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Buffy, partie V : les relations affectives et les agressions ordinaires

La première partie traite de la façon dont la série renverse un trope sexiste en présentant une jeune fille blonde errant dans des cimetières la nuit pour tuer des monstres. La deuxième partie traite du racisme de la série. La troisième partie analyse l’intrication entre sexisme, classisme et psychophobie, qui se cristallise dans une opposition entre la « bonne féminité » incarnée par Buffy, « saine » et bourgeoise, et la « mauvaise féminité » incarnée par plusieurs figures féminines contrastant avec Buffy, notamment par leur classe sociale et leur « déséquilibre mental ». La quatrième partie propose une analyse de la sexualité dans la série. Cette cinquième et dernière partie porte sur les agressions ordinaires, dans le cadre de relations entre proches. Ces deux dernières parties sur la sexualité et les relations viennent notamment compléter la première ; en effet, si Buffy est indéniablement dotée d’une puissance surhumaine, elle est ramenée à ses « devoirs » affectifs et sexuels, ce qui entrave sévèrement le potentiel émancipateur du personnage.


J’appelle « agression ordinaire dans le cadre de relations affectives » ce qui relève de la manipulation, du dénigrement, de la culpabilisation, et qui est malheureusement monnaie courante dans notre société. Ce dont je vais parler ne se cantonne pas aux relations les plus abusives : il ne s’agit pas d’analyser un « genre de relation » qui serait le seul toxique, même si on a également dans la série des modèles de relations qui comportent des viols et des violences physiques, aux conséquences dramatiques pour les victimes [1]. L’objet de cet article est d’analyser la manière dont le paysage général des relations est constellé de « micro-agressions » et surtout le mauvais traitement qui en est fait par la série (négation, minimisation, esthétisation, etc). Aucune des relations un tant soit peu importante dans la série n’y échappe; et je ne vais pas nécessairement catégoriser quelles relations « sont abusives » ou lesquelles « ont des éléments caractéristiques d’abus » car je ne pense pas que ce soit la question à se poser ; ce qui m’intéresse est surtout de voir la morale de la série sur ce que doit être une relation entre proches et comment il s’y insère des choses potentiellement très dommageables. À noter également qu’au sein d’un cadre intime, on connaît notre abuseur, et également ses qualités qui sont érigées en « compensation », son histoire douloureuse qui « explique » son comportement, etc. Contrairement à une agression dans la rue, il est parfaitement normal d’avoir en tête des contre-exemples (« là il lui manque de respect, mais là il lui dit des choses très belles ») qui n’excusent en aucun cas les agressions commises. Si je ne m’attarde pas ici sur ce qui va bien dans les relations, c’est parce que je ne pense pas que le raisonnement qui consiste à soupeser les interactions saines avec les toxiques et à faire un bilan général soit le bon. Non seulement il n’y a pas de compensation, mais ce qu’il y a de positif dans la relation peut conférer des armes supplémentaires à l’abuseur ; loin d’être contradictoires avec les agressions, elles trouvent très bien leur place dans des cycles toxiques enfermant la victime pendant des années.

Une tueuse très entourée

Le choix que fait Buffy d’avoir un entourage est ce qui la rend exceptionnelle au sein de la lignée des tueuses. Son opposition à Kendra puis à Faith, des personnages de tueuses solitaires introduites pour montrer les pièges dans lesquels les tueuses peuvent tomber, illustre que Buffy arrive à trouver un bon équilibre entre ses devoirs de tueuses et sa vie privée. Or, cet entourage si chouette et aimant est à mon avis hautement problématique. Certes, iels ne sont pas décrit.e.s comme parfait.e.s ; parfois iels se disputent, puis s’excusent, se réconcilient, ce qui n’a rien de politiquement critiquable en soi. Ce qui me gêne, c’est qu’il s’y mêle des comportements beaucoup plus problématiques, que je qualifierais d’abusifs, au milieu de « saines disputes », et que la série renvoie dos à dos des comportements « à éviter mais compréhensibles » avec des agressions ordinaires. Ce faisant, elle présente les agressions ordinaires comme des choses à excuser avant tout, afin de pouvoir continuer à passer du temps ensemble au sein du groupe, chose si précieuse d’après la série.

Je n’ai bien entendu pas de légitimité pour tracer des règles absolues en termes de ce qui se fait ou non dans les relations – j’en serais bien incapable. Néanmoins, je n’aime pas le flou avec lequel la série banalise des comportements abusifs en les mettant dans le même sac que des « accrochages » qui me semblent beaucoup plus compréhensibles, et je vais essayer, dans la suite, de dégager ces éléments et de les analyser. À noter que ces scènes sont souvent protégées des critiques car elles sont en général émouvantes à l’écran et parfaitement cohérentes avec le scénario. Mais ce scénario ne tombe pas du ciel : cela reste un choix de représenter certains points de vue en leur procurant une justification par diverses péripéties plus ou moins farfelues, tenant peu compte de la réalité sociale des rapports de pouvoir au sein des relations. Par exemple, comme j’en parlais dans la partie IV, le fait de ne montrer le harcèlement comme tel que lorsque ce sont des personnages féminins qui sont amenés à le faire à cause d’un sort où toutes les femmes se mettent à harceler Alexander. Ce parti-pris est d’autant plus problématique qu’Alexander a lui-même un comportement de harceleur de rue, qui n’est pas montré du tout ainsi ; il « drague juste » une inconnue qui ne lui avait rien demandé, et qui se révèlera être un monstre – ce qui fait d’Alexander la victime.

La relation entre Buffy et Spike est exemplaire à ce niveau. Comme j’en ai parlé dans la partie IV, il la harcèle pendant une saison puis la viole à répétition. D’un côté, c’est nié par la série (qui érotise les scènes et les met en opposition avec ce qu’est un « vrai viol », à savoir quand Buffy dit « non » cent cinquante fois – au lieu de trois fois…). De l’autre, la série assume que c’est une relation malsaine, mais dans un flou remarquable. Ainsi, d’après la série, c’est aussi Buffy qui manipule Spike (comme elle le dira elle-même a posteriori). Par ailleurs Spike agit héroïquement et sauve Buffy à plusieurs reprises. Dernier élément : il n’a pas d’âme au moment où cela se passe ; donc il n’a pas accès aux notions d’éthique et d’empathie. On a donc un scénario qui nous présente des violences conjugales dans un cadre de conditions de survie, où l’agresseur sauve sa victime (il lui est presque indispensable à certains moments), ne sait pas se comporter autrement, c’est sa nature, et où de-toute-façon-Buffy-fait-n’importe-quoi-aussi. Et de fait, dans la série, c’est vraiment sa nature, il sauve vraiment Buffy (en subissant de la torture pour elle, etc), ce qui brouille admirablement les pistes quand on réfléchit à la morale de la série. Il sort grandi de ces scènes et la série nous le présente comme un personnage ambivalent avant tout. Le problème avec cette représentation, c’est que le harcèlement, la violence conjugale, les viols, ce sont des violences qui existent et qui sont même extrêmement répandues. Subir de la torture pour quelqu’une, c’est déjà beaucoup plus rare… mais il se trouve que la série nous montre ces éléments de façon indissociable à travers cette relation, ce qui permet de faire passer comme une lettre à la poste et même d’érotiser des éléments de relations abusives tristement courants, et n’ayant rien de sexy, en vrai.

Des relations parentales violentes

Je vais me cantonner aux relations parentales par souci de concision et parce que ça me permet d’explorer la représentation d’une « saine autorité », mais en réalité je trouve qu’aucune relation un tant soit peu développée dans Buffy n’échappe à cette violence ordinaire. Encore une fois, c’est d’autant plus piégeux que ce sont précisément au sein des relations censées apporter du soutien que les (micro-)agressions ont lieu.

Par exemple, Joyce, la mère de Buffy est une figure présentée comme très positive. « Nous voulions vraiment une maman chaleureuse au milieu de toute cette folie. », explique Marcia Shulman, la directrice de casting. Et Joyce est en effet une maman attentionnée, présente, aidante.

Buffy vit avec elle et on ne voit d’ailleurs ce personnage presque qu’au sein du foyer : elle représente le lieu de refuge lorsque l’héroïne a besoin d’un câlin et d’un chocolat chaud. C’est le personnage type de la maman, qui materne tous les personnages de la série, y compris les dangereux vampires.

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La jolie-gentille maman de Buffy, auprès de qui même les gros méchants vont chercher du réconfort…et pour cause.

Elle est plusieurs fois valorisée par une mise en opposition à d’autres figures maternelles. Par exemple, la méchante de l’épisode 4 de la saison 1 est une sorcière qui a troqué son corps pour celui de sa fille. Après s’être battue avec cette figure de mère monstrueuse, Buffy fait en fin d’épisode un gros câlin à sa mère, validant ainsi la bonne maternité qu’elle incarne contre la mauvaise maternité de la sorcière.

Pourtant, elle reste autoritaire envers Buffy, usant de son statut de mère pour contrôler sa fille (ce qui est quelque chose de totalement banalisé dans notre culture, mais qui n’en est pas pour autant acceptable). C’est ainsi qu’elle lui interdit de quitter sa chambre, lui donne des ordres sur son emploi du temps en permanence (« après les cours tu iras directement à la bibliothèque, un point c’est tout »). Elle se permet également un certain nombre de petites phrases reportant sur Buffy la responsabilité de ses problèmes (« je me suis mise à boire par ta faute », « avoir un enfant à la maison, ça n’aide pas vraiment à développer une relation amoureuse »).

Un épisode du début de la saison 3 me paraît particulièrement révélateur. La saison 2 se termine en catastrophe complète pour Buffy : sauver le monde lui aura demandé de sacrifier Angel ; sur le chemin, son proviseur la vire de son lycée ; Kendra est assassinée et la police identifie Buffy comme dangereuse criminelle. Sa mère découvre que sa fille est une tueuse et ne le supporte pas. Elle lui fait alors du chantage en lui déclarant que si elle sort à nouveau de la maison pour aller sauver le monde, il n’est pas question qu’elle remette les pieds à la maison, ce qui revient à virer sa fille de chez elle. Alexander n’est pas d’une grande aide non plus : étant lui-même très jaloux envers Angel, il ne témoigne d’aucune compassion pour la situation horrible dans laquelle Buffy se trouve, et va même jusqu’à interférer dans le plan de Willow qui tente de sauver Angel malgré tout. Alors qu’il était censé prévenir Buffy du plan de Willow afin que celle-ci puisse agir en conséquence, il se contente de lui dire « Botte-lui le cul ». Non seulement il sabote le plan qui aurait permis de sauver le grand amour de Buffy par pure jalousie, mais en plus cette phrase « d’encouragement » n’offre absolument pas à Buffy la compréhension dont elle aurait besoin.

 

Après avoir tué Angel et sauvé le monde, Buffy s’échappe de tout cela pendant l’été sans donner de nouvelle, ce qui lui sera durement reproché. Au début de la saison 3, à son retour, elle se fait engueuler par tout le monde ; Alexander qualifiera son comportement « d’incroyablement égoïste ». Et le sien ?! De même, sa mère lui reprochera d’avoir fugué ; elle a mis sa fille à la rue mais celle-ci « aurait dû comprendre que c’était le choc qui parlait » – il a bon dos, le choc. Même Willow, (« la moins pire », ai-je envie de dire), culpabilise beaucoup Buffy d’être partie car elle était sa meilleure confidente et Willow ne savait plus à qui parler du fait qu’elle sortait avec un loup-garou. En somme, ils se comportent tous comme s’ils avaient des « droits » sur la personne de Buffy. Je ne suis jamais sortie avec un loup-garou et veux bien croire qu’avoir des confidents soit appréciable dans une telle situation. Mais reprocher violemment à Buffy de n’avoir pas été disponible, alors que celle-ci venait de vivre des choses aussi terribles, me paraît très à côté de la plaque, pour dire le moins.

Au final, ce sera Buffy, qui, confrontée à tous les dégâts qu’elle a causé en s’enfuyant, prononce, en larmes, des excuses… excuses qui ne lui seront jamais retournées. D’ailleurs, la série ne semble à aucun moment faire porter à Alexander ou Joyce (la mère) la responsabilité de ce qu’ils ont fait à la fin de la saison 2. Le scénario choisit de faire absorber à Buffy la souffrance due à leurs comportements malveillants plutôt que de changer les termes de ses relations.

Les ressources de l’héroïne sont ainsi largement accaparées par son entourage montré comme si sympathique (qui aura même la bonté de lui pardonner sa fugue : c’est dire!). À mon avis cela entraîne le double effet pervers, en terme de représentation, de confondre totalement les gravités respectives des erreurs des uns et des autres, et d’amoindrir le pouvoir de Buffy. Elle est forte, mais les pressions auxquelles elle est soumise déterminent largement ses actions et relativisent donc son indépendance.

En plus, les pressions que Buffy a à subir de la part de son entourage sont davantage montrées comme un fait « de nature » : ils sont intrinsèquement liés à sa condition de tueuse, laquelle est quasi-biologique. La série présente les difficultés auxquels on est confronté.e lors de l’adolescence, mais le fait que Buffy soit une tueuse intervient toujours lourdement pour justifier certaines situations. Par exemple, le père de Buffy est absent mais Giles fait clairement office de figure paternelle. En effet, Buffy lui demande de l’accompagner à l’église le jour de son mariage (aah la transmission de la femme du père au mari, on ne s’en lasse pas), il se compare lui-même à un père dans l’épisode 7 de la saison 6 (« J’aimerais jouer au papa et te prendre par la main »), et il lui est reproché par le conseil des observateurs d’avoir pour Buffy un « amour paternel ». Il a de manière générale un rôle traditionnellement paternel : il fait découvrir le monde à Buffy, l’entraîne, la protège, lui apprend des choses sur son rôle de tueuse et sur la vie. Il est présenté comme alliant autorité et bienveillance. Il est souvent paternaliste, mais pas du tout montré comme énervant ou antipathique. Il interdit des choses à Buffy (comme sortir avec Owen sous prétexte qu’elle n’a pas le temps pour un petit ami), mais n’est pas montré comme exerçant un contrôle abusif sur elle, simplement comme remplissant son rôle d’observateur : plus conscient qu’elle de ce qu’elle peut ou ne peut pas faire en tant que tueuse. Ainsi, selon la série, Buffy n’est pas entravée dans sa liberté par Giles en tant que père, mais par sa condition de tueuse, dont Giles doit tenir compte en tant qu’observateur, à contre-coeur.

Épisode 6 de la saison 3, Giles donne des exercices à Buffy.

Buffy : pourquoi je supporte ça ?

Giles : parce que c’est ta destinée.

Épisode 6 de la saison 2, Buffy désobéit à Giles pour aller à une fête auquel un étudiant l’a invitée, boit un verre drogué et se trouve en danger mortel :

Buffy : J’ai dit un mensonge, et bu un verre…

Giles : Oui, et tu as failli mourir dévorée par un serpent géant. Les mots « que ça te serve de leçon » sont un peu superflus à ce stade.

Buffy : Je suis désolée.

Giles : Moi aussi. Je suis trop exigeant avec toi car je sais ce que tu as à affronter.

Autrement dit, les papas qui interdisent à leur fille de sortir sont exclusivement préoccupés par le bien-être et les intérêts de cette dernière, car ils connaissent les terribles dangers auxquels celle-ci pourrait s’exposer…

Après la mort de la mère de Buffy, celle-ci devient à son tour une figure parentale pour Dawn, sa petite soeur. Elle est autoritaire, rabaisse souvent Dawn (« tu fais de la recherche maintenant ? tu veux aussi un cappucino et un paquet de cigarettes ? »), la contrôle et l’enferme au nom de la protection (faut dire que les circonstances lui donnent raison : à chaque fois que Dawn sort toute seule, il lui arrive une catastrophe), ce qui casse beaucoup ce que les premières saisons pouvaient avoir de libérateur (puisque les enfermements maternels étaient montrés comme superflus, à défaut d’être dénoncés comme violents).

En prime, on a droit à une scène de slut-shaming (blâme d’une femme qui aurait un comportement « trop sexuel ») quand Buffy tombe par hasard sur Dawn en boîte de nuit et estime que sa tenue est trop sexy :

Buffy : Donc, tu as des plans pour le reste de la soirée ? Ou tu vas juste traîner sur les quais et attendre que la flotte te rentre dedans ?

Dawn : Quoi ?

Buffy : Par où je commence ? Un, tu m’as dit que tu allais à la bibliothèque. Deux, tu ne vas pas à un rencard sans m’en informer avant. Trois, Anna Nicole Smith trouve tes vêtements vulgaires.

Dawn : Moi je trouve mes vêtements sexy, et RJ aussi.

Buffy : Je n’en doute pas. Peut-être que je devrais aller lui parler.

Dawn : Non ! Tu ne vas pas m’humilier devant lui !

Buffy : Je n’aime pas ça. Tu agis comme une folle.

Dawn : C’est ma vie, j’agis comme je veux.

Buffy : Non, je ne pense pas.

Dawn : Quoi, tu es maman maintenant ?

Buffy : Non, et je suis contente qu’elle ne soit pas là pour te voir comme ça.

Encore une fois, le scénario donnera raison à la réaction de Buffy car on découvrira plus loin que Dawn est victime d’un sort d’amour. Or, Buffy est en train de demander à Dawn de se justifier de tout son emploi du temps, de lui demander l’autorisation avant de faire quoi que ce soit, de définir quelle est une tenue / un comportement sexuellement approprié pour elle, et d’utiliser leur mère décédée pour la culpabiliser davantage.

Dans la saison 7, une ribambelle de tueuses potentielles viennent se rajouter à la série ; Buffy se comporte avec elles de manière similaire, en figure d’autorité. Elle sera opposée à Faith, qui agit beaucoup moins durement avec les potentielles – mais ce sera son comportement à elle qui sera validé face à celui de Faith, bien sûr. Drew Goddard, scénariste, explique en effet que « Faith est un peu la tante cool que tout le monde aime, parce que la tante cool n’a pas la responsabilité d’élever les enfants. Elle peut juste arriver et s’amuser. ». L’autorité, c’est le bien, ou du moins un mal nécessaire. Sans cela (c’est-à-dire lors de l’épisode où Faith remplace Buffy), c’est la catastrophe (littéralement, Faith mène les potentielles dans un piège mortel, ce qui rétablira la « saine autorité » de Buffy).

Au nom de l’amitié

Dans la partie IV, j’ai parlé de ce qu’on appelle la « culture du viol ». Il s’agit de tout un ensemble de représentations et de mythes autour des viols et des agressions sexuelles qui nous font croire, entre autres, que « parfois, au début, il faut insister un peu et puis l’autre aime finalement ». Plusieurs travaux féministes dénonçant la culture du viol ont mis en avant des principes de respect du consentement d’autrui : respecter le « non », créer une atmosphère où il est le plus facile possible à prononcer, ne pas culpabiliser les gens, etc. Ces principes sont valables également en-dehors d’un cadre sexuel ; ils sont, je pense, à garder en tête dans les relations de manière générale.

Or, dans Buffy, et encore une fois, comme dans nombre d’autres productions culturelles de notre société, ces principes sont complètement ignorés. Encore une fois, on pourra bien sûr y trouver des contre-exemples, comme toujours. Il ne s’agit pas de soupeser les « interactions respectueuses » avec les « irrespectueuses » mais juste pointer le fait que reviennent, de manière répétitive dans la série et d’une façon qui ne me paraît pas critique du tout, des scènes de manipulation, de culpabilisation et de pression dans un cadre intime/amical.

C’est ainsi qu’on retrouve des schémas où, au nom de l’amitié, on en vient à imposer à l’autre la vision que l’on se fait de sa vie, de ce qu’iel est censé.e ressentir, etc, ce qui sera présenté comme salvateur pour l’ami.e en question. Par exemple, dans l’épisode 10 de la saison 5, Riley, le petit copain de Buffy, lui pose un ultimatum sur leur relation. Buffy, très énervée, s’isole plutôt que de le supplier de rester. Et Alexander, à qui Buffy n’avait strictement rien demandé, décide, en bon ami, de s’en mêler :

Buffy : Qu’est-ce que tu fais ici ?

Alexander : Je pensais que tu pourrais vouloir parler. […]

Buffy : Rentre chez toi.

Alexander, courant après elle : Buffy.

Buffy : Je suis sérieuse.

Alexander : Moi aussi. Il se passe quelque chose. Tu te comportes comme une folle.

Buffy va dans une sorte de hangar pour être seule. Alexander la suit :

Alexander : Regarde ça, par exemple. Tu ne veux pas affronter les choses en face alors tu te caches ? Ça ne ressemble pas beaucoup à une tueuse.

Buffy : Laisse-moi simplement tranquille, Xander, tu n’as aucune idée de ce qu’il se passe.

Alexander : Ah bon ? Bien. Donc Riley et toi n’êtes pas en train d’imploser ?

Buffy se retourne brusquement.

Alexander : Pas besoin d’être un génie pour s’en rendre compte. Ce que je ne pige pas, c’est comment toi, tu as fait pour ne pas le voir arriver.

[…]

Alexander : Si tu ne veux pas entendre ce que j’ai à dire, je vais me la fermer.

Buffy : Très bien. Je ne veux pas entendre ce que tu as à dire.

Alexander : J’ai menti. […] Tu ne comprends pas ce qu’il se passe. Tu te fermes, Buffy, et tu as traité Riley comme un type pour te consoler d’Angel, quand c’est le genre de mecs à ne se pointer qu’une fois dans ta vie. Il ne s’est jamais retenu avec toi, il a tout risqué. Et tu es sur le point de le laisser partir sous prétexte que tu n’aimes pas les ultimatums ? Si ce n’est pas le bon, si ce qu’il lui faut n’existe pas de ton côté, laisse-le partir. Brise son cœur et fais une rupture propre. Mais si tu penses pouvoir vraiment aimer ce type – je parle d’un amour effrayant, bordélique et sans barrière – si tu es prête pour cela, alors pense un peu à ce que tu es sur le point de perdre.

Buffy, les larmes aux yeux, se rendant compte qu’il a raison : Xander…

Alexander : Cours.

Buffy court rattraper Riley.

L’aide qu’apporte Alexander est lourdement insistante mais la série décide d’en faire quelque chose de finalement bénéfique pour Buffy, puisque c’est ce speech qui lui permet de se rendre compte de ses sentiments. Non seulement Alexander insiste pour psychanalyser Buffy quand elle lui demande de la laisser tranquille et lui explique ses propres sentiments, mais en plus, il se permet de lui remettre ses priorités dans un ordre qu’il estime plus approprié, selon ses critères à lui. Elle n’aime pas les ultimatums, ni que Riley lui fasse peser dessus toute sa carrière ? C’est, d’après Alexander et la série, de la fierté mal placée qui l’empêche de voir que c’est le bon, la relation pour laquelle elle pourrait se sacrifier aveuglément, le truc bien au-dessus du reste, et attention, qui n’arrive qu’une fois dans la vie. Au lieu de lui prêter une écoute adaptée, Alexander définit ce qu’est « l’amour, le vrai » et juge de la situation du couple de Buffy – au mépris d’une précaution générale qui me paraît importante à garder en tête, à savoir qu’on ne connaît jamais vraiment l’intimité d’un couple ni la violence qu’il peut s’y dérouler.

Plus tard, quand Buffy couche avec Spike, elle le cache à ses amis. Quand Alexander finit par l’apprendre, il le lui reprochera lourdement.

Buffy : Tu n’as pas idée d’à quel point c’était dur pour moi.

Alexander : Quoi, de me mentir ? […] Tu aurais pu me le dire.

Buffy : Tu ne voulais pas savoir. […]

Alexander lui reproche de ne pas lui avoir raconté sa vie sexuelle, et le premier réflexe de Buffy est de lui reprocher de ne pas avoir été suffisamment attentif. On a ainsi un modèle d’amitié où il semble dû de tout se raconter. Si Buffy lui dit à un moment de se mêler de ses oignons, il est immédiatement rappelé que c’est le signe que quelque chose s’est détérioré dans leur relation, et non qu’elle puisse tout simplement vouloir qu’on la laisse tranquille :

Buffy: Alexander, ce que je fais de ma vie personnelle ne te regarde pas.

Alexander : C’était le cas, avant. […] Mon dieu, mais à quoi pensais-tu ?

Buffy : Ah oui, parce que toi, tu n’as pris aucune mauvaise décision ces derniers temps.

De plus, Buffy a caché son histoire avec Spike par honte, dégoût, peur du jugement (totalement justifiée, vue la réaction d’Alexander). La série évacue donc la possibilité qu’elle puisse réellement avoir envie de faire ce qu’elle veut de son côté, sans en informer ses proches. En fait, c’est au moment où elle est le plus isolée de ses amis qu’elle passe par les pires moments. Ainsi, Alexander n’est certes pas montré comme parfait dans cette scène, mais il est fondamentalement, d’après la série, celui qui a raison de voir un problème dans le fait que Buffy n’ait pas parlé de Spike à ses ami.e.s. D’ailleurs, ni Buffy ni personne ne vient lui dire qu’il est trop agressif, la réaction de Buffy étant d’émettre à son tour des jugements sur sa vie à lui, pour « équilibrer ».

S’insère la scène où Spike tente de violer Buffy.

Alexander arrive et voit Buffy en train de pleurer, à moitié nue, avec des bleus.

Alex : C’est ce que tu appelles ne plus voir Spike ? Qu’est-ce qu’il a fait ? Il t’a blessée ?

Buffy : Il a essayé seulement.

Alex : Fils de pute. [Il fait mine de s’en aller chercher Spike et Buffy le retient.]

La première réaction d’Alexander est représentative de l’aide que les ami.e.s de Buffy lui apportent à ce sujet : se précipiter pour la « venger » en attaquant Spike, plutôt que de lui demander ce dont elle a besoin, ce qu’elle ressent, de l’écouter, de la soutenir dans ses décisions à elle. Elle se retrouve du coup dans la situation complètement absurde de le calmer, lui. La série dénonce donc bien cette tentative de viol comme telle, mais elle est complètement à côté de la plaque en termes de l’aide qu’on peut apporter à une victime de viol, non seulement sur le coup, mais dans tous les épisodes suivants où la question est abordée. Dawn, sa sœur, reprochera même à Buffy de ne pas lui avoir raconté immédiatement la scène. Or, les victimes de viol n’ont pas forcément envie de revivre la scène en la racontant, ni de s’exposer aux jugements qui tiennent lieu de « soutien ».

Alexander et Buffy se réconcilient au cours du dialogue suivant :

Alexander : dis, comment en est-on arrivé là ? Les dernières semaines…

Buffy : je sais.

Alexander : ça m’a fait mal, que tu ne me fasses pas assez confiance pour me dire à propos de Spike. Ça m’a fait mal.

Buffy : Je suis désolée. J’aurais dû te le dire.

Alexander : Tu l’aurais peut-être fait, si je ne t’avais pas donné autant de raisons de penser que je me serais comporté en parfait connard.

Buffy : On a tous fait pas mal de choses dont nous ne sommes pas très fiers récemment.

Alexander : Je crois que je t’ai battue.

Buffy : Tu veux comparer ?

Alexander : Non, ça ira.

[Ils se réconcilient.]

Le fait que Buffy couche avec Spike semble apparemment « compenser » ce qu’Alexander reproche à Buffy (« on a tous fait des choses dont nous ne sommes pas fiers ») ; ce qui revient à peu près à estimer que ces reproches étaient justifiés. L’amitié apparaît une fois de plus comme un contrat qui engage les amis à tout se dire, ce qui encourage bien davantage des jugements mutuels « salvateurs » plutôt qu’une écoute et un soutien qui mette réellement au centre les besoins de la personne aidée.

Des abus bien vite oubliés

Je vais m’attarder sur la fin des relations entre Spike & Buffy et Willow & Tara, ou plutôt l’absence de fin, justement. La série prend le parti de montrer des relations abusives, mais d’une manière qui les dédouane fortement. Comme lors du dialogue entre Buffy et Alexander ci-dessus, elle symétrise les problèmes par des discussions entre les personnages où iels s’excusent mutuellement (assorties de musiques assez solennelles qui nous indiquent que la scène est tout à fait premeir degré).

J’ai conscience de qualifier d’abusives des choses qui sont très tolérées et banales dans notre société, que ça arrive et que ça ne fait pas des gens des monstres à mettre au ban de la société pour l’éternité. Mais là, on est quand même dans un cadre où Spike viole à répétition Buffy, où Willow efface des pans de la mémoire de Tara pour ne pas avoir à s’excuser quand elle a merdé et pour la manipuler. C’est grave, et si la série semble reconnaître que ça ne sonne pas très juste, elle en a un traitement très léger. J’ai déjà parlé ci-dessus de la manière dont les conditions extrêmes mises en scène dans la série créaient des « circonstances exceptionnelles » dans lesquelles on peut représenter des agressions très communes d’une manière qui paraît beaucoup plus acceptables que dans des « circonstances normales », et du fait que Spike n’a pas d’âme au moment où il agresse Buffy. Quand il retrouve son âme, la culpabilité le dévore et où nous montre ainsi une Buffy s’occupant de son violeur, entre deux flash-backs de choc post-traumatique. Quant à Willow, c’est l’addiction à la magie, métaphore pour l’addiction à la drogue, qui tient lieu d’explication. Stigmatiser les personnes drogué.e.s en les faisant passer pour des irresponsables violents et dangereux permet de dédouaner notre culture des comportements violents qu’elle engendre (qu’on peut retrouver chez des toxicos comme non toxicos). Fait particulièrement révélateur, Tara ne lui reproche pas ses actions, mais bien son addiction à la magie ! Et quand elle se soigne (à l’aide d’un sevrage brutal et immédiat, avec pour aide extérieure de ses ami.e.s une « saine » dureté et inflexibilité…), Tara lui dit :

« Tu sais, cela prend du temps. Tu peux pas juste prendre un café avec moi et t’attendre à ce que…

Willow : Je sais.

Tara : Il y a tellement de travail à faire. La confiance doit se reconstruire, des deux côtés. On doit vérifier si nous sommes toujours les mêmes personnes, si on peut se faire rentrer dans nos vies respectives. C’est un processus long et important…on peut pas juste le sauter ? Tu peux m’embrasser maintenant ? »

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Moi aussi je trouve cette scène très mignonne, mais niveau représentation politique…

C’est une scène très aimée par les fans de la série, qui est encore une fois justifiée par la série (Willow n’est plus addict, elle est donc fréquentable !) ; mais on en réalité affaire à un couple où l’une modifie les souvenirs de l’autre pour la manipuler. Simplement attendre quelques épisodes pour les remettre ensemble, sans même en parler sous prétexte que ce seraient des conversations chiantes, longues et difficiles… étant donné le nombre de relations gravement abusives dans notre société, ça serait bien d’avoir plus de représentations inspirantes de réelles ruptures plutôt qu’une éternelle glorification du couple-tellement-beau-et-solide-qu’il-surmonte-tout. En fait, les discussions en question sont montrées comme superflues, puisque Willow est « guérie » et semble avoir parfaitement compris en quoi son comportement n’était pas acceptable. Sa culpabilité à elle, qui est représentée à l’écran, semble tenir lieu de discussion clarifiante ; or, se centrer sur la culpabilité d’une personne qui a agressé ne garantit rien sur la protection de l’autre… qui devrait pourtant être au centre.

Quelques épisodes plus tard, on a la même avec Spike et Buffy. Après l’avoir harcelée sexuellement et moralement pendant une saison, violée à répétition (cf partie IV), Spike, horrifié par ses propres actions, se met en quête de son âme. À partir de là, il ne sera plus question de le blâmer : ce n’est plus le même homme, c’est maintenant quelqu’un qui va pouvoir aider Buffy, qui lui est donc nécessaire, qui souffre, dont elle va s’occuper… encore une fois, ça serait bien de bâtir un autre scénario que celui qui permet de placer une victime de viol en baby-sitter de son malheureux agresseur.

Conclusion

Buffy est une héroïne ayant accès à des capacités traditionnellement réservées aux héros masculins : elle est dotée d’une force physique extra-ordinaire, elle sauve le monde, son courage et ses sacrifices sont glorifiés avec des ralentis et une bande-son épique comme pour les super-héros. Mais parallèlement à cela, elle est très sexualisée : c’est avec un brushing et un maquillage impeccable qu’elle tue des monstres en talons aiguilles ; à côté de l’indépendance et l’émancipation qu’elle acquiert, elle se trouve soumise à tout un ensemble de pressions pour la faire correspondre à un idéal de féminité désirable, aimante, affectivement présente et disponible. Comme s’il fallait que la jeune fille blonde qui tout d’un coup, ne se fait plus tuer dans les cimetières mais renverse ce schéma, s’excuse de cela et soit rassurante par une féminité redoublée, à la fois physiquement, et dans la disponibilité dont elle doit faire preuve vis-à-vis de son entourage. Une grosse partie de l’énergie qu’elle dépense consiste en effet à se positionner en barycentre de ce que son observateur, sa mère, ses ami.e.s, ses petits copains attendent d’elle. Trop émotive, pas assez émotive, pas assez tendre, pas assez studieuse, trop forte pour être une bonne petite copine (dans la relation avec Riley), trop impliquée émotionnellement, trop distante… les injonctions contradictoires pleuvent sur notre malheureuse héroïne, qui par ailleurs reproduit avec enthousiasme la même violence ordinaire envers ses proches. Celle-ci est tristement commune dans notre société qui trouve toujours le moyen de pardonner les agresseurs en se plaçant d’un point de vue où il faut les comprendre, négligeant toute considération des personnes abusées qui se retrouvent le plus souvent dans un état de confusion où elles ont du mal à nommer violence la cause de ce qui les fait souffrir tant celle-ci n’est pas considérée comme telle.

Douffie Sphrinzel


De grands grands mercis à Arrakis, Paul Rigouste et Marion pour leur relecture !


[1] : Quelques chiffres :

Sur les violences conjugales

Sur les viols

Un site sur la mémoire traumatique

Autres articles en lien :

33 réponses à Buffy, partie V : les relations affectives et les agressions ordinaires

  1. Merci pour cette Vème partie Douffie Sphrinzel, je l’attendais avec impatience !

    J’adhère quasiment à tout ce que tu as écris et déteste encore plus le personnage d’Alexander maintenant (on peut même ajouter, à ce que tu as écris, son comportement avec Anya du début à la fin)

    Je me permets cependant une toute petite remarque concernant la mère de Buffy et Buffy qui prend le rôle d’une mère pour Dawn plus tard dans la série : n’oublions pas que Buffy et Dawn sont encore mineures lorsque les « mères » mettent des interdits (de sortie, de fréquentation, de lieu)… Je pense que c’est quand même important de le souligner, car Buffy a 16 ans au début de la série et Dawn 14 quand elle apparaît dans la saison 5… Ce qui fait que Dawn n’est même pas encore majeure à la fin de la série non plus…

    Mise à part ce point, je suis totalement d’accord avec tout ton article ! ^_^

    • Alors je parlais bien sûr uniquement d’une interdiction de sortir en cas de mauvaise conduite, ou bien d’aller « directement à la bibliothèque » quand l’enfant est puni… Il est clair que le slut-shaming et la culpabilisation émotionnelle n’ont pas leur place dans ce que j’ai précisé… ^_^

      Je pensais à l’interdiction de sortir de Joyce à Buffy, c’est en pleine nuit et elle est mineure.
      Je pensais également à Dawn dans la boîte de nuit justement, le slut-shaming et la culpabilisation émotionnelle que lui fait subir Buffy sont inadmissibles, mais il n’empêche que Dawn a 15 ou 16 ans à ce moment-là et qu’elle n’a rien à faire dans une boîte de nuit, surtout aux USA où la majorité est de 21 ans…

      C’est dans ce sens-là que je l’entendais uniquement, mais je suis absolument d’accord que la façon dont la série le présente tout en minimisant les violences ordinaires est très déplaisante…

      • Par ailleurs, tout comme toi, je ne supporte pas la violence ordinaire imposée aux enfants (ou à qui que ce soit en fait).
        Mais ayant un enfant moi-même, je me suis bien rendue compte qu’il est nécessaire tout de même de mettre des limites par moments, aussi cool soit-on… Après, chacun a ses limites personnelles, par rapport entre autre à la façon dont on a soi-même été éduqué… 😉
        A noter que les enfants apprennent beaucoup par imitation également (du moins quand ils sont petits, après ça se « gâte » lol)

        A l’adolescence, on a envie de faire des expériences, de tester des interdits, et c’est là que les parents doivent être quand même un peu vigilants. Pas en empêchant de faire des expériences mais en ne tolérant pas tout.
        J’ai vu des ami(e)s et fait des trucs « standards » (boire, fumer, traîner la nuit, etc…), mais quand on tombe dans l’illégalité, la drogue ou même des violences ou le viol – ce que j’ai pu constater de connaissances – là c’est normal qu’il y ait la mise en place de garde-fou…

      • Douffie Shprinzel

        Ah oui mais le Bronze c’est bizarre dans Buffy, l’âge des gens qui y vont est assez fluctuant au cours de la série, ça évolue avec Buffy ^^ d’ailleurs l’âge de Dawn n’est pas mis en cause, ce qui est mis en cause c’est sa tenue et le fait qu’elle n’avait pas prévenu Buffy.

        Même l’interdiction de sortir en cas de « mauvaise conduite » je trouve ça abusif en fait. La liberté de mouvement c’est un truc assez élémentaire mais dès qu’il s’agit de mineurs c’est complètement remis en question.

        • Douffie Shprinzel

          Ah oui mais la violence ou le viol c’est complètement différent, il s’agit de porter assistance à personne en danger, et en plus personne à qui l’on doit protection en temps que parent. (Franchement je crois très facilement que c’est un équilibre super dur à trouver de laisser une liberté tout en étant responsable de la personne !)

  2. Alors je vois que notre opinion diverge sur un point en particulier, car personnellement, j’estime qu’un enfant (garçon ou fille) de 14 ans n’a rien à faire dehors jusqu’à 4 heures du mat’, sauf conditions exceptionnelles (fête d’anniversaire encadrée par des adultes, fête de village, carnaval, parc d’attraction, etc…)
    Mais effectivement, je préférerais faire confiance à mon enfant et lui apprendre des techniques d’auto-défense par exemple.

    Je pense malheureusement que tout dépend de l’enfant. Pour certains, ils sont naturellement raisonnables, « sages » et savent mettre des limites (ce qu’il faut leur apprendre, là est le plus grand rôle des parents à mon avis), mais pour d’autres, c’est parfois impossible (ce qui est arrivé pour cette connaissance).
    D’ailleurs, les parents ont eu beau mettre tous les interdits qu’ils voulaient, ça n’a servi à rien…
    Et je ne pense pas que ce soit un défaut d’éducation dans ce genre de cas puisque cette connaissance a deux frères qui n’ont pas mal tournés…
    Il y a également l’influence de certaines « mauvaises personnes » dans l’entourage qui peut poser problème…

    • Je ne peux pas trop aller loin dans la discussion puisque je n’ai pas d’enfant et ne connais pas les difficultés, moi-même. Mon impression, c’est que le truc se joue avant de multiplier les interdictions (en grandissant j’étais très responsable, mais je cherchais toujours à contourner les humiliations des interdictions et punitions, ce qui est somme toute assez normale, les adultes ne supporteraient pas d’être traités comme ils traitent les enfants !). Mais c’est vrai qu’il y a plein de trucs qui sont en jeu, et que parfois les enfants ont des souffrances qui ne sont en rien de la faute des parents, et ça peut être beaucoup plus complexe à gérer. C’est aussi une question de classes, de race (les enfants musulmans qui doivent apprendre tôt à pas jouer à la guerre sinon c’est suspicion de terrorisme; le rapport à la police, à l’autorité représentée dans le collège-lycée n’est pas du tout le même; tout le monde n’a pas le droit aux mêmes nombres d’expériences et de tentatives avant d’être catégorisé parasite ou danger pour la société…). Etc etc 🙂

      • Alors absolument, bien que quelques éléments sont impossible à « contrôler » (je mets volontairement ce terme – qui me déplaît – entre parenthèses), je pense que l’éducation et l’apprentissage en amont sont les plus efficaces…

        les adultes ne supporteraient pas d’être traités comme ils traitent les enfants
        Nous sommes d’accord, cependant, je prends l’exemple de mon enfant (1 1/2 ans) et des enfants assez jeunes dans mon entourage, ils sont dans l’émotion pure, il n’y a aucun filtre, aucun recul, il ne comprennent pas l’attente (ils n’ont pas encore la notion du temps à cet âge), la frustration, les limites, les interdits. Tout est nouveau pour eux… Donc on est obligé de les frustrer pour certaines choses, sinon ils n’apprennent pas à se comporter en société…

        J’ai d’ailleurs une fois vu un exemple dans un restaurant d’un enfant sans limite qui a simplement grimpé sur les tables et a traversé tout le restaurant comme ça (les tables de tous les autres gens)… Et ses parents trouvaient ça mignon et marrant et n’ont rien fait… Cet enfant, je pense qu’il va avoir une sacrée claque le jour où il sera confronté à des frustrations et interdits…

      • Je pense qu’on est d’accord sur la pratique mais pas sur les termes qu’on met dessus, en fait. Par exemple j’aime pas l’idée de frustrer activement les enfants pour leur apprendre la vie « plus tard » : ils vivent déjà une vie avec bcp de frustrations. Dans l’exemple du resto, pour moi ya déjà besoin d’expliquer qu’on marche pas sur la table, encore moins celle des autres, donc dans ma tête il est déjà confronté à des frustrations (ou du moins il le serait si les parents lui expliquaient que non c’est pas possible).

      • ah oui donc on a bien la même vision finalement ! 😉

  3. Globalement je suis d’accord.

    Notamment à propos de Willow. La série nous MONTRE qu’elle manipule les souvenirs de Tara pour éviter de reconnaître qu’elle a merdé.
    Donc objectivement, la raison montrée n’est pas l’addiction de Willow (la magie agissant comme OUTIL en l’occurrence), mais bien son choix d’éviter une dispute.

    Seulement, le fait que ça soit inséré chronologiquement dans l’arc « addiction de Willow » de la série, et surtout les propos de tous les persos nous DISENT que la cause c’est l’addiction.

    Donc en effet, la série d’une part dédouane complètement Willow.
    De plus, cet abus est présenté comme un « gros abus », ou un « vrai abus » (contrairement aux plus petits abus des uns et des autres, qui eux sont complètement banalisés). Puisque Tara fait un break avec Willow et que l’entourage impose un sevrage derrière etc.

    Seulement, pour une fois qu’un « vrai abus » est montré, de la part d’une personne gentille et bien, on l’explique par une force externe qui asservit sa volonté.
    Comme si quelqu’un de bien, de gentil ne pouvait commettre ce type d’abus de son plein gré, sans force externe.

    bref, on a :
    Des petits abus banalisés
    Un plus gros abus de Willow mais qui, comme elle est gentille, n’est pas dû à sa volonté propre mais à l’influence de la magie (une force de la nature qui la dépasse).
    Et en plus, ça véhicule un cliché toxicophobe pourri.

    Ensuite, je rajouterais personnellement deux autres exemples de slut-shaming/victim blaming (qui ne sont pas mentionnés directement en tant que tels dans l’article).

    Lorsque Spike tente de violer Buffy, la première réaction d’Alex est de lui reprocher A ELLE (alors qu’elle est manifestement en détresse) d’avoir revu Spike.

    Et puis lorsque Giles reproche à Buffy d’avoir été à la fête universitaire où un serpent a failli la manger, c’est clairement une métaphore du slut-shaming (en plus de la dynamique du « père qui interdit à sa fille de sortir pour la protéger »).

    Surtout que ça commence pareil qu’une histoire de viol, avec une jeune femme qui se fait droguer à son insu, dans une fraternité étudiante, donc un lieu réputé pour ça… (bon en plus, psychologie de comptoir peut-être, mais serpent et symbole phallique…).

    Sinon, +1 sur la relation Dawn/Buffy, qui est pas tip top niveau respect de Buffy pour sa sœur.
    Et non seulement dès que Dawn sort toute seule il arrive une catastrophe (ce qui est justifié partiellement par sa nature de Clé), mais ils lui ont donné la nature d’une « ado chiante » dans la Saison 5 et 6 au moins.

    C’est pas anodin, parce que dans l’imaginaire, les ados chiants on peut les punir, leur gueuler dessus à la moindre occasion, etc, ils n’ont qu’à être moins chiants.
    Bref, dans ses débuts Dawn est vachement réduite à deux aspects. Les états d’âme d’une ado chiante immature et en mal d’attention. Et sa nature de Clé.

    D’ailleurs, la série appuie bien sur le fait que Dawn est encore une enfant dans sa tête, vu que dans son épisode d’intro elle est en train d’écrire son journal avec des pensées enfantines, que Riley l’appelle « petite » (ce qui l’énerve, avec raison d’ailleurs), qu’elle joue encore avec un sthétoscope, que Buffy et Joyce répètent régulièrement « c’est une enfant », qu’elle vide un paquet de céréales pour le jouet au fond, etc.
    Rien de mal à garder un côté enfantin en soi, hein, mais dans le cas de Dawn j’ai l’impression que c’est une manière de plus de « rabaisser » le personnage, je sais pas si je suis clair.

    Heureusement, elle se développe en tant que personnage dans la Saison 7, notamment en apprenant progressivement à combattre.

    Enfin, sur Spike, c’est le seul point où je suis pas tout à fait convaincu par l’article.
    Pour moi, le fait que Spike soit « dédouané » de ses viols à répétition, son harcèlement, et sa tentative de viol finale par son absence d’âme tient la route.

    Ce serait problématique si l’excuse avait été inventée spécialement pour ce personnage.

    Mais dès le début de la série, on voit clairement que l’absence d’âme peut rendre quelqu’un de bien totalement maléfique, de manière littéralement ON/OFF, comme avec Angel/Angelus. Ou la mère de Spike qui a toujours extrêmement aimé et protégé son fils et devient froidement méchante avec lui en devenant vampire.

    Bon, pour des gens déjà maléfiques avant (comme les frères Korch) ça ne change pas grand chose. Mais pour des gens bien, si.

    Bref, du coup ça paraît normal dans le cadre de la série que Spike se comporte de manière « maléfique » par ses viols, mais de manière plus subtile et moins prononcée qu’avant. Parce que d’une part il aime Buffy (et a commencé à s’attacher à Dawn aussi), d’autre part il a sa fameuse puce. Cependant, il reste un personnage fondamentalement maléfique qui se force à « jouer les gentils » pour des raisons égoïstes.

    De plus, ce n’est pas qu’une question d’âme.
    En effet, dans l’épisode « The Mark of Eyghon », le groupe transfère le démon Eyghon dans le corps d’Angel. Où le démon intérieur (littéral) d’Angel le combat avec succès.

    Ce qui veut dire que chaque vampire (en devenant vampire) a en lui un démon qui s’exprime.
    Si jamais un vampire retrouve son âme, ce démon est neutralisé mais reste présent (comme chez Angel).

    Du coup, c’est LITTÉRALEMENT deux personnes différentes, même si elles sont dans le même corps.
    D’ailleurs, la série ne véhicule pas non plus le message qu’Angel est responsable des actions d’Angelus. Y compris celles contre Buffy et ses amis.

    Après, le fait que les vampires soient fondamentalement maléfiques en soi peut être discuté, on peut trouver ça essentialiste, en tout cas c’est un fondement de la série.

    Ceci étant dit, je suis d’accord que dans la Saison 7, ça aurait été bien que Buffy ne soit pas amenée à jouer les baby-sitters pour Spike, et de plus se concentrer sur ses ressentis à elle et moins ceux de Spike.
    Et aussi qu’on montre un autre modèle de soutien.

    Qu’Alexander fasse de la merde (en slut-shamisant Buffy puis en voulant aller taper Spike) était logique vu le caractère du personnage, mais on aurait pu avoir Giles, Willow, ou même Dawn par exemple, qui auraient soutenu Buffy d’une meilleure manière.
    Justement pour montrer ce qu’il ne faut PAS faire et ce qu’il vaut mieux faire.

    Pour terminer sur « Spike et Buffy », clairement c’est problématique que cette tentative de viol ait été la seule clairement montrée comme un « vrai viol », mais que les abus précédents n’aient pas été clairement montrés comme tels.

    Enfin, sur Faith et les potentielles, ouais, la série ne s’est même pas embarrassée de subtilité sur le coup. Faith commande = désastre immédiat.

    • Douffie Shprinzel

      Bonjour, merci de votre intérêt 🙂

      Tout à fait c’est du slut-shaming, je ne l’ai pas pointé parce que j’avais déjà fait un long article en partie IV sur le sujet et que certains aspects étaient redondants avec la partie V. La série comporte 144 épisodes de 42 minutes et malheureusement il y a bien trop de scènes de slut-shaming pour toutes les pointer dans un article si l’on veut garder une taille à peu près acceptable, mais je suis d’accord avec vous à 100%.

      Dawn effectivement casse complètement ce que la série pouvait avoir de positif dans la saison 1, en ne dénigrant pas Buffy quand elle avait 16 ans, en la traitant comme un perso de jeune fille et sans mépris.

      Pour Spike, justement je trouve que ce que vous racontez tombe en plein dans ce que je veux dire en début d’article par « un scénario semble toujours justifié ». Effectivement, avec ce concept d’âme, on a une parfaite justification de viol. Et je le dis sans ironie : c’est irréprochable au sein de la série, c’est commis par « une personne qui avais mon corps, mes pensées, ma mémoire, mais pas *moi* puisque sans âme ». Mais je trouve que le cadre du scénario est déjà politique. Ça s’analyse aussi de voir comment le concept d’âme est introduit pour aborder le viol en faisant du perso un héros dans la saison d’après. Et cela d’autant plus que ça fait partie de la culture du viol d’avoir cette image du « j’ai perdu contrôle de moi-même », les violeurs d’un côté et les gentils de l’autre, les moments de viol d’un côté et les moments de raison de l’autre, etc. (Je ne sais pas si je suis claire ?)

    • J’ajouterai même que si Dawn se retrouve en mauvaise posture chaque fois qu’elle sort, c’est également parce que tout son entourage (Buffy la première) la maintien dans une condition de demoiselle en détresse en l’empêchant d’apprendre à se battre pour « la protéger » => ce qui est totalement contradictoire, puisqu’ils l’empêchent de se protéger toute seule en ne lui apprenant pas à se battre…

  4. Oui d’ailleurs j’oubliais pour Dawn : Buffy lui fait une crise en voyant qu’elle a été au Bronze, alors que elle-même (à son arrivée elle avait 15 ans je crois), y allait dès son premier jour au lycée.

    Concernant le concept d’âme (et de dualité avec/sans), oui, c’est clairement politique on est d’accord.

    C’est politique sur le plan du viol mais aussi sur un plan plus général, avec « des méchants fondamentalement méchants par nature » et « des gentils qui peuvent faire de la merde occasionnellement par maladresse mais restent gentils et doivent être sauvés quoi qu’il arrive ».

    De ce côté d’ailleurs, je peux pas m’empêcher de voir un certain parallèle avec des logiques militaristes, colonialistes, etc.
    Et les vampires comme une métaphore des « autres », sauvages, qui pullulent en nombre mais n’ont que très peu de valeur individuelle ou d’intelligence, sont interchangeables, assez animalisés, etc. Sauf une poignée.

    D’ailleurs Buffy dit bien à Angel « dois-je vous appeler un américain non-mort ».

    Surtout que très longtemps on a justement nié l’existence d’une âme aux humains des « autres races » tout en les décrivant comme des sauvages dominés par leurs instincts etc.

    Et en face de cette masse de sauvages, on a Buffy et un groupe de héros blancs (avec le Conseil, aussi 100% blanc derrière), et puis on a l’Armée US avec l’Initiative (où tout le monde est blanc aussi sauf Forrest).

    Un peu comme dans le Hobbit/le Seigneur des Anneaux, où les créatures au service de Sauron (ou de Saruman) sont décrites aussi comme une masse informe de sauvages, que des héros blancs arrivent à battre presque sans soucis avec un ratio de 1 contre 10 (voire 20), et dont la vie n’a aucune valeur.

  5. A propos des « clichés toxicophobes », d’un côté je trouve que c’est vrai qu’on ne présente pas assez de toxicos qui s’en sont sortis sans finir ultra-violents, de l’autre, la drogue rend indéniablement violent et nombre de toxicos sont ultra-violent (les dealeurs recrutent d’ailleurs les jeunes qui sont devenus les plus violents suite à leur consommation), je pense que c’est une réalité qu’il ne faut pas nier, c’est dangereux et faux.

    • Tout le monde a des réactions différentes face à l’alcool, y’en a qui deviennent violents, d’autres joyeux, d’autres qui peuvent tout de suite plus bouger du tout ^^
      Mais pour ce qui est de la drogue, bien que tous les toxicomanes n’aient pas la même réaction face à la drogue, dans de très nombreux cas ils finissent violents, la drogue ou l’alcool ont souvent changé des gens et je pense que c’est en montrant cette réalité qu’on peut la limiter au moins un peu (si on le montre pas de toutes façon elle continue d’exister donc bon…)
      Je pense que ce sont surtout les dealeurs et la glorification de la consommation de drogue qui exacerbent la violence liée à cette consommation, pour être honnête je ne vois pas en quoi montrer un toxico violent peut la perpétuer si cette violence n’est pas glorifiée. D’ailleurs la plupart du temps dans les fictions que j’ai pu voir, les toxicos étaient présentés comme des personnes à aider, pas à juger.

    • Pour avoir cotoyé un alcoolique (un oncle), il existe une véritable différence entre être bourré de temps en temps et être alccolique (voir quelqu’un trembler à 9h du matin, prendre un verre de vin et arrêter de trembler instantanément, c’est flippant).

      Et chez cette personne particulièrement, il y avait un profond changement de personnalité régulier. Je l’ai vu devenir méchant, violent et agressif sans aucune raison ni aucun facteur autre que l’alcool, alors que je l’ai aussi vu affable, gentil et drôle à peine 10 minutes auparavant. Sans aller jusqu’à la violence physique, ce simple changement de personnalité faisait peser sur sa famille une violence psychologique assez perturbante.

      ET pour avoir échangé avec d’autres gens ayant cotoyé des alcooliques, la violence semble très souvent aller de paire avec cette maladie.

      • Douffie Shprinzel

        Bien sûr qu’il existe une différence entre une addiction et une consommation ponctuelle, je parlais juste de l’effet du produit en soi, qui « rend violent ».

        Après je ne pense pas non plus qu’une addiction « rende méchant et violent », non. Je pense qu’il y a une stigmatisation des personnes toxicomanes, sur laquelle des personnes ont déjà mieux écrit que moi (ici par exemple).

        • Merci pour le reportage je regarderais, il a l’air super intéressant.
          Après je ne nie pas que les toxicos soient victimes de stigmatisation, ici on discute du fait de représenter un personnage toxicomane violent dans une série. Et désolée, à moins qu’il soit diabolisé à outrance, je ne vois pas en quoi cela peut augmenter la toxicophobie, cela ne fait que montrer les dégâts que peuvent provoquer la drogue, qui sont bien réels.

          Mais, si une personne à priori normale et qui n’est pas dans un environnement violent devient violente au fur et à mesure qu’elle consomme drogue ou alcool, c’est bien ces produits qui modifient son comportement. Ça ne veut pas dire que l’environnement ne joue pas hein, un toxico aura beaucoup plus de chances de s’en sortir s’il a un entourage qui le soutient et est compréhensif que si on le traite comme un pestiféré, et la politique mise en place joue aussi, mais ça, ce sont « juste » des facteurs aggravants, beaucoup de personnes sont dans une immense détresse à cause de leur addiction et des dégâts cérébraux qu’elle cause, même dans des milieux riches et aisés qui peuvent se payer une aide médicale.

        • Douffie Shprinzel

          on discute du fait de représenter un personnage toxicomane violent dans une série

          Ah non moi je n’étais pas si générale que cela; je parle du cas de Willow spécifiquement, tout simplement parce que je ne maîtrise pas assez le sujet pour faire un dossier « la toxicophobie au cinéma » mais que j’en sais assez pour pointer le problème dans cette représentation-là.

          c’est bien ces produits qui modifient son comportement

          Pas forcément, déjà corrélation et cause à effet c’est différent. Dans le monde la consommation d’alcool est corrélée à une plus longue espérance de vie, exemple classique 🙂
          Ensuite ce n’est pas si évident de faire la part des choses entre bio et implications psy et socio de consommer des drogues.
          (Désolée je suis un peu pressée là !)

    • « Ensuite ce n’est pas si évident de faire la part des choses entre bio et implications psy et socio de consommer des drogues. »

      Ah oui on est d’accord, le milieu social influe beaucoup et les personnes les plus susceptibles de tomber dans la drogue avaient déjà des problèmes avant, le problème c’est que la drogue les augmente et emprisonne la personne davantage ^^

      • Vous parlez toujours de « la drogue », « tomber dans la drogue »… sans jamais vraiment définir ce que vous entendez par là et du coup ça veut pas forcément dire grand chose.

        Le tabac est une drogue.Est-ce que le tabac « rend » violent ? Est-ce que ce serait possible d’être précis ? Sur quoi est-ce que l’on se base pour dire que « les drogues rendent violent-e-s » ?

        Je trouve la discussion intéressante mais j’ai l’impression que chacun-e donne son opinion en ne se basant sur rien :/

        • Douffie Shprinzel

          Vous avez tout à fait raison, il y a une multitude de situations différentes, suivant les drogues, les personnes, les conditions, etc.
          Personnellement je ne m’y connais pas énormément et cela se voit dans la discussion (désolée). Le problème c’est qu’en analysant une série, je ne veux pas laisser de côté quelque chose qui me semble assez gros et qui de plus était directement lié à ce dont je parlais (les abuseurs pardonnés). La série utilise clairement la magie comme une métaphore pour l’addiction mais impossible de déterminer de quelle drogue il s’agit (non ?).
          Je ne me base pas tout à fait sur rien non plus, j’ai lu des articles très intéressants sur la question mais soit ils n’existent plus aujourd’hui, soit ils ne sont pas accessibles publiquement, sinon je mettrais les liens ou citerais. Dommage 🙁

        • Moi non plus je ne m’y connais pas trop ^^
          C’est vrai que j’ai un peu « sauté sur les commentaires », à cause de reportages que j’ai vu et qui m’ont assez marquée. Malheureusement je n’ai pas les liens non plus, puisqu’ils venaient de la télévision (oui je sais, la télé est souvent pas terrible)
          En général les reportages parlaient de cannabis (je ne sais pas s’il rend violent, mais en tout cas il détériore le cerveau de manière irréversible), d’héroïne, de cocaïne, bref toutes les drogues « traditionnelles »
          Après je pense que l’alcool peut compter aussi dans la métaphore de l’addiction à la magie.

  6. En tant que fan de Buffy, je trouve vos analyses très intéressantes.Cependant, je ne suis pas d’accord avec vous et sur pas mal de points. Pour moi, la relation Spyke et Buffy n’est pas faite de viols à répétition, ils sont dans une relation malsaine, oui, mais pour moi Buffy a clairement envie de coucher avec lui. Il ne faut pas oublier, qu’elle est dans une phase dépressive et son besoin d’autodestruction la pousse à dépasser les limites et aller vers l’interdit , quitte à se dégouter. Buffy, également est plus forte que Spyke, si elle ne veut pas elle ne le laissera pas faire. Donc, cette relation perverse est voulue des deux côtés. Et qui n’a jamais été dans une relation honteuse sans pouvoir s’arrêter ? pour moi l’unique scène viol dans la série est celle de la salle de bain. Et ce sera pour Buffy un révélateur, elle rejetera complètement Spyke.
    En ce qui concerne les agressions ordinaires, oui elles existent, mais aussi dans la vie. Qui n’a jamais vu se voir reprocher par un ami quelque chose de foncièrement injuste? En fait je ne comprends pas vos points de vue, oui Buffy est superficielle parfois, elle aime plaire, mais comme tout le monde. Cela ne la rend que plus humaine. Je trouve que vous cherchez dans la série la petite bête. Pourquoi montrer des relations sexuelles malsaines est ce forcément faire l’apologie du viol?
    Le spectateur n’est pas bête,il sait faire la part des choses, il voit bien lorsqu’ un personnage abuse. Je trouve tout cela moralisateur, et je ne voudrais pas d’une Buffy sans faiblesse humaine et simplement super-héros.

    • Votre interprétation de certains actes posent problème quand même, car totalement emprunte de culture du viol…

      – Je suis d’accord que Buffy et Spike ont une relation extrêmement malsaine… Dire que Buffy veut coucher avec Spike même si ça la détruit, ok à certains moments… Mais pour la scène de la boîte par exemple, Buffy lui dit « arrête » mais Spike continue… Et c’est là que ça devient un viol ! Qu’elle le veuille soi-disant « vraiment » au fond d’elle alors qu’elle dit stop, c’est typiquement de la culture du viol et qui est d’ailleurs surutilisé dans tous les médias, notamment en littérature romanesque historique par exemple (elle dit non mais en fait elle veut et se laisse faire parce que son plaisir est trop fort par rapport à son refus)

      – vous dites que si Buffy ne voulait vraiment pas, comme elle a la force physique, elle ne se laisserait pas faire (c’est marrant d’ailleurs ce « se laisser faire », normalement, dans une relation sexuelle consentie, les deux partenaires ne participent-ils pas ?). Or, cela renvoie encore une fois à la culture du viol, à cette excuse de « si elle ne c’est pas vraiment défendue, c’est qu’elle le voulait bien » alors qu’on sait parfaitement que, dans les faits, ce n’est pas du tout comme ça que ça se passe (l’état de sidération par exemple, la peur d’avoir encore plus mal si on se défend, de se faire tabasser, la surprise, etc…)

      Donc non, je suis désolée, mais manifestement, le spectateur ne fait pas la part des choses puisque vous-mêmes ne l’avez pas faite !

      • Douffie Shprinzel

        Je partage totalement la réponse de Vitany 🙂

        Je rajoute que :

        En ce qui concerne les agressions ordinaires, oui elles existent, mais aussi dans la vie.

        Oui tout à fait ! Et donc ? (Justement, je n’écrirais pas cet article si je ne pensais pas que la série participait d’une banalisation de ce genre de choses.)

  7. Tous vos exemples sont vrai.
    La série montre bien ce type de scènes à plusieurs reprises.

    Par contre j’ai toujours eu l’impression que la séries dénonçais cela justement.

    Il n’y a qu’a voir la souffrance que cela engendre pour les victimes dans la série.

  8. Encore une fois merci pour cette analyse super intéressante.

    moi aussi j’avais été vraiment énervé contre la série par l’attitude des proches de Buffy lors de son retour de fugue, iels se comportent avec un violence émotionnelle ahurissante, et ce n’est pas du tout condamné, j’ai trouvé ça quasi insupportable à regarder!

    Et de même merci d’avoir mis le doigt sur l’intervention de Xander dans l’épisode où Riley se barre. Jusqu’à ce final dégueulasse (pareil, dégoût quasi physique en constatant que l’attitude de Xander était validée par la série!) je trouve l’épisode bien foutu, Riley s’affiche comme un gros mec viril de plus (il n’en est pas à son coup d’essai de comportements merdiques, comme avec cette crise de jalousie complètement déplacée dans l’épisode avec Dracula—pareil, aucunement condamnée alors qu’on parle, métaphoriquement, d’agression sexuelle) en décidant de régler ses problèmes par la fuite, décision qu’il prend unilatéralement, ce qui est récurrent dans la série (Angel puis Oz font exactement pareil, puis Xander d’une certaine façon) et est représenté jusque là, à juste titre, comme violent et détestable.

    Mais dans cet épisode, où je trouve que face à cette attitude toute pourrie, Buffy se défend trop bien, en refusant de rentrer dans le jeu manipulateur de Riley à base d’ultimatum culpabilisateurs, ce revirement de dernière minute (plutôt qu’un bon gros « va te pendre Xander » qui serait tellement mérité) m’a juste atterrée… merde quoi!!

    J’ai envie d’ajouter un élément au moulin des « aspects problématiques de BtVS » (j’adore la série pour plein d’autres raisons, je précise quand même!!) même si ça me semble tellement « évident » que cette remarque a dû être faite à plein plein de reprises par ailleurs, mais je crois qu’elle n’est pas présente dans votre analyse (et ce n’est pas un reproche, car comme vous dites: « 144 épisodes! » ^_^)

    Il y a une personnage qui incarne l’épouvantail de la méchante féministe misandre et pathétique: c’est Anya bien sûr. Ce n’est qu’une facette de ce personnage mais il me semble que c’est un ressort qui a plein de ramifications sur comment elle est traitée, et puis juste selon moi c’est un cliché hyper nul et ridicule et bêtement (presque caricaturalement) antiféministe. Pour une série qui se prétend féministe je trouve que c’est quand même assez grave, en fait je dirais même que c’est du mansplaining pur et simple: en ridiculisant une personnage censée représenter un cliché de féministe, Whedon nous informe de ce que sont les bons et les mauvais combats: « être une femme forte » (genre Buffy) c’est bien; « mettre tous les hommes dans le même sac » et « se venger des violences sexistes » c’est pas bien. Et cet aspect du personnage n’est pas incident ou épisodique, c’est carrément central et c’est utilisé dans tout son développement et pour faire plein de blagues.

    En fait je vais pas aller trop loin dans l’analyse de ce personnage parce qu’il y aurait beaucoup à dire, mais ça me semble tellement cliché et simpliste que j’arrive pas à admettre que ce soit pas totalement flag et abusé pour à peu près tout.e spectateurice ayant un minimum de culture féministe, donc nécessitant pas forcément de longs développements de toutes façons.

    du coup, en bref: Anya-la-démone a pour spécialité d’exaucer les voeux de femmes maltraitées par un homme, qui seraient automatiquement des voeux de vengeance. Alors déjà y a un problème, comme si la réponse d’une femme a une agression/des abus (en particulier de son partenaire, c’est souvent ça qui est montré) serait systématique un souhait de le voir souffrir. Et deuxième problème, ce souhait est présenté comme étant illégitime, alors que pourquoi pas??

    Ensuite, la série la rend ridicule en ne lui donnant un discours féministe haineux et très, très schématique alors que le patriarcat existe (scoop) et dire ça ne revient pas à haïr aveuglément tous les hommes cis (et quand bien même, la « cause » de ce désir de vengeance démesuré est montré comme étant les tromperies de son mari, et c’est tourné en dérision. OK y a de quoi être vénère contre UN mec, mais de là à devenir übermisandre, y avait peut-être moyen de rendre ça un peu plus crédible non?)

    Puis Anya-l’humaine renie tout d’un coup ses convictions, et surtout est incapable de résister à ses « pulsions sexuelles » (essentialisation bonjour) ce qui la met opportunément à la merci des sarcasmes de Xander sur le mode « alors tu fais moins la maligne maintenant avec ton discours anti-mecs hein? »

    Alors que bien sûr rien n’empêche de très nombreuses féministes d’articuler hétérosexualité et critique radicale du patriarcat. (…scoop?)

    Enfin, les cas de « vengeance » qu’elle accomplit sont systématiquement montrés comme démesurés, désastreux, immoraux, et pas réellement souhaités par la femme qui a émis le souhait, et se retournant contre elle: la femme vivant une relation abusive dont le mec est transformé en serpent meurtrier se voit attaquée par ce dernier; quant à celle qui s’est faite humilier verbalement (je crois?) par un groupe de mecs, elle est traumatisée psychologiquement par la violence de la « vengeance »: leur meurtre brutal par une araignée géante. Bref Anya fait nawak, et les cas de violences sexistes représentés qu’elle décide de venger sont montrés comme insignifiants. Alors que si on veut trouver des exemples de violence misogyne hardcore où ça deviendrait un peu plus difficile de ridiculiser un désir de vengeance, faut pas chercher bien loin…

    Enfin ce discours de justicière est démenti par un truc de jouissance personnelle des démon.e.s: elle n’est pas vraiment féministe, elle profite juste du ressentiment de femmes abusées pour semer le chaos, c’est ça au fond son vrai kif.

    L’autre démone qu’on voit un peu, sa pote Halfrek pourrait également porter un discours anti-âgiste intéressant (j’avoue j’ai rêvé que ça allait prendre l’âgisme au sérieux dans une série US mainstream quand je l’ai vue intervenir dans l’épisode du voeu de Dawn où elle dit « la souffrance de cet enfant résonne dans toute la ville, comment pouvez-vous ne pas l’entendre? » j’étais là « mais ouiiiii » et en fait: non.) Mais de même qu’Anya elle est complètement ridiculisée et on montre que le « voeu » accordé à Dawn l’était sans son consentement, et que c’est absurde et effarant que d’écouter les « voeux » d’une gamine franchement, et que celle-ci devrait faire attention de à qui elle confie ses états d’âme et surtout pas parler de la violence qu’elle subit de la part de sa soeur Buffy et autres persos à une inconnue mais plutôt essayer de régler ça avec Buffy elle-même, alors que celle-ci lui donne 1000 fois raison de penser qu’elle ne la prend pas au sérieux et la traite comme une demeurée.

    Comme quoi on le voit bien, les luttes contre des dominations c’est evil au fond. vous avez dit féminazi? moi j’ai bien cru l’entendre en tout cas…

    Bref encore un épouvantail pour mettre en garde contre des luttes un peu trop radicales (anti-patriarcale et anti-âgiste) et minimiser les violences que ces luttes entendent combattre.

    • Ah oui c’est vrai que les deux cas de voeux de femmes bafouées d’Anya présentés longuement dans Buffy (le petit ami transformé en ver géant et l’araignée) sont tournés en négatif alors que, pour rappel, d’après mes souvenirs :

      – la femme qui fait le voeux pour le petit-ami transformé en ver géant était harcelée par lui (mais c’est lui la pauvre victime à la fin) ;

      – la femme qui a fait le voeux de l’araignée s’est retrouvée humiliée par un groupe de mec dont faisait partie son petit-ami qui a décidé de rompre avec elle au milieu de tous ses copains et qu’ils se fichaient tous de sa gueule (et auraient-ils fait pire après, ça on ne sait pas ?).

      D’ailleurs, Anya est le personnage récurrent le plus âgé et ayant donc la plus longue expérience historique des rapports homme-femme dans la série, mais ce n’est pas du tout présenté comme ça ! Comme si ça vision de « méchante féministe revancharde » comme tu dis, occultait toute son expérience du coup…
      Alors qu’en plus, quand on connaît l’histoire d’Anya, on voit qu’elle n’est pas devenue démone vengeresse par hasard !

      Je suis d’accord aussi pour Halfrek, dont le voeux pour Dawn, même s’il est bien expliqué que celle-ci l’a fait car elle crie au secours, est malheureuse et désespérée, la série présente les choses comme s’il aurait suffit que Dawn parle à Buffy (alors qu’on voit bien comment Buffy l’infantilise en permanence et qu’elle ne l’écoute jamais)…

      Pour le personnage de Xander et tous ses actes, je ne vais pas commenter plus, étant donné que c’est LE personnage que je déteste le plus du début à la fin de la série ! D’ailleurs, j’aurais préféré que ce soit lui qui meurt à la fin plutôt qu’Anya…
      Xander représentante le typique soi-disant « nice guy » mais qui en fait balance remarque sexistes sur remarques sexistes, voire carrément misogynes !

    • Merci beaucoup pour tous ces commentaires hyper intéressants !

    • Ah j’avais oublié, mais la pire « remise en place » d’Anya, c’est bien sûr quand elle perd ses pouvoirs la première fois en exauçant le voeu de Cordelia : que Buffy ne soit jamais venue à Sunnyvale !

      C’est une catastrophe bien sûr, avec tout le monde qui meurt, tués les uns par les autres (certains transformés en vampires, comme Willow et Alex), et c’est Giles qui « rétablit les choses » en détruisant le symbole du pouvoir d’Anya, son collier, faisant d’ailleurs perdre tous ses pouvoirs à Anya…

      Si ça c’est pas la figure patriarcale de la série qui ramène la méchante féministe à sa place ! 🙁

  9. le problème avec Ania, c’est aussi que c’est l’adultère qui suscite une telle rage qu’elle va se transformer en démon. Un peu comme si toutes autres formes d’abus n’avaient pas d’importance; son gars revient de la chasse et il veut manger, avoir des relations sexuelles … et elle ne peut rien voir d’autre que son amour pour lui

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