (et l' »esthétique » adoptée a un côté « cinéma d’auteur », c’est trop subtil pour que je l’explicite sans effort mais je pense qu’il y a des codes disons « gauchistes » de mobilisés, bref, là je vais peut-être un peu loin…?) et de deux par son côté crypté… ou peut-être tout simplement cryptique (qui fait genre crypté sans l’être vraiment quoi).

    Il me semble qu’il y a sinon une volonté du moins une conséquence des choix de réalisation qui explique la réaction d’une copine (elle-même réalisatrice de docu, autant dire qu’elle a plus que la moyenne des billes pour comprendre le « langage » ciné) qui est de dire « j’ai pas compris et ça m’énerve »: à première vue effectivement c’est juste clairement essentialisant (merci de mettre les mots dessus sans détours ha ha 🙂 donc en fait, bah, sexiste hein 🙂 MAIS comme c’est un peut « arthouse », un peu cryptique, on se dit qu’il doit y avoir quelque chose qu’on a pas capté. en tout cas c’est clairement ce que je me suis dit.

    La réal parle bien (et sans doute très sincèrement) de son propre vécu (elle a p’têt eu de la chance? parce que moi les violences et l’exclusion de quand j’étais ado je les ai pas oubliées…), et de son choix de considérer l’adolescence au prisme du mimétisme et par métaphore comme une chorégraphie. Et ok pourquoi pas! mais on pourrait pousser la métaphore: dans une troupe de danse pro, si tu es pas assez bon-ne, si tu ne maîtrise pas assez bien ce mystérieux « langage corporel » dont elle parle, bah tu prends cher, et éventuellement tu peux aller te rhabiller et chercher un boulot moins valorisant, dommage pour ta gueule. Sans parler que comme tout milieu élitiste, ou tout simplement hiérarchique, il doit y avoir toutes sortes de violences, harcèlements et rapports d’autorité malsains et destructeurs. Ouais ouais, comme l’adolescence. Sauf que cette suite logique de la métaphore, elle est absente du film, tiens tiens…

    enfin la dimension genrée du film, à part effectivement quand elle le rattache à son vécu de « tomboy » qui prend de la distance de ses frères en intégrant un groupe de filles, elle en parle pas du tout dans les itw que j’ai trouvées. mmouais…

    bref, merci de cette lecture ça me parle tout à fait en fait!

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