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Une histoire banale (2013), d’Audrey Estrougo

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Trigger Warning : cet article parle de violences faites aux femmes et de viol.

Audrey Estrougo a écrit le scénario d’Une Histoire banale en une semaine et le réalise en moins d’un mois avec un budget de 8000 euros. Les acteurs/actrices et les technicien-ne-s y ont participé bénévolement. Le film est tourné dans le 40 mètres carré de la réalisatrice. Une partie du budget a été récolté par une campagne de financement sur le net car personne ne voulait produire et distribuer le film. Pourtant, la cinéaste a déjà réalisé deux films : un premier en 2007, Regarde-moi, sur le vécu de filles en banlieue et Toi, moi et les autres en 2011 une comédie autour des différences de classe sociale. Son troisième projet portait sur des femmes en milieu carcéral. Mais là encore, producteurs et distributeurs ont refusé de le financer. C’est ainsi que remontée contre le fonctionnement du cinéma français elle réalise Une histoire banale, un film qui parle de violences sexuelles.

Le projet d’A. Estrougo :

Dans des interviews ou sur le site internet du film, j’ai cherché ce qu’Audrey Estrougo disait de son film. Rendre explicite ses intentions me paraissait intéressant d’abord pour ne pas se méprendre sur le sens général du film et ensuite car elle semble avoir pleinement conscience des enjeux politiques du film, comme elle le signale elle-même, ce film se veut « révolutionnaire » : il renverse volontairement des idées reçues sur les violences sexuelles et sexistes.
Dans le Journal Du Dimanche, A. Estrougo, explique qu’elle veut faire un film sur la façon dont le viol est perçu.

« Qu’est ce que c’est que cette société qui considère souvent que la victime d’un viol l’a un peu cherché ne serait ce que par sa façon de s’habiller ? C’est intolérable. »1

Sur la page web du film, elle explique longuement son projet et ses positions :

« Effectivement, être femme aujourd’hui c’est mener un drôle de combat contre la dictature du paraître avant tout dictée par le regard des hommes. La société est telle que notre reflet est conditionné par la pensée de l’homme, ses désirs, ses pulsions… A ceci, il faut ajouter ma rage de cinéaste, celle qui me pousse toujours plus loin, celle qui constamment me donne envie de dire tout haut ce qui dérange et que l’on préfère passer sous silence. Quoi de plus tabou aujourd’hui que le viol ? Avec cette démarche, j’ai avant tout voulu mettre en avant la scandaleuse position de ce crime malheureusement si banal et auquel on accorde trop peu de crédit. Seulement, s’est-on une fois demandé ce que signifiait être violée ? De nombreuses victimes se considèrent comme mortes, endeuillées d’une partie d’elles-mêmes. J’ai donc décidé de prendre ma caméra et de faire entendre leurs voix pour que ce crime inhumain puisse être considéré comme tel. Le silence doit être brisé, les cartes redistribuées pour que le viol soit enfin puni à sa juste mesure.
Pour ce faire, l’industrie du cinéma, à l’heure actuelle ne me laisse pas beaucoup de choix. Avec les polémiques actuelles, ce n’est un secret pour personne lorsque j’affirme que le cinéaste qui refuse de se plier à la dictature de la comédie et de ses célèbres comédiens, se lance dans une galère première classe. Je l’ai toujours su et voilà pourquoi, « une histoire banale » a été pensé et sera conçu comme un film révolutionnaire. Écrit en une semaine, ce cri du cœur ne tient qu’à l’énergie de ceux qui m’entourent un peu plus chaque jour. L’idée est simple : faire un film de cinéma, pour prouver à l’industrie que les spectateurs veulent autre chose que leurs films formatés. Je reste persuadée que le public français peut être curieux et désireux, voilà pourquoi je fais appel à lui en l’invitant à participer au financement du film. Grâce à cet argent, nous pouvons assurer un repas quotidien à l’équipe qui devra réaliser l’exploit de tourner un film de long métrage. Plus les dons seront, plus nous pourrons louer du matériel et donner de la consistance au film. »2

Pour reformuler rapidement le projet d’Audrey Estrougo, je dirais qu’ Une histoire banale est un film sur le viol et plus précisément sur les conséquences concrètes d’un viol en prenant l’exemple d’une femme parmi d’autres.

L’histoire d’un viol :

Au début du film, Nat, qui a environ trente ans, va chercher Wilson, son copain, à la gare. Illes se côtoient depuis 5 ans environ et illes habitent deux villes différentes. Ainsi, illes ne peuvent se voir que les week-end. Ces premiers moments du film sont axés sur la relation entre Nat et son ami. Quand illes arrivent dans l’appartement de Nat, illes se jettent l’un sur l’autre et font l’amour. Puis illes déambulent nus et joueurs dans l’appartement. Les intentions de la réalisatrice sont ici claires : Nat est à l’aise avec son corps et avec sa sexualité. Son consentement dans la relation sexuelle est exprimé et explicite : elle se déshabille elle-même et initie l’acte sexuel.
Illes sortent boire un verre et Damien, un collègue de Nat, lui signale qu’il est intéressé par elle. Elle lui dit clairement que ce n’est pas réciproque.

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Nat dit à Damien qu’elle n’est pas intéressée.

Wilson repart. Nat, un soir, sort dans un bar dansant avec une amie. Elle tombe sur le même collègue. Il s’incruste un peu quand les filles dansent. Nat décide de rentrer chez elle. Le collègue propose de la raccompagner à scooter. Arrivé devant chez elle, il lui répète son attirance. Elle lui dit qu’elle n’est pas intéressée. Quand elle ouvre sa porte, le collègue s’introduit sans y être invité dans l’appartement et la viole. Elle est hébétée et surprise. Il part. Elle s’enferme chez elle, choquée, prostrée.
Le lendemain, elle retourne au travail. Dans la rue, elle le voit. Elle s’enfuit. Elle cloisonne les fenêtres et la porte de son appartement. Elle a peur.
A partir de là, le film se centre sur Nat et les différents moments douloureux par lesquels elle passe. Panique, sentiment d’insécurité, peur dans la rue, puis sentiment de saleté, douches répétitives, se faire mal, se brosser jusqu’à se blesser, puis réconfort dans la nourriture et punition de se réconforter. La phase de punition continue dans une période d’activité sexuelle intense. Maquillage, mini jupe, sortie, alcool, elle choisit des types par hasard et semble parfois reproduire la scène de viol qu’elle a vécue. Elle n’en prend aucun plaisir, son visage paraît triste. Les relations sexuelles sont rapides et les types ne se posent pas de questions sur le plaisir que Nat semble ne pas avoir.
Au milieu de tout ça, elle se sépare de Wilson, s’isole de ses ami-e-s. Vers la fin, elle va porter plainte au commissariat. Peu à peu, elle renoue des liens avec certaines personnes avec qui elle peut parler du viol, se déculpabiliser. Enfin, elle va reprendre possession de son corps. Dans la dernière scène, elle se regarde dans un miroir et danse.

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Un film ancré dans la réalité : 

Loin des stéréotypes sur le viol (le parking, la nuit, l’inconnu étranger…) le film semble coller de près à la réalité du viol. Le personnage de Damien correspond à un certain nombre de donnés statistiques sur les violeurs. Dans 75% des cas, l’agresseur est dans l’entourage de la victime, ici, il est le collègue de Nat. Dans 67,7% des cas, le viol a lieu au domicile de la victime ou de l’agresseur, ici, Nat est violée chez elle. 49% des viols sont commis sans aucune violence physique, ici, Damien rentre en usant de la surprise chez Nat, celle-ci est stupéfaite et ne réagit pas.
Au début, Nat ne va pas porter plainte. D’ailleurs, elle semble ne même pas y penser. Et en effet, on constate que sur les 75000 femmes violées en France chaque année, 90% ne portent pas plainte 3. Quand Nat finit par aller au commissariat, c’est un échec. Le flic qui l’interroge est déplaisant, il lui pose des questions sur sa tenue, et semble sous-entendre qu’elle a été ambiguë avec son collègue. Ainsi, ce moment semble assez représentatif d’une certaine réalité car très peu de plaintes aboutissent à un procès. Ici, nous avons l’impression que Nat va abandonner rapidement cette procédure qui finalement la décourage plus qu’elle ne la réconforte. De plus, la scène du dépôt de plainte au commissariat soulève un certain nombre de stéréotypes liées aux personnes violées et aux figures du pouvoir. La victime doit être par exemple forcément en jupe sous-entend le policier. Or, Nat portait un jean. Elle ne se souvient plus de la scène exactement donc pour le policier, elle ment en partie.Or, la mémoire d’un viol est toujours quelque peu troublée. Le fait que le policier soit un représentant de l’État et du pouvoir induit que c’est bien là un problème de société. En effet, le peu de considération qu’il témoigne pour Nat emmène à penser que d’une part la justice ne remplie pas les attentes des victimes de viol et que d’autre part les structures du pouvoir et ses représentants ne font pas grand cas des violences sexuelles.

Un autre point est intéressant dans le film, la réalisatrice a pris le parti de se centrer exclusivement sur Nat et la façon dont elle vit son viol. Ainsi, Damien disparaît complètement. Pas d’excuses, pas d’éléments psychologiques à charge, on ne s’occupe pas de lui car il n’est plus le sujet du film. C’est Nat, son vécu et comment elle fait face qui semblent importer à la réalisatrice. Elle dit d’ailleurs lors d’ une interview qu’ il y a dans le film deux personnages principaux seulement : Nat et puis sa douleur 4. D’où le dispositif cinématographique mit en place : les plans se resserrent autour de Nat, jusqu’à l’apogée de ce processus, dans la scène du commissariat, où l’on ne voit plus que son visage. Sa solitude apparaît donc visuellement. Les intentions de la réalisatrices sont originales, loin des films du type Rape and Revenge 5, comme Irréversible ou L’ange de la vengeance, qui se centre sur la vengeance après un viol, dans le film d’Audrey Estrougo le point de vue de Nat est le seul dont on se préoccupe et la façon dont elle se sort de sa douleur est certes moins spectaculaire que dans un film comme Kill Bill, mais semble plus réaliste.

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Cette autre affiche est assez significative !

Ainsi, la trajectoire de Nat, certes particulière, n’en demeure pas moins percutante, car finalement, le fait que le film s’inspire des statistiques sur le viol montre qu’il essaye de faire sortir le viol de l’exception, du privé, de l’inquiétant fait divers. C’est d’ailleurs peut être pour cette raison que le film s’appelle Une histoire banale. Car c’est une histoire qui finalement arrive à beaucoup d’autres personnes. La scène où Nat lit des témoignages sur internet de personnes violées tend à prolonger cette idée 6. Elle prend conscience que d’autres personnes ont vécu ce qu’elle a vécu. Elle ne cesse d’ailleurs de répéter que « ça arrive ».

Il est intéressant de remarquer qu’Audrey Estrougo a choisit de montrer des phases de réactions très claire (phase de boulimie, obsession de se laver…). Elle délimite chacune. Certes, cette façon d’aborder le viol est plutôt « didactique 7 » mais demeure en partie intéressante. En effet, il est intéressant de montrer qu’il peut y avoir différentes phases et qu’elles peuvent s’enchaîner, être différentes, changer. De même, montrer qu’il y a des traumatismes liés au viol permet d’en ancrer la réalité et rend impossible la négation ou la minimisation de la douleur ressenti par la victime. De plus, il me semble que par rapport aux films style Rape and Revenge, qui s’achève avec la vengeance de l’héroïne et du coup la mort du violeur, Une Histoire Banale rend compte du temps qu’il faut à Nat pour s’en sortir. Le passage du film qui met en scène les différentes phases de réactions de Nat montre que gérer son viol n’est pas forcément aussi simple qu’une balle dans la tête d’un mec!

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Bang bang, gros gun et jarretelles…

Mais il faut garder en tête aussi que c’est là que le film ne tient pas un propos universel et qu’il y a autant de réactions possibles à un viol qu’il y a de viols. Il n’y a pas de bonnes réactions et de mauvaises réactions, des bons points ou des malus comportements. Et je ne peux m’empêcher de vous mettre ici une citation de Virginie Despentes dans King Kong Théorie. Despentes revendique le droit de ne pas forcément se sentir enfermé par les phases traumatiques qu’il faudrait ressentir pour être une bonne victime.

« Penser pour la première fois le viol de façon nouvelle. Le sujet jusqu’alors était resté tabou, tellement miné qu’on ne se permettait pas d’en dire autre chose que « quelle horreur » et « pauvres filles ». Pour la première fois, quelqu’un valorisait la faculté de s’en remettre, plutôt que de s’étendre complaisamment sur le florilège des traumas. Dévalorisation du viol, de sa portée, de sa résonance. Ça n’annulait rien à ce qui s’était passé, ça n’effaçait rien de ce qu’on avait appris cette nuit-là. »

La phase qui m’a le plus interrogé est celle où Nat sort beaucoup et a des relations sexuelles avec des hommes qu’elle choisit dans des bars. Il semble que cela soit un moyen pour Nat de se réapproprier sa sexualité. Pourtant, Nat y apparaît ne pas pas prendre du tout de plaisir et vivre ces relations rapides plutôt mal. On peut alors se poser la question de savoir si Nat consent à ces relations ou pas. Il peut être difficile de comprendre que même si elle ne prend pas de plaisir elle consent à ces rapports. Or, Nat choisit manifestement ce type de sexualité car il semble lui permettre de reprendre ainsi possession de corps. Personnellement, il m’a semblé que ces scènes étaient un peu ambiguë car elles pouvaient faire naître une interprétation que j’ai envie de déconstruire ici. Je m’explique : le fait de représenter ce type de sexualité comme une phase réactionnelle post viol induit que ce comportement pourrait être en général problématique et ne pas être vécu positivement et qu’il serait du coup une « pathologie ». En gros, cette représentation un peu négative de ce type de sexualités pouvait laisser penser que cette sexualité est liée à un traumatisme. Il aurait peut être été intéressant de montrer des personnes s’épanouir dans cette sexualité mais bon comme le propos du film n’est pas là, je pinaille un peu car il est clair que Audrey Estrougo raconte l’histoire de Nat, histoire du coup particulière et personnelle à son personnage et elle n’universalise pas la réaction de Nat.

Un troisième personnage ?

Un autre point est soulevé tout le long du film, et je n’ai pas trouvé d’interviews d’Audrey Estrougo dans lesquelles elle en parlait. Cela en partie parce qu’il apparaît très imbriqué dans le propos principal du film. Il s’agit du harcèlement de rue.
Cela commence au tout début du film, Nat est dans le métro et sourit à elle-même en pensant à Wilson qu’elle va retrouver dans peu de temps. Un type assis en face la regarde et semble interpréter ce sourire intime comme une invitation publique. Il s’assoie donc à côté d’elle et la regarde avec insistance. Nat étonnée, agacée et mal à l’aise change de rame.
Il y a ainsi au moins trois autres scènes où Nat se retrouve harcelée. Ce sont des scènes de rues et de lieux publics dans lesquelles des hommes font des remarques sur le physique des femmes, des plaisanteries ou des avances, on les y voit dévisager du regard des femmes ou se rapprocher physiquement d’elles sans y être invité.

Ainsi, le film tisse un lien ténu entre le viol de Nat et les moments de harcèlement qui se produisent dans la rue. Je suppose que cela permet à la réalisatrice d’instaurer un climat sexiste où se produisent quotidiennement des violences contre les femmes. De même, là encore, ce lien permet de replacer le viol comme un acte finalement banal dans une société sexiste au sein de laquelle les violences sexuelles « arrivent » et arrivent souvent. Car la société patriarcale en assignant aux hommes et aux femmes des rôles et des comportements sociaux inégalitaires favorise les violences sexuelles et sexistes.

Ces trois scènes semblent rentrer particulièrement en résonance entre elles et avec le viol de Nat. Dans la phase de sexualité intense de Nat, un type dans la rue fait une remarque à Nat sur son physique. Nat, très énervée, commence à se battre verbalement puis physiquement. Son amie temporise la situation. Surprise du comportement de Nat, elle lui dit « calme-toi, il a juste dit que tu étais mignonne ». Visiblement Nat est dans une phase de confusion et de violence trop démesurée pour être saine et c’est son amie qui tient un discours a priori raisonnable. Or, Nat est dans son droit de signaler que ce n’est pas ok pour elle d’être regardée et jugée. Elle dit à son amie qu’elle n’a pas envie qu’un type lambda lui parle de son corps. Pourtant, les remarques de rue ne sont pas vécues comme des violences que quand on est mal luné. C’est un nœud que le film ne résout pas vraiment en témoigne une autre scène à la fin du film dans laquelle un jeune homme vient parler à Nat qui est assisse dans un parc seule sur un banc. Il lui dit qu’il la trouve mignonne et qu’il veut lui donner son numéro. Au début, elle est froide mais le type insiste, s’assoit à côté d’elle et va jusqu’à la toucher, s’incruste dans sa sphère d’intimité mais comme il fait des blagues en même temps, sa drague semble passer mieux et Nat finit par discuter avec lui et accepter son numéro. Pour ma part, cela me semble assez problématique car cela suppose qu’il y aurait une façon de faire qui permettrait de dégeler les femmes qui disent non et conforterait les « artistes de la drague » à bien insister et à se donner après des conseils bien horribles. En bref, il semble qu’il y ait d’autres raisons qui colle avec le propos du film pour lesquelles Nat accepte de discuter avec cet homme (que j’expliciterai par la suite), mais on peut aussi voir dans cette scène un truc assez moche de légitimation de drague bien lourde qui continue même après que la fille ait dit non et qui induit ainsi un rapport de pouvoir.

Cependant, je crois qu’il y a là non pas une minimisation du harcèlement de rue mais une forme de temporisation : tous les dragueurs ne sont pas des harceleurs et ainsi tous les harceleurs ne sont pas des violeurs. C’est un moyen pour la réalisatrice de faire sortir Nat de cette phase de violence contre les hommes en général et de lui redonner confiance en une forme de communication à peu près égalitaire. En effet, elle rit aux blagues du jeune-homme et semble plutôt bien. Pour moi, le fait que le jeune homme se soit incrusté dans l’espace de Nat m’interroge sur la possible communication égalitaire qui peut suivre d’un tel premier contact. Il me semble un peu dommage que ce soit une scène de drague qui permette de montrer que les interactions avec les hommes peuvent être sereines.

L’autre scène se passe à la toute fin du film : Nat assiste à une altercation dans la rue. Une fille engueule un type qui l’a harcelée. Puis, elle marche vers Nat et lui parle de son malaise avec des larmes dans les yeux.
Je n’ai pas très bien compris ce que Nat ressentait (si vous voulez me donner votre interprétation je l’accepterais avec plaisir!). Est-ce de l’admiration pour ces filles qui se battent quotidiennement pour lutter contre ces violences sexistes ? Cette hypothèse aurait alors un côté girl power car elle induit que Nat est devenue solidaire des femmes en général qui ont connu des violences. Ou bien, deuxième hypothèse, elle se voit en miroir dans cette femme et repense à sa propre violence envers les hommes et aussi envers elle-même, elle voit dans les larmes et la colère de cette femme le reflet de la détresse qui a été la sienne et elle réalise qu’elle est désormais sortie de cela, sortie de sa douleur. Cette hypothèse semble être confirmée par la scène suivante (la dernière) dans laquelle Nat va à un club de danse et danse face au miroir, en se regardant, reprenant ainsi possession de son corps. Alors qu’il y a d’autres femmes autour de Nat, il n’y a pas vraiment d’interaction entre elles ce qui rend manifeste qu’Une Histoire Banale est bien l’histoire de la trajectoire personnelle et particulière de Nat et que la réalisatrice a fait le choix de se centrer précisément sur cela, du début à la fin, de la douleur au sentiment d’aller mieux.

Même si l’expression est (très) maladroite, Le Journal du Dimanche dit que le film n’est pas « le brûlot féministe auquel on aurait pu s’attendre » et Audrey Estrougo souligne dans le même article que ce n’est pas un documentaire qu’elle a voulu faire mais bien un film. Ainsi, il n’a pas de prétentions à donner un point de vue universel sur les réactions d’une personne après un viol. Pourtant, il est très intéressant et mérite d’être vu car il replace le viol et le harcèlement dans les mécanismes d’une société sexiste. Dès lors, l’histoire du viol d’une personne est bien souvent une histoire banale.

Fanny Gonzagues

Notes :

[1] http://www.lejdd.fr/Culture/Cinema/Une-histoire-banale-un-film-pour-8-000-euros-660500

[2] http://une-histoire-banale.fr/page-d-exemple/

[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Viol#France

[4] Fiche Allociné du film. D’ailleurs, elle explique la difficulté d’aborder seulement le point de vue féminin sur le sujet : « Audrey Estrougo réalise son film du point de vue féminin, en essayant de ne pas passer par le regard de l’homme, chose difficile au cinéma selon la réalisatrice. » http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=225286.html

[5] Ceux-ci sont souvent présentés comme problématiques d’un point de vue politique. Les exemples cités sont des films faits par des hommes qui parlent de la façon dont eux réagiraient s’ils étaient violées. Donc, ils utiliseraient la violence laissant entendre que si les filles ne l’utilisent pas dans la vrai vie, c’est qu’elles sont peut être contentes finalement. C’est tout l’enjeu du film de Virginie Despentes, Baise-moi, dans lequel les femmes se réapproprient cette violence de la vengeance.

[6] Que Bernard Achour dans Première qualifie ainsi : « une parenthèse lourdement didactique aux allures de miniclip documentaire pour le Planning familial… » hum hum…http://www.premiere.fr/film/Une-Histoire-Banale-3915310

[7] Un journaliste de Critikat souligne ainsi: « Le récit n’est pas exempt d’un certain didactisme dans la volonté de décortiquer toutes les phases de son parcours post-traumatique, mais il ne s’encombre jamais d’un propos purement théorique. », http://www.critikat.com/actualite-cine/critique/une-histoire-banale.html

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33 réponses à Une histoire banale (2013), d’Audrey Estrougo

  1. Très bon article qui fait directement écho à certains commentaires qu’il m’est arrivé de posté sur ce ex-bon site de cinéma qu’était allociné, et notamment dans des commentaires de films qui sont l’exact opposé de celui présenté ici : les fameux rape and revenge, surtout les récents, et plus particulièrement les remake « I spit on your grave », où non content d’entériner tous les poncifs des mythes du viol (inconnu, la nuit, enlèvement, torture, violence physique, lieux étrangers), on observe même un esthétisme, une érotisation manifeste des scènes de torture et de viol, allant jusqu’à placer le spectateur en position de voyeur, sinon de participant, avec une mise en scène elle aussi clairement orientée « plaisir sadique et sexuel » totalement dénue de recul ni de critique ni sur le moment ni par la suite, mis à part le second thème « vengeance » qui franchement peine à justifier ce qui a précédé, puisqu’il s’agit de fiction, agencée par et pour le spectateur. (qu’on devine principalement mâle et en manque de sensations fortes doublées de seins et fesses à l’air, si possible malmenées)

    • PS: j’oubliais un élément essentiel véhiculé par ce genre de films (I spit, hostel, etc) : Les aggresseurs sont toujours des étrangers, pauvres, et présentés comme malades (mentaux, fous, sadiques extrêmes, etc)
      Jamais oh grand jamais des gens « normaux » (un peu à la façon de Mr Brooks), ce qui pourtant serait tellement plus dérangeant, puisque c’est ce qui est généralement « vanté » par les aficionados de ces purges cinématographiques…

  2. Une histoire banale pourrait aussi être de voir un article ayant pour sujet (et méta sujet) le viol, et de ne voir strictement aucun commentaire en 1 mois, quand d’autres plus récents sont le théâtre de débats autrement plus fournis et motivés.
    J’ai peur que ceci n’ai rien à voir avec le caractère un peu « confidentiel » de la sortie de ce film, ni son esthétique, ni ses actrices et acteurs…

    • coucou!

      Oui, merci pour les commentaires du coup! il se passe quelque chose sur cette page, youpi! 😉

      Pour les films type Rape and Revenge, je n’ai vu que L’ange de la vengeance et après je me suis un peu inspirée des propos de Noëlle du site qui avait réfléchi sur I spit et son remake.
      En plus, avec ces films on touche du doigt un nœud de problèmes politiques, perso, je ne sais jamais si je peux les critiquer trop virulemment ou pas car d’un côté y’a la vengeance d’une femme qui reprend le pouvoir sur son corps et sur sa vie et de l’autre une érotisation de son corps et des stéréotypes relous sur le viol.
      C’est ça qui est chouette avec le film Une histoire banale: y’a pas tous ces poncifs.

      Je me suis demandée au début pourquoi il n’y avait personne dans le coin, et je me suis dit qu’en fait, c’est que tout le monde était d’accord avec moi 😉
      non je blague, je suis d’accord avec toi, c’est bien le sujet je pense.

      • Ouai désolé pour mon « coup de gueule », mais il fallait que ça sorte. u_u

        Sinon pleinement d’accord avec l’aspect empowerement féminin des rape and revenge, mais pour moi ça ne tient pas quand l’intention manifeste de réalisation est d’offrir un corps de femme sexy, violenté et « salit » en pâture à un public masculin. Le mâle gaze est trop évident pour que la vengeance qui suit ne ressemble pas à un simple prétexte. (surtout quand tous les poncifs et mythes sont rassemblés et poussés à leurs extrêmes)

      • Personnellement, j’ai beaucoup de mal avec l’idée que l’empowerement d’un personnage féminin doive passer par un viol.

        Et puis de manière générale je n’aime pas trop les films de vengeance, quelle que soit la motivation. Il y a un côté apologie de la peine de mort et de la justice personnelle expéditive.

  3. « La phase qui m’a le plus interrogé est celle où Nat sort beaucoup et a des relations sexuelles avec des hommes qu’elle choisit dans des bars. Il semble que cela soit un moyen pour Nat de se réapproprier sa sexualité. Pourtant, Nat y apparaît ne pas pas prendre du tout de plaisir et vivre ces relations rapides plutôt mal. On peut alors se poser la question de savoir si Nat consent à ces relations ou pas. Il peut être difficile de comprendre que même si elle ne prend pas de plaisir elle consent à ces rapports. Or, Nat choisit manifestement ce type de sexualité car il semble lui permettre de reprendre ainsi possession de corps. Personnellement, il m’a semblé que ces scènes étaient un peu ambiguë car elles pouvaient faire naître une interprétation que j’ai envie de déconstruire ici. Je m’explique : le fait de représenter ce type de sexualité comme une phase réactionnelle post viol induit que ce comportement pourrait être en général problématique et ne pas être vécu positivement et qu’il serait du coup une « pathologie ». En gros, cette représentation un peu négative de ce type de sexualités pouvait laisser penser que cette sexualité est liée à un traumatisme. Il aurait peut être été intéressant de montrer des personnes s’épanouir dans cette sexualité mais bon comme le propos du film n’est pas là, je pinaille un peu car il est clair que Audrey Estrougo raconte l’histoire de Nat, histoire du coup particulière et personnelle à son personnage et elle n’universalise pas la réaction de Nat. »

    Comme c’est un film que vous aimez bien (et je vous comprends : votre présentation me donne envie de le voir…), vous affirmez qu' »il est clair qu’A.E. […] n’universalise pas la réaction de Nat ». Par contre, à d’autres moments, vous vous félicitez de ce que les événements qui arrivent à Nat aient un caractère universel – vous écrivez par exemple que le film « semble coller de près à la réalité du viol » – et même, je trouve la formule significative, qu’il « s’inspire des statistiques sur le viol ». Et puis dans votre conclusion, finalement, vous dites que ce n’est pas une histoire universelle.

    Ca me met un peu mal à l’aise : j’ai l’impression que c’est une mauvaise piste que de s’interroger sur le caractère « universel » de ce qui est représenté. Un film ne peut jamais représenter l’universel à travers une histoire singulière. Vous dites que le film atteint à l’universel parce que 75% des femmes violées le sont par une personne de leur entourage, et que Nat l’est par un collègue. Mais quel pourcentage de femmes au juste sont violées par un collège ? Certainement beaucoup moins. En fonction de la façon dont vous allez décrire le film (« le personnage est violé par quelqu’un de son entourage », ou « le personnage est violé par un collègue »), vous n’aboutirez pas à la même conclusion quant à son universalité.

    Et puis je trouve un peu arbitraire de dire que le film se veut universel quand il représente une femme violée chez elle par son collègue, et qu’il ne se veut pas universel quand il représente la sexualité avec des partenaires multiples comme conséquence d’un traumatisme. Sur quoi vous basez-vous pour dire ça ? Il y a des éléments précis du film qui tendent à suggérer que non, non, ce dernier point n’a pas vocation à être universalisé ? Plus loin, vous protestez contre ce que vous appelez la légitimiation de la « drague de rue ». Mais pourquoi, dans ce cas, ne pas considérer aussi que la réaction de Nat est simplement la réaction de Nat, et qu’elle ne comporte pas de leçon morale universelle ? Est-ce que là aussi vous avez des éléments filmiques précis, ou est-ce que c’est sur la base de l’intuition que vous supposez tantôt qu’un élément à vocation à l’universalisation, tantôt pas ?

    Il me paraît beaucoup plus plausible de considérer que ce film, comme tout film « réaliste », représente une vie singulière, non réductible à de l’universel, MAIS qui, comme toutes les vies, rejoint l’universel à certains égards, et s’en écarte à d’autres. Et dans un même élément filmique (« être violée par un collègue »), il y a des éléments généralisations (« être violée par un proche ») et d’autres qui ne le sont pas (« être violée par telle collègue, de telle façon, dans telles circonstances »). Même dans ce que vous décrivez comme conforme aux réalités statistiques, il y a certainement tout un tas d’éléments (relatifs aux « modalités » pratiques du viol, etc.) qui font que cette histoire est aussi absolument singulière.

    Enfin, je ne suis pas sûr de bien me faire comprendre… Je trouve votre article intéressant, mais il réveille en moi de vieux doutes relatifs à la façon dont certains discours sur le cinéma et la fiction (tenus sur ce site, en particulier…) présupposent l’universalité, ou la généricité, ou le caractère représentatif/iconique par défaut, de faits qui sont en réalité nécessairement singuliers puisqu’ils se produisent dans un film qui raconte une histoire singulière.

    V3nom :
    « J’ai peur que ceci n’ai rien à voir avec le caractère un peu « confidentiel » de la sortie de ce film, ni son esthétique, ni ses actrices et acteurs… »

    Je pense que ces hypothèses que vous réfutez(en tout cas celle du caractère confidentiel du film) sont au contraire très plausibles…

    • bon, je suis embêtée car je n’aime pas trop ce dualisme d’universel et singulier, mais comme il semble que ce soit moi qui l’ai introduit, je fais un big mea culpa!

      Et en plus, je crois que j’ai du mal à vous suivre dans l’usage de ces termes là, car je ne sais pas trop si on entend les mêmes choses, et que je ne manipule pas vraiment les concepts philosophiques 😉 donc je vais essayer de clarifier mon propos, d’expliciter ce que j’ai voulu dire en espérant que ça paraisse moins contradictoire!

      Moi, perso, au début, je voulais surtout souligner que la réalisatrice avait fait des choix forts pour le film par rapport aux autres films où une femme est violée qui sont souvent stéréotypés (sur ce point je vous renvoie au com’ de V3nom!). C’est intéressant je trouvais d’avoir écrit ce scénar en ayant fait des recherches comme le raconte la réalisatrice et d’avoir voulu montrer que le viol est un « crime banal ». Je reprends son expression car je la trouve chouette car c’est ouf l’idée de dire qu’un crime est banal, parce qu’un crime c’est sensé être une exception, un truc qui arrive pas tous les jours. Et des personnes violées pourtant, il y en a tous les jours! Pour moi, cette expression, c’est le pitch du film!

      Donc oui, c’était un peu délicat de parler de ce film car j’avais un peu envie de parler de stats, de faits sur le viol parce que j’avais trouvé le film bien, c’était le seul que j’ai vu qui parlait de viol comme ça et en plus la réalisatrice avait un propos politique sur ce qu’elle avait voulu faire. Du coup, oui, je confesse, j’ai donné des chiffres et j’ai fait quelques digressions au sujet du harcèlement de rue et de sexualités parce le film et les propos de la réalisatrice sont très intéressant à ce sujet et j’avais bien envie aussi d’en discuter.

      • Oui, je comprends bien, merci pour votre réponse !

        • Et pour être un peu plus précis (désolé pour le spam), j’ai l’impression que souvent, quand on critique une fiction, on part du principe que le film représente de l’universel / du général / du systématique, etc. (par exemple : un film représente une femme ayant un comportement X, on va considérer que ça laisse entendre que toutes les femmes ont un comportement X, ou encore que toutes les femmes devraient avoir un comportement X). Alors que bon, ça ne va pas du tout de soi : un film représente toujours une histoire singulière ; après, il y a peut-être de bonnes raisons de considérer que le film construit une interprétation de certains faits comme étant généraux plutôt que singuliers, mais c’est à voir au cas par cas.

          Il me semble que vous échappez à cet écueil quand vous dites que le comportement sexuel de Nat ne prétend pas à l’universel, mais que vous y retombez un peu quand vous trouvez sa réaction face à la drague lourde « problématique ».

          En fait, vous avez peut-être de bonnes raisons de traiter les 2 cas différemment – il y a peut-être des raisons internes au film qui vous poussent à le faire ; mais vous ne suggérez pas lesquelles, et je pense que c’est un point décisif ! 😉

          (si vous n’aimez pas le mot « universel », en l’occurrence le mot « général » conviendrait aussi et serait peut-être plus juste…)

          • coucou Ggauvain,

            Vous dites « Et pour être un peu plus précis (désolé pour le spam), j’ai l’impression que souvent, quand on critique une fiction, on part du principe que le film représente de l’universel / du général / du systématique, etc. (par exemple : un film représente une femme ayant un comportement X, on va considérer que ça laisse entendre que toutes les femmes ont un comportement X, ou encore que toutes les femmes devraient avoir un comportement X). Alors que bon, ça ne va pas du tout de soi : un film représente toujours une histoire singulière ; après, il y a peut-être de bonnes raisons de considérer que le film construit une interprétation de certains faits comme étant généraux plutôt que singuliers, mais c’est à voir au cas par cas.  »
            Vous parlez de notre site, je suppose, lorsque vous dites « on »? C’est un sujet que nous avons déjà débatu plein de fois sur ce site, y compris avec vous. Juste un ou deux trucs pour ce cas précis. Fanny vous a expliqué en quoi les stéréotypes qui entourent le viol sont présent dans beaucoup de films, y compris des films très connus. Encore une fois, il n’a jamais été question sur ce site de dire qu’un film à lui tout seul représenterait de « l’universel » ou du « général ». Pourtant Fanny a abolument raison de dire que ce film (qui parle du viol, qui est une chose qui existe et que les statistiques et les études nous montrent est généralement commis par une personne connue de la personne violée et/ou agressée) sort du lot de par le fait qu’elle ne reproduit pas certains des stéréotypes qui entourent le viol. Mais d’où viennent ces stéréotypes au juste, si ce n’est aussi de notre culture?
            Autre question, à quel moment, à votre avis, est-on en droit de dire « c’est chouette qu’un film ne tombe pas dans des stéréotypes », et « c’est sympa de voir autre chose dans un film qui parle du viol que des stéréotypes sur le viol et les aggressions »? Lorsque l’on a recencé tous les fims qui existent? Lorsqu’on en a recencé la moitié? Ou plutôt ptet jamais?*
            Si c’est jamais, alors une question. Quand est-ce qu’on est en droit de mettre bout à bout des représentations culturelles pour dire qu’elles forment et/ou reproduisent un stéréotype? Si l’on n’a que le droit de faire du cas par cas, alors en fait les stéréotypes ça n’existent pas? Il y a juste « des histoires individuelles »?
            Cette question à bien entendu un corrollaire politique. A quel moment est-on en droit de dire « Les violences que subissent telle classes de personnes sont structurelles et systématiques »? Si il n’existent que du « cas par cas », alors il n’existe aucune constante sociale, politique, géographique, culturelle, économique etc.? Cela me semble assez important comme question, parce que je vois mal comment les gens peuvent s’organiser, lutter, resister, si ce n’est en identifiant ces constantes et les enjeux de pouvoir entre différentes classes.
            Pour revenir au cinéma, il n’y a donc que des « histoires individuelles ». Homme, femme, blanc-he, noir-e, riche, pauvre, valide, invalide etc., notre société traite toutes ces personnes de la même façon, n’est-ce pas? Aucun a priori sur comment certaines personnes devraient se comporter? Aucune sanction lorsqu’elle ne se comporte pas ainsi? Juste des « individu-e-s », c’est ça? Le libéralisme extrème de cet argument me laisse perplexe. Il me semble évident que notre société ne traite pas tout le monde comme des « individu-e-s », POURQUOI donc le cinéma serait différent? Le cinéma est fait par des humain-e-s, qui ont grandi dans cette société et ont été éduqué par elle, COMMENT peut-on croire que les mêmes constantes qui se retrouvent dans notre société ne se retrouveront pas au cinéma? Par quel miracle? Peut-être que le monde du cinéma est un monde à part, sans classes, sans discriminations, sans stéréotypes, sans pouvoir et sans oppression? En fait le cinéma c’est l’utopie?

            Juste un dernier truc, la réalisatrice à fait son film avec trois francs six sous parce qu’aucune boite de prod ne voulait de son projet. De manière générale, le viol et les aggressions sont des phénomènes qui touchent une très grande quantité de femmes directement, et je dirais toutes les femmes indirectement. Nous avons donc affaire à quelque chose qui dans un société libre et égalitaire serait discuté tous les jours à la télé, serait traité des dizaines de fois par an au cinéma, serait au programme dans toutes les écoles, parce que ça concerne tout le monde. Pourtant on voit bien que ce n’est pas le cas, et je pense que la réalisatrice a bien vu que ce n’était pas le cas, et elle a ptet fait son film parce qu’elle en a marre de vivre dans une société qui en grande partie se contrefiche des violences inouïes (qui dans leur immense majorité sont) perpétuées par les hommes sur les femmes.
            Ou peut-être que ces violences ne sont en fait que perpétuées par des individu-e-s sur des individu-e-s? Les actes racistes, aussi, c’est surement juste des individu-e-s sur des individu-e-s…

            *Il existe de très nombreux travaux sur la représentation du viol au cinéma, notamment dans le cinéma Etats-Uniens (et 75% des films qui sortent en France sont Etats-Uniens, source « Mickey Mouse Monopoly »)

          • Le caractère potentiellement « universel » d’un film est un biais d’interprétation que peut faire un public non-avertit au sujet des thèmes abordés.
            On voit une réaction à l’écran, par des personnages généralement lambdas, et au fil des films, ces réactions ont tendance à se répéter de façon majoritaires : C’est ainsi qu’on forge les à prioris culturels et sociaux, même involontairement.
            Et bien malgré le réalisateur si c’est ce qu’il aurait voulu éviter : C’est le même travers que de croire qu’on va analyser un comportement social détaché de toute espèce de déterminisme. C’est une illusion totale.
            Une œuvre (de quelque art que ce soit) s’inscrit dans une société forgée par des traditions, une culture (plus ou moins plurielle), des habitus, des habituations et des schémas stéréotypés de pensé et de représentation des autres et des rapports.
            Le discours qui veut extirper toute œuvre de son environnement social colle de trop près au discours politique sensé nous expliquer ce qu’est la « culture » et ce qui n’en est pas.
            (voir les travaux de Franck Lepage à ce sujet : https://www.youtube.com/watch?v=tBClLYB5PHE )

          • Ce que dit Franck Lepage sur la culture c’est intéressant en effet, faudrait que je les revois d’ailleurs ses vidéos!

            Ggauvin, franchement je vois pas trop, ça marche toujours pas pour moi! Si vous avez l’ocaz et que vous voyez le film, j’espère qu’on pourra peut être parler plus concrètement de ces scènes en question!

            Pour infos, j’ai pas vraiment de méthodologie en trois partie dans mon analyse, j’ai pioché par ci par là pour parler de ce que j’appréciais et j’ai eu envie de souligner certains aspects du film qui m’avait intérrogé pour en discuter et de donner un peu mes idées dessus car pour moi c’était des trucs politiquement intéressants(le harcélement, les séxualités…)

  4. J’ai mis du temps à répondre, étant en vacances loin d’Internet. Mais quand même, si la discussion n’est pas trop refroidie :

    Liam :

    « Autre question, à quel moment, à votre avis, est-on en droit de dire « c’est chouette qu’un film ne tombe pas dans des stéréotypes », et « c’est sympa de voir autre chose dans un film qui parle du viol que des stéréotypes sur le viol et les aggressions »? Lorsque l’on a recencé tous les fims qui existent? Lorsqu’on en a recencé la moitié? Ou plutôt ptet jamais?* »

    Je ne pense pas qu’il soit pertinent de reprocher à quiconque de dire ça, même sur un seul film. Mais je n’ai vraiment pas l’impression que mes interventions portaient là-dessus. En tout cas, pas le passage que vous reproduisez en gras. La dernière fois on avait discuté sur la pertinence de l’objet « film » envisagé individuellement, mais ce n’est pas, me semble-t-il, là-dessus que porte la présente discussion.

    Cela dit, les questions que vous posez me semblent intéressantes :
    « Cette question à bien entendu un corrollaire politique. A quel moment est-on en droit de dire « Les violences que subissent telle classes de personnes sont structurelles et systématiques »? Si il n’existent que du « cas par cas », alors il n’existe aucune constante sociale, politique, géographique, culturelle, économique etc.? Cela me semble assez important comme question, parce que je vois mal comment les gens peuvent s’organiser, lutter, resister, si ce n’est en identifiant ces constantes et les enjeux de pouvoir entre différentes classes. »

    LES violences que subissent une catégorie de personne sont systémiques et structurelles si elles touchent statistiquement plus cette catégorie de personnes qu’une autre catégorie de personnes (les femmes plus que les hommes, par exemple). On est d’accord là-dessus. Par exemple les violences conjugales sont une violence systémique, je vous l’accorde sans problème. Mais dire cela, ça n’autorise pas à dire que dès qu’une femme meurt sous les coups de son conjoint, l’analyse en termes d’oppression systémique épuise l’explication de la situation. L’explication « locale » en termes de « il avait bu », « elle l’avait énervé », etc., est localement valable, et sans doute plus explicative que « c’est un produit de l’oppression de genre ». Je pense qu’il faut cantonner les explications générales aux faits généraux (sériels…), et les explications locales aux faits particuliers…

    « Pour revenir au cinéma, il n’y a donc que des « histoires individuelles ». Homme, femme, blanc-he, noir-e, riche, pauvre, valide, invalide etc., notre société traite toutes ces personnes de la même façon, n’est-ce pas? Aucun a priori sur comment certaines personnes devraient se comporter? Aucune sanction lorsqu’elle ne se comporte pas ainsi? Juste des « individu-e-s », c’est ça? Le libéralisme extrème de cet argument me laisse perplexe. »

    Je ne vais pas répondre trop précisément à cet argument, parce que j’ai l’impression que vous me faites un procès d’intention, et que je n’ai pas envie de polémiquer sur ces bases (plus exactement, vous répondez à un discours que je n’ai pas tenu, et qui est suffisamment naïf pour que vous puissiez lui répondre sans problème par l’ironie. Mais ce discours n’est pas le mien. Vraiment, je me demande comment vous avez fait pour lire dans ma prose que le cinéma serait de l’utopie ou que les violences systémiques n’existeraient pas. Et quand je dis « je me demande comment… », ce n’est pas ironique : ça m’intéressait de le savoir, parce que c’est peut-être là que gît notre désaccord. )

    Mais rapidement, quand même : vous semblez supposer que dès qu’on représente un personnage doté de certaines qualités dans un film, il représente automatiquement la classe à laquelle il appartient. C’est ce qu’on pourrait appeler un présupposé d’iconicité (le personnage serait « iconique », c’est-à-dire représentatif de sa classe). Mais franchement, ça ne me semble pas du tout évident. Je ne vois pas ce qui vous autorise à faire ce présupposé. Dans chaque film, il y a des éléments qui suggèrent cette iconicité (au hasard : le fait qu’il y ait plusieurs personnages de la même catégorie qui se conduisent pareil, par exemple), et d’autres qui tendent à la réfuter. La question de savoir si un élément d’un film est iconique ou non doit se régler au cas par cas, en fonction des éléments du film lui-même. C’était le sens de ma question à Fanny Gonzagues, quand je lui demandais pourquoi dans certains cas elle suppose que le film fait signe vers quelque chose de général, et dans d’autres cas elle suppose que le film se contente de montrer une situation particulière.

    V3nom :
    « Le caractère potentiellement « universel » d’un film est un biais d’interprétation que peut faire un public non-avertit au sujet des thèmes abordés.
    On voit une réaction à l’écran, par des personnages généralement lambdas, et au fil des films, ces réactions ont tendance à se répéter de façon majoritaires : C’est ainsi qu’on forge les à prioris culturels et sociaux, même involontairement.
    Et bien malgré le réalisateur si c’est ce qu’il aurait voulu éviter : C’est le même travers que de croire qu’on va analyser un comportement social détaché de toute espèce de déterminisme. C’est une illusion totale. »

    Là, pour le coup, je pense qu’il faut distinguer ce qu’on peut dire d’un film en particulier, et ce qu’on peut dire d’une série de films différents. Vous abordez le problème de ce que j’appelle l’iconicité dans ma réponse à Liam. Mais précisément : si on envisage beaucoup de films, on peut dire que l’iconicité des personnages, mettons, féminins, est suggérée par la récurrence des traits qui les caractérisent d’un film à l’autre.
    Si vous parlez au contraire d’un film précis, vous vous fondez sur le « biais d’interprétation du public non averti ». Mais bon, premièrement, si vous considérez qu’il s’agit d’un « biais », ça me paraît délicat de le reprocher au film lui-même (est-ce la faute du/de la réalisateur/trice si le film est mal compris ?) ; et deuxièmement, je pense que vous énoncez là un présupposé indémontré et indémontrable. Vous ne pouvez pas considérer comme ça que le spectateur/trice (abstrait et universel ? sa culture cinématographique, son genre, sa classe, son niveau d’études, sa nationalité… ne comptent pas ?) va systématiquement fonder son interprétation sur un présupposé inconscient d’iconicité.

    • Si Liam a mal interprété un de vos message, c’esty forcément de sa faute.
      Si un public a mal reçu ou interprété un film, c’est forcément de sa faute.
      C’est en substance votre message. Et c’est commode pour ne jamais se remettre en question en tant que personne publique, ou diffusant des créations, messages, propos publiques.

      Un homme politique assez connu a eu le même discours à une époque : « Les promesses politiques n’engagent que ceux qui les écoutent ».

      C’est commode, non ?

      • Bon, vous avez un truc à me répondre, à part ça ?

        • « L’explication « locale » en termes de « il avait bu », « elle l’avait énervé », etc., est localement valable, »

          Non cette explication n’est pas valable car elle se situe dans un contexte particulier. C’est dans le contexte d’une société patriarcale qui fait preuve de tolérance envers les violences masculines sur les femmes que les explications « il avait bu ou elle l’avait énervée » sont considérées comme valable. En effet, si l’on inversait la situation, personne ne trouverait valable ces explications s’il s’agissait d’une femme qui avait tirée à la carabine pour tuer son concubin.
          Personne ne dirait « il l’avait énervée » ou « elle avait un coup dans le nez » en tant qu’explication valable, mais bien plutôt, cette femme est bonne à mettre à l’asile.

          C’est donc bien qu’il y a un contexte, un contexte culturel dans lequel les violences masculines sur les femmes et les enfants sont jugées « normales » alors que l’inverse est à peine imaginable.

          Je vois que vous sévissez sur tous les sites que j’apprécie Ggauvain… ça fait plaisir de voir que vous faîtes preuve d’une certaine cohérence dans la misogynie ici et ailleurs.

      • @ Ggauvain

        Personnellement, je comprends que V3nom n’ait pas « d’autre truc à vous répondre que ça ». Vous êtes bien gentil et bien cordial Ggauvain, mais je n’ai pas vraiment l’impression que vous veniez sur ce site pour discuter avec nous, contrairement à ce que vous essayez de faire croire avec vos formulation ampoulées (et à mon avis aussi un peu hypocrites sur les bords). Vous nous ressortez toujours vos mêmes critiques auxquelles nous avons déjà répondu plusieurs fois, réponses auxquelles vous n’avez quant à vous pas daigné répondre. Petite piqure de rappel : 1/ les commentaires sous Jacky, et 2/ le long commentaire de Liam (du 13/06/2014) sous La Reine des Neiges (dans lequel il vous rappelait d’ailleurs que vous n’aviez pas répondu à ceux sous Jacky). Et maintenant, voilà que vous répondez à Liam sous cet article-ci, mais pour à chaque fois éviter de répondre à la question qu’il vous pose avec des « ce n’est pas, me semble-t-il, là-dessus que porte la présente discussion » ou des « Je ne vais pas répondre trop précisément à cet argument, parce que j’ai l’impression que vous me faites un procès d’intention ».

        Après peut-être que ce n’est pas non plus totalement de la mauvaise foi de votre part, peut-être juste que vous n’avez juste pas conscience du fait que nous avons des présupposés politiques inconciliables (parce que strictement opposés). Vous assumez votre posture libérale qui met au second plan les rapports sociaux, tant mieux pour vous. Mais ne venez pas à chaque article nous pondre des pavés pour remettre en questions nos analyses, ça ne sert à rien, puisque nous nous opposons précisément à ce type d’approche sur ce site. Vous pouvez vous contenter de cracher sur nous dans les articles que vous publiez sur votre propre blog, vous faites ça très bien, et ce n’est pas moi qui vous regretterai sur notre blog.

        Au cas où vous soyez de bonne foi et que vous veniez publier vos commentaires ici véritablement pour discuter avec nous (et pas juste discuter avec vous-même), je vais essayer d’expliciter encore une fois ce qui distingue à mon avis nos positions politiques (même si Liam l’a déjà formulé plusieurs fois à sa manière, peut-être qu’une autre formulation vous aidera à mieux comprendre le désaccord politique de fond).

        Vous dites : « Je pense qu’il faut cantonner les explications générales aux faits généraux (sériels…), et les explications locales aux faits particuliers… »
        Personnellement, je ne pense pas qu’il existe dans la réalité une telle distinction entre « des faits généraux » et « des faits particuliers ». Pour moi dire cela revient à confondre les faits avec le regard que l’on porte sur eux. Une femme qui meurt sous les coups de son mari, pour vous, c’est quoi, un fait général ou un fait particulier ? Vu ce que vous dites, ça serait plus un fait particulier qu’un fait général puisque pour vous « l’explication « locale » en termes de « il avait bu », « elle l’avait énervé », etc., est localement valable, et sans doute plus explicative que « c’est un produit de l’oppression de genre ». Mais on peut considérer ce même fait aussi bien en le ramenant à un rapport d’oppression qui touche une classe de personne (ce que vous appelez le « général ») qu’en le considérant dans sa singularité. La généralité ou la singularité n’est pas contenue dans le fait lui-même, mais dans le regard que vous portez sur lui. Ici, nous sommes sur un site qui cherche à mettre en évidence les rapports d’oppression dans les représentations audio-visuelles, donc sur un site qui essaie d’être attentif à la dimension « générale » des faits, pour reprendre votre vocabulaire. Vous, vous passez votre temps à relativiser cette dimension en mettant en avant la singularité des faits dans une posture libérale qui nie ces mêmes rapports d’oppression, qui nie leur dimension « générale ». A mon avis, c’est pour ça qu’une discussion entre nous est stérile.

        Personnellement, je ne pense pas que les faits sont soit singuliers, soit généraux, je pense qu’ils sont toujours les deux à la fois. Par exemple, nous sommes tou-t-es des individus singuliè-re-s, mais en même temps nous appartenons à des classes d’individus (par exemple, je suis un homme, blanc, cis, hétéro, etc.), et que je le veuille ou non, c’est à l’intérieur de ces « généralités » que je construis ma « singularité ». Je ne suis pas soit un individu de la classe des hommes, soit un individu singulier, je suis les deux à la fois. Mes actes ne sont pas soit ceux d’un homme, soit ceux d’un individu singulier, mais les deux à la fois.

        Vous essayez de faire passer la prise en considération des rapports sociaux et des « généralités » comme une négation totale de l’individualité (lorsque vous dites par exemple « Mais dire cela, ça n’autorise pas à dire que dès qu’une femme meurt sous les coups de son conjoint, l’analyse en termes d’oppression systémique épuise l’explication de la situation ») . Mais nous n’avons jamais prétendu cela. La seule chose que nous faisons, c’est essayer de mettre en évidence tous les rapports sociaux (d’oppression en particulier) qui contraignent (ou « facilitent » à l’inverse) nos existences individuelles, et à l’intérieur desquelles celles-ci se déploient et se définissent. Nous ne nions donc pas du tout que tous les individus ou tous les actes ou toutes les représentations sont singulières.

        Si ça vous intéresse, il y a un livre que j’ai trouvé très intéressant là-dessus, c’est le livre de Bernard Lahire sur Kafka
        (http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Franz_Kafka-9782707159410.html). Je trouve ça très chouette car si c’est Kafka l’individu et son œuvre singulière qui l’intéresse en dernier lieu, Lahire montre bien que pour le comprendre, il est nécessaire d’avoir en tête les « classes générales d’individus » auxquelles Kafka appartient. Pour l’auteur du livre, ce qui fait la singularité de l’individu ce n’est pas qu’il est un être détaché de toute société ou de tous rapports sociaux, mais au contraire le fait d’être à la croisée de plein de rapports sociaux. Je ne sais pas si j’arrive à être clair, mais je pense juste que dans ce livre il explique bien que dans le réel, singularité et généralité ne sont pas exclusifs, mais entremélés.

        A partir de là, vous pouvez avoir soit une posture libérale (ce vers quoi vous tendez) et considérer une singularité et une individualité qui serait détachée de tout rapport sociaux, soit avoir une posture inverse (que l’on pourrait par exemple qualifier de « matérialiste ») et toujours essayer de replacer le singulier à l’intérieur de la société et des rapports sociaux (ce que nous essayons de faire ici dans le cas des représentations audiovisuelles).

        Donc, encore une fois, persister à nous opposer des arguments fondés sur de tels présupposés libéraux est à mon avis stérile (sauf si votre but est d’occuper l’espace sur notre site), puisque notre posture politique se situe au strict opposé de la vôtre.

        • « Personnellement, je comprends que V3nom n’ait pas « d’autre truc à vous répondre que ça ». Vous êtes bien gentil et bien cordial Ggauvain, mais je n’ai pas vraiment l’impression que vous veniez sur ce site pour discuter avec nous, contrairement à ce que vous essayez de faire croire avec vos formulation ampoulées (et à mon avis aussi un peu hypocrites sur les bords). Vous nous ressortez toujours vos mêmes critiques auxquelles nous avons déjà répondu plusieurs fois, réponses auxquelles vous n’avez quant à vous pas daigné répondre. Petite piqure de rappel : 1/ les commentaires sous Jacky, et 2/ le long commentaire de Liam (du 13/06/2014) sous La Reine des Neiges (dans lequel il vous rappelait d’ailleurs que vous n’aviez pas répondu à ceux sous Jacky). Et maintenant, voilà que vous répondez à Liam sous cet article-ci, mais pour à chaque fois éviter de répondre à la question qu’il vous pose avec des « ce n’est pas, me semble-t-il, là-dessus que porte la présente discussion » ou des « Je ne vais pas répondre trop précisément à cet argument, parce que j’ai l’impression que vous me faites un procès d’intention ». « 

          La discussion sous Jacky et la discussion sous la Reine des neiges portaient sur des sujets différents de cette discussion-là. Et je suis désolé, mais dans ces deux discussions j’ai cessé de répondre au bout de plusieurs messages, de plus en plus longs, parce que :
          1. la discussion ne va pas continuer à l’infini, il faut bien que quelqu’un prenne l’initiative d’arrêter ;
          2. il est possible que l’on m’ait opposé des arguments auxquels je n’aie pas su répondre immédiatement (ce qui ne veut pas dire que je sois d’accord avec eux), ou qui m’auraient pris trop de temps pour y répondre ;
          3. je suis toujours en minorité dans ces discussions, donc répondre à tout est totalement énergivore et chronophage.

          C’est vraiment de la mauvaise foi que de me reprocher ici de n’avoir pas répondu il y a 3 mois à une discussion qui portait sur autre chose…

           » Vous assumez votre posture libérale qui met au second plan les rapports sociaux, tant mieux pour vous. »

          Je ne suis pas tellement d’accord avec ça. Je n’ai pas l’impression de mettre au second plan les rapports sociaux. Simplement, je ne pense pas que les rapports sociaux soit une clé d’interprétation universelle pour tous les faits du monde.

          Je pense que j’ai beaucoup de choses en commun avec vous. Je me considère comme étant de gauche radicale, j’ai milité des années dans un parti d’extrême-gauche, je partage totalement vos présupposés sur l’existence de dominations structurantes et systémiques, etc. (Après, je ne pense pas que « libéral » soit un gros mot, mais ça ne remet pas en cause tout le reste). Je trouve cela significatif que vous n’arriviez pas à admettre que vous puissiez essuyer des critiques issues de votre propre camp… Il y a évidemment des choses que je ne partage pas avec vous (après, il faudrait voir dans le détail des contributeur/trice-s et des contributions, tou-te-s ne sont pas nécessairement équivalent-e-s), mais ce ne sont pas tant des désaccords politiques que des désaccords philosophiques ou de méthode.

          Il ne suffit pas de dire « nous n’avons rien en commun, vous avez vos présupposés, nous avons les nôtres ». Nous sommes des êtres rationnels, et nous pouvons discuter. Quand je dis : « je pense que telle analyse n’est pas valable pour telle et telle raison », c’est paresseux de me répondre simplement : « bah vous dites ça parce que vous êtes de droite/libéral/je ne sais pas quoi ». Paresseux et « commode », pour reprendre un adjectif que V3nom semble affectionner. C’est trop facile de s’immuniser de cette manière contre la critique.

          Après, très franchement, votre site m’énerve. Mais je le lis quand même assez régulièrement, parce que ça me fait réfléchir. Mais ça me fait souvent réfléchir en négatif ; c’est-à-dire que je ressens une insatisfaction en vous lisant, et ensuite j’essaie de la mettre en mots, de l’expliquer. Et c’est à ça que sert la discussion. Ce n’est pas du trollage de ma part, c’est une manière de réfléchir à haute voix sur ce qui va, ce qui ne va pas, ce qui pourrait mieux aller, etc., dans le type d’analyses que vous faites. Donc oui, mon but est de « discuter avec vous ». En revanche, il n’est pas de « tomber d’accord avec vous » – non pas que j’en exclue absolument la possibilité, mais ça me paraît très, très improbable (dans l’immédiat en tout cas), et ce n’est pas spécialement ce que je recherche. Et je ne vous demande pas de tomber d’accord avec moi (dans l’immédiat en tout cas).

          « Personnellement, je ne pense pas qu’il existe dans la réalité une telle distinction entre « des faits généraux » et « des faits particuliers ». Pour moi dire cela revient à confondre les faits avec le regard que l’on porte sur eux. Une femme qui meurt sous les coups de son mari, pour vous, c’est quoi, un fait général ou un fait particulier ? Vu ce que vous dites, ça serait plus un fait particulier qu’un fait général puisque pour vous « l’explication « locale » en termes de « il avait bu », « elle l’avait énervé », etc., est localement valable, et sans doute plus explicative que « c’est un produit de l’oppression de genre ». Mais on peut considérer ce même fait aussi bien en le ramenant à un rapport d’oppression qui touche une classe de personne (ce que vous appelez le « général ») qu’en le considérant dans sa singularité. « 

          Je pense qu’UNE femme qui meurt sous les coups de son mari, par définition, c’est un fait singulier. On peut bien sûr le « ramener » à un rapport d’oppression, mais on peut le ramener à bien d’autres choses aussi (la violence comme fait anthropologique ? l’alcool-qui-rend-violent ?…), qui ont toutes leur pertinence explicative. Et il me semble que plus les explications sont précises et locales, justement, plus elles sont explicatives.

          Après, le problème, c’est : qu’est-ce qu’une cause ? Meg écrit (dans le commentaire suivant) :

          « Vos explications locales n’expliquent rien. Quant j’ai bu ou quant on m’énerve je n’envoie personne à l’hôpital. Le fait que de nombreux hommes se permettent de devenir violent sous l’emprise de l’alcool ou de la colère et se permettent de se défouler sur autrui est possible à cause de la hiérarchie sociale. L’autrui défouloir n’est pas n’importe qui, et le défoulement ne se fait pas n’importe ou ni n’importe comment. »

          Je suis en partie d’accord avec ça, mais les explications générales n’expliquent rien non plus, à ce compte-là. Une personne qui a bu n’envoie pas nécessairement quelqu’un à l’hôpital. Mais un homme en couple avec une femme ne la frappe pas nécessairement non plus. Meg a une conception trop déterministe de l' »explication » ou de la causalité. Dire : « un fait A s’explique par un fait B », ce n’est pas équivalent à : « B entraîne systématiquement A et non-B entraîne systématiquement non-A ».

          Je pense qu’avec ça, vous pourriez au moins accepter l’idée que l’explication générale n’est pas plus explicative que l’explication locale. Après, je pense (j’intuite…) que l’explication locale est même PLUS explicative que l’explication générale, parce qu’elle colle de plus près au fait qu’elle veut expliquer, elle rend mieux compte de ce qu’il a de singulier, de ses propriétés intrinsèques, etc.

          Vous dites qu’un fait n’est ni singulier, ni général. Je ne suis pas d’accord, et c’est sans doute là que réside le coeur du désaccord. Je pense qu’un fait est toujours singulier, et que son caractère général résulte d’une mise en série qui est, elle, pour le coup, une opération de l’esprit. Mais le fait brut, singulier, existe avant d’être ramené à une série. Quand un homme bat sa femme, l’acte de violence est là, devant nous, quoi qu’on en fasse, avec toutes ses déterminations immédiates et plus ou moins conscientes chez les individus concernés. Les déterminations en termes d’oppression de genre ne sont contenues dans le fait en question que de manière très indirectes et très médiées.

          Cela dit, même en admettant ce que vous dites :
          « Je ne suis pas soit un individu de la classe des hommes, soit un individu singulier, je suis les deux à la fois. Mes actes ne sont pas soit ceux d’un homme, soit ceux d’un individu singulier, mais les deux à la fois. »

          Cela ne justifie pas la préférence que vous assumez de donner au général sur le singulier dans vos analyses. Si vous concédez que tout fait est à la fois singulier et, disons, général (même si l’expression « fait général » me gêne un peu), alors le fait d’évacuer la dimension du singulier au profit de la dimension du général est un acte de foi !

          « Vous essayez de faire passer la prise en considération des rapports sociaux et des « généralités » comme une négation totale de l’individualité (lorsque vous dites par exemple « Mais dire cela, ça n’autorise pas à dire que dès qu’une femme meurt sous les coups de son conjoint, l’analyse en termes d’oppression systémique épuise l’explication de la situation ») . Mais nous n’avons jamais prétendu cela. »

          Si, je pense que c’est ce que vos analyses prétendent implicitement, à chaque fois que vous analysez en termes systémiques un fait local dans un film. Par exemple, je me souviens de votre article sur Gravity où vous expliquiez que le film était sexiste parce que la femme avait besoin d’un mentor homme pour se sauver. Mais dans une pareille analyse, vous ne rendez pas justice à tout ce qui, dans le film, peut justifier localement ce choix scénaristique. De même, reprocher à un film de ne pas représenter tel ou tel type de personnage (noir, homo…) ne rend pas justice aux raisons locales.

          Dans cette discussion, vous avez une approche un peu oecuménique, vous dites : tout fait est à la fois général et singulier, etc. Mais j’ai l’impression que ces deux types d’explication sont en concurrence l’un avec l’autre. J’ai l’impression que si on dit « dans ce film, il n’y a pas de personnage noir à cause du racisme dominant » et « dans ce film, il n’y a pas de personnage noir à cause de l’époque ou du lieu où se passe l’histoire », le mot « à cause de » n’a pas exactement le même sens dans chaque cas.

          Avant de conclure :
          -vous semblez considérer que si j’ai des présupposés libéraux et pas vous, on n’a rien à se dire et toute discussion est stérile. C’est étrange : vous pourriez considérer au contraire que nos présupposés peuvent eux-mêmes être discutés. Savoir s’il faut considérer un fait précis comme « général » ou singulier, ou les deux, cela peut se discuter (c’est ce qu’on fait, d’ailleurs). Ce serait à mon avis ennuyeux pour vous de reconnaître que vous n’avez aucun espoir de convaincre ce qui ne sont pas d’accord avec vous à la base ;
          -je ne promets pas de répondre à tout ce que l’on me répondra, parce que ça risque d’être long et compliqué, et parce que je ne suis pas forcément capable d’élaborer un argument parfaitement ficelé dans l’instant (je n’ai pas un système tout prêt à vous déballer, là). Et j’espère que si dans trois mois un article stimule à nouveau ma réflexion avec un angle d’attaque un peu différent, personne ne dira « ah mais Ggauvain vous n’avez pas répondu à Paul Rigouste il y a trois mois ».

          • Salut,

            Vous dites qu’un fait n’est ni singulier, ni général. Je ne suis pas d’accord, et c’est sans doute là que réside le coeur du désaccord. Je pense qu’un fait est toujours singulier, et que son caractère général résulte d’une mise en série qui est, elle, pour le coup, une opération de l’esprit. Mais le fait brut, singulier, existe avant d’être ramené à une série. Quand un homme bat sa femme, l’acte de violence est là, devant nous, quoi qu’on en fasse, avec toutes ses déterminations immédiates et plus ou moins conscientes chez les individus concernés. Les déterminations en termes d’oppression de genre ne sont contenues dans le fait en question que de manière très indirectes et très médiées.

            On revient précisément à la discussion qu’on avait eu, entre autres, sur l’article sur Frozen (on parlait alors de faits structurels/conjoncturel ce qui revient au même que de parler de faits singulers/généraux):

            http://www.lecinemaestpolitique.fr/la-reine-des-neiges-ou-quand-disney-avance-dun-pas-et-recule-de-trois/#comment-55823

            Si vous voulez, on peut gagner du temps et reprendre la discussion là où vous l’aviez laissée.

          • Coucou Ggauvain,

            Le truc, a mon avis, ce n’est pas un problème que vous ayez omis de répondre a certaines questions il y a un moment, car ca c’est tout a fait normal. Le problème, c’est que les questions en questions (hirf hirf) cherchaient tout de meme a mettre en lumière certains de nos différents presupposes, comme mes questions récentes, et que c’est pour ca que lorsque vous dites « je ne vais pas trop répondre a ca », et bien on trouve ca un peu dommage.
            Comme je l’ai dit dans les autres commentaires, je pense que vous pensez en termes philosophiques et académiques, alors que je (je ne vais parler que pour moi) raisonne en termes politiques ici, parce que c’est ca qui m’intéresse ici. Qu’un fait particulier ait d’autres explications ou interpretations que politiques, cela me semble evident. Quand un homme bat sa femme, on peut autant parler du fait qu’il avait bu et était sur les nerfs qu’on pourrait parler de comment ses neurones ont interagit et secreter tel ou tel hormone qu’on pourrait parler de la façon dont son pere ou sa mere le battait lorsqu’il était petit ou plein d’autres choses.
            Il me semble clair que pour comprendre et expliquer dans sa totalité un acte particulier, il faudrait avoir une connaissance détaille et absolue de l’histoire de la personne, de ses relations aux autres, de sa psychologie, de son humeur, de pourquoi son humeur était comme ca, de son rapport a la violence, de son rapport a la virilité, aux femmes, a sa femme, etc. Bref, autant d’information qu’il est strictement impossible d’avoir, car cette réalité objective de la personne, de l’acte, des raisons, des motivations, de l’histoire, des relations etc. n’existent pas en soi. C’est, encore une fois, la ou je suis Nietzcheen la ou vous ne l’êtes pas, je pense.
            Et a partir du fait qu’on ne peut pas savoir, forcement on choisit quels raccourcis on veut privilégier, et pour quelles raisons, en gros qu’est-ce qu’on estime important et a quel moment.
            Les gens qui font de l’accueil de femmes battues, par exemple (j’ai suivi un stage assez récemment a ce sujet), ne parle pas a ces femmes de patriarcat ou se rapports d’oppressions ou de choses comme ca. Ces personnes ont en face d’elles des individues, et non pas des groupes politiques. Et dans ce genre de conditions cela me semble absolument légitime et meme logique.
            Mais ce n’est pas a mon avis pertinent politiquement, de chercher a prendre en compte des explications (interpretations) « locales » lorsque ce que l’on cherche c’est dégager les grosses tendances pour pouvoir construire un mouvement politique base sur la creation d’un rapport de force et le refus de ces tendances. On peut accepter que ces interpretations « locales » existent, et qu’elles ont leur place a certains moments, mais pas dans l’arène politique.
            Sinon on ne sortira pas de votre « au final il y a juste des histoires singulières ».
            Si vous voulez réfléchir aux films sur la base de « c’est des histoires singulières », libre cours a vous, mais perso je trouve ca contre productif politiquement. Pas esthétiquement, pas ludiquement, pas intellectuellement (ces façons de voir les films peuvent être très intéressantes et très stimulantes a certains moments, moi meme j’adore le faire des fois), mais politiquement.
            Parce que pour moi, la politique dans une société de classe n’est que véritablement intéressante lorsqu’elle analyse et refuse les rapports de classes, d’oppressions, de dominations. Et ca c’est possible surtout (et je pense que l’histoire du féminisme, par exemple, le montre bien) lorsque les personnes dominées se reconnaissent dans ce qu’elles ont en commun (donc dans le general).
            Les femmes qui ont commence a faire des groupes de paroles ne sont pas rester a leur récit individuel, a leur experiences individuelles. Elles ont vu les liens qui les unissaient, elles ont vu la banalité qui les unissaient, elles ont compris ca et ont compris que c’est seulement ensemble, en tant que groupe, qu’elles pouvaient prétendre renverser leurs parcours individuels.
            Et j’ai l’impression que de cette prise de conscience est nee et s’est développee un courant politique qui a analyser et refuser la notion de pouvoir d’une manière bien plus complete et approfondi que les autres mouvements qui sont venus avant, precisemment parce qu’elles ont fait ce lien entre le prive et le politique, elles ont refuser de compartementaliser les causes et les effets de leur oppression, elles ont refuser de mystifier les liens qui existent a ce niveau-la.
            Donc, a mon avis, lorsque vous dites « les explications locales ont leur pertinence », vous pensez dans des termes abstraits, philosophiques, intellectuels, et non pas en termes politiques, ou en tout cas pas dans des termes politiques qui m’intéressent, et pas dans des termes politiques qui permettent de créer ou de bâtir des mouvements, sans lesquels, je pense que les histoires (je ne dis pas l’Histoire, car je trouve que c’est un contre-sens) le montre bien, les pouvoirs existants ne sont pas remis en cause et l’égalité est tout a fait impossible.

            Un film n’est pas un « fait particulier » politiquement parlant, parce que ce film est fait dans un contexte. Soit l’on est plutôt intéresse-e par le contexte et donc la signification que le film prend dans ce contexte, soit l’on est plutôt interesse-e par la mystification du contexte et donc ne voir que le film de manière abstraite. Je fais une dichotomie radicale pour mieux me faire comprendre, bien entendu, car on peut être intéresse par les deux (ce qui est d’ailleurs mon cas). Je peux passer des heures a parler de tel ou tel film esthétiquement, de l’emotion entre les personnages, de comment ca m’a touche etc., mais je ne considère pas ca politiquement intéressant ou pertinent.
            C’est meme d’ailleurs plus complexe que ca, parce qu’il me semble evident que la façon dont un film nous touche, les personnages qu’on aime etc, sont très largement influences par nos a prioris politiques et nos valeurs. Avant j’adorais pleins de personnages masculins que je ne peux plus sentir, parce que mes valeurs et mes façons de considerer ce qui est chouette et intéressant chez les « hommes » a radicalement changer en quelques années. Donc la ou avant je jouissais tranquillement de mes privileges en me fantasmant dans la peau du gros dominant viril qui tabasse tout le monde et que je pensais était classe, maintenant (grace aux groupes opprimées qui m’ont re-eduque) je trouve ce meme personnage, ces memes ressorts scenaristiques sexistes/misogynes/homophobes etc., profondément dégoûtant et repugnant, et il ne me procure que très très peu de plaisir.
            Je parle de moi, mais je pense que c’est quelque chose qui touche plein de gens, et de manière plus directe que moi, vu que moi je suis dans le refus de privileges, et je suis de fait valorise quasiment tout le temps, alors que les personnes opprimées sont insultées, dévalorisées, stigmatisées, etc.

            Desole pour l’orthographe, je tape sur un clavier qui n’a pas d’accent et les rares accents que vous voyez viennent du correcteur automatique 🙂

          • « Vos explications locales n’expliquent rien. Quant j’ai bu ou quant on m’énerve je n’envoie personne à l’hôpital. Le fait que de nombreux hommes se permettent de devenir violent sous l’emprise de l’alcool ou de la colère et se permettent de se défouler sur autrui est possible à cause de la hiérarchie sociale. L’autrui défouloir n’est pas n’importe qui, et le défoulement ne se fait pas n’importe ou ni n’importe comment. »

            Je confirme, d’ailleurs même chez les chevaux il y a toujours une hiérarchie qui est respectée, lors de la fuite si certains chevaux sont piétinés par les autres, se sont toujours les dominants qui marchent sur les dominés, jamais l’inverse.
            De même dans nos sociétés, ce sont toujours les hommes qui tapent sur les femmes, et jamais l’inverse (ou si peu que c’est statistiquement insignifiant).

    • Mais dire cela, ça n’autorise pas à dire que dès qu’une femme meurt sous les coups de son conjoint, l’analyse en termes d’oppression systémique épuise l’explication de la situation. L’explication « locale » en termes de « il avait bu », « elle l’avait énervé », etc., est localement valable, et sans doute plus explicative que « c’est un produit de l’oppression de genre ». Je pense qu’il faut cantonner les explications générales aux faits généraux (sériels…), et les explications locales aux faits particuliers…
      Vos explications locales n’expliquent rien. Quant j’ai bu ou quant on m’énerve je n’envoie personne à l’hôpital. Le fait que de nombreux hommes se permettent de devenir violent sous l’emprise de l’alcool ou de la colère et se permettent de se défouler sur autrui est possible à cause de la hiérarchie sociale. L’autrui défouloir n’est pas n’importe qui, et le défoulement ne se fait pas n’importe ou ni n’importe comment. Ces hommes se défoulent sur celleux que la société leur désigne comme inférieurs et ne le font pas à la vue de tous.
      L’alcool ou la colère sont les prétextes, les déclencheurs mais ne sont absolument pas la raison de la violence et encore moins des explications à celles ci, c’est plutôt une excuse d’agresseur.

  5. Salut Arroway,

    « On revient précisément à la discussion qu’on avait eu, entre autres, sur l’article sur Frozen (on parlait alors de faits structurels/conjoncturel ce qui revient au même que de parler de faits singulers/généraux):

    http://www.lecinemaestpolitique.fr/la-reine-des-neiges-ou-quand-disney-avance-dun-pas-et-recule-de-trois/#comment-55823

    Si vous voulez, on peut gagner du temps et reprendre la discussion là où vous l’aviez laissée.

    On est revenus à cette discussion parce que Paul Rigouste et Liam en ont parlé (mais ce n’était pas de ça que j’étais parti).

    Et je pense, ce qui est bien normal, que j’ai dit plus de choses (et plutôt mieux) dans cette discussion présente-là que dans la discussion de l’autre fois. C’est logique, puisque ce que je sentais plus ou moins confusément à l’époque, je suis maintenant en mesure de l’exprimer avec un peu plus d’exactitude. Donc si la discussion doit se poursuivre quelque part, c’est plutôt ici, d’autant plus que je n’ai aucunement envie de devoir relire la conversation de la dernière fois pour me rappeler qui dit quoi après qui et à quoi exactement répond quel argument. Mais si cela vous embête, ou si vous n’avez pas envie de vous répéter par rapport à la dernière fois, vous n’êtes pas obligé de répondre ! De façon générale, je ne vois pas d’inconvénient à remettre l’ouvrage sur le métier ; deux discussions, tenues à des moments différents et avec des interlocuteur/trice-s différent-e-s, ne sont de toute façon jamais identiques…

    • C’est très facile de reprendre le cours du débat ici, puisqu’on retombe le même point problématique, comme l’a dit Paul Rigouste et comme vous le notiez vous-même:

      « Vous dites qu’un fait n’est ni singulier, ni général. Je ne suis pas d’accord, et c’est sans doute là que réside le coeur du désaccord. Je pense qu’un fait est toujours singulier, et que son caractère général résulte d’une mise en série qui est, elle, pour le coup, une opération de l’esprit. Mais le fait brut, singulier, existe avant d’être ramené à une série. Quand un homme bat sa femme, l’acte de violence est là, devant nous, quoi qu’on en fasse, avec toutes ses déterminations immédiates et plus ou moins conscientes chez les individus concernés. Les déterminations en termes d’oppression de genre ne sont contenues dans le fait en question que de manière très indirectes et très médiées. »

      J’y vois le même genre de raisonnement que lorsque vous disiez dans un commentaire sur Frozen:
      « Vous semblez ne pas vouloir voir qu’il y a un problème à expliquer des faits conjoncturels par des faits structurels. Pourtant, je pense que vous seriez le premier à m’accorder qu’on n’explique pas des faits structurels à partir de faits conjoncturels. […] on ne peut pas utiliser la raison du fait général dans chaque cas particulier, comme s’il n’y avait pas *aussi*, et même surtout, des raisons particulières. »

      Vous refusez l’idée que des faits “conjoncturels” puissent être provoqués, influencés, expliqués, par des faits dits « structurels ». C’est-à-dire que, par exemple, vous refusez de reconnaître le rôle de l’éducation, de la représentation des genres et de la violence (qui sont structurels) dans un fait qui est la violence conjugale d’un homme sur sa compagne. Ce fait-là est singulier (il s’agit d’un homme et d’une femme en particulier) mais il fait partie d’un groupe de cas suffisamment nombreux pour construire un fait structurel, reconnu statistiquement, et dont on étudie les causes générales.

      Je suis en partie d’accord avec ça, mais les explications générales n’expliquent rien non plus, à ce compte-là. Une personne qui a bu n’envoie pas nécessairement quelqu’un à l’hôpital. Mais un homme en couple avec une femme ne la frappe pas nécessairement non plus. Meg a une conception trop déterministe de l’ »explication » ou de la causalité. Dire : « un fait A s’explique par un fait B », ce n’est pas équivalent à : « B entraîne systématiquement A et non-B entraîne systématiquement non-A ».

      Votre logique est déroutante ou alors vous n’avez pas compris les propos de Meg : lorsque deshommes en couples deviennent violents, ils s’en prennent à leur compagne : pas tous les hommes, pas nécessairement, mais statistiquement, il y a beaucoup d’hommes violents envers leurs compagne, et en plus grande proportion que de femmes qui battent leur conjoint. Prendre de manière localisée un cas singulier de mari qui frappe sa femme, c’est être inclu dans ce groupe de cas.

      En gros, on peut résumer de la manière suivante:
      1. L’observation du terrain, des études statistiques révèlent un ensemble de cas singuliers où les hommes battent leur compagne. C’est ce que vous appelez la « mise en série »: on a donc à faire à un cas structurel.
      2. On étudie un grand nombre de cas singuliers, et on analyse les causes de ces comportements violents. La mise en série de ces explications amène à trouver des causes structurelles au fait structurel de violence conjugale.
      3. Statistiquement parlant, ces causes structurelles se retrouvent donc en majorité dans chacun des cas particuliers. Mais pas pour vous. Ou alors de manière « très indirectes et très médiées » pour vous citer.

      • Du coup, j’ai l’impression que vous êtes d’accord avec (1). Là où nus divergeons, c’est soit (2) soit (3). Etre en désaccord avec (3) mais pas (2) me paraît être une position assez intenable d’un point de vue logique, du coup j’en déduis que vous n’êtes pas d’accord avec le point (2) ?

      • « Vous refusez l’idée que des faits “conjoncturels” puissent être provoqués, influencés, expliqués, par des faits dits « structurels ». C’est-à-dire que, par exemple, vous refusez de reconnaître le rôle de l’éducation, de la représentation des genres et de la violence (qui sont structurels) dans un fait qui est la violence conjugale d’un homme sur sa compagne. Ce fait-là est singulier (il s’agit d’un homme et d’une femme en particulier) mais il fait partie d’un groupe de cas suffisamment nombreux pour construire un fait structurel, reconnu statistiquement, et dont on étudie les causes générales. »

        Bon. Mais comment analysez-vous le « cas particulier » dans lequel une femme bat son compagnon, ou une femme bat sa compagne, ou un homme bat son compagnon ?
        Ces cas-là sont des cas minoritaires. Mais ils existent. Dans des cas comme ça, je suppose que vous ne pouvez pas invoquer la « structure » pour les expliquer (vous ne pouvez visiblement pas invoquer la construction des stéréotypes de genre, l’éducation, etc., pour expliquer comment une femme peut battre son compagnon, alors que précisément la situation semble échapper aux stéréotypes en question). Dans un cas comme ça, vous allez invoquer des causes purement locales(genre : elle avait bu, il l’avait énervée, etc.) (Mettons de côté le cas où la femme bat son compagnon en réponse à des violences qu’elle a elle-même précédemment subies).

        Or dans le cas « majoritaire » (une femme battue par son compagnon), là, vous invoquez des faits structurels. Mais qu’est-ce qui vous autorise à le faire ? Si vous considérez que l’explication de certains faits nécessite de faire abstraction de la structure sociale, pourquoi ne faites-vous pas de même y compris dans les cas « majoritaires » ? Pourquoi avez-vous besoin de causes structurelles ?

        En fait, de deux choses l’une :
        -soit vous considérez que c’est simplement le fait qu’il y ait un homme qui batte sa compagne qui justifie le recours à des explications structurelles. Dans ce cas, vous considérez que systématiquement, quand un homme bat sa femme, dans 100% des cas, c’est explicable en termes de sexisme ambiant. Mais dans ce cas, l’explication par la structure, par le sexisme ambiant, ou le patriarcat, etc., est purement tautologique. Dire « c’est une violence sexiste » est absolument équivalent à dire « un homme a battu sa femme », c’est un énoncé purement descriptif qui n’ajoute rien à la compréhension de la situation ;
        -soit vous refusez cette conception tautologique, et vous considérez que la validité explicative du fait général doit se prouver au cas par cas. Or dans ce cas, on n’a pas a priori de raison de penser que *dans un cas donné* (et j’insiste à nouveau là-dessus), ces raisons générales doivent être invoquées. Elles peuvent parfois l’être : par exemple, il est possible que l’homme qui a battu sa femme ait par ailleurs justifié son comportement en renvoyant à une idéologie machiste. Mais elles ne le sont pas forcément. De même, si par exemple un film omet de représenter des personnages noirs, il est parfois possible de recourir à des explications structurelles, si le réalisateur par exemple a expliqué qu’il n’aimait pas les Noir-e-s. Mais vous conviendrez que c’est rarement le cas.

        Lorsqu’on n’est pas dans un cas de figure aussi simple, pour qualifier des violences conjugales de violences sexistes (et, du coup, les expliquer par un fait structurel), il faut recourir à une expérience de pensée contrefactuelle. Il faut se demander : est-ce qu’une telle situation aurait pu se produire si les individus concernés avaient appartenu à l’autre genre ? Est-ce que le mari violent aurait pu frapper son compagnon s’il avait été dans un couple homo, ou bien si lui-même avait été une femme, etc. ? Il faudrait pouvoir répondre « non » à cette question pour pouvoir dire, de manière non-tautologique, que le cas considéré peut s’expliquer par la structure sociale, par un fait général. Or la plupart du temps, on ne le peut pas.

        On peut à la rigueur assumer une conception tautologique de l’explication par la structure sociale. On peut à la rigueur dire : à chaque fois qu’un homme bat une femme, c’est à cause de la structure sociale, et à chaque fois qu’une femme bat un homme, c’est à cause de faits locaux. Mais si on dit ça, il me semble qu’on donne aux mots à cause de et explication des sens très contre-intuitifs… C’est une logique du « tout est dans tout », qui consiste à dire qu’il est impossible d’analyser des causes qui s’entremêlent, et qu’il y a toujours au moins un peu de sexisme quand un homme se conduit mal avec une femme. Pourquoi pas. Mais le moins que l’on puisse dire, dans ce cas, c’est que l’explication par la structure est beaucoup plus pauvre (donne beaucoup moins d’informations, va beaucoup moins loin…) que l’explication par les causes locales. Elle est tautologique, donc fort peu explicative.


        « Votre logique est déroutante ou alors vous n’avez pas compris les propos de Meg : lorsque deshommes en couples deviennent violents, ils s’en prennent à leur compagne : pas tous les hommes, pas nécessairement, mais statistiquement, il y a beaucoup d’hommes violents envers leurs compagne, et en plus grande proportion que de femmes qui battent leur conjoint. »

        Non, je pense que c’est vous qui n’avez pas compris le sens de ma réponse, sans doute parce que vous avez projeté sur ce que je disais un truc du genre « not all men », ce qui n’était pas du tout mon point.

        Je reprends donc, en formalisant un peu plus l’argument.
        D’après Meg, mon explication locale (« il avait bu ») n’explique rien, parce qu’elle n’explique pas pourquoi toutes les personnes qui ont bu ne frappent pas leurs femmes.
        C’est une conception de l' »explication » qui suppose que A explique B si et seulement si, à chaque fois qu’on a A, on doit avoir B. Avec ici, dans le rôle de A, « il avait bu », et dans le rôle de B, « il a frappé sa femme ».

        Mais Meg, en insistant sur l’explication générale, propose de mettre, dans le rôle de A, « il est pris dans des rapports généraux de domination ».
        Donc le schéma de Meg, c’est : A (« il est pris dans des rapports généraux de domination ») => B (« il a frappé sa femme »).
        Ce à quoi je peux répondre : mais il y a des cas où on a A sans avoir B. Il y a des couples hétéros dans lesquels l’homme ne bat pas sa femme (pourtant, l’homme a été socialisé dans une société sexiste, donc il est aussi pris dans des rapports généraux de domination).
        Donc je peux opposer à Meg exactement le même argument qu’il/elle m’a opposé.


        « 2. On étudie un grand nombre de cas singuliers, et on analyse les causes de ces comportements violents. La mise en série de ces explications amène à trouver des causes structurelles au fait structurel de violence conjugale.
        3. Statistiquement parlant, ces causes structurelles se retrouvent donc en majorité dans chacun des cas particuliers. Mais pas pour vous. Ou alors de manière « très indirectes et très médiées » pour vous citer. »

        Je suis très content que vous écriviez ça, parce que ça clarifie notre désaccord.
        Dans votre 2, vous supposez que l’on peut étudier les causes singulières d’un cas singulier (étape a). Puis vous passez à la mise en série, et vous supposez que cette mise en série des causes donne une sorte de faisceau de causes globales, « structurelles » (étape b). Pourquoi pas. Mais ensuite vous redescendez du général au particulier en disant : « donc ces causes structurelles s’appliquent dans chaque cas particulier. » (étape c)

        Mais pourquoi faites-vous ainsi l’ascenseur ? Pourquoi avez-vous besoin de passer par l’étape b, puisque vous avez admis au stade de l’étape a que vous pouviez analyser les causes particulières d’un cas particulier ?

        Ensuite, je suis désolé, mais votre phrase : « Statistiquement parlant, ces causes structurelles se retrouvent donc en majorité dans chacun des cas particuliers. » est plutôt confuse, et je pense que ce n’est pas pour rien. Parce que dire que statistiquement, des causes générales se retrouvent dans des cas particuliers, ça ne me paraît pas vouloir dire grand chose. Le principe même d’un « cas particulier », c’est que la statistique ne peut pas l’éclairer. Ou alors seulement de manière probabiliste : vous pouvez tenir un discours du genre : « dans un cas donné où un homme bat sa femme, il y a 87% de chances que l’homme ait fait telle ou telle chose dans sa vie ». Mais ce n’est visiblement pas ce que vous vouliez dire. Et si c’est bien ça que vous vouliez dire, un énoncé de ce type ne saurait être considéré comme portant sur un cas particulier plutôt que sur une série de cas.

        Autre chose. Vous dites : « On étudie un grand nombre de cas singuliers, et on analyse les causes de ces comportements violents. » (étape a) Mais de quelle nature sont ces causes ? Une telle analyse peut-elle aller au-delà de causes locales, du genre « il avait bu » ? Et si, comme vous le suggérez, il faut ensuite étendre ces causes locales à un niveau général (votre étape b), comment faites-vous pour ne pas trouver comme cause générale, comme cause statistique, des choses du genre : « tant de % des hommes qui battent leurs femmes avaient bu » ? Pour pouvoir invoquer, au stade de l’étape a, des causes structurelles, il faut… être déjà arrivé à l’étape c. Donc votre logique est circulaire. C’est normal, du coup, qu’elle vous conduise à adopter des « explications » tautologiques…

        • Bonjour les gens

          Je me permets d’intervenir ici parce que je pense que je peux apporter un élément qui pourrait mettre en lumière un problème essentiel qui me semble fausser complètement le débat en cours. Mais bon, c’est ma toute première intervention sur un espace de discussions sociales et politiques, et je me connais suffisamment pour savoir que je ne sais pas vraiment organiser une argumentation claire, alors je vous demande d’avance de bien vouloir m’excuser si mon commentaire est un peu fouillis.^^

          Pour commencer, je tiens à préciser que je rejoins globalement l’avis de Meg, Paul Rigouste, Arroway etc. sur le fait que se sont les causes structurelles qui provoquent les faits particuliers, et non, comme l’avance Ggauvain, les faits particuliers qui, éclairés sous une certaine lumière, permettent d’établir des tendances structurelles.

          Là où je suis en désaccord par contre c’est quand il est évoqué l’idée que les violences conjugales d’un homme sur sa femme auraient pour cause structurelle le sexisme ce qui ferait des violences d’une femme sur son/a compagnon/e ou d’un homme sur son partenaire des cas particuliers à écarter de la situation générale. A mon avis les violences d’un/e individu/e sur la personne qui partage son intimité/sa vie, ont toutes une cause structurelle que est la même dans toutes les situations et qui est complètement différente du sexisme_ bien que le sexisme ait tout de même un rôle à jouer, cependant celui-ci est subsidiaire.

          A mon sens, la cause structurelle des violences conjugales en général serait plutôt à associer à la conception patriarcale du couple avec ces notions de fidélité, exclusivité, éternité etc. et c’est seulement le regard hétérosexiste acquis que nous avons tendance à porter sur ce genre de choses, sans y faire attention, qui nous fait confondre cela avec du sexisme. Là ou nous devrions voir deux personnes qui partagent leur vie/intimité, nous voyons préférentiellement un homme et une femme (un papa et une maman comme diraient certains…^^).

          _Cela me permet de faire une parenthèse sur un fait que vous évoquiez je ne sais pas ou dans votre argumentation M./Mme. Ggauvain, comme quoi, pour pouvoir prétendre qu’il y a des valeurs sexistes/racistes/homophobes… véhiculées par un objet de communication (quel qu’il soit) il faudrait que cela soit reconnu par son créateur. Je pense qu’au contraire il est tout à fait possible de véhiculer des valeurs politiques sans le reconnaitre que ce soit à escient ou non. Nous avons là, je pense, un parfait exemple d’un cas ou des personnes qui veulent, je suppose sincèrement, lutter contre les représentations hétérosexistes (entre autres) et qui pourtant, par inadvertance, les reconduisent._

          Pour en revenir à ma cause structurelle que j’appellerais Conception/Impunité Conjugale, à défaut de savoir si cela a déjà été nominé sous une autre appellation (je ne m’intéresse pas depuis suffisamment longtemps à ce genre de sujets pour avoir des références culturelles/littéraires me permettant de parler clairement de ce genre de choses, et de toute façon je préfère me fier à ma propre perception du monde pour monter mon argumentation qu’aux réflexions d’autrui), je pense que la manière dont nous percevons le couple dans notre société fait que nous justifions/tolérons certains comportement normalement injustifiables/intolérables sous le prétexte qu’ils se déroulent dans le cadre de la sacro-sainte relation de couple (qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel).

          Je prendrais comme exemple, pour étayer cette thèse, un « fait divers » qui à occupé les JTs pendant quelques temps il y a relativement peu de temps_ je ne sais plus exactement quand c’était mais bon, il me semble que c’était l’hiver passé. Je parle de l’affaire d’une jeune femme agressée sexuellement dans le métro aux vus et aux sus d’un nombre important de personnes sans qu’aucune d’elle ne daigne lever le petit doigt. Après ça nous avons été abreuvé/e/s d’explications psychologiques sur une sorte d’effet de groupe_ je ne sais plus si ça avait un nom spécifique ou pas_ qui fait que, quand plusieurs personnes sont témoins d’une situation ou quelqu’un/e est en danger, chacun/e pense qu’il y aurait quelqu’un/e d’autre pour intervenir, ce qui fait que personne n’intervient. Mais bon, ce n’est pas ça qui m’a semblé intéressant, ce qui était édifiant par contre c’est quand, après cela, je me suis retrouver, comme beaucoup de personne je pense, à en discuter avec diverses personnes appartenant à des groupes variés, j’ai vu apparaitre un argument assez récurent que tout le monde semblait trouver tout simplement normal qui signifiait grosso modo : « Ouais, mais si elle à rien dit pour demander de l’aide, les gens ont dû penser que c’était son copain et ont été gêner d’intervenir, c’est normal. » autrement dit : si deux personnes sont en couple, il est potentiellement justifiable que l’une des deux mal traite l’autre; c’est eux que ça regarde, c’est leur « vie privée » après tout.

          Ce qui fait que pour en revenir à la question de cause structurelle, nous avons la situation de couple qui justifie le fait que l’individu/e au sein d’un couple qui prendrait l’ascendant physiquement, mentalement etc. aurait la « légitimité » de faire du mal à son/sa partenaire parce que cela fait partie de leur « vie privée ».

          Ainsi nous n’avons pas :

          A/un homme qui bat B/sa femme suite à des « causes locales »

          Mais plutôt :

          A/l’individu/e au sein d’un couple qui prend l’ascendant sur l’autre, qui bat B/son/sa partenaire, en utilisant comme prétexte des « causes locales »/excuses du genre : il/elle avait bu, il/elle l’a mis/e en colère, ELLE c’est habillée comme une **** c’est normal qu’il se soit énervé, c’est UN mollasson qui se laisse marcher sur les pieds etc.

          La où le sexisme intervient par contre c’est dans la répartition moyenne des rôles A et B qui fait que, globalement, au sein des couples hétérosexuels, l’individu/e prenant l’ascendant sur son/sa partenaire est l’individu hétérosomique 23. Et comme il y a plus de couples hétérosexuels que de couples homosexuels dans notre société il est normal que statistiquement, il y ait beaucoup plus de cas d’hommes battant leur femme, que de femmes battant leur compagnon/e ou d’hommes battant leur compagnon. Mais cela ne fait pas de ces cas la des exceptions à la situation générale.

          Voila. J’espère que je n’ai pas été trop incompréhensible. Merci à ce qui me lirons/répondrons.

          Bonne journée/soirée

      • Je vais commencer par répondre par la fin, et remonter dans la discussion parce que je crois que cela permet de progresser parmi les différents points de manière plus claire :

        Je suis très content que vous écriviez ça, parce que ça clarifie notre désaccord.
        Dans votre 2, vous supposez que l’on peut étudier les causes singulières d’un cas singulier (étape a). Puis vous passez à la mise en série, et vous supposez que cette mise en série des causes donne une sorte de faisceau de causes globales, « structurelles » (étape b). Pourquoi pas. Mais ensuite vous redescendez du général au particulier en disant : « donc ces causes structurelles s’appliquent dans chaque cas particulier. » (étape c)

        Mais pourquoi faites-vous ainsi l’ascenseur ? Pourquoi avez-vous besoin de passer par l’étape b, puisque vous avez admis au stade de l’étape a que vous pouviez analyser les causes particulières d’un cas particulier ?

        Donc il s’agit du principe même de l’approche sociologique qui vous pose problème : étudier l’impact des relations sociales et des intéractions entre individus sur un phénomène donné, sur le plan collectif. Ici, dans notre exemple des violences conjugales, on reconnaît l’existence de deux classes (la classe “homme” et la classe “femme”), qui est un prisme, parmi d’autres, à travers lequel on peut étudier ses violences. Ce prisme a des chances d’être pertinent si, en premier lieu, statistiquement on trouve une forte corrélation entre certaines caractéristiques des individus et les faits observés.

        Les chiffres ne suffisent bien sûr pas à eux seuls, c’est pourquoi l’on fait des enquêtes sociologiques pour comprendre les mécanismes à l’oeuvre et les contextes derrière ces chiffres. En l’occurence, dans le cas des violences conjugales, le contexte est celui d’une société patriacale qui pose la femme comme étant inférieure à l’homme (sur le plan physique, intellectuel qui découle sur des inégalités en termes politiques, économiques, etc). Un contexte qui valorise la force et la violence chez les hommes (exemple d’éducation à la violence : jeux vidéos) lorsque les femmes doivent rester douces et sans muscles (cf. l’article de Paul Rigouste sur les acteurs ultra-musclés). Un contexte dans lequel les femmes ont tendance à être considérés comme des objets sexualisés à destination des hommes hétérosexuels. Bref une société dans laquelle évoluent les sujets des études sur les violences conjugales et qui reçoivent donc une certaine éducation, certains messages tous les jours.

        Mes connaissances théoriques en sociologie sont très basiques, mais je crois qu’on discute typiquement ici de l’approche de Durkheim. Pour citer l’article sur la sociologie de Wikipédia, qui résume sa position assez clairement :
        “Si la sociologie française voit en Durkheim son « père fondateur » c’est en partie parce qu’il est le premier à aborder la sociologie comme une discipline scientifique. Cela nécessite […] un travail de clarification de son objet afin de le distinguer des discours concurrents sur la société:
        * d’un côté, le différencier de la philosophie, attachée à une démarche de pur raisonnement, de jugement normatif alors que lui, veut imposer une démarche empirique, guidée par la volonté d’établir des faits appuyés sur des données concrètes (statistiques; enquêtes monographiques).
        * de l’autre côté, rompre avec la psychologie, qui ne propose d’explications qu’au niveau individuel alors que l’étude de sa discipline se fait sur le plan collectif.

        Ensuite, je suis désolé, mais votre phrase : « Statistiquement parlant, ces causes structurelles se retrouvent donc en majorité dans chacun des cas particuliers. » est plutôt confuse, et je pense que ce n’est pas pour rien. Parce que dire que statistiquement, des causes générales se retrouvent dans des cas particuliers, ça ne me paraît pas vouloir dire grand chose. Le principe même d’un « cas particulier », c’est que la statistique ne peut pas l’éclairer. Ou alors seulement de manière probabiliste : vous pouvez tenir un discours du genre : « dans un cas donné où un homme bat sa femme, il y a 87% de chances que l’homme ait fait telle ou telle chose dans sa vie ». Mais ce n’est visiblement pas ce que vous vouliez dire. Et si c’est bien ça que vous vouliez dire, un énoncé de ce type ne saurait être considéré comme portant sur un cas particulier plutôt que sur une série de cas.

        Les mathématiques derrière les statistiques sont basées sur la théorie des probabilités, donc cela va être difficile pour des statistiques de prétendre à autre chose que des probabilités… ^^

        Je vais réexpliquer de manière différente ce que je voulais dire :
        Considérons un groupe de 100 couples. C’est mon échantillon d’étude, que j’ai constitué pour être représentatif d’un certain groupe social : soit suffisamment varié au niveau des classes sociales, sexualités, etc pour prétendre à représenter la société dans son ensemble ; soit précisément ciblé pour étudier les couples dans le milieu de la bourgeoisie ou des couples exclusivement hétérosexuels, etc. Disons, pour mon exemple, que j’ai choisi d’étudier 100 couples, toutes sexualités et classes sociales coonfondues, où il existe une violence conjugale.
        J’enquête auprès de ces 100 couples, et je compte le nombre de fois où des violences sont perpetuées par des hommes et par des femmes. A l’issu de mon étude, j’arrive aux résultats suivants :
        – X hommes sur 100 ont été violents vis-à-vis de leur conjoint-e.
        – Y femmes sur 100 ont été violents vis-à-vis de leur conjoint-e.
        – X’ hommes sur 100 ont été victimes de violence de la part de leur conjoint de sexe masculin
        – X » hommes sur 100 ont été victimes de violence de la part de leur conjoint de sexe féminin
        et ainsi de suite

        Les entretiens que j’ai pu mené avec chacun de ces individus me permet d’étudier le contexte de ces violences : jalousie, alcool, pressions psychologiques les accompagnant, isolement social, violence sexuelles, etc. Autant de choses qui sont par ailleurs, dans d’autres études, reliées à d’autres phénomènes sociaux comme les conceptions patriarcales autour du couple, ce qu’on peut appeler la “culture du viol”, l’encouragement de la violence et de l’aggressivité chez les hommes comme modèle viril, l’objectification des femmes à destination des hommes, etc.

        Cet échantillon de 100 personnes, rappelons-le, a été constitué pour être représentatif d’un certain groupe. Pour prétendre à être représentatif de la société, il y a plein de choses à prendre en compte (origine sociale, âge, sexe, sexualité, etc) et bien sûr il faut faire des études à plus grande échelle ou faire des méta-analyses. Ces résultats, ces statistiques, je peux alors les utiliser pour comprendre des tendances de la société. Tendances qui ne viennent pas de n’importe où : ce sont des faits observées de manière répétée au niveau local. Donc qui ont effectivement une probabilité donnée de se retrouver lorsque l’on analyse un cas en particulier.

        Autre chose. Vous dites : « On étudie un grand nombre de cas singuliers, et on analyse les causes de ces comportements violents. » (étape a) Mais de quelle nature sont ces causes ? Une telle analyse peut-elle aller au-delà de causes locales, du genre « il avait bu » ? Et si, comme vous le suggérez, il faut ensuite étendre ces causes locales à un niveau général (votre étape b), comment faites-vous pour ne pas trouver comme cause générale, comme cause statistique, des choses du genre : « tant de % des hommes qui battent leurs femmes avaient bu » ? Pour pouvoir invoquer, au stade de l’étape a, des causes structurelles, il faut… être déjà arrivé à l’étape c. Donc votre logique est circulaire. C’est normal, du coup, qu’elle vous conduise à adopter des « explications » tautologiques…

        Je pense qu’ici, nous n’avons pas la même conception des “causes locales”. C’est ce que Meg avait déjà fait remarqué lorsqu’elle pointait que “L’alcool ou la colère sont les prétextes, les déclencheurs mais ne sont absolument pas la raison de la violence et encore moins des explications à celles ci, c’est plutôt une excuse d’agresseur.” et ce qui explique pourquoi elle prenait comme contre-exemple le fait que “Quant j’ai bu ou quant on m’énerve je n’envoie personne à l’hôpital.”.

        Ce que nous considérons comme une cause locale, ce sont les relations entre la victime et l’agresseur/se, que nous pouvons analyser sous le prisme du genre (homme/femme). Boire n’implique pas automatiquement un comportement violent. Donc pourquoi, une fois les inhibitions levées par l’alcool, un individu se permet de frapper un autre : parce qu’il se sent suffisament puissant et ne craint pas les représailles de la part de la victime. Pourquoi cela ? Dans le cas d’un homme qui bat sa femme, par exemple, on peut expliquer ce sentiment d’inpunité par le fait que les femmes sont considérées comme la propriété de leur conjoint, comme étant des êtres physiquement faibles, etc (cf les nombreux témoignages où des gens expliquent qu’illes ne sont pas intervenu-e-s dans une agression publique où un homme frappait une femme parce qu’illes pensaient qu’ils étaient mariés et que donc cela ne les regardait pas.).

        Bon. Mais comment analysez-vous le « cas particulier » dans lequel une femme bat son compagnon, ou une femme bat sa compagne, ou un homme bat son compagnon ?
        Ces cas-là sont des cas minoritaires. Mais ils existent. Dans des cas comme ça, je suppose que vous ne pouvez pas invoquer la « structure » pour les expliquer (vous ne pouvez visiblement pas invoquer la construction des stéréotypes de genre, l’éducation, etc., pour expliquer comment une femme peut battre son compagnon, alors que précisément la situation semble échapper aux stéréotypes en question). Dans un cas comme ça, vous allez invoquer des causes purement locales(genre : elle avait bu, il l’avait énervée, etc.) (Mettons de côté le cas où la femme bat son compagnon en réponse à des violences qu’elle a elle-même précédemment subies).

        En gardant toujours en tête le sens différent que nous mettons derrière le terme “cause locale”, ces cas minoritaires sont à mon avis également explicables en prenant en cause le contexte et la société dans lequel interviennent ces violences. Vous parliez justement de la reproduction de violences subies. On pourrait rajouter l’inversion de stéréotypes, et l’assimilation par les femmes des valeurs valorisées par la société, qui sont celles attendues chez les hommes.
        Enfin – et je sens que vous allez être content-e en lisant ça – il y a effectivement des cas qui ne seront pas explicables avec une lecture genrée des violences. Il se trouve, dans notre exemple, que ces cas sont minoritaires.

        Mais c’est là que je vais réintroduire une idée essentielle que l’on a un peu laissée de côté mais qui était bien présente au tout début de la conversation : celle de la représentation, notamment dans les films. Vous écriviez, dans votre premier message : “Ca me met un peu mal à l’aise : j’ai l’impression que c’est une mauvaise piste que de s’interroger sur le caractère « universel » de ce qui est représenté. Un film ne peut jamais représenter l’universel à travers une histoire singulière.
        Etant données toutes nos études sociologiques, statistiques, nous pouvons établir qu’une “histoire singulière” être représentatif d’un certain nombre de situations qui arrivent X % des cas.
        Et là je reformule notre position de manière très schématique :
        a) si A arrive 25% du temps et B arrive 75% du temps, alors il est problématique d’un point de vue politique que 75% des représentations mettent en scène A, et que 25% des représentations mettent en scène B.
        Par exemple :
        A : une femme est violée par un homme inconnu dans la rue.
        B : une femme est violée par un homme connu de son entourage proche

        b) le rôle des présentations dans la construction des normes dans la société, la circulation d’idées et de stéréotypes étant reconnu (en tout cas par nous, les politicien-ne-s et les publicitaires :p), il est possible d’utiliser les medias comme les filmes, clips, pubs, séries pour faire évoluer des situations discriminantes.

        Or dans le cas « majoritaire » (une femme battue par son compagnon), là, vous invoquez des faits structurels. Mais qu’est-ce qui vous autorise à le faire ? Si vous considérez que l’explication de certains faits nécessite de faire abstraction de la structure sociale, pourquoi ne faites-vous pas de même y compris dans les cas « majoritaires » ? Pourquoi avez-vous besoin de causes structurelles ?

        Je pense avoir répondu à cela plus haut, mais pour rajouter une idée : parler de “la” structure sociale me donne l’impression qu’elle n’a qu’une seule facette. Or, ce n’est pas le cas : c’est pour cela que j’ai employé le mot “prisme” un peu plus haut. On va parler “des” structures sociales, selon des axes différents, parfois orthogonaux, parfois liés les uns aux autres : le genre, l’origine sociale, le métier, l’âge, la couleur de peau, l’orientation sexuelle, etc. Le cas “une femme bat son compagnon” est minoritaire dans une lecture genrée. Mais peut-être pas dans une lecture selon un autre axe : par exemple, le degré d’identification à des figures violentes si on utilise la place de la violence dans la société. Mais sans oublier que ces axes peuvent aussi s’étudier et se comprendre en les recoupant avec d’autres axes/prismes, comme celle d’une lecture genrée.

  6. Bonjour Dioxigen,


    « et non, comme l’avance Ggauvain, les faits particuliers qui, éclairés sous une certaine lumière, permettent d’établir des tendances structurelles. »

    Ce n’est pas ce que je dis ! Je dis plutôt : les causes particulières éclairent les faits particuliers, les causes générales (structurelles) éclairent les faits généraux. C’est le passage « magique » d’un niveau d’explication à l’autre qui me gêne.

    « Là où je suis en désaccord par contre c’est quand il est évoqué l’idée que les violences conjugales d’un homme sur sa femme auraient pour cause structurelle le sexisme ce qui ferait des violences d’une femme sur son/a compagnon/e ou d’un homme sur son partenaire des cas particuliers à écarter de la situation générale. A mon avis les violences d’un/e individu/e sur la personne qui partage son intimité/sa vie, ont toutes une cause structurelle que est la même dans toutes les situations et qui est complètement différente du sexisme_ bien que le sexisme ait tout de même un rôle à jouer, cependant celui-ci est subsidiaire. »

    Je suis tout à fait prêt à admettre (et je pense que Paul, Meg et Arroway aussi) que les causes peuvent s’entremêler. Analyser les violences conjugales sous l’angle du sexisme n’est pas exclusif d’une analyse sous l’angle de la jalousie, de la fidélité, de l’exclusivité…

    Cela dit, si vous utilisez les exemples de violence femme=>homme, ou les violences dans un couple homo, pour relativiser le rôle explicatif du sexisme. On pourrait vous objecter qu’il y a aussi des violences dans un couple libre, ou dans des relations poly-amoureuses, pour relativiser votre propre analyse.

    « et c’est seulement le regard hétérosexiste acquis que nous avons tendance à porter sur ce genre de choses, sans y faire attention, qui nous fait confondre cela avec du sexisme. »

    C’est surtout, je pense, les faits statistiques : les violences conjugales homme => femme sont BEAUCOUP plus fréquentes que l’inverse !

    « Cela me permet de faire une parenthèse sur un fait que vous évoquiez je ne sais pas ou dans votre argumentation M./Mme. Ggauvain, comme quoi, pour pouvoir prétendre qu’il y a des valeurs sexistes/racistes/homophobes… véhiculées par un objet de communication (quel qu’il soit) il faudrait que cela soit reconnu par son créateur. « 

    Pas forcément, mais je pense qu’il faut un argument concret et précis à avancer dans ce cas précis (l' »aveu » du créateur/de la créatrice étant un argument concret et précis, mais pas nécessairement le seul argument possible…).

    « Après ça nous avons été abreuvé/e/s d’explications psychologiques sur une sorte d’effet de groupe_ je ne sais plus si ça avait un nom spécifique ou pas_ qui fait que, quand plusieurs personnes sont témoins d’une situation ou quelqu’un/e est en danger, chacun/e pense qu’il y aurait quelqu’un/e d’autre pour intervenir, ce qui fait que personne n’intervient. « 

    L’effet du témoin : http://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_du_t%C3%A9moin

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