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Sexisme et images : une étude d’observation

sexismeicone

En matière de discrimination entre les hommes et les femmes, on s’accorde souvent à penser qu’au-delà des lois, le problème s’ancre dans l’imaginaire collectif, sur le terrain du symbolique. Le sexisme se manifeste par des images, des signes, à la fois sources et reflets de l’imaginaire collectif. Travaillant moi-même sur le terrain du symbolique dans une optique d’ artiste chercheur, j’ai souhaité enrichir mon point de vue sur l’état actuel des représentations hommes-femmes à l’aide d’observations pour une fois « générales », sans m’arrêter sur les cas particuliers. Les images aussi dessinent des statistiques… Mais quelles images observer ? Quels signes ? Il y en a partout. La publicité et le cinéma comptent parmi les hauts lieux de production ou de reproduction des imaginaires collectifs. J’ai finalement opté pour les bandes annonces de cinéma qui sont à l’intersection des deux et ont l’avantage de pouvoir être regroupées facilement en un corpus à la fois large et exploitable. Parmi les personnages de femmes et d’hommes, qui frappe ? Qui pousse des cris de peur ? Qui décide ? Qui fait rire ? Ou encore qui conduit ? Et comment, dans quelles proportions ? En interrogeant ce corpus de films, je vous propose de partir à la recherche des différences statistiques entre les représentations des femmes et des hommes.

 

Le corpus

Il s’agit des bandes annonces des cinq films les plus vus chaque semaine au cinéma, en France, sur une période de six mois, de novembre 2013 à mai 2014 (cliquez ici pour en récupérer la liste). Présentées dans l’ordre alphabétique des titres, elles totalisent deux heures de vidéo et sont numérotées de 1 à 58.

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Trois observations pour établir la proportion d’hommes et de femmes

Pour savoir dans quelle mesure il peut y avoir une surreprésentation des personnages masculins ou féminins, deux difficultés apparaissent d’emblée. D’une part il n’est pas possible de compter et distinguer chaque personnage jusqu’au dernier des figurants composant une foule. D’autre part on ne peut pas traduire mathématiquement le fait que ce figurant n’a pas la même importance que le personnage  qui parle au premier plan. À défaut de trouver la méthode de mesure parfaitement pertinente, voici deux mesures complémentaires : l’une porte sur le maximum de personnages que l’on peut compter pendant un visionnage normal, l’autre ne tient compte que du personnage principal.

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1ère observation

Nous sommes deux -un homme et une femme- à compter un maximum de personnages féminins et masculins. Le comptage se fait pendant le visionnage en continu des deux heures de bandes annonces. Nous utilisons une application de compteur pour smartphone : à chaque pression du pouce droit ou gauche correspond un personnage d’homme ou de femme. Le comptage se fait par plan, c’est-à-dire sans ignorer un personnage au prétexte qu’on l’aurait déjà vu précédemment. Nous ne comptons pas les foules. Mais lorsqu’un groupe de figurants est exclusivement composé d’hommes ou de femmes, nous le comptons pour deux personnages. Résultat, nous arrivons à un total d’environ 3600 personnages (moyenne des deux comptages). Et nos pourcentages d’hommes et de femmes ne diffèrent que de moins de 1%. Le résultat est donc très fiable.

Les personnages :

Hommes : 70%        Femmes : 30%

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2ème observation

Il ne serait pas juste de se contenter d’une mesure à tendance exhaustive en ignorant le fait que les personnages ne sont pas d’égale importance, il y a des héroïnes, des héros. Mais puisqu’il est souvent impossible de déterminer quel est le « personnage principal » sans recourir à une part de subjectivité, identifions simplement le personnage qui dans chaque bande annonce apparaît le plus longtemps à l’écran. Quand les durées de visibilité à l’écran de deux personnages sont proches, un chronomètre est utilisé pour les départager.

Résultat en vidéo (les b-a sont numérotées de 1 à 58) :

(2ème lien vidéo)

Le personnage le plus longtemps à l’écran :

Homme : 79,3%          Femme : 20,7%.

Il paraît raisonnable de penser que l’essentiel de l’action se situe  là, entre ces deux premières mesures, l’exhaustive et la hiérarchique, vers la répartition hommes-femmes de 70%-30% mais corrigée en tenant compte de la répartition hommes-femmes du personnage principal, 79%-21%.  Cette imprécision renvoie au vague de la notion de « représentation » des personnages masculins et féminins. On peut toujours regretter ce flou mais il y a plus important. En effet, quels que soient les personnages, ils correspondent à la vision de qui ?

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3ème observation

Quels sont les pourcentages de réalisatrices et de réalisateurs ?

Réalisateurs : 91,4%          Réalisatrices : 8,6%

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4ème observation

La méthode statistique que j’utilise permet difficilement de mettre à jour des différences subtiles de comportements ou de mise en scène des personnages féminins et masculins comme le ferait une analyse approfondie de bandes annonces particulières. Mais l’objectif ici est de faire des observations qui soient réellement établies comme tendances générales, et de les donner à voir, pas seulement à lire sous la forme de pourcentages.

Pour commencer à observer les comportements, qui frappe ? On se doute que ce sont surtout les hommes mais dans quelles proportions, comment et dans quels contextes par rapport aux femmes ? Voici donc tous les « coups », sans sélection, des plus violents aux plus légers et comiques. Lorsque des numéros de bandes annonces défilent sans images, cela signifie qu’elles ne contiennent aucun coup.

(2ème lien vidéo)

Qui frappe ?

Hommes : 90,2%        Femmes : 9,8%

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5ème observation

Qui pousse des cris de détresse ? Le montage suivant les inclut tous, à l’exception des réflexes de douleur, moins significatifs.

(2ème lien vidéo)

Les cris de détresse

Femmes : 70%        Hommes : 30%

Nous avons pourtant vu que le pourcentage de personnages masculins et féminins était exactement inverse. Là encore, sans commentaire.

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6ème observation

Cette méthode permet-elle de constater qui commande ? Pour obtenir une réponse sous forme de montage suffisamment neutre, il faut que la question soit bien formulée. Par exemple, essayer de montrer toutes les « décisions » est problématique : se lever peut être une décision. Le mot « injonctions » convient mieux. Mais j’ai exclu les injonctions qui sont exprimées par des tournures du type « il faut », « nous devons », car elles sont souvent difficiles à différencier de l’expression d’un simple point de vue. De même, je laisse de côté les injonctions exprimées par un simple futur (ex. : « Tu prendras la barre ! ») car il est parfois difficile de les différencier de phrases seulement informatives. Les risques de biais subjectifs étant réduits, voici qui fait des « injonctions ».

(2ème lien vidéo)

Les injonctions

Hommes : 77,4%        Femmes : 22,6%

Corrélés aux pourcentages de personnages masculins et féminins – 70% d’hommes, 30% de femmes – l’inégalité pointée par ces chiffres reste nette mais paraît alors moins marquée que les précédentes. Par ailleurs, les « injonctions » n’indiquent pas forcément précisément « qui commande » réellement. Sur une idée proche, on verra plus loin « qui conduit ».

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 7ème observation

Qui a de l’humour ? Appliquée aux bandes annonces, cette question ne paraît pas pouvoir obtenir de réponse objective. Par contre, il est possible d’observer « qui fait rire au moins un personnage, sans que ce soit à ses dépens ». Malheureusement, seuls dix cas répondent à cette sélection. Pourtant le résultat est déjà significatif.

(2ème lien vidéo)

Qui fait rire ?

Hommes : 10      Femmes : 0

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8ème observation

Il y a des corps qui sont plus jugés que d’autres… Qui est visé par les jugements esthétiques ?

(2ème lien vidéo)

Qui est visé par les jugements esthétiques ?

Les femmes : 3/4      Les hommes : 1/4

Présenter le résultat en pourcentages aurait été exagéré pour un total de seulement 21 cas. Ces proportions imprécises sont néanmoins significativement éloignées des proportions de personnages féminins (30%) et masculins (70%).

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9ème observation

Quel que soit le moyen de transport, qui conduit ? Le comptage est fait par plan mais quand un conducteur apparaît sur deux plans consécutifs, il n’est pas compté deux fois. Les groupes sont comptés comme trois maximum. Le véhicule ne doit pas être totalement immobile.

(2ème lien vidéo)

Qui conduit ?

Hommes : 92,4%        Femmes : 7,6%

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10ème observation

Qui présente le film ? À qui confie-t-on la voix off, quand ce n’est pas celle d’un personnage ? Sur les cinquante huit bandes-annonces, il n’y a que sept cas. Le résultat n’est donc pas très pertinent. Cependant, ils sont déjà répétitifs…

(2ème lien vidéo)

Une voix féminine pour six voix masculines.

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Conclusion

sexismeIl y a plus de 2 fois plus de personnages masculins, 4 fois plus de premiers rôles masculins, plus de 10 fois plus de réalisateurs que de réalisatrices, les personnages féminins risquent environ 5 fois plus de crier de peur ou d’être l’objet d’un jugement esthétique, on souligne moins leur humour, il y a 12 fois plus de conducteurs que de conductrices… Il est possible que je complète cet article avec d’autres observations dans l’avenir. D’abord parce que je n’ai pas vraiment atteint l’un de mes objectifs qui était de découvrir des « impensés formels ». C’est-à-dire des différences  statistiques sur des questions moins conscientes comme peut-être : « Qui baisse les yeux ? », « À qui coupe-t-on la parole ? », « Qui occupe l’espace ? » ou encore des différences de cadrage. Ensuite parce qu’il serait intéressant de montrer les cas de plus grande égalité, probablement sous-représentés ici. En effet, les très rares bandes annonces sans coups, sans cris, sans injonctions et où les personnages se déplacent à pied pourraient s’avérer plus égalitaires.  Sans parler des films très éloignés des standards et qui ont peu de chances de figurer dans ce corpus (qui correspond, je le rappelle, aux cinq films les plus vus par semaine sur une période de six mois). À ce propos, j’ai profité de ce travail pour interroger une phrase des Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard, « A film is a girl and a gun ». En ne considérant que les bandes annonces – même pas les films en entier – où figurent au moins une femme et une arme, on atteint déjà 62%. Oui, il y a bien des « recettes », et elles pèsent. Ce poids des stéréotypes (la conscience de ne pas y échapper moi-même est une des motivations de cet article), ce suivisme sera ma dernière « observation ». Il n’est évidemment pas spécifique au sexisme et se perçoit dans toutes sortes d’effets redondants. Écoutez par exemple la fin de beaucoup de bandes annonces : des sons qui montent et « boum » !

(2ème lien vidéo)

Si après 70 ans d’éligibilité des femmes à la présidence de la République française, aucune n’a encore exercé cette fonction, est-ce d’abord un problème d’imagination ?

Frédéric de Manassein, 08/2015

(actualisation d’une recherche effectuée en 2003)

Site de l’auteur : www.regardeoutumarches.net

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9 réponses à Sexisme et images : une étude d’observation

  1. Très intéressant. J’ai régulièrement envie d’essayer de faire ce genre de comptages quand je regarde des films, étant très cinéphile, mais je n’avais jamais pensé à me réduire aux bandes annonces pour me faciliter la tâche. (Le Bechdel test est intéressant également mais je le trouve assez souvent difficile à établir, du coup je n’ai jamais vraiment essayé moi-même).

    Pour autant je dois dire que je trouve le corpus choisi trop réduit : je ne suis absolument pas surprise par les résultats. Et la conclusion que j’en tire n’est pas vraiment : « les cinéastes renforcent le sexisme » mais plutôt : « les spectateurs ne sont pas rebutés par les stéréotypes sexistes ». Donc mon bémol c’est que j’aurais préféré voir une sélection plus exhaustive, afin de ne pas exclure les réalisateurs qui feraient remonter le niveau.

    J’avais moi-même effectué un petit comptage statistique au moment où plusieurs papiers peu ‘scientifiques’ traitaient de la différence d’âge entre homme et femme dans les couples à l’écran. Mais pour cela, j’avais choisi de me pencher à la fois sur les films ayant attiré le plus de spectateurs en salles et sur les films nommés aux César. Uniquement les films français, car je trouve l’étude des films hollywoodiens moins intéressante : je savais à quoi m’attendre. Il faudrait que je retrouve mes résultats mais j’avais donc étudié 60 ou 70 films français sortis en 2014 et il était intéressant de constater si l’écart « films grands publics » – « films d’auteurs » était important. Il l’était. Mais pas autant que je m’y attendais; les films nommés aux César versaient aussi beaucoup dans le cliché « homme de 60 ans avec compagne de 25 ou 35 ans », alors que les statistiques de l’INSEE peignent une toute autre réalité.

    A ce propos, je m’étais contentée de comparer les âges au sein des couples, mais vous pourriez comparer les âges de tous les comédien-ne-s à l’écran (ou uniquement des héros/héroïnes) pour vraiment se rendre compte des différences entre hommes et femmes : je m’attends à voir des différences nettes pour les quadras et quinqua, (mais d’ailleurs : à quel point les femmes jeunes écrasent-elles leurs comparses masculins du même âge ? J’ai l’impression que les jeunes comédiens hommes ont moins de rôles à leur disposition que les jeunes femmes, mais il est très possible que je me trompe lourdement ?)

    Vous n’avez pas comptabilisé les corps nus/dénudés ? Ils n’apparaissent peut-être pas beaucoup dans les bandes-annonces… C’est vraiment quelque chose qui mériterait analyse sur l’intégralité des films : je trouve qu’il y a une évolution très très notable ces dernières années (moins de femmes nues sans aucune ‘raison’ et plus d’hommes dénudés qu’avant) mais la différence reste très flagrante, notamment dans les films grand public.

    • Un scénariste lecteur de scripts pour les sociétés a fait un petit recensement de ses 100 dernières lectures.
      http://minimumoverdrive.blogspot.fr/2015/07/scenarios-francais-statistiques.html
      Je pense que vous trouveriez ça très leger mais en tout cas c’est représentatif de qui écrit et de quoi on écrit en France.

    • Merci pour vos commentaires !
      Merci Anna ! Comparer les âges, compter les corps dénudés : oui, effectivement. Je n’ai pas cherché à être exhaustif. J’ai cherché une façon qui me soit accessible de produire un point de vue sinon représentatif, du moins très indicatif de l’état général du sexisme dans les images. Un point de repère. D’où le choix de cette intersection entre deux acteurs massifs de l’imaginaire collectif, publicité et cinéma. Étendre le corpus ? Il faut en avoir les moyens. Et ça poserait des questions. Par exemple celle de devoir rapporter chaque comptage de chaque film à son nombre d’entrées en salle pour ne pas mettre artificiellement à égalité un film très confidentiel et un « blockbuster ». Vous proposez de ne pas exclure des réalisateurs/trices moins vus qui feraient « remonter le niveau ». Mais à quelles places du box-office les trouve-t-on en particulier ? Outre le fait qu’ils sont moins représentatifs des signes dominants, les films qui sont moins vus sont-ils en moyenne nettement meilleurs ? Je trouve très intéressante votre idée de comparer différents types de films. Mais idéalement, ma question – où en est l’égalité femmes-hommes dans les signes ? – réclamerait autre chose : un corpus incluant des BD, affiches, emballages, codes vestimentaires, des gestes du quotidien… À défaut, les bandes annonces sont un indicateur.
      Pour ce qui est du problème de l’attribution du sexisme (lorsque vous soulignez plutôt le rôle des spectateurs par rapport à celui des réalisateurs/trices dans cette étude). Dans l’article, j’évite délibérément ce débat en résumant : «…des images, des signes, à la fois sources et reflets de l’imaginaire collectif ».
      Merci beaucoup pour toutes ces pistes !

  2. J’aime beaucoup cet article. Très factuel, très clair.

  3. Article très édifiant et stimulant.
    Hate de voir la suite.

    A noter que le site présente aussi des travaux aussi demonstratifs comme celui ci:

    http://www.regardeoutumarches.net/2015/05/24/art-et-pedagogie-critique-des-medias/

    Pour ceux qui ne peuvent telecharger (genre au taf), voici le corpus:

    Les cinq films qui font le plus d’entrées au cinéma par semaine du 13 nov 2013 au 14 mai 2014. Liste établie
    d’après le box office publié par le site Allociné. Classement alphabétique.

    1 12 years slave
    2 300 : la naissance d’un empire
    3 American bluff
    4 Avant l’hiver
    5 Avis de mistral
    6 Babysitting
    7 Barbecue
    8 Belle et sébastien
    9 Capitaine phillips
    10 Captain america, le soldat de l’hiver
    11 Cartel
    12 Casse tête chinois
    13 Clochette et la fée pirate
    14 De toutes nos forces
    15 Divergente
    16 Evasion
    17 Fiston
    18 Godzilla
    19 Grace de Monaco
    20 Gravity
    21 Homefront
    22 Hunger games l’embrasement
    23 L’amour est un crime parfait
    24 La belle et la bête
    25 La grande aventure légo
    26 Frozen La reine des neiges
    27 La vie rêvée de walter mitty
    28 Le crocodile du Botswanga
    29 Le hobbit : la désolation de smaug
    30 Le loup de Wall street
    31 Le manoir magique
    32 Le vent se lève
    33 Les garçons et Guillaume, à table
    34 Les gazelles
    35 Les trois frêres le retour
    36 Les yeux jaunes des crocodiles
    37 M. Peabody et Sherman : les voyages dans le temps
    38 Mea culpa
    39 Minuscule la vallée des fourmis perdues
    40 Monuments men
    41 Noé
    42 Non stop
    43 Pompéi
    44 Prêt à tout
    45 Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?
    46 Rio 2
    47 Robocop
    48 Salaud on t’aime
    49 Situation amoureuse : c’est compliqué
    50 Supercondriaque
    51 The Amazing Spider-Man : le destin d’un Héros
    52 The grand Budapest hotel
    53 The immigrant
    54 The Ryan initiative
    55 Thor : le monde des ténèbres
    56 Une rencontre
    57 Yves saint laurent
    58 Zulu

  4. « Ensuite parce qu’il serait intéressant de montrer les cas de plus grande égalité, probablement sous-représentés ici. En effet, les très rares bandes annonces sans coups, sans cris, sans injonctions et où les personnages se déplacent à pied pourraient s’avérer plus égalitaires. Sans parler des films très éloignés des standards et qui ont peu de chances de figurer dans ce corpus »

    Je ne pense pas… Déjà parce que sur ce site les films d’action (avec des cris et des coups) se font autant allumer que les autres et ensuite parce qu’il y a des films d’actions exemplaires sur la représentation des opprimés comme Alien, pour son personnage féminin par exemple.

    Dans ce classement des meilleurs films avec une héroïne:
    http://www.senscritique.com/top/resultats/Les_meilleurs_films_avec_une_heroine/465502
    Il me semble y avoir bien plus de films avec cris et coups que sans.

    Les schémas oppressifs imprègnent toute la société et je ne pense pas que certaines catégories d’individu soient épargnées, pas même les « vrais » artistes qui font du « cinéma d’auteur indépendant »(je caricature, mais je pense que c’est ce que tu sous-entendais).

    Ceci dis ce n’est que mon avis et il serait intéressant de voir si certains genres sont plus progressistes que d’autres.

    (je critique mais je suis le premier à attaquer les films de super héros pour mettre en avant la science fiction, on à tous nos préjugés…)

  5. Cette approche est intéressante. Il faut toutefois faire attention à certains biais : par exemple, il est difficile de pouvoir critiquer directement un ou une réalisateur/trice, dans la mesure où ils/elles ne décident pas eux-mêmes du montage de la bande-annonce. Il y a certainement des exceptions ceci dit. A vérifier.
    En gros, il faudrait quasiment considérer la bande-annonce comme un film à part entière, bien que dans le cas des blockbusters il s’agisse le plus souvent de racolage honteux dénué de toute originalité et monté en pilote automatique avec tous les clichés habituels que vous soulignez à la fin.
    Pour aborder les choses sous un autre angle, il s’agirait de tenter de savoir dans quelle mesure un film est expurgé de son contenu « artistique » ou « créatif » pour attirer le chaland en quelques minutes dans le but de servir directement des intérêts financiers. Pour dire les choses simplement, la marge de manoeuvre artistique est réduite. Comme vous le dites, on est à mi-chemin entre la publicité et le cinéma.

    • Bonjour Super-Michel,
      sans vouloir répondre à la place de l’auteur il me semble qu’il ne cherche pas ici à porter de jugement sur les choix des réalisateur.rices des films dont les bandes annonces sont étudiées.

      telle que je comprends sa démarche, il s’agit de prendre du recul par rapport aux choix de représentations effectués par des individus (que ce soient les réals comme les monteur.euses de bande-annonces) pour observer leurs similarités (et non les points sur lesquels ils font preuve d’originalité): autrement dit montrer comment le sexisme crée des normes dans les représentations au cinéma. ces normes sont dans un rapport circulaire à l’idéologie sexiste: elles sont là à cause de cette idéologie (qui imprègne le cerveau des personnes qui créent des films) et, en tant que représentations dans un média de masse, elle la reproduisent… massivement.

      il est vrai que l’article ne démontre cela que concernant les bandes-annonces, pas le cinéma de masse dans son ensemble. C’est une limite qu’on peut lui trouver que de postuler implicitement que ce sexisme qui est avéré (en tout cas selon les critères et le corpus choisi) pour les bandes-annonces est représentatif du sexisme des représentations dominantes au cinéma voire dans les médias dans leur ensemble.

      Plusieurs observations cependant:

      1) les scènes choisies dans les bande-annonces font partie des films. Je doute que les occurrences de sexisme constatés dans les extraits que sont les BA soient systématiquement ou même souvent désamorcées ou compensées par des scènes féministes, dans le reste du film. Qu’en pensez-vous?

      2) les bandes-annonces étant projetées au cinéma avant les films, elles constituent bien un corpus « cinématographique » légitime, à considérer comme indice d’une culture plus large mais aussi, comme vous dites, comme des « films à part entière » que les spectateur.rices voient et (j’imagine?) apprécient. en tant que telles elles constituent bien un objet d’étude en soi. (il me semble que c’est ce que vous écrivez vous-même?)

      3) les « intérêts financiers » qui conduisent à ce que vous appelez du « racolage honteux » s’exercent aussi sur les films eux-mêmes… or donc si l’on admet (comme vous semblez le faire) que les intérêts financiers imposent certains clichés sexistes (entre autres) aux BA, les mêmes intérêts n’imposent-ils pas, certes pas mécaniquement, certes de façon un peu plus diffuse, des clichés sexistes comparables aux films?

      4) enfin mais ceci est plus spéculatif, si l’on comprend et reconnaît l’hypothèse féministe selon laquelle le sexisme (qui est l’idéologie sur laquelle repose la domination masculine alias le patriarcat) est présent en chacun.e de nous et non imposé d’en haut par, entre autres, des majors du cinéma, comment les films de divertissement (a fortiori les mieux marketés/les plus vus) en seraient-ils exempts??

      En effet, je pense qu’on gagne à considérer cet article dans un ensemble de recherches critiques dont ce site contient de nombreux exemples, qui ne laissent aucun doute quant au fait que, a minima, la production cinématographique dite « de masse » (alias « blockbusters ») est largement empreinte de sexisme dans ses choix de représentation. ces observations critiques réitérées s’inscrivent elles-même dans un cadre théorique plus large, celui du féminisme, qui constate une domination masculine dans la société et montre comment la production cinéma — parmi bien d’autres processus — reproduit et reconduit cette domination en entérinant dans nos imaginaires des idées sexistes.

      ce n’est pas faire insulte à la créativité de réalisateur.rices individuelles que de dire ça. l’existence de normes dominantes ne signifie pas qu’ils et elles n’ont aucune « liberté » dans leur créativité. (mais je mets quand même des guillemets au mot « liberté » 😉 il s’agit simplement de dire que la plupart des représentations (pas 100% mais une large proportion) sont influencées, formatées, conditionnées par ce filtre déformant du sexisme. On est rarement intentionnellement « sexiste » (du moins on utilisera pas ce mot-là qui est péjoratif 😉 mais on croit que les femmes sont plus ou moins « faites » pour ci et pas pour ça, ou que c’est « naturel » que les femmes commandent moins, ou soient plus silencieuses, etc. tout ça c’est le sexisme ordinaire dont beaucoup, beaucoup de personnes dans notre société ne réalisent pas qu’il s’agit d’une « construction », de quelque chose qui n’est pas « vrai » dans l’absolu mais simplement répété plein plein de fois (et entre autres au cinéma) si bien que ça finit par sembler une évidence à tout le monde.

      voilàààà 🙂
      ma réponse est dirigée autant à vous Super Michel, qu’à toute autre personne qui parcourerait ce fil de commentaires après avoir lu l’article (comme je le fais moi-même souvent 😉 par conséquent j’espère ne pas vous avoir offensé ou ennuyé avec des explications sur des thèmes qui vous seraient peut-être familiers. mais je pars du principe que ça ne fait jamais de mal de répéter des choses déjà dites ailleurs quand il s’agit de discours minoritaires ou silenciés dénonçant des dominations…

      merci à l’auteur de l’article, gros travail! bravo!

  6. Oh tiens… C’est juste comme dans la vraie vie. 🙂

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