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Deathproof (2007) & Django Unchained (2012) : Tarantino, ou le Boulevard du mépris

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Je me concentrerai ici sur une dimension du cinéma de Tarantino, à savoir sa tendance à exploiter des cultures minoritaires en les déconnectant de leur ancrage politique. Cette pratique me semble éminemment critiquable dans la mesure où le réalisateur ne se contente pas seulement de dépolitiser des mouvements contestataires pour n’en garder qu’une coquille vide, mais il réintroduit en plus bien souvent des schémas rétrogrades au sein d’une imagerie se voulant cool et subversive. Pour argumenter en ce sens, je m’appuierai essentiellement sur les deux films de Tarantino qui me semblent le mieux illustrer cette tendance : Boulevard de la mort (2007) et Django Unchained (2012). Si j’ai choisi ces deux films, c’est parce qu’ils me semblent utiliser à peu près les mêmes mécanismes en les appliquant à deux groupes dominés différents (respectivement les femmes et les noir-e-s).

Je m’inspirerai abondamment d’un article de Maxime Cervulle[1] consacré à Boulevard de mort et paru dans le numéro de la revue Nouvelles Questions Féministes sur les « Figures du féminin dans les industries culturelles contemporaines »[2]. Si ce que je vais dire n’apportera donc rien de fondamentalement nouveau, il me semblait cependant intéressant de contribuer à diffuser ces éléments de réflexion politique sur le cinéma de Tarantino. En effet, celui-ci semble jouir en France d’un statut d’exception qui le met habituellement à l’abri de toute critique politique un tant soit peu approfondie[3]. Deux grands types d’ « arguments » sont fréquemment mobilisés (de manière plus ou moins explicite) pour empêcher de réfléchir à Tarantino d’un point de vue politique : (1) celui de la critique française autorisée qui le place parmi son panthéon d’« auteurs » (probablement depuis qu’il a reçu la Palme d’or à Cannes pour Pulp Fiction en 1994); ainsi que (2) celui de beaucoup de fans pour qui son cinéma n’aurait d’autre prétention que d’être un « pur divertissement ». Personnellement, j’ai du mal à comprendre par quelle magie les œuvres des « auteurs » ou les « purs divertissements » ne véhiculeraient pas des représentations politiques (comme c’est le cas de toutes les productions culturelles), et j’envisagerai donc ses films comme tous les autres, sans traitement de faveur.

Cet article n’a aucune prétention à épuiser toute la richesse du cinéma de Tarantino. Tout d’abord parce qu’il se concentre quasi-exclusivement sur deux des films les plus récents du réalisateur (en laissant de côté le reste de sa filmographie). Mais aussi parce qu’il ne cherche à réfléchir que sur une de ses dimensions, à savoir sa dimension politique. Mon but n’est pas non plus de produire une analyse exhaustive des films dont je vais parler ici, mais juste d’en analyser certains aspects qui me semblent particulièrement problématiques.

Le « post-féminisme » de Boulevard de la mort

En apparence, Boulevard de la mort semble être un film plutôt féministe puisqu’il met en scène l’affrontement  entre des bandes de filles et un tueur-violeur sadique, avec une victoire finale particulièrement jouissive pour les premières. En plus de mettre en scène un très grand nombre de personnages féminins et d’adopter de surcroît leur point de vue pendant la plus grande partie du film[4], certains de ces personnages féminins (en particulier dans la deuxième partie) sont indéniablement des « femmes fortes ». Dans la mesure où les femmes se font d’abord tuer/agresser par un homme (Stuntman Mike, incarné par le légendairement viril Kurt Russell), leur vengeance acquiert par là une dimension explicitement féministe. Ce n’est donc pas sans raison que beaucoup de spectateurs/trices (dont un grand nombre de (pro)féministes) prennent plaisir à regarder ce film, et le considèrent comme féministe.

Il me semble néanmoins que, pour plusieurs raisons que je vais essayer de développer, Boulevard de la mort n’est féministe qu’en apparence. Il me semble en effet que le terme qui conviendrait mieux pour qualifier ce film est celui de « post-féministe ». Ce terme a été forgé pour désigner « une phase historique où les industries culturelles ont digéré le féminisme pour en faire une valeur marchande vidée de sa composante radicale et de sa volonté de transformation sociale »[5]. Cette réduction du féminisme à une imagerie déconnectée des luttes et des rapports de pouvoir réels s’accompagne le plus souvent de l’idée selon laquelle l’égalité hommes/femmes serait déjà acquise,  et la lutte contre la domination masculine rendue ainsi obsolète par la victoire des mouvements féministes historiques. En ce sens, le « post-féminisme » n’a rien de féministe, bien au contraire. Poser que l’égalité est déjà atteinte et que les mouvements féministes actuels n’ont donc plus rien d’utile et de légitime est un classique du discours antiféministe. En partant de ce présupposé, l’imagerie post-féministe ignore donc les rapports de pouvoir patriarcaux encore bien réels qui sous-tendent les représentations qu’elle mobilise, ce qui la conduit ainsi bien souvent à reproduire des schémas sexistes, en laissant en plus dangereusement croire qu’il s’agit là de représentations progressistes.

Avec ses personnages féminins badass qui conduisent des grosses bagnoles et tabassent du violeur, Boulevard de la mort s’inscrit complètement dans cette tendance, et s’avère effectivement beaucoup moins féministe qu’il n’en a l’air dès qu’on commence à gratter un peu…

Une vraie bande de filles ?

Une scène est particulièrement représentative des énormes impensés qui parcourent cette mascarade de féminisme qu’est Boulevard de la mort. Il s’agit de la scène où le deuxième groupe de filles essaie de trouver un moyen de convaincre un paysan un peu white trash sur les bords de leur prêter sa voiture (la Dodge Challenger de Vanishing Point) pour une virée entre cascadeuses. Dans cette scène qui se veut plutôt comique, nous partageons le point de vue des deux filles les plus « masculines » de la bande (qui sont toutes les deux cascadeuses professionnelles). Celles-ci commencent par proposer à l’une des deux autres filles, Abernathy, de rester avec leur amie mannequin Lee pour servir de garantie en échange d’un tour en voiture. Elle aussi attirée par cette virée sauvage, Abernathy négociera un deal avec ses amies cascadeuses : l’autorisation de venir avec elles si et seulement si elle parvient à convaincre le white trash de leur prêter la voiture. Et pour ce faire, Abernathy a une idée hautement féministe qu’elle expose à ses deux amies avant de la mettre en œuvre, à savoir : laisser Lee en garantie en insinuant au white trash  « qu’elle va lui tailler une pipe ».

Et effectivement, Abernathy ira trouver le propriétaire de la voiture, et lui insinuera que Lee, leur amie endormie et en tenue de pom-pom girl, est une actrice porno (sous-entendu une cochonne). Les trois filles partent alors en voiture en laissant leur « amie » seule avec le white trash,  visiblement excité par ce que lui a fait miroiter Abernathy, comme en témoigne son petit ricanement vicieux.

En échange d’une voiture, nos trois filles mettent donc volontairement leur copine dans une situation plus que dangereuse (puisqu’elle risque très probablement d’être violée). La chose est d’autant plus claire que l’acteur qui joue le propriétaire de la voiture avait joué dans Kill Bill vol.1 le camionneur qui avait tenté de violer l’héroïne, Beatrix Kiddo, alors qu’elle était dans le coma.

Le pire avec cette scène, c’est qu’elle se veut drôle. Tarantino nous invite en effet à rire avec les trois filles de cette bonne blague qu’elles ont faite à leur copine.

tarantino01tarantino02Une blague tout bonnement hilarante…

Lorsque Lee se réveille avec le sexe de son (très probable) futur violeur à hauteur de bouche et ses trois amies au volant de la voiture qui lui lancent « A tout à l’heure, et pas de bêtises ! », on voit bien que le réalisateur cherche à nous faire rire. Le petit « gloup » que Lee lâche du fait de sa surprise témoigne d’ailleurs de ce ton humoristique qui imprègne la totalité de la scène.

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Une anecdote de tournage relatée par Rosario Dawson (l’actrice incarnant Abernathy dans le film) confirme à quel point ce genre de schéma tout sauf féministe ne relève pas du simple impensé de la part du réalisateur, mais bien plutôt d’un choix conscient. L’actrice raconte en effet avoir été choquée par cette idée de scène car, pour elles, des filles n’abandonneraient ainsi jamais l’une des leurs à un potentiel violeur. Elle suggéra ainsi à Tarantino des modifications de la scène, comme par exemple de montrer le personnage d’Abernathy lancer en cachette les clefs de leur voiture à Lee pour qu’elle puisse filer en douce et échapper au viol. Mais le réalisateur refusa catégoriquement ces propositions, au motif que « ce n’était pas comme ça que la scène allait se passer »[6].

Face à tout cela, j’ai personnellement beaucoup de mal à parler de féminisme à propos de Tarantino. Ce dernier fait non seulement incarner ses blagues éminemment sexistes par des actrices, mais il refuse en plus catégoriquement d’écouter ces dernières lorsque celles-ci expriment leur point de vue. On a là à mon avis le signe indéniable du fait que Tarantino n’a aucunement envie de sortir de son point de vue masculin, et que la seule chose qui semble l’intéresser est bien plutôt d’imposer son humour et ses fantasmes de mec à tout le monde, et donc entre autres aux femmes.

Mépris du féminin

Tarantino semble souvent donner la parole aux femmes en mettant en scène un grand nombre de personnages féminins plutôt balèzes (Jackie Brown, Beatrix Kiddo de Kill Bill, les filles de Boulevard de la mort, ou encore Shosanna de Inglorious Basterds). Mais loin de leur donner véritablement la parole, il semble plutôt que le réalisateur ne cesse de parler par leur bouche.

On a en effet souvent cette sensation lors des longues discussions « entre filles » de Boulevard de la mort, comme lorsque les deux cascadeuses énumèrent les films de bagnole dont elles disent être fans, alors qu’on sait que le premier à être fan de ces films est Tarantino lui-même. D’ailleurs, lorsque les deux amies plus « féminines »[7] déclarent ne pas connaître ces films, les deux cinéphiles répondent qu’effectivement « la plupart des filles ne connaissent pas ces films ». La plupart des filles ? Mais vous, vous êtes quoi alors ? On voit ainsi apparaître le problème de cette logique qui, « plutôt que d’étendre la sphère conceptuelle du pouvoir pour le conjuguer au féminin, préfère représenter les femmes puissantes comme des hommes comme les autres »[8]. Comme le dit Maxime Cervulle, c’est « comme si la représentation d’une indépendance et d’une puissance féminine se résumait, pour le réalisateur, à figurer des hommes dans des corps de femmes – un fait qui ne peut que souligner à quel point les concepts mêmes de puissance et d’autonomie restent souvent cantonnés à la sphère culturelle du masculin »[9].

Même lorsqu’il met en scène des femmes, Tarantino ne le fait donc que dans un univers où le masculin est supérieur au féminin.  Du coup, les femmes « féminines » sont logiquement beaucoup moins dignes d’intérêt pour le réalisateur que les femmes plus masculines. La pom-pom girl de Boulevard de la mort sera ainsi abandonnée à son triste sort sans que le film ne se préoccupe d’elle le moins du monde. Au lieu de s’intéresser à ce personnage de mannequin et à l’agression sexuelle qu’elle va probablement subir, Tarantino préfère suivre les trois autres filles dans leur épopée qui les mènera à tabasser joyeusement leur agresseur. Et là encore, on peut remarquer que celle des trois qui correspond le plus au canon du féminin (Abernathy) reste la plupart du temps passive sur la banquette arrière de la voiture, prenant beaucoup moins part à l’action que ses camarades cascadeuses (sauf à la toute fin).

On pourrait dire la même chose des filles (encore plus « féminines ») de la première partie qui se font finalement toutes réduire en bouillie par Stuntman Mike. La délectation avec laquelle le réalisateur s’amuse à repasser trois fois et au ralenti le moment de leur meurtre en dit long sur le niveau d’intérêt qu’il porte à ces personnages. Comme pour la pom-pom girl, le film se désintéressa de leur sort de la même manière que le shérif qui déclare en conclusion de la première partie du film qu’il préfère aller regarder des courses de NASCAR à la télé plutôt que de trouver un moyen d’inculper le tueur de femmes.

Au final, des filles « féminines », on en a rien à foutre, sauf lorsqu’il s’agit d’admirer leur plastique (en dessous de la ceinture de préférence), et les regarder parler de leur histoires de cul hétéronormées, faire des lapdances, et se faire tuer/démembrer/violer, spectacle ô combien jouissif (mais pour qui exactement ?).

tarantino04tarantino05tarantino06tarantino07tarantino08tarantino09Lorsqu’on lui demanda à une projection de Boulevard de la mort s’il était fétichiste des pieds, Tarantino répondit : « J’adore les pieds, mais on voit autant les fesses et les jambes à l’écran. En fait, j’aime tout ce qui est en dessous de la ceinture »

Il serait à mon intéressant de réfléchir à ce mépris pour la féminité et les femmes féminines, car il me semble qu’on le retrouve de manière assez récurrente dans le cinéma de Tarantino. Je pense par exemple au personnage de Melanie (Bridget Fonda) dans Jackie Brown, qui se fait buter par Louis (Robert de Niro) sur un parking de supermarché parce qu’il ne supportait plus de l’entendre jacasser, scène de meurtre qui est elle-aussi censée être drôle. Ou encore au personnage de Fabienne (Maria de Medeiros) dans Pulp Fiction, inénarrable niaise qui aimerait bien avoir un bidon parce que c’est sexy chez les filles et demande à Butch qu’il aille lui chercher une tarte aux myrtilles pour le petit déjeuner, mais qui n’est même pas foutue de penser au plus important[10] : la montre sur le kangourou  (« il a fallu que ce soit justement la montre de mon père qu’elle oublie ! Je lui avais bien dit pourtant. La table de nuit. Sur le kangourou. Mot pour mot : oublie pas la montre de mon père !»)[11].

Rape and Revenge

Le fait que Tarantino ne sorte jamais de son point de vue masculin transparaît aussi à mon avis dans la manière dont il mobilise le schéma classique des « rape and revenge films ». Ce schéma original me semble déjà problématique en soi, dans la mesure où il consiste à projeter sur des femmes des fantasmes typiquement masculins de vengeance et de violence. Ce n’est probablement pas un hasard si ce genre de films est produit et consommé avant tout par des hommes. Peut-être que l’on peut y voir un signe que ces films n’adoptent pas du tout un point de vue féminin sur le viol et ses conséquences, mais au contraire un point de vue masculin consistant à s’imaginer dans la position de la victime d’un viol pour se demander « qu’est-ce que je ferais si un homme me violait ? » (la réponse étant : « j’irai me venger de ces salauds en leur défonçant la tronche »).

Je ne cherche pas ici à condamner ce genre de films en soi, mais juste à souligner un de leurs aspects qui me semble critiquable. En effet, se contenter de dire que les « rape and revenge » ne sont qu’une glorification des valeurs masculines serait profondément réducteur, car ces films sont à mon avis profondément ambivalents. Il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler qu’il n’y a pas que des spectateurs masculins qui apprécient ce genre de films, mais aussi un certain nombre de femmes, et en particulier des féministes. Peut-être qu’une des raisons à ce plaisir réside dans le fait que ces films mettent en scène des femmes victimes d’une oppression patriarcale qui se réapproprient, pour se venger de leur agresseurs, d’une prérogative masculine : la violence. Peut-être les féministes prennent-elles ainsi plaisir à ce spectacle d’un empowerment féminin, qui se conclut en plus souvent par un succès et non par une punition (c’est le cas dans Boulevard de la mort en tout cas). N’étant pas une femme, je ne suis pas le mieux placé pour comprendre exactement la nature du plaisir que peuvent prendre ces dernières à la vision de ces films, donc je m’arrêterais là pour les conjectures hasardeuses. Je tenais juste à préciser que la question du « rape and revenge » est complexe et ne peut donc pas être expédiée en cinq lignes, comme je donnais peut-être l’impression de le faire. Je ferme donc  la parenthèse pour revenir au film qui m’intéresse ici en particulier.

Même s’il n’y a aucun viol à strictement parler dans le film de Tarantino, les agressions de Stuntman Mike au volant de sa voiture sont représentées de manière assez explicite comme autant de viols. Après que le cascadeur a pénétré de son bolide la voiture de la première bande de filles, le shérif confie à son « fils n°1 » et aux spectateurs/trices que le seul motif qu’il trouve à cet acte est d’ordre « sexuel » : « Impact à haute vitesse, torsion du métal, explosion du verre, quatre vies interrompues exactement en même temps. Y a probablement que comme ça que ce dégénéré diabolique prend son pied ». De même, dans la deuxième partie, le plan qui introduit Stuntman Mike montre clairement que celui-ci utilise l’avant de sa voiture comme un substitut phallique.

tarantino10Mike et son engin 

Cette symbolique sera reprise quand l’agresseur commencera à rentrer dans la voiture des trois héroïnes à coup de pare-chocs tout en leur hurlant « tu veux mouiller ? Et bien suce-moi un peu ça, salope ! »[12].

tarantino11Viol automobile par derrière

Or lorsqu’elles vont se venger de leur agresseur, les trois copines vont reproduire exactement le même comportement, puisqu’elles lui rentrent elles-aussi dedans par derrière en criant des choses du genre : « Oh oh oh, tu remues ton gros cul devant moi, fumier ? / Oh bon Dieu de merde, tu sais que tu m’excites mon chéri ! / Elle va me filer un orgasme cette virée sur les routes / Pas question que tu t’en tires sans que je t’ai bourré le cul ! Etc. »[13]. Dans cette scène jubilatoire, on voit bien ici que l’on ne sort pas des mêmes schémas masculins (tu me violes, donc je te viole en retour).

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En plus de reprendre la structure problématique des « rape and revenge films », Boulevard de la mort en mine de surcroît la dimension « féministe » (même si, comme je viens de l’expliquer, ce « féminisme » est pour moi à relativiser sérieusement). En effet, rien ne lie le groupe de filles violées/démembrées par Stuntman Mike dans la première partie et celles qui lui font la peau dans la seconde. Ces dernières prennent donc leur revanche pour elles-mêmes, pour l’agression qu’elles ont subie elles. Comme le dit Maxime Cervulle : « Malgré les appels explicites de Tarantino pour une interprétation de son film suivant les lignes narratives du rape and revenge, le meurtre de Jungle Julia et ses amies restera impuni. Ce qui apparaît ici en filigrane, et qui semble parfaitement correspondre à une certaine culture post-féministe qui a imprégné les représentations populaires, est le délitement de la solidarité entre femmes comme levier politique et l’effacement des espaces collectifs comme lieux de formation de l’action. Les femmes de Boulevard de la mort ne manifestent aucune solidarité les unes à l’égard des autres, ne luttent que pour elles-mêmes et ignorent totalement les vies de ces autres femmes, et victimes du cascadeur, qui côtoient leur espace filmique. C’est aussi en cela que Boulevard de la mort est dépolitisant, en ce qu’il représente le féminisme comme une résistance individuelle totalement déconnectée de tout mouvement social et collectif »[14].

Pour bien voir en quoi l’usage que fait Tarantino du schéma « rape and revenge » est dépolitisant, on peut comparer Boulevard de la mort à un autre film qui reprend ce schéma, mais d’une manière plus intéressante politiquement à mon avis, à savoir la trilogie Millénium (je veux parler de la version suédoise, et non de la version américaine édulcorée que David Fincher réalisa en 2011). En effet, Lisbeth Salander est violée par son tuteur, puis se venge en le violant à son tour. Or la forme que prend cette vengeance et le propos plus général du film font que cette scène ne se réduit pas, à mon avis, à la projection de fantasmes masculins sur une héroïne féminine.

Déjà, si Lisbeth se venge pour elle-même, elle donne aussi en même temps une dimension féministe à son action en tatouant sur le ventre de son agresseur « Je suis un porc sadique et un violeur ». Par là, on comprend que ce n’est pas seulement ce qu’elle a subi individuellement qu’elle veut punir, mais tout ce que cet homme a pu infliger (et pourrait encore infliger) à toutes les femmes. De plus, le viol est replacé dans le cadre du système patriarcal. Le violeur n’est pas un sadique isolé qui surgit la nuit au coin d’une ruelle (ou au coin d’une route comme dans Boulevard de la mort), mais c’est un homme « comme les autres », un proche (le tuteur ou le parent), ce qui correspond beaucoup plus aux réalités statistiques des violences envers les femmes[15]. Le viol dans le film est un acte d’autant moins isolé qu’il prend place au sein d’un ensemble de violences faites aux femmes, qui apparaissent du coup comme différentes incarnations d’un même rapport de domination (le tuteur, les agresseurs dans le métro,  l’organisation de proxénètes, leurs avocats, leurs clients, le tueur en série, etc.). D’ailleurs, la manière dont le tuteur se sert du pouvoir juridique et économique qu’il a sur l’héroïne (il peut lui supprimer son argent et la renvoyer en hôpital psychiatrique s’il le désire) pour la violer montre bien le lien qui existe entre le viol et le rapport de pouvoir patriarcal qui le sous-tend et le permet. Enfin, Lisbeth ne se contente pas de se venger violemment, mais elle arrive aussi, avec l’aide de son avocate, à faire reconnaître son viol aux yeux de la justice. Acte hautement symbolique quand on sait que la majorité des viols commis chaque jour ne sont pas jugés[16], et qui évite de réduire les représailles à de la pure vengeance. Ce genre d’éléments est totalement absent de Boulevard de la mort, et c’est ce qui fait qu’il n’y a à mon avis pas grand-chose de féministe dans l’usage que fait Tarantino du schéma « rape and revenge ».

Le spectacle de la violence féminine

A cela s’ajoute à mon avis une tendance chez Tarantino à l’érotisation de la violence féminine, que l’on retrouve dans beaucoup d’autres films aujourd’hui[17], et qui ne sort pas non plus du point de vue et des fantasmes masculins. En effet, les héroïnes de Boulevard de la mort fonçant à 300km/h au volant de leur voiture et tabassant longuement leur agresseur s’inscrivent dans « un univers fantasmatique masculin où le pouvoir est sexualisé »[18]. Il n’est en effet pas anodin que les femmes violentes et armées que l’on voit apparaître de plus en plus au cinéma soient assez systématiquement présentées en même temps comme des objets de désir (plastique parfaite, vêtements moulants ou très courts mettant en valeur les formes de l’actrice, postures plutôt érotiques, etc.). C’est sûrement là le signe que cette violence féminine est avant tout un spectacle offert au regard hétérosexuel masculin[19].

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Au passage, un film comme Millenium ne tombe à mon avis jamais dans ce genre d’écueil. Si Lisbeth recourt parfois à la violence physique, elle le fait juste pour se défendre de ses agresseurs, de la manière la plus efficace possible (un coup de taser, un coup de genou dans les couilles, et c’est réglé). Cette violence est donc purement défensive et recherche avant tout l’efficacité (et pas le spectaculaire). C’est pour cette raison qu’elle relève à mon avis pleinement de l’autodéfense féministe (comme c’est aussi le cas dans Sleeping with the Enemy et Someone’s watching me, pour citer deux autres films analysés sur ce site), et non d’un érotisme à destination du public masculin hétéro comme c’est le cas dans Boulevard de la mort.

La fonction principale de cette érotisation est à mon avis de neutraliser le potentiel subversif de ces figures en les réintégrant à un rapport de domination classique des hommes sur les femmes (où ces dernières sont avant tout des objets érotiques pour le regard masculin[20]).

De plus, il faut bien garder à l’esprit que les hommes qui vont au cinéma pour se délecter de ce spectacle d’une violence féminine dirigée contre un homme ont choisi de le faire. Ils jouissent ainsi d’un privilège de dominant, pour qui subir une violence de la part des dominées reste de l’ordre du fantasme auquel on se soumet délicieusement quand on en a envie, et surtout « pour de faux ». Les femmes n’ont pas accès à ce genre de petits plaisirs. Pour elles, la violence est avant tout « pour de vrai », que ce soit en acte ou sous la forme d’un possible qui pèse en permanence sur elles.

Dans la mesure où, dans notre société patriarcale, les hommes ont le monopole quasi-exclusif de la violence (ce dont les femmes sont les premières à pâtir), les films qui représentent la violence masculine à l’égard des femmes comme jouissive ne peuvent donc pas être mis sur le même plan que ceux qui inversent les rôles comme Boulevard de la mort. Le fait que les premiers soient beaucoup plus nombreux que les seconds est déjà un indice de leur fonction sous le patriarcat : banaliser et encourager la violence des hommes envers les femmes, moyen particulièrement efficace de maintenir la suprématie masculine. On peut les voir ainsi rivaliser de misogynie, fantasmant à chaque fois des femmes toutes plus méchantes et/ou insupportables les unes que les autres pour mieux les mater à la force du poing. Killer Joe, Drive, Moi, moche et méchant 2, Le bonheur est dans le pré ou Le Transperceneige (pour ne citer que des films analysés sur ce site) n’offrent que quelques exemples parmi tant d’autres de cette violence rituelle par laquelle les hommes réaffirment en permanence leur domination sur les femmes. Lorsque ces dernières sont face à de tels films, leur situation n’a donc absolument rien à voir avec celle des hommes qui vont se délecter de la violence d’un film comme Boulevard de la mort. Car pour elles, cette violence n’est pas un fantasme auquel elles peuvent décider ou non de s’adonner, mais une réalité qui leur est imposée. A l’inverse, les hommes ont l’opportunité de « se laisser aller aux délices d’une soumission choisie »[21] sans que cela ne remette le moins du monde en cause leur position de pouvoir dans la réalité.

L’art de la tarantinade

Avant de passer à Django, il me semble important de dire quelques mots sur la posture adoptée par le cinéaste. Celle-ci se caractérise à la fois par une ironie, une réflexivité et un jeu sur les citations, dans un mélange que certain-e-s qualifient de « postmoderne »[22]. Comme le remarque Cervulle, c’est cette posture qui fait la marque de l’ « auteur Tarantino » pour la critique cinéphilique type Cahiers du cinéma. Il y a donc quelque chose là-dedans qui plait bien à tous ces hommes blancs bourgeois qui tartinent de leur prose les pages de ces revues prestigieuses. Mais quoi donc ?

Peut-être d’abord l’élitisme qui sous-tend le jeu sur les références qu’affectionne tant le cinéaste. Comme le note Cervulle, cette manière de parsemer ses films de clins d’œil à d’autres films « le situe dans une approche élitiste de la cinéphilie bien loin de la culture populaire qu’il revendique »[23]. En effet, le sentiment de supériorité que peut procurer le fait d’identifier une référence que la masse des spectateurs communs n’a pas saisie est sûrement une grande source de plaisir pour beaucoup de cinéphiles.

Mais c’est peut-être surtout la posture distanciée que ce type de cinéma invite à adopter qui plaît tant à ces érudits qui fuient la politique comme la peste. Avec son jeu sur les références, le postmodernisme tisse un univers où les représentations renvoient avant tout à d’autres représentations, un univers qui aspire à se refermer sur lui-même pour ne plus avoir de rapport direct avec la réalité. On entend d’ailleurs souvent ce genre d’ « arguments » dans la bouche des défenseurs de cinéastes « postmodernes » comme Tarantino : « mais Jackie Brown est un hommage à la blaxploitation et pas un film politique », « mais Boulevard de la mort est un hommage aux films de voiture et au rape and revenge et pas un film politique », « mais Django Unchained est un hommage aux westerns spaghetti et à la blaxploitation et pas un film politique », etc. Or cette manière de renvoyer les représentations à d’autres représentations est un moyen bien commode de ne pas s’interroger sur les représentations en question, une manière parmi d’autres de continuer à produire (pour Tarantino) et à jouir (pour ses fans) de certaines représentations sans s’interroger sur leur sens politique.

Cervulle analyse également la manière dont l’ironie et la réflexivité de Tarantino « lui ont permis de se jouer des critiques qui lui furent adressées et de déjouer les attaques à son encontre »[24]. Un exemple qu’il prend pour illustrer cela est la figurine « Rapist N°1 » à l’effigie du réalisateur. Cette figurine représente le soldat interprété par Tarantino dans Planète Terreur (le film de Robert Rodriguez constituant un diptyque avec Boulevard de la mort), qui tentait de violer l’héroïne avant de se faire transpercer les yeux. Comme l’analyse Cervulle, cette scène du film (et la figurine qui lui correspond) parodient les analyses des féministes qui accusent certaines représentations (et donc certains réalisateurs) de contribuer à la perpétuation des violences masculines sur les femmes. Au lieu de prendre ces critiques au sérieux, Tarantino préfère les tourner en dérision en incarnant un violeur agressant l’une des actrices (dont il met en scène le meurtre violent dans Boulevard de la mort). Par ce geste, c’est comme si le réalisateur riait au nez des critiques féministes en revendiquant (sur un mode réflexif et ironique) son statut de « réalisateur-violeur » (c’est-à-dire de réalisateur complice de l’objectification/oppression des femmes), de ce rire décomplexé de l’homme content de ses privilèges, qui n’a strictement aucune envie de commencer à les mettre un tant soit peu en question.

tarantino18tarantino19« Rapist n°1 »

On retrouve à mon avis ce même mépris dans une des premières scènes de Jackie Brown, où Ordell (Samuel L. Jackson) montre à Louis (Robert De Niro) des publicités dans lesquelles des femmes en maillots de bain vantent les mérites de diverses armes à feu. Tarantino met alors dans la bouche de son personnage une caricature des discours critiquant la glorification de la violence, omniprésente dans un grand nombre de films destinés à un public masculin, dont ceux de Tarantino lui-même : « Tu sais, tu fous ça dans un film, tout le monde en veut un. Sérieux comme un infarctus ! Quand les films de Hong Kong sont sortis, tous les négros voulaient un .45. Et pas un : deux ! Ils se croyaient tous chez John Woo. Ce que les films te disent pas, et qu’ils savent pas, c’est que le .45 s’enraye tout le temps. Moi, je les oriente vers le .9, c’est presque pareil et ça s’enraye presque jamais. Mais tu connais ces cons. Tu peux rien leur dire. Le « Killer » de John Woo a un .45, ils veulent un .45. »[25]. Là encore, le réalisateur tourne en dérision des critiques qui lui furent adressées (à propos de ses films précédents, Reservoir Dogs et Pulp Fiction) pour éviter de s’y confronter sérieusement.

Ce genre de blagues, que je propose d’appeler « tarantinades » pour rendre hommage à l’humour hilarant du réalisateur (mais hilarant pour qui ?), lui permet ainsi de continuer à faire son beurre de représentations politiquement nauséabondes en toisant avec mépris celles ou ceux qui osent émettre une critique à son égard.

Je ferme la parenthèse sur la posture de Tarantino, pour revenir maintenant aux deux films que je me suis proposé d’examiner ici. Après avoir tenté d’esquisser une analyse politique de Boulevard de la mort, je me propose maintenant de montrer en quoi Django Unchained mobilise le même genre de schémas.

Django, le noir au-dessus des noir-e-s

On peut à mon avis facilement faire un parallèle entre la manière par laquelle Tarantino se réapproprie, exploite et dépolitise le féminisme dans Boulevard de la mort et sa posture vis-à-vis  des mouvements noirs  dans Django Unchained. Je ne m’attarderai pas autant sur ce film car une brève a déjà été publié à son sujet sur ce site. Mais je voudrais juste essayer ici de mettre en évidence quelques similitudes avec Boulevard de la mort.

De la même manière que Boulevard de la mort atomise les femmes et ne représente jamais leur émancipation comme un acte collectif[26], Django Unchained atomise les noir-e-s et se concentre sur l’émancipation d’un (seul) noir, qui est en plus posé comme exceptionnel. Comme l’explique Camille Rougier : « L’idée de l’exceptionnalité de Django vient au départ de Candie qui avance la thèse selon laquelle que parmi la masse des « nègres » inférieurs il existerait des exceptions, quelques « nègres » capables de s’élever à un niveau supérieur, « un nègre sur 10000 ». Django reprendra cette idée à la fin lorsqu’il achèvera Stephen, en disant qu’il est « le nègre sur 10000 ». Les noir-e-s ne s’émancipent pas ensemble contre l’oppression qu’illes subissent en tant que groupe. Mais un seul, un être exceptionnel, au-dessus de la masse, se révolte face à cette oppression. La seule possibilité de révolte que le film entrevoit (mais ne montre jamais) est donc celle menée par un leader charismatique, au-dessus de la masse des dominés, et qui est au-dessus d’eux parce qu’il a été en contact avec les dominants (ici Schultz le blanc) qui lui ont permis de s’élever à ce niveau supérieur. A la fin, lorsqu’il repart chercher sa femme et délivre au passage 3 esclaves noirs, l’un d’entre eux le regarde avec admiration et émotion, comme une sorte de messie (avec la musique lyrique qui va avec). Il reconnaît ainsi en lui un être supérieur, et donc un potentiel leader. »

tarantino20tarantino21Django donne des ordres aux noirs inférieurs…

tarantino22tarantino23… qui le regardent avec la larme à l’œil quand il part seul, au galop, sur une musique lyrique

Il est à mon avis important d’insister sur le fait que c’est « parce qu’il a été en contact avec les dominants » que Django est exceptionnel. A départ, Django n’est qu’un noir parmi d’autres. Docteur Schultz arrive et le fait littéralement « sortir du lot ». L’esclave ne joue d’ailleurs qu’un rôle périphérique dans les premières scènes, qui sont centrées autour de la figure de Schultz et permettent ainsi à l’acteur Christoph Waltz d’enchainer les morceaux de bravoure. Au début, le noir n’existe donc quasiment pas dans ce film de blanc (Tarantino) qui tourne autour d’un Blanc (Schultz/Waltz). Et ce ne sera que par l’intermédiaire du blanc que le personnage de Django prendra progressivement de l’ampleur jusqu’à devenir le centre du film dans la deuxième partie.

C’est d’abord en l’éduquant que Schultz permet à Django de devenir quelqu’un dans le film. Ce schéma maître/disciple est non seulement regrettable parce qu’il rend le noir totalement dépendant du blanc dans sa tentative d’émancipation, mais aussi parce qu’il s’appuie ici sur le stéréotype raciste du noir un peu primitif qui a besoin d’apprendre à maîtriser son tempérament naturellement impulsif et sauvage. Schultz apprend à Django à se contrôler, à être patient et à ne pas rentrer direct dans le lard des esclavagistes (comme il le fait au début dans la scène où il retrouve les frères Brittle).

Le film aiguise bien cette opposition entre les deux héros. En effet, le Docteur Schultz ne cesse de différer le moment où il va conclure son action. Il passe son temps à parler, en empruntant à chaque fois mille détours. Face à lui, Django ne parle presque pas. Il est direct et brutal. Cette opposition entre les deux personnages recoupe d’ailleurs assez souvent la distinction raciste qui associe le noir au corps et le blanc à l’esprit. Dans le premier plan où il est libéré par Schultz de ses chaînes, Django dévoile son corps musclé, sur lequel le film s’attarde par un ralenti. S’il s’agit par là de mettre en évidence les cicatrices ornant le dos de Django, la fascination pour la musculature du noir intervient aussi dans ce plan à mon avis, comme plus tard dans les scènes de combats de mandingues. Ainsi, la représentation que donne le film de Django (et des autres noirs) s’ancre souvent dans l’imaginaire collectif blanc qui tend à réduire le noir à son corps. Or, face à cette « force noire », Schultz incarne au contraire l’esprit, la culture et le verbe raffiné.

Django apprendra de Schultz à contrôler sa nature impulsive de noir. La manière par laquelle il abat Stephen dans la dernière scène a beaucoup plus la « Schultz touch » que lorsqu’il tue sauvagement les frères Brittle au début.

tarantino24Django au début en mode sauvage

tarantino25Et à la fin, avec la « Schultz touch »

Certes, Schultz aussi apprendra de Django, puisqu’il finira par mettre sa raison de côté pour suivre ses impulsions  en tuant Candie de manière totalement inattendue (« Désolé, je n’ai pas pu résister »). Si l’on peut donc légitimement considérer que l’enseignement va ici dans les deux sens, il ne faut pas oublier que les deux types de « savoirs » ne sont pas exactement mis au même niveau : le savoir du noir mène le blanc à la mort (certes classe et valorisée par le film, mais mort quand même), alors que le savoir du blanc conduit le noir à la victoire. A quoi s’ajoute évidemment le caractère profondément raciste de cette dichotomie qui associe le noir aux impulsions (c’est-à-dire à la sauvagerie et à l’animalité), et le blanc à la raison (c’est-à-dire à l’humanité et à la civilisation).

Mais ce n’est pas seulement en éduquant Django à la raison et au langage que Schultz lui permet d’exister, c’est aussi en donnant sens et valeur à sa quête. Comme l’a fait remarquer Fanny dans un commentaire[27], il est significatif que ce soit par l’intermédiaire du regard de Schultz le blanc que Django devient exceptionnel. Alors qu’il n’était au début intéressant aux yeux du blanc que dans une perspective purement utilitaire, l’esclave acquiert une nouvelle dimension lorsqu’il lui confie que sa femme se prénomme Broomhilda. Plus tard, au coin du feu, l’érudit docteur racontera à Django la légende de Siegfried allant sauver sa princesse Brünhild, pour ensuite lui proposer de l’aider dans sa quête : « Pour un allemand, rencontrer Siegfried dans la vraie vie ce n’est pas rien. En tant qu’allemand, je suis obligé de t’aider dans ta quête pour sauver ta bien aimée Broomhilda ».

tarantino26tarantino27Tel un père face son fils attentif, Schultz initie Django à la Culture

C’est donc en reformulant la quête de Django l’esclave noir dans les termes d’une légende européenne que le film achève de lui donner sens et valeur. La violence symbolique au cœur de cette opération mérite d’être soulignée, car non seulement le noir est dépossédé d’une culture propre qui pourrait donner sens à son émancipation, mais il est en plus posé comme dépendant du blanc à ce niveau aussi.

Le film fonctionne en cela à mon avis selon la même logique que Boulevard de la mort, dans lequel les femmes n’avaient de valeur que lorsqu’elle embrassait des valeurs et comportements masculins (vengeance, violence physique et grosses bagnoles). De la même manière, le noir n’a ici de valeur que dans la mesure où il est « blanchi » par l’éducation que lui donne Schultz et par la reformulation de sa quête en des termes occidentalo-centrés. De tout-e-s les noir-e-s, seul-e-s Django et Broomhilda sont intéressants du point de vue de Schultz et du film, parce que ce sont les plus proches des blanc-he-s et de leur culture[28]. Les autres noir-e-s sont quant à elleux beaucoup moins dignes d’intérêt, quand ils ne font pas tout simplement partie du décor[29].

Et encore, quand je dis que seul-e-s Django et Broomhilda sont intéressants pour le film, il faut préciser que le premier l’est beaucoup plus que la seconde. Celle-ci est en effet réduite au statut de demoiselle en détresse totalement passive, qui sera finalement sauvée par le héros dans la plus grande tradition sexiste. Tarantino se complait dans cette imagerie en montrant à plusieurs reprises Django s’imaginer l’objet de sa quête au sein des paysages qu’il est en train de traverser.

tarantino28tarantino29Je t’attends mon beau chevalier, prête à m’offrir à toi

Ce n’est pas de son point de vue à elle que nous vivons les violences qui lui sont infligées (elle est violée, fouettée, séquestrée, etc.), mais du point de vue de Django. Comme dans le trope de la « femme dans le réfrigérateur »[30], le sort du personnage féminin n’intéresse pas en lui-même, mais sert juste à approfondir la psychologie du héros masculin (torturé par la souffrance et par le désir de vengeance).

tarantino30La souffrance de la femme…

tarantino31… est avant tout une souffrance pour l’homme

Broomhilda est également instrumentalisée pour magnifier le héros masculin. C’est avec une admiration sans limite qu’elle l’attend et le regarde. Lorsqu’il réapparaît pour venir la sauver, elle est tellement sous le choc qu’elle tombe évanouie. Django est ainsi rendu aussi exceptionnel au détriment de celle qui l’adore, et qui n’existe dans le film qu’en tant que celle qui admire l’homme et se fait sauver par lui. Alors qu’on pouvait en douter dans le cas de Boulevard de la mort, cela ne fait aucun doute ici : Django est avant tout un « film de mecs ».

Broomhilda n’est donc que la femme de Django. De son point de vue, le film se fout éperdument, comme de la spécificité de l’oppression qu’elle subit et de son émancipation en tant que femme noire. Si une émancipation collective des esclaves noirs n’est jamais envisagée par le film, celle d’une émancipation des esclaves noirEs l’est encore moins. Je pense notamment à cette scène où l’on voit deux d’entre elles faire de la balançoire dans un décor idyllique, sans se préoccuper le moins du monde du sort d’une de leur sœur de misère, sur le point de se faire fouetter parce qu’elle a cassé des œufs. Significativement, c’est Django qui sauvera virilement la malheureuse du supplice qu’elle allait subir.

tarantino32tarantino33tarantino34L’homme, ce sauveur

Le corps de l’Autre

Pour revenir à l’analogie entre les deux films, un autre rapprochement qui me semble intéressant de faire entre Boulevard de la mort et Django Unchained concerne la manière dont sont mis en scène les corps des dominé-e-s. Alors qu’il adopte explicitement une posture antisexiste/antiraciste, Tarantino abonde perpétuellement dans le sens de l’imaginaire patriarcal/raciste qui ramène les dominé-e-s à leur corps. Comme je l’ai déjà noté, les filles de la première partie de Boulevard de la mort sont objectifiées en permanence, et ce pour le plaisir du public masculin hétérosexuel. Or on retrouve la même logique dans la manière dont le réalisateur met en scène les esclaves noirs dans Django Unchained. C’est flagrant dans la première scène, qui valorise la musculature dorsale du héros par un ralenti, comme dans la scène du combat de mandingues :

tarantino35tarantino36tarantino37

Contrairement à la scène où un esclave est déchiqueté par des chiens, qui se concentre sur le regard de ceux qui assistent à cette exécution en laissant la violence hors-champ, le passage du combat de mandingues comprend de nombreux plans qui permettent au public d’assister au spectacle organisé par les esclavagistes. Pourquoi Tarantino a-t-il fait le choix d’intégrer ces combats au décor de son film ? Pourquoi a-t-il fait le choix de nous montrer un de ces combats ? Et surtout, pourquoi a-t-il fait le choix de nous le montrer de cette manière, en s’attardant à plusieurs reprises sur les corps noirs musclés en action ? Est-ce que le réalisateur n’est pas là en train de mobiliser le même genre de représentations que celles qui ont servi à légitimer (et servent encore à légitimer) la domination d’une classe d’individus sur une autre ?

On pourrait rétorquer que ce genre de scène a uniquement pour but de mettre les spectateurs/trices devant les horreurs que les blancs ont pu faire subir aux noirs afin de provoquer chez elleux un sentiment de révolte, et les faire désirer la vengeance de Django dans la deuxième partie du film. Déjà, je trouve ce procédé éminemment critiquable dans la mesure où la violence des dominants envers les dominé-e-s sert à justifier le déferlement de violence en sens inverse (des dominé-e-s envers les dominants), et ne fait donc que continuer à fantasmer de la domination au lieu de chercher à en sortir. Mais en plus, on peut se demander pourquoi le réalisateur ne s’est pas contenté alors de laisser cette violence en hors-champ ? Les bruits et les regards des autres personnages auraient suffi produire l’effet recherché, comme c’est le cas dans la scène où l’esclave est déchiqueté par les chiens. Qu’est-ce que cela apporte de plus ? Pour moi, la seule chose que ce genre de mise en scène apporte de plus, c’est la possibilité de jouir du spectacle de cette violence.

Il est intéressant de remarquer au passage que le traitement de la violence infligée aux femmes dans Boulevard de la mort et celle infligée aux noirs dans Django Unchained n’est pas mise en scène exactement de la même façon. Dans la scène où Stuntman Mike massacre les quatre copines de la première partie en leur fonçant dessus à pleine vitesse, Tarantino met en place tout un dispositif qui invite clairement le spectateur à prendre plaisir à cette violence, notamment grâce à la musique. La preuve en est qu’il s’attarde avec délectation sur le sort de chacune des quatre filles en repassant plusieurs fois la scène au ralenti pour qu’on puisse bien profiter du spectacle. On voit ainsi Jungle Julia se faire démembrer, avec un plan de sa jambe rebondissant sur le bitume, Butterfly se faire broyer la tête par une roue, etc. Or les scènes équivalentes de Django Unchained (l’exécution de l’esclave par les chiens et le combat de mandingues) n’invitent pas de manière aussi claire à jouir de la violence infligée aux dominé-e-s. S’il laisse à mon avis cette possibilité dans la seconde, son but affiché semble être plutôt de provoquer le dégoût. Ainsi, si Tarantino ne se permet pas de glamouriser une scène où un esclave noir se fait déchiqueter par des chiens, il ne se prive pas de le faire lorsque des femmes se font démembrer, en repassant la scène 4 fois, sous 4 angles différents, et au ralenti…

Il y aurait sûrement beaucoup d’autres choses à dire sur ces deux films. J’espère seulement avoir commencé à  esquisser un parallèle entre les mécanismes à l’œuvre dans Boulevard de la mort et dans Django Unchained, qui me semblent éminemment problématiques politiquement, pour ne pas dire franchement nauséabonds. Si vous avez d’autres idées à propos de ces films (ou d’autres films de Tarantino), n’hésitez pas à les partager en commentaire…

Paul Rigouste


[1] Qui s’inspire lui-même de critiques et de travaux anglo-saxons.

[2] Nouvelles Questions Féministes, Volume 28, n°1, 2009

[3] Il suffit, pour se rendre compte du sacrilège que représente pour beaucoup le fait de critiquer les films de Tarantino d’un point de vue politique, de jeter un œil à l’avalanche de commentaires indignés et/ou haineux qu’a pu susciter les quelques paragraphes que Camille Rougier a consacré sur ce site à l’analyse politique de Django Unchained lors de sa sortie (d’autant que nous avons déjà supprimé en amont un grand nombre de commentaire ne contenant qu’insultes et mépris).

[4] Ce qui lui permet ainsi de passer le fameux « Bechdel test » (http://en.wikipedia.org/wiki/Bechdel_test)

[5] Cervulle, p. 36

[6] « J’en ai parlé à Quentin à plusieurs reprises, raconte Dawson, parce que cela me posait vraiment problème de laisser cette fille. Je lui ai dit : « Il n’est pas question que je l’abandonne. J’adore cette fille, on est copines ». Quentin a dit non. Je lui ai demandé : « Est-ce que je peux au moins lui lancer les clefs de la voiture ? ». Il m’a répondu : « Non, ce n’est pas comme ça que la scène va se passer » (Dépêche de World Entertainment News, « Rosario Dawson « Upset » with Death Proof Rape Scene », cité par Cervulle, p. 46)

[7] Je mets cet adjectif entre guillemets pour expliciter le fait que la « féminité » dont il est question ici n’est pas une propriété essentielle ou naturelle commune aux femmes (au sens biologique), mais juste un ensemble de normes qui leur sont imposées dans notre société patriarcale, un construit social… qui peut donc être déconstruit.

[8] Cervulle, p. 38

[9] Cervulle, p. 37

[10] Cette montre est d’autant plus importante qu’elle constitue un héritage patriarcal de grande valeur pour Butch, transmis précieusement par des hommes à d’autres hommes, parfois au péril de leur virilité…

[11] Le traitement du personnage de Bridget von Hammersmark (Diane Kruger) dans Inglourious Basterds, qui finit étranglée par le colonel SS Hans Lada (Christoph Waltz) relève peut-être aussi du même mépris (ce qui apparaît peut-être encore mieux quand on compare ce personnage à celui de Soshanna (Mélanie Laurent) dans le même film).

[12] “You wanna get hot? Then suck on this for a while, bitch!”

[13] “Oh, you ‘re gonna wiggle your ass at me, gonna wiggle it at me? / Oh, yeah, gonna bust a nut up in this bitch right now! / Oh, I’m the horniest motherfucker on the road! / Oh, you know I can’t let you go without tapping that ass”

[14] Cervulle, p. 46

[15] Cf. par exemple « Violence contre les femmes », Nouvelles Questions Féministes, Vol. 32, n°1 (2013), p. 5 ou Patrizia Romito, Un silence de mortes : La violence masculine occultée (2006), p. 34-44

[16] En particulier lorsqu’ils sont commis par l’élite blanche et bourgeoise. Cf. par exemple « Les viols en justice : une (in)justice de classe ? » de Véronique Le Goaziou, dans Nouvelles Questions Féministes, Vol. 32, n°1 (2013), p. 16-28.

[17] Les Tomb Raider, Catwoman, Sucker Punch, Charlie’s Angels, Resident Evil, Underwolrd, etc.

[18] Cervulle, p. 38

[19] Je ne dis pas là qu’il n’existe aucune autre lecture possible de ce genre de films ni aucun plaisir pris par d’autres publics que le public masculin hétérosexuel. Mais ce dernier est à mon avis le premier public visé par ces productions, et constitue effectivement la grande majorité du public qui va voir et apprécie ces spectacles de violence féminine.

[21] Cervulle, p. 39

[22] Cervulle, p. 47

[23] Cervulle, p. 47

[24] Cervulle, p. 43

[25] “But let me tell you though, man. You put this bad boy in a flick, every motherfucker out there want  one. l’m serious as a heart attack. When them Hong Kong flicks came out, every nigger had to have a .45. They ain’t want one, they want two, ’cause they want to be  »the killer ». But what them flicks don’t tell you and what they don’t know is that a .45. got a serious fucking jamming problem. Now l try to steer my customers toward a 9mm ’cause it ‘s near the same weapon and it ain’t got half the jamming problems. But you know how them niggers is out there. You can’t tell them shit. They want a .45. The killer had a .45. They want a .45”

[26] Il s’avère par là beaucoup moins intéressant que plusieurs « blaxploitation westerns », auxquels il tente pourtant de rendre hommage. Cf. http://www.slate.fr/story/67111/blaxploitation-williamson-tarantino-django-unchained

[28] L’autre personnage noir à se distinguer dans le film est Stephen, qui est lui aussi « blanchi », mais du côté obscur de la force…

[29] Il n’est peut-être pas anodin que Tarantino ait pu susciter l’hostilité de certain-e-s specteurs/trices noir-e-s lors d’une projection de son film. Cf.  http://www.etatdexception.net/?p=3173 et http://www.theroot.com/views/django-unchained-postracial-epic?page=0,1

Autres articles en lien :

80 réponses à Deathproof (2007) & Django Unchained (2012) : Tarantino, ou le Boulevard du mépris

  1. Bonsoir,
    article intéressant mais je voudrais m’attarder un peu sur Django que j’ai le plus en tête.
    J’ai l’impression que ce qui a beaucoup énervé le public (noir et ceux qui connaissent un peu le systême esclavagiste de l’époque) devant ce film a été que Tarantino a clamé un partout a quel point son film reflétait la réalité de l’époque alors qu’il ne fait que perpétuer les clichés racistes déjà vu dans presque tout les westerns sur le sujet. (Je suis en train de lire « Femmes, race et classe » d’Angela Davis dont les 1ers chapitres sont consacrés à la période esclavagiste des Etats-Unis, qui montrent une toute autre réalité que celle dépeinte au cinéma)
    C’est en effet un film de blancs puisque le seul élément positif est de railler les esclavagistes du sud qui sont d’habitude montrés comme des gens cultivés, avec un sens de l’honneur et des manières (cf. Autant en emporte le vent).

    Sur le personnage de Django taciturne, à la présence physique impressionnante ça c’est davantage un cliché de western(cf. Clint Eastwood). Un héros ça ne parle pas ça agit et il est souvent accompagné d’un side-kick bavard se chargeant de l’aspect comique (Eli Wallach dans le bon, la brute et le truand, Rod Steiger dans Il était une fois la révolution, tous 2 des personnages de mexicains)

    Sur les autres films de Tarantino, je pense qu’on pourrait rapprocher les Kill Bill de l’analyse de Boulevard de la mort: une femme se venge après sa mort dans des effets gores à souhait. Elle se venge de son mentor/amant qui est d’ailleurs humanisé à la fin malgré les actes horribles qu’ il a commis. Elle ne semble éprouver aucune solidarité envers d’autres femmes victimes (cf. une prostituée défigurée par son proxénète dans le 2ème film). Ses adversaires les plus dangereux sont des femmes (Lucy Liu, Daryl Hannah, Vivica Fox) en dehors de Bill.

    Enfin, je dois avouer que j’ai trouvé Django quand même très bien foutu malgré ses défauts d’ordre politique.

  2. Autre chose qui m’avait choqué sur Django c’est la chasse aux primes.
    Schultz fait une comparaison entre chasser des hors-la-loi et l’esclavage, « le commerce des corps » comme il dit je crois. Quand il propose à Django de l’accompagner celui-ci à l’enthousiasmer à l’idée d’être payer pour tuer des blancs (ce qui continue l’idée de revanche des dominés sur les dominants). Ensuite la manière dont est filmée cette activité ressemble à une exécution, une vraie chasse en fait. Les gens sont abattus sans sommations, parfois de loin (le fermier qui laboure son champ avec son fils).
    Nous avons donc 2 activités qui sont comparées l’une mauvaise (l’esclavage) l’autre acceptable et même fun. Django a bien une hésitation à un moment mais sous les conseils de Schultz, il se ravise et exécute sa cible. La suite lui donnera raison puisque c’est grâce à l’avis de recherche qu’il arrivera à se libérer à la fin. Jamais il ne met en cause l’idée des primes et il n’a aucun dilemne moral.

  3. « N’étant pas une femme, je ne suis pas le mieux placé pour comprendre exactement la nature du plaisir que peuvent prendre ces dernières à la vision de ces films, donc je m’arrêterais là pour les conjectures hasardeuses. » : les femmes ne sont pas une espèce à part. Elles peuvent elles aussi prendre plaisir à l’idée de se venger de leur agresseur. Pas très féministe de s’en étonner…

    • Je ne me suis à aucun moment « étonné » du fait que certaines femmes puissent prendre plaisir à ce genre de film, contrairement à ce que vous insinuez. Je ne fais que rappeler que je parle d’un point de vue particulier (un point de vue masculin), point de vue qui n’est pas universel. Mon seul souci ici était de ne pas parler à la place des féministes (ou d’autres femmes qui prennent plaisir à ce genre de film).

      Après, si les femmes ne sont pas « une espèce à part », leur point de vue est néanmoins très susceptible d’être différent de celui des hommes sur un bon nombre de point à mon avis, du fait que nous vivons dans une société patriarcale, qui socialise très différemment filles et garçons, et organise la domination d’une classe sur une autre (les hommes sur les femmes). En ce sens, un homme pourra faire tout ce qu’il veut, il ne pourra jamais savoir ce que c’est que d’être une femme sous le patriarcat, il ne pourra jamais en faire l’expérience. C’est en ce sens que certaines féministes soutiennent que les femmes possèdent un « privilège épistémologique » (expression de Nancy Hartsock), en ce qu’ « elles sont les seules à connaître de l’intérieur l’oppression subie » (cf. Christine Delphy : http://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2013/03/19/preface-de-christine-delphy-au-livre-de-john-stoltenberg-refuser-detre-un-homme-pour-en-finir-avec-la-virilite/). C’était dans cet esprit que je prenais des pincettes en n’allant pas prétendre savoir ce qu’éprouve les femmes/féministes devant de tels films. Parce que les seules qui sont légitimées à parler de cette perception, ce sont ces femmes/féministes elles-mêmes. Peut-être que ma formulation était maladroite. Est-ce que vous voyez mieux ce que je veux dire maintenant ? (si non, n’hésitez pas à expliciter votre critique, en essayant d’être le moins allusif possible, et de préférer la volonté de se faire comprendre aux trois petits points, certes très efficaces rhétoriquement, mais pas très constructifs ;-)).

      • Et celà dit moi aussi cet aspect m’a gêné dans ton article. A un moment, tu en viens presque à sous-tendre que « la vengance et la violence » en réponse au viol sont des prérogatives « culturellement » ou « socialement masculines ». Mais c’est bien le problème ! Le risque qu’on court à faire ce genre de raccourci (comme très souvent sur les problématiques de « genre », à savoir ce qui est ou non « genré ») c’est de consacrer ces catégories dans une nouvelle forme insidueuse d’essentialisme. Je me doute bien que ce n’est pas ce que tu penses ou souhaite faire. Mais le fait est que tu es un homme. Donc sous-entendre qu’il est problématique de représenter la violence et la vengeance de femmes violées PARCE QUE ce serait une idée « masculine » est vaseuse. Précisément parce que tu es un homme et que c’est écrit sous ta plume. Je devine que ce que tu penses en réalité, c’est que c’est la misogynie de Tarantino (qui est la haine des femmes, et non seulement le mépris) qui rend ses représentations culturelles problématiques, mais dans ta phrase ce n’est pas dit tel quel. A la rigueur, j’oserai presque dire que le seul aspect « subversif » qui peut demeurer dans le style « rape and revenge » (bien que ça dépend du film et du réalisateur ou de la réalisatrice), c’est justement de ne pas consacrer la codification genrée du type « féminisation de la passivité » et « masculinisation de la violence ». Il est juste de dire que chez tarantino, ce sont (pour employer d’autres termes) des projections machistes de figures viriles au travers de femmes : mais cette question est à creuser parce que dit comme ça, ça ne suffit pas. Parce que le problème « fondamental », c’est le monopole de la violence des hommes (appropriation des armes et des outils qui permet l’appropriation du corps des femmes – voir Paola Tabet) et non pas (seulement) la violence comme prérogative ou « catégorie masculine ». De la même manière que l’Etat représente le monopole de la violence de manière plus « générale », et idem entre bourgeois et prolétaires, idem pour le racisme, ainsi, comme on le sait, que toutes ces oppressions et dominations se recoupent. Néanmoins le reste de l’article est très intéressant. Moi qui plus jeune aimait beaucoup Tarantino, je le regarde de manière beaucoup plus critique. Il y aurait aussi le même genre d’analyses à faire sur le cinéma de Rodriguez, mais qui pour la peine (bien que lui aussi très machiste) plus intéressant politiquement. Il n’y a qu’à voir le foin et le tôllé que Machete a provoqué dans la presse républicaine, conservatrice et démocrate qui accusait le film d’être un « pamphlet communiste » et « immigrationniste ». Même si bon… il est évident que son cinéma est aussi très viriliste et très machiste (dommage). Le plus « drôle », c’est que cet aspect là (pourtant fort critiquable) : les bobos-machos français ne le relèvent même pas, préférant critiquer le seul aspect « commercial » et « machine à fric » de ses films (pour le côté post moderne et « explotéïcheun »). Comme si ce n’était pas le cas de l’essentiel des grosses prods et blockbusters habituellement critiqués. Mais dans quel monde vivent ces gens ? De mémoire les critiques de Première et Télérama (c’est pour dire). Bref. Je m’arrête là.

        • P.S : Pour Machete, je fais biensur allusion à la presse américaine. Je n’ai plus les noms des sites ou journaux en tête. J’avais glané les critiques sur internet. Même si évidemment la presse ou les médias américains « mainstream » ne sont pas franchement un baromètre de radicalité. De mémoire je ne sais plus si c’est Fox News ou un canard américain qui avait qualifié « Avatar » -tenez vous bien- « d’apologie de l’éco-terrorisme » (ah ah…). Mais enfin, pour certains de ces gens, même Hollywood est aux mains des « communistes, athées, sataniques et mamoniques » ou quelque chose comme ça. 😉 Mieux vaut sans doutes en rire.

          • Juste pour rebondir sur ce commentaire, j’ai été assez étonnée aussi de cette façon de caractériser le « rape & revenge » comme exclusivement masculin. Mais ce qui m’a carrément fait tiquer, c’est la comparaison entre les filles « masculines » et les filles « féminines ». Surtout venant d’un site comme le votre, je trouve ça assez dérangeant de caractériser les personnages de cette façon, voire assez nauséabond. Quels sont donc les détails qui vous permettent de ranger telle ou telle personnage dans la catégorie « masculine » et d’autres dans la catégorie « féminine »?

          • J’entends seulement par là « filles socialement perçues dans notre société patriarcale comme « masculines » » et « filles socialement perçues dans notre société patriarcale comme « féminines » ». Je ne fais aucune allusion à une quelconque « essence de la féminité ou de la masculinité », si c’est cela qui vous inquiète. D’où mon usage des guillemets (si je les ai d’ailleurs oublié à un endroit, n’hésitez pas à me le signaler, je les rajouterai).

            (J’avais d’ailleurs déjà précisé ce point dans la note 7 : « Je mets cet adjectif entre guillemets pour expliciter le fait que la « féminité » dont il est question ici n’est pas une propriété essentielle ou naturelle commune aux femmes (au sens biologique), mais juste un ensemble de normes qui leur sont imposées dans notre société patriarcale, un construit social… qui peut donc être déconstruit. »)

  4. Bonjour,
    Excellent.
    Je rêve d’une traduction en anglais de votre texte pour le faire lire à mes amis non-francophones. Cela est-il prévu ?

    • Bonjour,
      Merci pour votre compliment. Et non nous n’avons pas l’habitude de traduire nos articles en anglais, mais vous pouvez le faire si vous voulez, n’hésitez pas :-). Après, je pense qu’il doit exister en anglais beaucoup plus de choses de ce genre qu’il en existe en français, car cela fait longtemps que l’analyse politique des films est reconnue comme légitime dans les pays anglo-saxons (beaucoup plus qu’en France en tout cas). Je n’en ai pas trouvé beaucoup personnellement, car je ne suis pas très fort pour trouver des choses sur le web ou ailleurs, mais si vous cherchez peut-être que vous trouverez des analyses qui pourront intéresser vos amis.

  5. Excellent article, vraiment. Juste, je rejoins en partie le commentaire de Bigre, si j’ai bien compris ce qu’il/elle a voulu dire. Vous avez beaucoup répondu sur vos précautions pour ne pas se substituer à la parole des femmes et je trouve ça cool vu le peu qui font cet effort, mais pas du tout sur l’autre question que je trouve plutôt intéressante. On vit effectivement dans une société où les hommes ont le monopole de la violence (physique, politique, symbolique) et s’en servent collectivement pour maintenir une oppression, mais certains passages ici semblent presque essentialiser la violence comme masculine. Avoir des fantasmes de violence, aimer cela, ou désirer se venger en étant une femme, est-ce forcément être sous influence masculine, ou s’approprier des traits étrangers à son genre? Qu’on soit moins conditionnées à la violence, que notre force physique soit censurée et empêchée de se développer via l’éducation et divers conditionnements, ok, mais que justement la réaction à cette infériorisation ne puisse pas passer par de la violence, de la vengeance agressive, à moins d’être biaisée par l’objectification masculine d’un réalisateur, où à moins d’avoir soi-même intériorisé un fonctionnement « typiquement » masculin, je sais pas honnêtement.

    • Merci beaucoup pour votre commentaire, qui me permet de préciser un point sur lequel je n’ai visiblement pas été assez clair. En effet, je suis totalement d’accord avec ce que vous dites, et mon intention n’était en aucun cas d’essentialiser la violence comme masculine. C’était le sens du passage où je supposais que les féministes pouvaient aimer ce genre de films car ils mettent en scène une réappropriation de cette prérogative masculine qu’est la violence (au sein de notre société patriarcale). Je trouve personnellement cette réappropriation très positive, justement parce qu’elle est une réappropriation de quelque chose qui a été confisqué afin d’asseoir une domination, comme vous le dites très bien*.

      Après, pour ce qui est des « raisons » pour lesquels certaines femmes peuvent jouir de la violence (réappropriation émancipatrice ou aliénation aux valeurs masculines dominantes), j’imagine qu’il y a toujours un peu les deux à la fois. Mais ce n’est pas comme ça que j’ai envie de me poser le problème personnellement. Parce que cela peut revenir à juger les femmes réelles, leurs désirs/comportements, et ça je n’ai aucune légitimité à le faire (surtout en tant que mec). Les femmes font ce qu’elles veulent et ce qu’elles peuvent à partir de leur situation dominée, et ce n’est pas moi qui vais les juger, en leur disant par exemple qu’elles sont aliénées parce qu’elles ne font qu’embrasser des valeurs masculines dominantes sous le patriarcat.

      Par contre, je me dis qu’il est possible de réfléchir aux représentations qui nous sont massivement imposées (et avec lesquelles, encore une fois, les femmes réelles font ce qu’elles veulent). Et dans ces représentations, je trouve que les valeurs associées au masculin (dont la violence et la vengeance) dans notre société sont plus valorisées que celles associées au féminin. La preuve est qu’on voit beaucoup plus des films mettant en scènes des femmes qui s’émancipent en ayant des comportements/désirs traditionnellement masculins que l’inverse. Et ça par contre ça me semble questionnable.

      Si on prend conscience que toutes ces valeurs et comportements sont sociaux, appris, construits, produits de l’éducation, la question est donc pour moi : quelles valeurs et quels comportements on choisit de valoriser dans les représentations, dans l’éducation, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes. Par exemple, je vois bien l’intérêt qu’il y a à produire des représentations qui encouragent les femmes à aller dans l’armée si elles ont envie, à devenir des patronnes du CAC 40, à être violentes, etc. parce que cela peut leur permettre de se réapproprier des privilèges masculins qui leur sont refusés dans notre société. Mais après ça correspond pas non plus franchement à un monde qui me plait (domination, exploitation, violence, concurrence, hiérarchie, etc.). J’ai l’impression que le féminisme (enfin le féminisme que j’aime bien) ne consiste pas à dire « les femmes doivent faire comme les mecs », mais consiste aussi et surtout à s’interroger sur la masculinité, qui est elle aussi une construction, et à la critiquer. Vous voyez ce que je veux dire ?

      * Et juste pour préciser sur la question de la violence. Il me semble que l’on peut distinguer deux types de violence, pour dépasser l’alternative un peu stérile entre « la violence c’est cool » et « la violence c’est pas bien » : je pense qu’on peut distinguer l’autodéfense féministe de la violence qu’on pourrait qualifier de « dominatrice ». Pour moi, il faut distinguer la violence des dominé-e-s qui se défendent contre une oppression, de la violence des dominants qui exercent une oppression. En « violant » Stuntman Mike en retour et en jouissant de cette violence, j’ai l’impression que les filles de BDM ne font pas que se défendre contre une oppression, mais jouissent à exercer la domination qu’elle ne veulent pas subir. Ce qui me semble différent d’une attitude comme celle de l’héroïne de Someone is watching me, de celle de Sleeping with the Enemy, ou encore de Katniss dans les Hunger Games, qui se réapproprient la violence, mais pas pour exercer une domination à son tour, juste pour lutter contre la domination.

      • Mince, tu as presque répondu essentiellement aux deux commentaires que je viens de poster. Je n’avais pas vu l’intervention de nina (pas lu tous les commentaires). Mea culpa pour vous deux. Bémol : il n’y a pas que l’autodéfense (féministe ou autre) qui soit une violence « non-dominatrice ». Pardon pour le gros mot, mais c’est une vision un peu libérale. Toutes les formes de révoltes sont des « contre-violences » (à l’exception biensur de reproduction de schémas de domination). Même dans l’attaque il y a parfois, souvent même, de la violence libératrice. 😉 Cette fois je m’arrête vraiment.

    • Sur ce cas de la violence des femmes, j’ai l’impression qu’elles ne sont valorisées que parce qu’elles s’attribuent des comportements masculins. Les femmes restant « féminines » étant moquées, dévalorisées.
      On peut donc s’interroger si la seule façon d’être respectée pour un personnage féminin, est de se comporter comme un personnage masculin et mépriser les « femmes féminines ».
      C’est un peu ce que dit Anita Sarkeesian dans la video ci dessous sur le personnage de Mattie Ross dans True Grit (western de 2011 des Frères Coen).
      http://www.youtube.com/watch?v=MbiP3wxImAY

  6. Bonjour,

    Merci pour cet article dont je n’ai lu pour l’instant que la partie sur « Boulevard de la mort ».

    Le cinéma et l’auteur Tarantino me semblent en effets emblématiques de cette complicité objective entre le créateur et ses critiques. Le postmodernisme des représentations flatte le sens social de la distinction cinéphilique des critiques dominants (souvent masculins mais pas que …) lesquels érigent en retour à peu de frais des labels de subversion / transgression à des monuments de conservatisme social faussement mâtinés des signes d’une certaine avant-garde cinématographique (cf. dans un autre genre, bien que ralentie récemment, la canonisation du gourou new âge Malick)
    Qu’on adoube ce genre d’imposture en France n’est pas très étonnant où la culture (surtout « populaire ») se trouve depuis 30 ans ennoblie et légitimée au prix d’une dépolitisation de ses enjeux.

    Du point de vue de l’érotisation (masculine) des corps féminin, je suis tout-à-fait d’accord dans le cas de « Boulevard de la mort », on barbote dans la complaisance et le racolage. Ce qui selon moi, n’est pas le cas de Gravity et de son personnage féminin que vous semblez aussi inscrire dans ce schéma : au fond, le corps épuisé qui s’y déshabille dans ce film peut-êre « érotisé » presque de fait, mais jamais, me semble-t-il, celui-ci n’est utilisé intentionnellement à ces fins pour flatter le regard (un corps d’astronaute étant soumis à de très sévères condtions physiques il n’est pas étonnant de retrouver un corps normé à ces fins).

    Bonne continuation le site !

    Jacques

  7.  » Or les scènes équivalentes de Django Unchained (l’exécution de l’esclave par les chiens et le combat de mandingues) n’invitent pas de manière aussi claire à jouir de la violence infligée aux dominé-e-s. S’il laisse à mon avis cette possibilité dans la seconde, son but affiché semble être plutôt de provoquer le dégoût.  »
    Si son but affiché est de provoquer le dégoût, pourquoi s’attarde-t-on autant sur les corps comme vous l’avez rappelé quelques lignes plus haut?
    Érotiser combat d’hommes à moitié nus, est-ce là vraiment une démarche normale pour un réalisateur qui vise à provoquer le désir hétérosexuel masculin? N’est-ce pas tout simplement du fan service en direction d’un public féminin ou masculin homosexuel?
    Il me semblerait cohérent de voir dans cette scène une façon de manger à tous les râteliers, et d’optimiser le succès du film, en y mettant du sexy pour tous les goûts.
    Et ce n’est pas la seule scène dans ce sens, selon moi. A qui veut-on plaire lorsque l’on montre Django tout nu et tout musclé attaché par les pieds, menacé d’émasculation, sinon à un public féminin ou gay?
    Je vois donc plutôt le côté érotique de ce film comme « efficace », qui cherche à taper partout où ça marche, et pas seulement à exciter un public hétéro masculin.

    • Je ne crois pas avoir dit que le réalisateur visait dans ces scènes « le désir hétérosexuel masculin ». Peut-être que je me suis mal exprimé (ou alors je ne comprends pas ce que vous voulez dire peut-être). Personnellement, je pense qu’il ne s’agit pas tant ici d’ « exciter » ou de « susciter le désir » d’un quelconque public, mais plutôt de fasciner par le spectacle du corps noir, en faisant fond sur une très longue tradition raciste qui réduit les Noirs à leur corps (puissant). Ainsi, je pense que s’il y a un public visé ici, c’est avant tout un public blanc (quel que soit son « sexe » ou son orientation sexuelle). Après peut-être que sont visés aussi d’autres publics, comme vous en faites l’hypothèse, je ne sais pas, peut-être. Mais il me semble que le destinataire de ces scènes est avant tout le spectateur blanc.

  8. j’aurais plutôt interprété le combat d’hommes nus comme un retour du refoulé homosexuel à destination des spectateurs mâles hétérosexuels. Contenu homo-érotique flagrant dans les sports médiatisés (foot, rugby, boxe…) que les processus de socialisation des garçons posent à la fois comme interdit (« on n’est pas des pédés, on n’est pas des femmelettes ») et horizon de désir (« restons entre mecs, dans un film de mecs »).

    • Effectivement, il y a peut-être de cela. Mais comme je le répondais à Babar John juste au-dessus, il me semble que l’élément le plus fondamental ici est qu’on a affaire à des corps de Noirs puissants offert en spectacle avant tout au public blanc.

      En effet, il me semble que la configuration est un peu différente que dans un film comme 300 de Zack Snyder par exemple, où on a clairement une érotisation des corps masculins pour le public masculin en priorité (donc de l’homo-érotisme). Or dans 300, tous les combats consistent à opposer le corps viril et musclé des hommes blancs hétéro cis contre tous les « Autres » (de par leur « race », leur sexualité, leur genre, etc. cf. http://ta.hautetfort.com/archive/2008/01/04/300-the-number-of-revenge.html). Et ce combat contre l’altérité est glorifié et sublimé sans aucune ambiguïté. Dans Django, il me semble qu’on est pas exactement dans le même type de dispositif, puisque le combat n’est pas celui des blancs contre les « Autres », mais un combat des « autres » entre eux pour le plaisir du public blanc (dans le film et dans la salle).

      Tout ça pour dire que s’il y a une dimension homoérotique dans ces scènes comme vous le soutenez, il y a aussi et surtout du racisme à mon avis. Et cette dimension raciste me semble beaucoup plus structurante ici. Enfin il me semble en tout cas. Vous seriez d’accord avec moi?

      • En ce qui me concerne, je ne cherche pas à faire de la rhétorique, mais après avoir relu attentivement l’article je rajouterai à ce que disait élodie (et que je trouve très juste).

        Je ne comprend pas pourquoi tu hiérarchises l’aspect homophobe/homoérotique avec le racisme, puis que comme le note élodie, ce sont les deux aspects qui font sens ensemble. L’homophobie est « structurante » à la fois dans le sexisme (en conservant la vulnérabilité et la passivité des femmes comme privilège au bénéfice des hommes blancs) et du racisme à travers l’érotisation permanente des corps de personnes racisées (femmes ET hommes). Et ces différents aspects se « structurent » mutuellement. L’érotisation permanente des hommes non-blancs (parfois, comme avec Django, dans un délire de soumission) est quelque chose de très flagrant aussi bien dans la culture que dans la vie quotidienne. Regarde un peu autour de toi si tu as l’occasion comment même la plupart des femmes blanches ont très souvent moins de gène à hyper-sexualiser (et donc objectifier) un homme non-blanc dans la conversation (il faut relire Angela Davis sur la question). C’est une critique que j’ai déjà émise dans d’autres commentaires et sur d’autres articles, et encore une fois je ne cherche pas à faire dans la « rhétorique de la remontrance » mais je trouve que les articles manquent souvent (un peu) « d’intersectionalité » ou d’exhaustivité en ne se focalisant que sur un aspect de l’oppression ou de la domination représentée à l’écran en minimisant ou occultant les autres aspects. Or, ces derniers ne sont pas « subsumés » dedans (ou « dessous ») mais font corps et sens avec le reste de « l’architecture de la domination ». En vrac : la domination de classe, la violence d’Etat (par exemple dans les représentations positives que se donne l’administration ou la violence policière dans les films), etc, et qui sont souvent moins bien analysés. Je pense que ce n’est pas parce qu’un aspect est plus visible dans un film (visible pour qui ?) qu’il est nécessairement plus « structurant » (mais qu’est-ce qu’une structure ? J’avoue que je préfère l’idée de système qui est plus « souple » à celui de structure – souvent d’inspiration structuraliste à la sauce Althusser par exemple, et dont l’utilisation à souvent tendance à confiner à l’inflation).

        Je disais que j’aimais bien les films de Tarantino étant plus jeune, mais je vais en rajouter une couche en disant que je pense que son cinéma s’est nettement appauvri et vautré dans des clichés racistes et sexistes qui étaient peut être plus « dormant » ou sous-jacents dans ses premiers films (et qui se sont renforcés à mesure que Tarantino rejette les critiques dans une espèce de narcissisme orgiaque : genre « je fais ce que je veux, et je vous emmerde »). D’ailleurs tu notes à juste titre qu’il incarne cette figure de violeur dans « Planet Terror », mais sans préciser que ce rôle lui est offert par Rodriguez (qui est un ami à lui), et qu’il est aussi tué très vite après sa tentative sur une des actrices, ce qui du même coups désamorce par la parodie absurde cette mise en scène glauque (qui conserve néanmoins sa charge oppressive, qui n’est désamorcée que symboliquement). C’est intéressant que tu le notes parce que c’est que j’ai trouvé le plus choquant dans ce film (« Planet Terror »). Ce qui est dommage parce que d’autres aspects sont intéressants. Par exemple tu notera que pour la peine Rose Macgowan, bien qu’étant elle aussi hypersexualisée (ce qui est sexiste) est assez clairement féminine, comme la plupart des personnages de Rodriguez, même violents (comme la plupart des rôles de femmes) : même si il rejoint sous certains aspects la critique que tu fais de Tarantino. J’oserai avancer que ses représentations sont souvent moins misogynes, ou que celles de Tarantino sont souvent vraiment à gerber. Je dirai que de manière globale, Tarantino a fait une croix sur tout ce qui pouvait être subversif dans ses films depuis déjà quelques années (la vue de Django m’a été pénible, celle de Boulevard de la mort tout bonnement insupportable : je ne l’ai même pas regardé jusqu’à la fin), et que Rodriguez prend un malin plaisir de gâcher ce potentiel (malgré quelques bonnes sorties dans ses films). Et qu’ils le font tout les deux en parodiant à l’infini des genres cinématographiques qui ont pourtant plus que démontré un certain potentiel à ce niveau. Je veux dire par là qu’en regardant ces films, je les vois plus comme du gâchis post-moderne et libéral que comme une volonté délibérée de faire un cinéma lisse et vendable en défense de l’oppression (même si au final, c’est exactement ce qui en résulte). D’ailleurs, comme je le notais dans un autre article pour Lars Von Trier (producteur du film « La Chasse », il me semble), ces auteurs se vivent comme « marginaux » et « subversifs » dans le cinéma, alors qu’ils n’en sont qu’un versant parodique, ou du moins le sont clairement devenus.

        Là encore, je pense qu’une analyse de classe permet de comprendre en quoi ces auteurs sont particuliers et jouent un rôle dans une espèce de « gentrification » cinématographique. Dans la mesure où on parle d’auteurs qui ont été au moins à un moment considérés comme appartenant à un « sous-genre », sont tous plus ou moins auto-didacte, avec une mentalité de « classe moyenne émancipée »… et qui ont travaillé à gâcher tout potentiel réellement subversif dans leurs films en participant à un processus de valorisation de genres ou d’éléments sous-culturels ou contre-culturels en les vidant de leur contenu. Au niveau culturel et « artistique » d’ailleurs, cette fonction de valorisation (rendre vendable, en gros) d’éléments « contestataires » en les transformant en simple spectacle et divertissement représente je pense un mécanisme de base dans la pacification de l’expression cinématographique, aussi bien de la poésie, de l’écriture, de la musique, etc. On en a un exemple flagrant ces dernières décénnies avec le punk ou e rap, comme jadis le Jazz (qui est vraiment devenu un genre sur-consommé par la petite bourgeoisie branchée : sans que ça annule l’intérêt du genre). Même si après je pense qu’il n’y a pas de « culture intrinsèquement subversive ». C’est à dire que tant qu’on vit dans un monde sexiste et raciste d’une part, et dans le capitalisme d’autre part : toute représentation sous- ou contre-culturelle est vouée à être « récupérée », transformée en spectacle et en divertissement à travers le processus de valorisation. Je pense que c’est vrai à plus forte raison pour les films que tu analyses ici avec de nombreuses critiques très pertinentes.

        Enfin voilà. Quelques pistes à creuser sans doutes.

        • Merci beaucoup pour toutes ces idées. Je ne réponds pour l’instant que sur le premier point, car je n’ai pas beaucoup de temps et c’est celui qui m’intéresse le plus (même si les autres m’intéressent aussi beaucoup :-)).

          Effectivement, ma manière d’analyser les différents rapports de domination a sûrement trop tendance à les hiérarchiser, ou du moins à se focaliser trop exclusivement sur certains. Je suis complètement d’accord sur la pertinence de l’intersectionnalité dans l’analyse des rapports de domination. Surtout que comme tu le fais remarquer au passage, dire qu’une domination est plus visible ou « structurante » dans un film représente sûrement une sorte de double violence vis-à-vis des dominé-e-s dont on relègue la domination au « second plan », en la considérant (d’un point de vue de dominant) comme moins importante, ou « structurante ». Donc merci beaucoup pour cette remarque, je ferai plus attention à ce niveau dorénavant.

          Après je ne suis pas sûr de comprendre exactement ce que tu veux dire sur les rapports de domination qui traverse cette scène de Django Unchained. Et je ne comprends pas bien pourquoi tu dis que « l’homophobie est « structurante » à la fois dans le sexisme (en conservant la vulnérabilité et la passivité des femmes comme privilège au bénéfice des hommes blancs) et du racisme à travers l’érotisation permanente des corps de personnes racisées (femmes ET hommes) ». Je ne comprends pas cette deuxième partie de ta phrase. Pourrais-tu expliciter ?

          Ce que je voulais dire (maladroitement) quand je répondais à élodie que le racisme était l’élément le plus structurant dans cette scène, c’était qu’il me semblait impossible de faire abstraction de la dimension raciale si l’on voulait analyser ce passage. Parce que je croyais qu’élodie y voyait avant tout de l’homoérotisme, sans que la question de la « race » ait d’importance. C’est pour ça que je comparais ça à 300 de Zack Snyder, parce qu’il me semble que si homoérotisme il y a probablement dans les deux cas, ce n’est peut-être pas le même homoérotisme. Qu’est-ce que tu en penses ?

          Sans trop y avoir réfléchi (donc peut-être que je vais être complètement à côté de la plaque), il me semble qu’il y a une différence entre l’homo-érotisme qui met en scène des Blancs musclés pour des spectateurs masculins blancs et l’homo-érotisme qui met en scènes des Noirs musclés pour des spectateurs masculins blancs. Peut-être que cette différence est un peu analogue à la différence entre l’érotisation des femmes à destination des hommes et l’érotisation des hommes à destination des hommes : alors que les premières sont érotisées en étant objectifiées, les seconds sont érotisés en étant héroïsés et « subjectivés ». Peut-être que c’est un peu la même chose qui différencie par exemple 300 de Django : dans le film de Tarantino, les corps noirs seraient plus érotisés en objectifiés (en tant que corps « autres »), alors que les corps blancs de 300 seraient plus érotisés en étant « subjectifiés » (des corps sur lesquels les hommes fantasmeraient comme des espèces d’idéaux virils). Je sais pas si c’est clair ( ?), et encore moins si c’est pertinent :-)… Cette question est probablement très complexe de toute façon. Qu’est-ce que tu en penses ?

        • Coucou Osti,

          Je trouve ça super intéressant ce que vous dites sur l’intersectionalité, et je suis globalement d’accord dans l’absolu.
          Par contre, je trouve que stratégiquement c’est assez délicat, parce que j’ai l’impression qu’il existe tout de même certaines oppressions qui sont hiérarchisées de fait, c’est à dire au niveau de l’attention qu’on leur porte de manière générale.
          Par exemple j’ai l’impression que le racisme (pas si sur pour l’arabophobie et l’islamophobie, qui se recoupe souvent d’ailleurs) est plus « visible » et « problématisé » que le sexisme dans notre société. Alors c’est un constat avec lequel on peut ne pas du tout être d’accord, et je me base un peu sur le fait que lorsque l’on parle aux gens et qu’on compare le sexisme au racisme, tout de suite ça a beaucoup plus de chance de faire tilt dans leur tête, car j’ai l’impression que le travail de fond est plus avancée sur le racisme que sur le sexisme, et que les gens comprennent ce que veut dire « raciser » quelqu’un-e, là où la même chose me parait moins évidente avec le sexisme.
          Tout ce que je veux dire par là, c’est que si on fait ce constat il me parait quand même assez pertinent d’appuyer là où ça fait mal, ou en tout cas là où on pense que ça va faire mal, tout en précisant que l’on ne prétend pas à l’exhaustivité.
          Après, je dis ça, mais ptet que ce que vous voulez dire c’est que c’est précisément en appuyant sur l’intersectionalité que l’on peut aider les gens à voir les ponts entre les oppressions, et que du coup c’est ça qui est le plus stratégique? Plutôt que « hiérarchiser » les oppressions en se focalisant sur juste tel ou tel aspect dans nos articles?
          La seule chose qui m’embête avec ça, c’est que j’ai peur que les personnes qui n’ont pas envie de se focaliser sur telle ou telle oppression parce que ça les arrange bien, vont du coup pouvoir faire des « lectures aménagées » des articles, comme pour les films.
          Je pense par exemple au spécisme, qui est une oppression qui a quasi-zéro visibilité, et qui pourra facilement être mis de côté à la lecture d’un article « exhaustif » plutôt qu’à la lecture d’un article qui se focalise dessus (et bien sûr qui montre en quoi les mécanismes du spécisme s’apparentent fortement aux mécanismes du racisme et du sexisme, ce qui je pense est essentiel à la démonstration lorsque l’on parle de spécisme).
          Le spécisme est je pense un exemple assez intéressant, car j’ai des ami-e-s qui sont anti-spécistes et qui se focalisent quasi-uniquement sur ce combat-là, alors même qu’illes sont anti-racistes, anti-sexistes (voire féministes aussi), anti-capitalistes etc. tout simplement car illes font l’analyse (qui je pense est pertinente) que cette oppression-là est quasi-totalement invisibilisé aujourd’hui en France, et que c’est donc là où leurs énergies sont les mieux utilisées.
          Je ne sais pas si vous voyiez ce que je veux dire? Pour être plus explicite, je postule qu’il existe de fait une hiérarchisation des oppressions. Et je pense que je postule ça parce qu’en mon expérience personnelle, c’est ce que j’avais tendance à faire, c’est à dire me dire « ouais mais en fait le sexisme c’est juste pas du tout aussi important que l’oppression économique », ce qui bien entendu m’arrangeait bien. Et ce n’est que après plusieurs années d’écoute et de conversations poussées et douloureuses et fabuleuses (et qui continuent encore aujourd’hui) avec des copines féministes, que j’ai pu me rendre compte de mon énormité. Et que sans cette « agression » là, j’en serais encore aujourd’hui à me dire les mêmes choses, et à aller à des meeting de gauche en me disant « oui bon certes le sexisme existe, mais en fait c’est subsumé sous l’oppression capitaliste », ce qui, encore une fois, aurait été une stratégie de dominant qui fait exprès de ne pas voir la domination qu’il exerce, et qui se focalise de manière stratégique sur les dominations qu’il subit.
          J’ai l’impression du coup que quelque part et de manière assez paradoxale, en mon expérience ce sont les personnes qui ont hiérarchisé leur approche aux oppressions qui m’ont permis de comprendre que les oppressions n’ont pas à être hiérarchisées, et que je n’ai pas à faire l’économie d’une critique envers mes comportements de dominant. Autrement dit, ce n’est que grâce à des gens qui avaient fait une analyse qu’il y avait un combat qui les intéressait un peu plus que d’autres, qu’il y avait une oppression qui vraiment les mettait hors d’elleux, que j’ai pu comprendre le truc, et comprendre en quoi les oppressions en soi ne sont pas hiérarchisées, mais notre approche aux oppressions l’est parfois, et que cela n’est pas nécessairement une mauvaise chose.
          Bien entendu, je ne suis pas en train de dire qu’il faut que tout le monde reste dans son coin à lutter sur leurs luttes, je pense juste qu’il est ptet stratégique parfois de dire « hé oh toi là, viens par là et regarde ÇA ET PAS AUTRE CHOSE PARCE QUE ÇA YEN A MARRE ».
          Je pense que le féminisme est ptet un des meilleurs endroits où commencer, car l’analyse féministe matérialiste du pouvoir et comment celui-ci se comporte et se manifeste est peut-être une des plus complètes et approfondis qu’on a vu pour l’instant.

          Bon je sais pas si j’ai été clair, comme d’hab j’ai été trop long et j’en suis désolé.
          Je voudrais dire aussi que je ne suis absolument pas sur de moi lorsque je dis tout ça, ce sont des hypothèses émises car je trouve les questions intéressantes, et je n’y avais jamais vraiment réfléchi.
          Et je vous remercie donc infiniment de les avoir posé ces questions! 🙂

          • Coucou. Pour répondre en vrac vite fait (promis je répond plus longuement bientôt) je pense qu’en politique, la stratégie c’est l’art de temporiser et/ou de hiérarchiser les problématiques. C’est par exemple une problématique très centrale chez les marxistes : en découle toutes les théories sur les étapes, la ligne de « l’ennemi principal » (le capitalisme) opposé aux féministes pour traiter la question du patriarcat ou sexisme comme « contradiction interne à la société de classes », « politique identitaire », « particularisme » ou « front catégoriel » (et ainsi de suite pour toutes les oppressions ou dominations qui n’étaient pas « la domination de classe » mais lui seraient (ou étaient) donc subsumés dans le capitalisme, ou « problème périphérique ». Tout ces types de raisonnement provienne d’une pensée très influencée par ce l’idéal démocratique dans ce qu’il peut avoir de pire : c’est à dire conçu comme « tyrannie de la majorité ». Où en gros, ce qui prime, c’est le nombre.

            Or, aujourd’hui, on rencontre un autre écueil, qui est en apparences « inverse » (mais en apparence seulement), qui consiste (à travers les analyses les plus post-modernes) à prétendre soit par exemple que les classes sociales n’existent plus, ou qu’elles ne sont plus le fait d’un antagonisme, soit que toutes les dominations et oppressions se valent.

            Or voilà, je pense que la question de l’intersectionalité traité avec un regard certes matérialiste, mais pas forcément déterministe ni mécaniste, permet d’appréhender cette problématique sans se leurrer. C’est à dire que chacun et chacune entrevoit et lutte avec ses propres moyens et selon ses propres inclinaisons contre ce qui l’atteint le plus directement.

            Je vais prendre un exemple : évidemment, le spécisme n’est pas « prioritaire » pour moi, parce que je suis pas hétérosexuel, pauvre (disons plutôt prol), exclus et marginal. Donc cette condition qui est la mienne m’occupe plus prioritairement. Pour autant, je suis aussi dans une (ou des) position(s) de domination sociale, c’est à dire que vu que je suis un homme cis blanc, les oppressions sexistes, racistes, transphobes et spécistes ne vont pas me toucher directement et je vais avoir tendance à les ignorer : pire, je vais les reproduire tout en ignorant (plus ou moins volontairement) leur dimension oppressive. A moins donc, que je choisisse consciemment de les déconstruire et de les critiquer. Mais je ne le fais pas pour moi : je le fais pour les autres, en critiquant et renonçant à mes privilèges. Mais en outre, je ne le fais pas par la grâce divine de Notre-Dame de l’Interséctionalité (compréhension post-moderne, telle qu’elle existe parfois dans certains mouvements « Queers » – malheureusement), mais bien plutôt en me basant à la fois sur les luttes et révoltes existantes des opprimé-e-s, ou d’individus contre l’oppression (pour le cas du spécisme par exemple), et des théories qu’ils et elles produisent sur leur propre vécu d’opprimé-e-s contre ces oppressions. Voilà mon point de vue sur la question.

            En fait, je pense qu’on ne peut simplement pas d’autant plus lorsqu’on est un « homme cis blanc » (même « vachement déconstruit ») parler de manière exhaustive de ces problèmes là. On peut tenter d’amorcer un début de réflexion et refuser d’invisibiliser ces questions. Mais ça reste modeste. Parce que précisément, l’ultime majorité des hommes (encore une fois par exemple) n’ont pas la connaissance empirique nécessaire pour parler pleinement du problème. C’est à dire celle qui se base sur l’expérience directement vécu. De ce point de vue, chaque opprimé possède une connaissance épistémologique de l’oppression qu’il est le ou la seul-e à détenir. Ce qui ne veut pas dire qu’il ou elle possède la vérité absolue sur tout, ni que l’argument de la « position située » vaut contre toute forme de contradiction, mais qu’il faut en tenir compte.
            Moins sans doutes dans le débat politique ou idéologique d’ailleurs que dans nos propres raisonnements et cheminements concernant les oppressions que nous ne vivons pas. C’est à dire d’éviter de trop théoriser sur des sujets que nous ne pouvons pas maitriser complètement, puisqu’ils nous manquent l’essentiel : à savoir donc, l’expérience du vécu de l’oppression. Et conséquemment la praxis de la lutte ou de la révolte directes contre cette oppression.

            La question des animaux me semble encore différente dans la mesure où la plupart ne peuvent pas beaucoup se défendre et que nous ne pouvons pas réellement communiquer avec eux : c’est donc plus une question d’éthique politique, de questionnement sur la nature et de refus de l’humanisme bourgeois ou traditionnel comme anthropocentrisme qui conçoit la nature et les animaux comme moyens, et non comme fins en soi. C’est à dire que la raison d’être de la nature n’est pas d’être un réservoir et une poubelle pour l’humanité. Et sans doutes les animaux vivent pour eux-mêmes et leurs relations inter-spécistes les regardent. On a pas forcément besoin de les domestiquer, de les exploiter ou de les chasser. Bon, ça vire dans la grosse digression, mais même si je pense que c’est important aussi, et pleinement lié aux autres systèmes d’oppressions.

            Pour revenir sur la question de la stratégie, concrètement, je pense que ça n’indique pas grand chose sur le pertinence de telle ou telle analyse, ou même sur la nécessité subjective pour telle ou tel individu-e de se focaliser sur une problématique ou une autre. Je pense qu’il faut tenter d’inclure les différentes problématiques tout en essayant de garder une pensée générale, une sorte de principe commun qui nous permet d’appréhender toutes ces réalités. Quasi-systématiquement par exemple, à travers toutes ces oppressions on retrouve l’appropriation, la déshumanisation, la réification ou d’autres formes de fétichisme, etc. Et ça pourrait être intéressant de creuser des pistes sur une théorie générale de la domination, mais je pense que ça ne peut être qu’une oeuvre inachevée et permanente. Qu’en gros, on doit se focaliser sur les mécanismes qu’on retrouve dans ces diverses réalités oppressives tout en s’interrogeant sur la « spécificité » de chaque oppression (et donc « à quoi » ou plutôt qui elle sert).

            Voilà. Je pense qu’encore une fois ce type de réflexion ne peut rester que modeste : considérons qu’on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a, en tentant de tout faire pour ne pas se substituer à la parole des concerné-e-s.

            C’est un exercice périlleux. Mais je lis ce site avec attention parce que je trouve qu’il s’en sort globalement plutôt bien, ou en tout cas que ses contributeurs/trices sont plutôt inclusi-ves/fs et à l’écoute dans leur manière d’échanger (même si c’est jamais parfait). Du moins j’ai l’impression que de gros efforts sont fait en ce sens, et c’est plutôt rare pour un site qui ne traite pas directement de « politique », et qui est disons plutôt à priori un site de « critique sociale et culturelle » sur le cinéma, en gros.

            Pour te répondre Paul, juste à propos de l’érotisation, je faisais référence à quelque chose que j’ai lu chez Angela Davis, mais que je retranscrivais de mémoire (du coup c’était aussi un « auto-conseil » quand j’écrivais qu’il faut la relire ;-)). En gros, si je me souviens bien, elle explique que les hommes comme les femmes noires (ou disons non-blancHEs) subissent une forme d’érotisation particulière, différencielle, produite du racisme. C’est à dire que ducoup les hommes non-blancs sont souvent vus (au travers de stéréotypes racistes) comme plus facilement disponibles sexuellement, comme « plus ouvert sexuellement », ou comme plus « sexy », avec une sexualité « exubérante », ou « exotique », bref : je m’arrête là je pense que tu vois le tableau. C’est à dire que l’érotisation des personnes racisé-e-s dans la culture possède souvent une dimension particulière, qui est celle de l’exotisation des corps. On pourrait citer l’exemple de Joséphine Baker pour prendre un exemple qui date. Je pense que c’est assez parlant bien qu’un peu caricatural. Dans le sens où sans doutes, le processus est souvent plus invisibilisé aujourd’hui du fait de son caractère grotesquement fétichiste : encore que chez Tarantino donc, ça va quand même loin dans le « délire ». Mais ducoup aussi, les hommes érotisés et éxotisés à l’écran du fait de leur « non-blancheur » perdent une dimension sérieuse de leur « virilité » et de leur subjectivité masculine en étant réduits à l’état de simple objets de désir dans l’oeil du spectateur (ou de la spectatrice d’ailleurs) : ce qui n’est donc pas la cas des acteurs blancs à priori (de mémoire dans Django). Ce pourquoi je sous-entend que ça renforce ou se recoupe avec des dynamiques à la fois sexistes et homophobes.

            Concernant l’homophobie, je vais développer pour être plus précis. Je dirai que l’homo-érotisme souvent très présent à l’écran bien que peu visible pour les profanes, est -chez les hommes- souvent à la fois synonyme d’homophobie, dans une dynamique de camaraderie virile et de solidarité masculine hétérosexiste typique (« on est entre hommes, on s’aiment comme on est, mais quand même on est pas des pédés »), ou bien dans une dynamique homophobe, et raciste-exotisante, plus proche de la dynamique d’objectification sexiste du corps des femmes : c’est pour les rabaisser et les marquer comme inférieurs que certains hommes sont érotisés. Ce qui nous renvoie aussi à ce que Andrea Dworkin décrit comme la fonction même de l’homophobie : préserver les hommes en tant que caste sexuellement inviolables (en théorie biensur) parce qu’impénétrables, et donc les femmes comme être inférieurs, dont la fonction politique est d’être pénétrée (c’est du Dworkin dans le texte : je sais ça peut paraitre un peu « choquant », mais c’est ce qu’elle dit, et dans le développement c’est assez pertinent). Et donc bien évidemment, il y a des fantasmes racistes d’homo-érotisme projetés sur des hommes considérés comme inférieur à l’homme de référence : l’homme blanc.

            Bon soyons clair-e-s, tout ça mis bout à bout peut sembler un peu capilo-tracté, et je ne dis pas que c’est ce que pense Tarantino (encore que pour certains trucs misogynes ou homophobes, ce serait pas non plus terriblement étonnant) mais qu’inconsciemment, toutes ces choses font sens ensemble.

          • Coucou Osti,

            Merci de m’avoir répondu aussi longuement.

            Malheureusement je dois avouer ne pas bien vous comprendre à plusieurs reprises, surtout vos trois premiers paragraphes.
            Du coup je ne répondrais pas dessus vu que j’ai peur des faire des contresens sur des formulations ou des termes que je ne comprends pas.
            Je sais pas si c’est juste moi qui comprends pas ou si c’est possible que le vocabulaire et les formulations soient trop complexes et/ou « savants » pour le commun des mortels :-), mais du coup si ça vous est possible lorsque vous vous adressez à moi d’essayer de ne pas trop utiliser des termes compliqués que vous n’expliquez pas trop, ça serait sympa.
            Après, moi je dis ça, je suis conscient qu’il doit y avoir des termes que j’utilise de façon impensé qui ne sont surement pas très intelligible pour plein de gens, donc je ne jète pas la pierre :-).

            « Mais je ne le fais pas pour moi : je le fais pour les autres, en critiquant et renonçant à mes privilèges. Mais en outre, je ne le fais pas par la grâce divine de Notre-Dame de l’Interséctionalité (compréhension post-moderne, telle qu’elle existe parfois dans certains mouvements « Queers » – malheureusement), mais bien plutôt en me basant à la fois sur les luttes et révoltes existantes des opprimé-e-s, ou d’individus contre l’oppression (pour le cas du spécisme par exemple), et des théories qu’ils et elles produisent sur leur propre vécu d’opprimé-e-s contre ces oppressions. Voilà mon point de vue sur la question. »

            Je ne suis pas d’accord avec la première phrase, mais je suis d’accord avec le reste.
            Je m’explique. J’ai surtout réfléchi à tout ça dans les soutiens pro-féministes que je peux apporter aux féministes dans leurs luttes. Et force est de constater que je ne fais pas ça par altruisme, je ne fais pas ça pour les autres. Je fais ça pour moi, parce que j’y trouve des intérêts.
            J’y trouve la possibilité d’élargir mon panel de comportements « admissible », d’essayer de travailler par moment une hexis corporelle différente (être maniéré, « efféminé »), de me « travestir », de me débarrasser de blocages émotionnels lié à une construction patriarcale et hétéro, d’ouvrir sur la possibilité de pouvoir vivre des relations égalitaires avec les femmes, de créer des relations sociales qui me plaisent avec des personnes que j’apprécie etc.
            Tout ça ce sont des choses qui me font plaisir, qui répondent à une demande individuelle de ma part. Et je pense qu’il est important d’être lucide là-dessus, en tout cas pour moi, parce qu’en tant que mec je suis valorisé dans tout ce que je fais, y compris (et ptet surtout) le pro-féminisme, et on cherche souvent à faire de toi le mec le plus fabuleux du monde (car tellement altruiste, tellement engagé etc).
            Fabuleux mes fesses. Je ne vois vraiment pas en quoi je fais ça « pour les autres ». Je fais ça parce que je vois des intérêts à me débarrasser de mes privilèges, de mes constructions.
            La raison pour laquelle il est à mon avis important de ne pas se leurrer, c’est parce que si on se leurre, j’ai l’impression qu’on peut facilement commencer à s’identifier à la lutte qu’on accompagne, qu’on aide, en pensant que cette lutte nous appartient au même titre qu’elle appartient aux personnes dominées, et qui comme vous le dites très bien (et comme l’ont dit de très nombreuses féministes), ont une connaissance épistémologique indépassable de l’oppression en question. Ou alors encore pire, qu’on aurait une place particulière dans la lutte, en tant que mec trop sympa qui vient prêter main forte à ses pauvres femmes alors que c’est contre ses intérêts.
            J’ai l’impression, en tout cas pour moi, que se garder du fantasme de l’altruisme est assez important lorsque l’on veut essayer de ne jamais oublier sa position de dominant, sa construction d’oppresseur, et donc ne jamais se sentir trop « à l’aise » dans ces luttes, et garder la position et la place que je pense il est important de garder, à savoir une personne qui est là pour aider si il y a besoin d’aide, et pas plus. De toute façon, si le gars est là, tu peux être sur qu’il y trouve des intérêts. Il vient pas avec sa croix et sa bannière en se fouettant.
            Je dis ça surtout parce que dès que je me sens « à l’aise », dès que j’arrête de réfléchir à toutes ces choses, je peux être quasi-sur que c’est à ces moments-là que je vais me comporter le plus facilement en dominant. Et ça s’est vérifié au niveau des critiques que j’ai pu recevoir, elles sont coextensives aux moments où je me suis « oublié », où j’étais dans l’euphorie, où je me sentais à l’aise, confortable.
            Je pense qu’il est important que je garde ça en tête pour ne pas commencer à me dire « ouais moi je suis là pour les mêmes raisons que les autres, j’ai autant de légitimité qu’elleux », car ce n’est pas le cas.
            Je ne dis pas, bien sûr, que je ne suis pas horripilé par la suprématie masculine et par l’oppression que j’exerce, car c’est le cas. Et je veux aider à y mettre fin AUSSI parce que ça ne me plait pas du tout d’écraser les autres. Donc ça fait parti des motivations et des raisons pour lesquelles je m’associe à cette lutte-là, mais seulement parti, et non pas LA raison.

            Bon tout ça étant dit, je suis entièrement d’accord avec le reste de votre paragraphe, et l’une des choses la plus fabuleuse à mon avis avec le féminisme matérialiste et les réflexions sur le racisme et les réflexions sur l’homophobie etc., c’est précisément qu’elles vont extrêmement loin (et elles ont absolument raison) dans la remise en cause du point de vue du dominant, et me permette de me rendre compte que mon point de vue est situé, et qui plus est n’est pas la bonne si je veux remettre en cause les oppressions que j’exerce et qui sont exercé tout autour de moi.
            Bien entendu, je parle d’un point de vue personnel là, évidemment leur porté politique est infiniment plus important et riche.

            « En fait, je pense qu’on ne peut simplement pas d’autant plus lorsqu’on est un « homme cis blanc » (même « vachement déconstruit ») parler de manière exhaustive de ces problèmes là. On peut tenter d’amorcer un début de réflexion et refuser d’invisibiliser ces questions. Mais ça reste modeste. »

            Également, je suis entièrement d’accord avec ça. Il se peut qu’il arrive sur le site que je donne l’impression de pouvoir parler exhaustivement sur une question, et c’est un tort.
            J’en suis tout bonnement incapable, je suis seulement capable d’écouter les vécus des personnes dominées et de lire leurs textes et d’intégrer tout ça dans la remise en cause de mes comportements de dominant. Ma connaissance de l’oppression ne sera jamais autre chose qu’une connaissance d’oppresseur, précisément, et aura je pense TOUJOURS moins de valeur politique (si elle en a du tout, ce que je doute très fort, même lorsqu’on cherche à remettre en cause son statut de dominant) que le vécu et la connaissance de la personne dominée.
            Donc oui je suis entièrement d’accord qu’il faut toujours rester modeste face à ça. Ne jamais oublier son point de vue, qui forcément est situé.
            Après, ça veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir des trucs intéressants, par exemple les écrits de Léo Thiers-Vidal, qui écrivait surtout sur les hommes et les stratégies des dominants, tout en essayant de se baser le maximum possible sur les écrits féministes matérialistes (je crois que Christine Delphy était sa directrice de thèse). Mais je pense qu’il aurait été le premier à être d’accord qu’il faut rester modeste face à tout ça.

            Pour le spécisme, je suis assez d’accord avec vous, au sens où la lutte contre le spécisme me semble être une des seules luttes qui a priori doit être mené par des personnes qui refusent d’exercer cette domination, plutôt que par les individu-e-s qui vivent cette oppression, et ce pour les raisons des différences entres les humains et les autres espèces, ainsi que les différences entre les autres espèces.

          • Bon enfait j’ai répondu super longuement.

  9. @ Paul Rigouste
    Bien sûr je partage votre analyse concernant le primat de la posture raciste. Je répondais en fait @Babar John sur son intervention sans reprendre l’ensemble de votre postulat. Comme vous soulignez l’assignation de l’homme noir par l’homme blanc à l’état de corps, il m’a semblé que la jouissance du spectacle se doublait d’une délégation des pulsions homos -une sorte d’horreur vertueuse dont le spectateur mâle blanc se sortirait sans une tache…
    (je reconnais que beaucoup d’interprétations sont possibles)

    • PS : je viens découvrir l’existence (et l’utilité) du bouton ‘répondre’. Merci pour votre développement ; j’ignorais l’existence de cette revue (et du film proposé en analyse)

  10. Concernant Boulevard de la Mort (je n’ai que parcouru votre chronique sur Django mais je crois que nous ne sommes pas du tout d’accord dessus ^^) il y a un point sur lequel j’aimerais revenir. Je suis globalement d’accord avec vous (comme quoi :D) mais concernant la scène du futur viol de Lee par le vendeur de voitures vous vous fourvoyez un peu. Certes la perspective d’un viol se profile et la scène est dérangeante. Mais lorsque vous dites « Tarantino refuse en plus catégoriquement d’écouter ces dernières lorsque celles-ci (les actrices)expriment leur point de vue », vous oubliez que la suggestion mentionnée est avant tout nulle.

    Franchement, au lieu de dire « tiens on te laisse toute seule te faire violer » elle propose de dire « tiens on te laisse toute seule te faire violer, et en plus on t’a donné un moyen illusoire de te défendre donc si tu te fais violer c’est vraiment de ta faute ». Honnêtement, Tarantino a bien fait de ne pas écouter la suggestion de son actrice pour le coup ; même si je le défendrai pas sur la scène qu’il a tournée.

    Ensuite, faites attention s’il vous plaît lorsque vous parlez de « fantasmes typiquement masculins » concernant la violence et son érotisation. J’ai des amies qui vous contrediraient avec joie ^^ (et plus sérieusement en ce qui concerne les fantasmes genrés, je les ai en horreur. Quitte à parler politique, j’aimerais bien qu’on arrête d’attribuer des fantasmes donnés à des genres donnés c’est franchement désagréable et injuste pour certaines parties de la population…).

    • Sur la scène de la copine échangée contre une voiture, je ne comprends pas trop où vous voulez en venir. Pour moi, cette scène aurait pu être beaucoup moins horrible si Tarantino avait ne serait-ce qu’envisagé de creuser la suggestion de Rosario Dawson. Les filles auraient pu par exemple convenir d’un plan ensemble, et rester dans le coin pour s’assurer que leur copine a bien réussi à prendre la fuite en voiture. Ou je ne sais quoi d’autre. N’importe quoi qui aurait pu mettre en scène un minimum de solidarité féminine. Certes ça n’aurait pas été la scène la plus féministe de l’histoire du cinéma, mais ça aurait été moins pire que ce qui se passe dans le scénario inventé par Tarantino.

      Et je suppose aussi que Rosario Dawson n’était peut-être pas en position de force lors du tournage pour discuter du scénario avec Tarantino. On peut imaginer qu’elle a essayé de faire ce qu’elle pouvait à sa place d’actrice parmi d’autres face au réalisateur prestigieux et chef du projet qu’est Tarantino. Et vu la réaction de ce dernier à cette micro-suggestion, je vois mal comment elle aurait pu essayer d’imposer plus. Après peut-être que je me fais des idées, mais je me dis qu’il y a quand même de fortes chances que le rapport de force ne soit pas à l’avantage de l’actrice lors d’un tournage comme celui-ci.

      Par contre, pour ce qui est de l’expression « fantasme typiquement masculin », c’était effectivement peut-être maladroit de ma part, parce que pas assez clair. Je ne sous-entends pas par là qu’il y aurait des fantasmes qui appartiendraient « par nature » ou « par essence » aux hommes, et qu’il n’existerait pas de femmes qui auraient ce genre de fantasmes (ou que celles qui les auraient seraient des « erreurs de la nature », ou je ne sais quoi). Je ne veux pas non plus sous-entendre que les femmes n’auraient pas le droit d’avoir ce genre de fantasme. Je voulais juste dire que la socialisation différenciée des garçons et des filles dans notre société patriarcale tend à susciter ce genre de fantasme plus chez ceux qui sont socialisés comme « hommes » que chez celles qui sont socialisées comme « femme », c’est tout. Il me semble assez parlant que les films érotisant la violence féminine soient avant tout destinés aux hommes hétéros.

      C’est en ce sens là que je pense qu’il y a des « fantasmes genrés » comme vous dites, juste dans le sens où notre société tend à imposer des fantasmes différents aux « hommes » et aux « femmes ». Nier cela me semble revenir à nier l’existence du patriarcat et de son influence dans la construction des identités et des désirs des individus (qui se fait malheureusement selon le principe d’une différenciation entre les « sexes »). Est-ce que vous voyez ce que je veux dire ? (peut-être n’ai-je pas compris votre objection aussi, dites-moi si c’est le cas).

      • Rosario Dawson n’était sans doute pas en position de force lors du tournage, ça c’est évident. Le film est celui du réalisateur et c’est lui qui décide de ce qu’il veut mettre dans le film (enfin pas toujours mais c’est le cas pour Tarantino ^^).

        La différence entre les solutions que vous proposez et celle qui a été retenue par Tarantino est à mon avis la suivante : dans la solution retenue, on peut se dire que soit les filles n’ont pas trop conscience que leur copine va se faire violer (ça ne les excuse pas, mais ça permet de les comprendre : elle font une grosse connerie sans en avoir conscience, point barre), dans celles que vous proposez elles mettent délibérément en danger leur amie (l’excuse du « elles n’avaient pas conscience de ce qu’elles faisaient » ne tient plus). Et vu la situation dans tous les cas l’amie a de fortes chances de prendre cher.
        Donc personnellement j’aime encore mieux la solution retenue par Tarantino que celles qui vous viennent à l’esprit, même si je concède que ce n’est pas le meilleur moment du film loin de là.

        Concernant la question de fantasmes et de genres il me semble que vous zappez la distinction entre « les fantasmes que la société tend à imposer » et les « fantasmes effectivement ressentis ». Vous pensez aux seconds mais vos écrits laissent croire que vous parlez des premiers. Certes la société tend à nous dire qu’il n’est pas bien de se faire cravacher par une femme lorsqu’on est un homme, mais est-ce pour ça que moins d’hommes on ce fantasme ? J’en doute fort (c’est juste qu’ils s’en vantent moins à mon avis).

        • Coucou le bon euk,

          Qu’est-ce qui vous fait dire qu’on peut, à part grosse interprétation bienveillante, se dire dans le film qu’elles font juste « une grosse connerie sans s’en rendre compte »?

          J’ai vu la scène quelques fois, et je ne vois vraiment pas comment vous pouvez dire ça.
          Pour ma part il me semble assez clair que la scène joue sur la « blague » de « elle va se faire violer et ses copines l’on « vendu » pour aller se marrer en bagnole » et c’est censé être « drôle » ou du moins « cool ».

          Dans l’alternative que proposait Rosario Dawson, nous y verrions des filles qui se jouent d’un type pour pouvoir lui piquer sa bagnole, ou du moins aller se balader avec, en mettant leur copine au courant et en lui permettant de se casser. Je dirais pas que ça aurait été du Christine Delphy appliqué, mais ça aurait certainement été un peu moins complètement craignos que la scène que nous propose Tarantino.
          Surtout que je pense qu’il est possible (soyons clair, j’en sais rien bien entendu) que Rosario Dawson proposait ça plus pour illustrer le parti-pris bien laid de Tarantino dans cette scène, et amorcer un début de discussion sur comment la scène pourrait se passer différemment et comment ça pourrait la rendre moins glauque, plutôt qu’une proposition écrite, construite etc.
          Mais bon, Tarantino apparemment a fait le choix de ne même pas avoir la discussion, et nous avons eu droit à une belle scène super « drôle » et qui écarte clairement toute notion de solidarité féminine.

          Après sur la question des fantasmes, je ne doute pas que plein d’hommes et plein de femmes ont des fantasmes qui ne correspondent pas du tout à celle que la société veut nous imposer, et qu’il puisse y avoir des angoisses et des souffrances par rapport à ça, cela me parait même limite évident.

          Mais le problème c’est que ces fantasmes-là n’ont aucune visibilité et donc aucune forme de légitimité, et doivent se vivre et se construire dans la « clandestinité » sociale, si elles sont vécues, car je pense qu’elles sont souvent censurées, soit par la personne, soit par des pressions sociales.
          Egalement, moi-même ayant des fantasmes qui tendent à renverser certaines rapports de domination, je ne peux m’empêcher de comprendre que pas mal de mes fantasmes ne font juste que ça, RENVERSER un rapport de domination.
          Donc même si certains fantasmes peuvent être subversives, je trouve que quand même souvent ces fantasmes se construisent tout de même PAR RAPPORT à une domination qui existe. Qu’un fantasme érotise le rapport de domination telle qu’elle existe ou érotise un renversement de ce rapport de domination, toujours est-il que c’est le rapport de domination qui est érotisé.
          Je pense qu’il est assez difficile (pas impossible hein, mais difficile), au sein d’une société qui est structuré par des rapports de domination de classes (diverses et variés), et qui tend à produire des sexualités qui sont très fortement influencés par ces dominations, de réellement vivre une sexualité qui n’est pas quelque part touché par tout ça.
          Après, je dis tout ça, ce n’est absolument pas pour porter un regard moralisateur ou culpabilisant sur les fantasmes que peuvent avoir les gens. Encore une fois, la seule condition possible que je pense pertinente en matière de sexualité (partagée), c’est deux (ou plus) adultes consentants. A partir de là, je pense qu’il n’y a strictement rien à moraliser ou culpabiliser sur ce que les gens veulent faire au pieu (ou ailleurs, bien entendu).
          C’est simplement pour essayer d’expliquer en quoi je pense que ça ne sera qu’une fois que l’on aurait éliminé le caractère structurant des rapports de dominations de classes au sein de notre société, que l’on pourra s’attendre à vivre une sexualité qui n’est pas touché par ces mêmes rapports de domination.

          Donc je ne nie en rien ce que vous dites sur les fantasmes, mais je pense qu’il est important de les remettre dans leur contexte, et se souvenir que juste parce-que des fantasmes et désirs subversifs existent, cela ne peut que remettre en cause le pouvoir et comment celui-ci est structuré qu’à partir du moment où ces fantasmes et ces désirs s’organisent, se politisent, et forcent et imposent leur visibilité et leur légitimité.
          « Le privé est politique », encore une fois j’ai vraiment l’impression que j’ai jamais rien entendu d’aussi génial, d’aussi vrai et d’aussi profondément subversif.

          • Bonsoir Liam,

            Déjà dissipons tout éventuel malentendu : je ne défends pas cette scène particulière du film :-).

            Il faut certes un peu d’imagination pour dire que « les filles font une connerie sans s’en rendre compte », mais disons qu’elles peuvent penser (probablement à tort) que leur amie aimerait ça (c’est assez stupide mais bon…).
            Alors que si on montre qu’elles ont conscience que leur amie peut se faire violer et qu’elles mettent au point un stratagème pour rouler le type, on est quand même dans la situation « on sait qu’on t’expose à un risque de te faire violer et ce pour pouvoir essayer une super voiture alors que toi les bagnoles tu t’en fous ». C’est égoïste, irresponsable et dangereux. A tout prendre je préfère encore la version de Tarantino, même si c’est loin d’être le meilleur moment du film (que j’ai aimé soit dit en passant 🙂 ).

            Concernant mon coté un peu chatouilleux concernant les fantasmes peu représentés, ce n’est pas directement contre les gens qui fréquentent ce site. Mais disons que j’ai récemment appris qu’une amie à moi avait arrêté de fréquenter des gens « normaux » (ie : hétérosexuels, vanille, etc) et j’ai déjà entendu quelques témoignage similaires. Je l’ai interprété comme un signal d’alarme un peu dérangeant je dois dire (mais je la comprends assez je dois dire).

  11. Monsieur, je sais que l’argument « t’as qu’à faire mieux » est désuet. Néanmoins, je me demande ce qui peut encore trouver grâce à vos yeux.
    Votre démarche n’est pas bonne. On ne peut pas changer le monde en décriant chacun de ses aspects. Cela rend le tout ridicule et cela réduit totalement l’impact de vos articles, et rend invisible tout ce que vous pouvez avancer de sensé. Il ne suffit pas être du bon côté de l’idéologie, car un gentil inefficace est aussi dangereux qu’un méchant.
    Ensuite, vous critiquez tout, soit. Néanmoins le cinéma, comme toutes les formes d’expression (livres, BDs, musique …) ne peut pas refléter parfaitement la réalité. Déjà parce qu’il perdrait de sa force évocatrice en rendant tout trop brouillon. D’ailleurs la réalité est elle-même opaque et illisible, c’est pour cela que l’on se pose encore au XXIe siècle les mêmes questions existentielles qu’à l’antiquité. D’autre part le cinéma a un langage. Ce langage, comme tous les langages (y compris la langue française que vous violez honteusement en ajoutant partout des -e-) elle a ses codes. Ses codes sont arbitraires car le fruit du hasard et du temps. C’est malheureux, je n’en doute pas. C’est malheureux que dans un groupe de 100 personnes, s’il y a 1 homme et 99 femmes, il se conjugue au masculin. Mais c’est oublier que la langue française nous permet de nous exprimer, et que si nous ne consentions pas à tous ses petits codes injustes, nous ne pourrions même pas en parler. C’est la même chose pour le cinéma. On respecte les codes, pour être compris des autres. On respecte certains clichés narratifs. Petit à petit, on peut les modifier. Les tourner en ridicule, les inverser, etc … et un jour sans que l’on s’en soit rendu compte ils auront changé.
    Et puis les choses dans la vie, c’est l’idée que l’on s’en fait. Éternel incompris je n’en doute pas, vous voyez les choses sous leur pire aspect. Quand un film reprend en 2014 le cliché bas de gamme de la belle midinette que le héros doit sauver, vous vous dites que l’humanité est bien sexiste. Moi, je vois justement que ces clichés sont souvent soulevés par la critique et par les spectateurs en général, et que rarement ils ne pardonneront à un film un schéma narratif de ce style. Ce qui pour moi montre que l’humanité est sur le bon chemin.

    Je ne vous hais pas, Monsieur, au contraire je suis profondément touché par le malheur que vous vous infligez tout seul.

    PS. : Je me rend compte, à la vérification, qu’il ne s’agit pas que d’une personne mais de plusieurs, et d’ailleurs pas que des hommes. Ceci dit je continue de penser la même chose, mais vous pouvez remplacer les « Monsieur » par des Monsieur-Dame (voire Madame-Sieur si vous y tenez, mais vous savez ce que j’en pense) et conjuguer aléatoirement les verbes qui vous concernent.

    • J’ajoute tout de suite (désolé pour le double post) que si effectivement j’apprécie que les codes changent pour tendre vers le meilleur, je n’apprécie pas pour autant la manie des -e-. Je le précise, et je m’explique, car pointer cela du doigt serait une manière trop facile de contourner le dialogue.
      Si je n’apprécie pas cette manie, ce n’est pas parce que je veux conserver à tout prix la langue française (d’ailleurs je serais mal placé pour le faire, je ne connais même pas tous les temps de conjugaison existant, il y en a des ésotériques), mais parce que modifier tout et n’importe quoi rend le tout illisible (comme quoi je ne me contredis pas), et que l’on pourrait changer d’autres choses plus importantes.
      D’autre part, si je n’aime pas cela, c’est que je le perçois comme un mépris, voire une insulte envers vos lecteurs. « Moi, je ne suis pas sexiste, je mets des -e-, vous autres qui respectez les codes sexistes n’êtes que des fascistes ».
      Inutile, et malsain. Et pourtant vous êtes du bon côté. Vous voyez, même en étant gentil on peut mal faire les choses …

      • « Je ne vous hais pas, Monsieur, au contraire je suis profondément touché par le malheur que vous vous infligez tout seul. »

        « Inutile, et malsain. Et pourtant vous êtes du bon côté. Vous voyez, même en étant gentil on peut mal faire les choses … »

        Désolé de commencer une réponse en me moquant : mais ces deux phrases m’ont vraiment fait rire. Franchement : est-ce que tu te rend compte à quel point ce que tu dis suinte le la condescendance et le paternalisme ?

        N’étant pas contributeur du site (je commente seulement comme toi) je ne veux pas répondre à la place de Paul (ou des autres contributeurs/trices), mais comme tu parles de la féminisation de l’écriture (« bouh berk ahhh »), je te suggère la lecture de cette intéressante brochure : http://www.culina.herbesfolles.org/docs/PourquoiEtCommentFeminiserLeFrancais_a5.pdf .

        D’autre part, je pense que tu ne réalises pas à quel point tout ce que tu dis dans ton commentaire, et le ton professoral que tu emploies peut être vécu comme extrêmement méprisant, ridicule et même violent pour tes interlocuteurs/trices (par exemple quand tu parles de « violer » la langue française : est-ce que tu sais au moins ce que signifie ce terme ? Est-ce que tu ne crois pas que l’analogie est un peu tirée par les cheveux, voir même douteuse ?), au moins autant que le fait de « mettre E » te « fais violence », ou que le fait d’invisibiliser la moitié des êtres humains par le langage (par exemple) l’est pour d’autres.

        D’autre part (et je ne parle là qu’en mon nom, je rappelle que je ne fais pas parti du site), dans le cinéma comme dans le reste de la culture, je suis intimement persuadé que le fait de perturber les codes et le langage (voir même les détruire), au risque de ne pas être compris-es sont l’unique manière qui existe de les faire changer. Si tu te contente de les « respecter pour mieux les changer », tu n’y changera jamais rien. Mais il y a des chances qu’à la rigueur tu trouves un hobby lucratif ou une manière d’accéder à la reconnaissance sociale (Comme Tarantino par exemple). Mais si tu penses vraiment que de toute façon, « tout est comme dans l’antiquité », qu’il faut « respecter les codes » et que « c’est malheureux mais c’est comme ça », et bien dans ce cas je crains que tu ne sois atteint d’un trouble malheureusement fort répandu (et qui est, Ô paradoxe, un produit de la normalité du monde dans lequel nous vivons et de ses codes) : la normopathie. Bon évidemment je plaisante, et ça ne fera peut être rire que moi, mais je préfère prendre ta réponse à la légère parce qu’au fond ça me laisse un peu coi.

        Pour conclure rapidement, je pense vraiment que même si c’est « trop dur » et « insupportable » pour toi, les analyses et les pistes de réflexions que propose ce site sont nécessaires. Elles ne sont pas suffisantes, et sans doutes par trop souvent pas assez reliées à des expériences pratiques (que ce soit dans le cinéma ou de mouvements de contestation/lutte auquel il est souvent fait référence) mais c’est sans doutes lié aux limites de chacun-es. Conséquemment, j’ai envie de te demander : qu’est-ce que tu fais de si génial et subversif (et d’une manière si irréprochable) dans la vie pour changer le monde qui t’entoure (ou même t’interroger dessus) qui justifie ta verve enflammée ? Apporte nous la lumière, Ô Lucifer.

  12. Bon, je vais faire comme toi et ne même pas prendre la peine de t’interpeller.
    Tu bien appris la méthode de ce site, c’est-à-dire prélever les détails et t’en servir pour essayer de décrédibiliser son auteur. Que dis tu du fait de toujours voir les choses sous leur pire angle ou de critiquer tout et surtout n’importe quoi?
    Je ne cherche pas à être méprisant, mais je pense bien m’adresser à quelqu’un qui s’est égaré. Tu peux appeler ça du paternalisme, mais en tout cas le mépris m’aurait dicté au maximum un commentaire court et surtout pas justifié. Donc, je pense m’adresser à quelqu’un qui est allé trop loin et surtout n’importe comment, mais sans haine. Au nom de quel droit le fais-je? Au même que celui qui anime le site, je suppose, c’est-à-dire aider ceux qui me paraissent ne rien comprendre, ce qui ne suppose pas que j’ai tout compris.
    Là où je suis certain que vous êtes perdus, c’est quand tu parles de normopathie. C’est ultra-classique, la secte des gens qui se croient supérieurs aux gens « normaux ». Ta-ta-ta, je t’arrête tout de suite, tu vas me dire que moi aussi je me crois supérieur aux autres. C’est inné chez l’Homme et je ne peux pas le nier pour moi, mais c’est le fait de se réunir entre « êtres supérieurs » pour cracher sur le reste de la société qui est malsain. Et d’ailleurs cela s’auto-entretient, puisque personne n’est là pour vous opposer son point de vue.
    Je n’ai jamais dit ni jamais sous-entendu que j’étais irréprochable, mais une nouvelle fois, c’est une méthode rhétorique bas-de-gamme : tu critiques, donc tu es irréprochable c’est ça? Ben c’est un peu ridicule.
    Dans la vie, j’ai pour but d’aider les autres (mon métier et ma raison d’être). Et je pense sincèrement que dans la vie, on peut s’en sortir avec une posture. Faire semblant d’aider les gens. Faire semblant d’avoir d’être un résistant, un bien-penseur. Cela suffit à être reconnu par les autres. Mais derrière, on est inefficace. Pour des gens qui ont les capacités pour aider les autres (ce que, loin de vous mépriser, pense de vous), je trouve ça irresponsable. Perdre la notion des réalités au point de progresser dans un monde parallèle, c’est le piège ultime de tous ceux qui se croient libre-penseurs. Alors oui, je me contente de la réalité et de ses injustices. J’admets être imparfait et que toujours j’aurais une part sexiste, raciste, homophobe, bref, une peur de l’autre qui prend racine dans le fait de s’affirmer soi-même. Je l’admet, je ne les nie pas, je ne suis pas irréprochable, mais ces parties reculent chaque jour.

    Et non. Non. Non. Je m’oppose à ceci : « au risque de ne pas être compris ». Un professeur peut être le plus intelligent du monde, mais s’il est incompris il est inefficace. Au contraire, c’est la règle fondamentale qui me guide quand je discute : je ne méprise pas les autres, je dois m’efforcer d’être compréhensible.

    Pour finir, me reprocher un ton professoral est quand même un comble. Surtout quand on sort ensuite « sais tu au moins ce que signifie violer? ». N’est-ce pas condescendant et paternaliste? Devrais-je me sentir méprisé, ridicule et violenté? L’analogie du viol est justifiée et je me demande ce que tu entends par « douteux ». Suggères-tu que je viole moi même des gens?

    Finalement, je conclus par ça : « Si tu te contente de les « respecter pour mieux les changer », tu n’y changera jamais rien ». Et bien, c’est faux, tu le poses comme cela et je devrais y adhérer. Regarde l’évolution du cinéma (entre autres) en 50 ans. Ces évolutions sont dues à ce que je chaque réalisateur de génie y a apporté. Eux, ils se sont contentés de respecter les codes, et de ne les changer que quand c’était justifié et intéressant. Ils sont atteints de normopathie sans doute, mais ils ont plus fait bouger les choses que les poètes maudits qui n’ont été vu que par une minorité de personnes (donc leur impact est minime) mais qui se considèrent comme des génies de subversion (comme Uwe Boll pour citer l’un des plus connus).

    Enfin, je reste plein d’empathie envers toi.

    • La métaphore du berger qui remet sur le droit chemin l’auteur “égaré” de cet article en assenant des vérités du genre “Et puis les choses dans la vie, c’est l’idée que l’on s’en fait”, c’est prendre un peu les gens pour des cons. Si on pouvait sauter ce genre de rhétorique insultante et stéri, pour se concentrer sur le fond…

      Notamment (et je serai brève sur ce coup là) :

      Votre démarche n’est pas bonne. On ne peut pas changer le monde en décriant chacun de ses aspects.

      Questionner, remettre en question, analyser… c’est une “mauvaise” démarche ? Parce que non, sur ce site on ne fait pas que “décrier” chacun des aspects des films qu’on analyse : avant de faire un jugement hâtif, merci de lire un minimum d’articles. Certains mettent en avant les aspects positifs et négatifs des films, d’autres sont même presque exclusivement positifs. On est loin

      Eux, ils se sont contentés de respecter les codes, et de ne les changer que quand c’était justifié et intéressant

      J’en déduis que ce n’est ni “justifié” ni “intéressant” (pour qui ?) de vouloir représenter de manière sensible et sensée la majeure partie de l’humanité (les femmes, les non-Blancs…) ? Sinon ces “réalisateurs de génie” auraient déjà remédié au problème.

      Ces codes sont arbitraires car le fruit du hasard et du temps. C’est malheureux, je n’en doute pas. C’est malheureux que dans un groupe de 100 personnes, s’il y a 1 homme et 99 femmes, il se conjugue au masculin. Mais c’est oublier que la langue française nous permet de nous exprimer, et que si nous ne consentions pas à tous ses petits codes injustes, nous ne pourrions même pas en parler. C’est la même chose pour le cinéma. On respecte les codes, pour être compris des autres. On respecte certains clichés narratifs. Petit à petit, on peut les modifier. Les tourner en ridicule, les inverser, etc … et un jour sans que l’on s’en soit rendu compte ils auront changé.

      J’ai l’impression que tout cela veut dire : la vie est injuste, il faut l’accepter telle quelle. Et un jour, peut-être dans 1000 ans, elle changera un peu. Comment et pourquoi les “codes” de la vie, du cinéma, du langage auront changé, c’est un mystère, étant donné qu’on est supposé fermer sa gueule, ne rien analyser, remettre en question ou vouloir changer.
      J’ai comme l’impression d’entendre une personne dire à une autre: écoute, moi j’en ai rien à foutre que le système et la vie te discriment et te désavantagent, du moment que je suis tranquille dans mon coin. Si “moi” je considère que tout va bien pour toi et pour tout le monde, alors c’est que la réalité est comme ça. Fin de la discussion.

  13. Etant donné que vous écrivez sur Django Unchained à peu près les mêmes choses que dans le précédent article sur le film, je peux continuer à vous objecter l’article que j’avais publié en réponse :

    http://www.musiclodge.fr/article-django-unchained-117859601.html

  14. Et accessoirement, quitte à choquer Sharn, la culture de la domination est… une culture, ça n’a strictement rien d’inné.
    La violence est innée elle chez l’humain, oui.

    • Coucou V3nom,
      Je suis d’accord avec l’idée que la domination n’a rien d’inné, mais pourquoi dire de la violence qu’elle est innée ? J’ai l’impression qu’il peut y avoir ou non une socialisation/éducation à la violence de la même manière qu’il peut y avoir ou non une socialisation/éducation à la domination. Non ?
      Du coup je ne comprends pas bien la distinction que vous faites entre domination et violence à ce niveau. Pour moi, il n’y en a pas une qui est plus innée que l’autre. Qu’est-ce que vous voyez comme différence entre les deux pour les distinguer ainsi ?

      • Le recours à la violence comme réaction émotionnelle, quel que soit le sujet de frustration, est un trait de caractère inné chez l’humain.
        Soyons en face d’une situation où le dénouement nous échappe, et instinctivement nous auront un agacement, un énervement voire une rage toute naturelle qui montera, plus ou moins facilement et rapidement suivant notre propre capacité (acquise elle) à la réprimer, à analyser de façon rationnelle notre problème…
        C’est une de nos pulsions innée (et il n’y en a pas 36), dont la télé notamment se fait fort d’exploiter jusqu’à saturation (et le cinoche aussi, dont les deux films ici présentés d’ailleurs)

        A l’inverse, ce sont les « modalité » d’expression de celles-ci, acceptées ou refusées selon la situation, le groupe, l’époque, et le lieu, qui sont culturelles. (dont la domination, mais pas que, loin de là)

        • PS : Du coup je suis également d’accord avec le fait que, socialement et culturellement, certaines formes d’éducation peuvent encourager à telle expression violente d’une réponse ou d’une attitude, alors que dans d’autres elle seront pointées du doigt.

          (désolé pour le double post)

          • il y a aussi l’évitement, la fuite comme réponse à « une situation où le dénouement nous échappe ». Je ne voie pas pourquoi cette stratégie serait plus ou moins innée que le recours à la violence. En plus le recours à la violence si il est CHOISI change aussi de modalités; on peut etre violent vis a vis de l’autre ou de soi ou d’un·e tiers qui n’y est pour rien et sert de défouloir. Parlé en terme d’inné ou d’aquis n’apporte rien d’intéressant à mon avis vu qu’on aura jamais la réponse et que la violence soit innée ou aquise ne change rien au fait qu’on doive lutter contre ce penchant que ca soit un penchant humain, animal ou culturel. et les choses ne sont pas « OU inné – OU aquis » ca serait si pratique, les choses sont ambivalentes, paradoxales c’est « ET inné ET aquis ET d’autreschoses auquel on as pas encore pensé ».

            Aussi dans ton exemple plutôt que de violence, tu parle du fait de se défendre et pour se défendre il n’y a pas que l’usage de la violence et là je ne parle pas que des hominoides, la nature déborde de réponses variées et pas forcement innées, tout réduir à la violence c’est très typique d’une vision patriarcale qui est casi aveugle a tout ce qui sort du registre de la prédation.

            Aussi il y a des individus pas forcement humains qui ne sont pas agressifs, pas violents alors que dans la même espèce d’autres le seront. Par exemple chez les crocodiles du Nil, il y a des individus a l’agressivité variable, pareil chez nous.
            L’idée de pulsion, de innée, revoie aussi pour moi a une sorte d’excuse foireuse. Si A est une brute sanguinaire c’est la faute de son inné de pulsion du gêne du parasite malfaisant qui fait pas exprès de rependre la mort et la désolation autour de ellui – c’est la faute à mère nature – on n’y peut rien c’est ballot…

            Il faudrait aussi definir « la violence ». Se defendre est-ce de la violence comme de commettre une agression ? Les notions de innées et aquis ont aussi du plomb dans l’aile. Sur ce point je recommande l’ecoute de cette emission radio : http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-1ere-partie-la-science-du-corps-en-question-2012-12-18
            et celle là aussi
            http://www.franceculture.fr/emission-la-suite-dans-les-idees-sexe-et-genre-une-dualite-avec-anne-fausto-sterling-2012-12-29

            Bonne journée

          • Bon déjà un peu de calme.

            Je n’ai jamais parlé de « stratégie », ni d’un acte volontaire. Je parle de pulsion involontaire, voire inconsciente, d’un état émotionnel.

            Je ne parle pas non plus de « se défendre », mais d’une réaction émotionnelle face à une frustration, un obstacle si tu préfères, je ne parlais pas du tout d’une situation faisant appel à l’instinct de survie.
            ex: votre bagnole qui ne démarre pas ce matin alors que vous êtes en retard au boulot.
            Ou bien le voisin qui malgré vos demandes affables, continue de venir faire chier son chien devant votre porte tous les matins

            Enfin je n’ai jamais parlé d’excuse de quoi que ce soit.
            Je ne suis pas ici pour excuser les personnes ni les actes violents, pas plus que les viols quand bien même je pourrais aussi bien parler de pulsion sexuelle (et le viol n’a que peu à voir avec le sexe, je n’apprends rien à personne ici)

            Je vais me répéter car je ne vois pas comment l’exprimer plus clairement : je parle de pulsion, de réaction émotionnelle totalement involontaire. Mais je n’ai jamais dis nulle-part qu’elle était fatale, ou impossible à réprimer. (en fait j’ai dis l’inverse justement)

            Je n’ai pas plus évoqué un quelconque « acte » violent. Les actes, eux, quand bien même ils seraient motivés par une émotion violente (vengeance, colère, jalousie, que sais-je) sont bien évidemment pour moi tout ce qu’il y a de plus responsables et volontaires. (sauf rares cas d’aliénation, de défaut de discernement, de grave trouble psychologique)

            Et c’est justement pourquoi nous ne sommes pas en désaccord, puisque je parle de pulsion innée qui est tout à fait contrôlable, alors que tu parle d’individus aux attitudes « violentes » différentes au sein d’une même espèce, et des actes qui en découlent variables eux-aussi.

            Je ne réduis pas « tout » à la violence, je ne fais que parler d’UNE pulsion, innée, qui n’a de plus strictement rien d’impérieuse et irrépressible, et qui est donc parfaitement « domptable », chose que nous faisons tous, tous les jours, par, cette fois, des stratégies comportementales ou sociales que nous appelons patience, amabilité, politesse, philosophie, analyse, rationalité, etc… elles-mêmes aidées par des concepts sociaux tels que l’ordre, les lois, la cohésion sociale, etc.

            Bref, Meg, j’ai l’impression que tu souhaite m’affubler du message de Sharn, alors que j’y suis parfaitement opposé. (probablement parce que je m’exprime maladroitement)

          • PS : Je vais insister sur un détail dans mon propos qui est je pense le point de quiproquo.
            Quand je parle de « pulsion », il ne s’agit pas d’un acte quel qu’il soit, mais un état émotionnel, une réaction interne, un sentiment. Tout au plus, pour les personnes qui se laissent trop volontiers dominée par leurs émotion, une volition (l’état de volonté qui précède et induit l’acte), mais surement pas l’acte en lui-même.

  15. Je pense que je suis à peu près d’accord avec V3nom, mais je mettrai un bémol sémantique ou plutôt « épistémologique » (WARNING : intello-grosse-lunettes-élitiste en vue) à l’idée que la violence est innée. Je dirai plutôt que la violence est naturelle en puissance : c’est à dire que c’est la capacité à l’être qui est naturelle. De la même manière que les dents d’un chien lui permettent de mordre, et que sa capacité à mordre est donc à priori plutôt naturelle. Mais le problème, pour faire un peu de sophisme, c’est qu’à priori l’environnement et l’éducation font aussi partie de « la nature ». Là où je veux en venir c’est que je pense que ce type de débat « nature/culture » est à priori un peu biaisé d’avance. D’ailleurs (j’aime bien les digressions), les récentes découvertes dans l’épigénétique (étude de l’influence de l’environnement sur les gènes) invalident complètement tous les présupposés positivistes et eugénistes qui pensaient pouvoir améliorer l’espèce humaine (ou comme chez les nazis, créer une « race des seigneurs ») par la sélection génétique puisque de toute manière, les gènes non seulement s’expriment différemment et de manière aléatoire en fonction du contexte et de l’environnement, mais qu’en plus ces derniers influencent et modifient jusqu’aux caractères transmissibles des gènes.

    Bref : si on entend par « inné » quelque chose qui serait à la fois naturel et immuable (ce qui est déjà une oxymore, la nature étant en perpétuel mouvement) alors rien n’est inné.

    Pour répondre @Sharn : quand je parlais de normopathie, premièrement c’était à priori plutôt ironique (puisque tu défendais l’idée que « les choses sont comme ça est qu’on peut pas les changer » quasiment au mot près) mais ça n’a rien d’élitiste. Lorsque je dis que les analyses que propose ce site sont nécessaires bien qu’insuffisantes, je pense qu’elles le sont d’abord pour moi. Parce qu’elles me permettent de déconstruire ma propre vision libérale de la culture et plus particulièrement du cinéma. Et au contraire, lorsque j’essaie de m’intégrer ces critiques, j’essaie d’être moins « dominant » et ça ne me fait premièrement pas de moi quelqu’un d’irréprochable ou de supérieur. Quand je parler de m’intégrer les critiques, ça veut dire tenter de me les appliquer, sans toute fois les assimiler sans réfléchir : je ne suis pas d’emblée d’accord avec tout ce que je lis ici. Si tu lis mes autres commentaires, tu verras que me suis montré assez critique vis à vis de ce site.

    Enfin, si je me suis montré sarcastique et peut être un peu désagréable, ce n’était pas pour te « prouver ma supériorité » mais plutôt pour tenter (vainement apparemment) de te faire descendre un peu de ta tour d’ivoire et te montrer que le ton méprisant et paternaliste que tu emploie (en te voyant comme un berger, un porteur de lumière et nous comme des ignorants) peut être mal vécu et même violent pour les gens qui te lisent. Mais encore que les gens n’ont peut être pas besoin d’être illuminé-e-s par ta grâce et préfèrent rester dans « l’erreur », qui au moins, elle : leur appartient…

    • Alors je suis d’accord avec ton analyse, mais plutôt que de sémantique, j’emploi le terme « d’inné » (et non « nature » qui ne veut rien dire et est un fourre-tout puant) du point de vue écologique et biologique : Un trait de caractère ou un ensemble qui sont communément posés comme immuables à l’échelle de vie d’un individu mais (évidemment, à moins d’être créationniste) changeant au fil de l’évolution de l’espèce. Mais ceci ne les rend pas pour autant « impérieux ». Je reprend mon exemple : nous nous énervons en but à un problème, ce n’est pas pour autant que nous somme obligés de céder à cette énergie pour détruire et faire disparaitre le problème sans le résoudre. (les pulsions peuvent être différées, devenant ainsi des moteurs, des projets, du désir, etc)

      Et je suis d’accord aussi : rien de ce qui peut être considéré comme « naturel » (encore une fois, terme trop galvaudé pour pouvoir dire quoi que ce soit) n’est immuable (du moins au delà de l’échelle d’une génération)

      Sinon pour Sharn, si « normopathie » est trop perçu comme péjoratif, peut-être préfèrera-t-il celui de « conformisme ». 🙂
      Car que tu le veuilles ou non Sharn, dans une lutte sociale (car c’est de ça qu’il s’agit dans les sujets de ce site-ci, et non d’analyse critique artistique), quand on lutte contre un fait social délétère, il faut être intégralement contre, et non « un peu » ou « avec modération ».
      Tu peux pas être à moitié contre le racisme, ou contre le viol un jour sur deux, et contre la peine de mort que quand il pleut.
      C’est la cohérence de discours et des actes qui font d’une position politique sa légitimité en tant qu’avis d’un mouvement.

      Tu ne peux pas prétendre ou te faire passer comme progressiste et agir selon des points de vue réac.

      Tu peux pas laisser croire que tes œuvres sont féministes et montrer des « amies » tendres un pièges puant et intéressé à une des leurs en rigolant… (risquer le viol d’une des leur pour essayer une bagnole, ça en vaut la peine ?)

  16. Bon j’ai oublié de féminiser tout les termes dans mon poste. Sharn, tu as un mauvaise influence sur moi (*humour*).

  17. Encore, notamment sur Django, des gros soucis de contextualisation historiques.
    Bien entendu, la période de l’esclavagiste aux Etats-Unis était le lieu d’une supériorité sociale hommes/femmes des plus fortes.
    Bien entendu, les blancs étaient, en majorité plus cultivés que les noirs, car ils recevaient une éducation.

    Il faut essayer de se fondre dans l’époque et dans l’environnement lorsqu’on regarde ce genre de film. Sinon, on se retrouve à critiquer des films qui décrivent avec justesse sur le statut des femmes de l’époque moderne (oups, ça a déjà été fait.)

    • Comme tu dis, ça a déjà été fait, et depuis des décennies, alors pourquoi continuer d’entériner des représentations sociales et historiques en se basant sur des schémas de pensé éculés au regard de travaux plus récents qui tendent à remettre en question certains mythes, qui comme d’habitudes, devaient évidemment sortir de l’esprit romanesque des vainqueurs…

      Un exemple : Les tribus de peuplades noires d’Afrique sont polygames, depuis toujours.

      Et bien… peut-être bien que non, et peut-être même que c’est une construction sociale causée par… les colons blancs.

      http://www.polemixetlavoixoff.com/histoires-de-femmes-dans-les-colonies/

      L’humour c’est comme la fiction : c’est à manier avec plus de précaution que leur ressort ne voudrait le faire croire.

  18. Merci pour cette analyse et pour les quelques clarifications en commentaire, vraiment bien structuré et super poussé. Concernant Death Proof, ça pourrait être intéressant d’y ajouter un petit point concernant les conversations des filles, en lien avec le Bechdel Test (petite piqûre de rappel pour ceux qui n’en ont pas entendu parler http://fr.wikipedia.org/wiki/Test_de_Bechdel). Ca m’a marqué qu’elles passent pas mal de temps à parler de leurs histoires de coeur.

  19. Liam, pour répondre rapidement à ton commentaire du 5 mars 2014 à 19 h 06 min.

    Je suis d’accord avec quasiment tout ce que tu dis et plein de choses intéressantes. Je voudrais juste mettre un bémole sur ce que tu dis concernant la déconstruction.

    Je pense que le fait d’avoir des comportements moins dominants socialement n’a pas nécessairement de lien avec ton genre. Je m’explique : je suis moi même bisexuel et plutôt « queer-friendly » (j’aime bien être en compagnie de gens dont le genre n’est pas « binaires ». Ce qui me permet de me sentir aussi plus à l’aise pour parler de manière manièérée ou « éfféminée » : ce que j’aime bien aussi faire), et j’ai pas mal « zonné » dans les milieux « TBPG » comme on dit. Et paradoxalement, j’y ai croisé pas mal de mecs super excluants, au comportements et propos parfois occasionnellement ou même épisodiquement misogynes, et même antiféministes, ainsi (last but not least) que tout ce que j’ai peux comptabiliser comme mes propres comportements dominants.

    Conséquemment je pense pouvoir vraiment affirmer (avec 100% de conviction) que le fait d’être très déconstruit en apparence (ou pour disons les aspects visibles du « genre ») ne font pas de soi quelqu’un de déconstruit socialement, et même le fait de se revendiquer pro-féministe n’est un gage de rien du tout.

    Biensur, ça peut aller de paire (et tant mieux, notamment pour les personnes qui vivent mal leur « genre cisexuel » et souhaitent assumer une transidentité ou être genderfluid ou inter-sexe, etc), mais justement je pense pas que ça soit nécessairement lié. Et tant mieux d’ailleurs. Parce que je pense aussi que certaines personnes (notamment hommes) ont tendance -même inconsciemment- à assimiler une analyse très essentialiste de leur propre genre. C’est à dire que ce n’est pas le fait d’avoir une voix grave ou même une apparence plus masculine qui faisons de nous des êtres socialement plus dominants (qui vont parler plus fort, couper la parole, s’imposer physiquement, etc).

    Après, évidemment, socialement c’est généralement lié. Mais là où je veux en venir c’est que l’homosexualité, la bisexualité ou la transexualité, ou même le fait de transitionner ne vaccine de rien. Malheureusement. Et je pense que pas mal de queers (j’entend, les personnes qui se revendiquent de ce mouvement) se font énormément d’illusions ladessus.

    C’est ce que je veux dire par le fait que tenter d’être moins dominant (ou plus dutout, mais franchement pour ça, il nous faut une révolution sociale, ou enfin bref, que ça pète) ne peut se faire que dans une démarche (au moins partiellement) « d’altérité », de solidarité, d’entraide, mais pas prioritairement « pour soi ». Dans la mesure aussi où ce processus auto-critique ne peut pas se faire sans heurts ou uniquement à travers ses aspects divertissants, ludiques ou même jouissifs.

    J’ai longtemps pensé le contraire, et je pense qu’on se leurre moins en voyant les choses de cette manière et qu’on évite de perpétuer ses propres comportements de merde en se voilant la face. Notamment lorsque d’importantes remises en question se présentent, ou qu’on est confronté-e-s à d’énormes contradictions.

    Voilà, bref. Je m’arrête là parce que comme d’habitude on est en pleine digression par rapport au sujet initial, mais ça me tenait à coeur de te répondre.

    • Désolé si j’ai employé plus avant des concepts sans les expliquer. Quand je parlais d’épistémologie (je me souviens plus d’autres mots que j’ai pu employé sans explication), c’est tout ce qui est du domaine de la science et des théories de la connaissance : et donc de comment se forment et se structurent les connaissances. Par exemple Delphy parle de « privilège épistémologique » pour décrire le fait que les femmes ont une connaissance subjective de l’oppression qu’elles sont par définition les seules à avoir. C’est la question de la position vécue et des conséquences que ça peut avoir sur la pensée et la connaissance en général (et donc l’invalidité de « l’universalisme » bourgeois, blanc, humaniste, patriarcal, etc).

      Et de manière plus générale, toute la pensée moderne est donc généralement construite à partir du champs de connaissance des dominants. Ce qui pose donc par ailleurs des problèmes énormes pour arriver à « déconstruire » et communiquer de manière égalitaire (ça et les gros concepts compliqués et les relous qui les utilisent sans expliquer). bref… bref… bref… 😉

  20. Par manque de courage, je n’ai pas tout lu. J’ai simplement relevé votre critique du fait que le méchant Tarantino soit tellement méchant qu’il fasse des clins d’œils à d’autres films dans don œuvre, ouh, que c’est vilain, comme c’est mal, pas populaire, vilain Tarantino. Quelle idiotie ! Le cinéma d’auteur doit donc aller à la poubelle parce qu’il n’est pas fait pour les pauvres tout gentils prolos (que, soit dit en passant, vous prenez donc pour des imbéciles incultes). N’importe quoi ! On peut critiquer tarantino sur bien des points, mais le condamner parce que ses références ne sont pas compréhensibles par tout le monde… Je suppose que vous voulez aussi brûler les bibliothèques ? On croit rêver.

  21. Okay. Pour répondre à cow-pox, je voulais juste te demander où et en quoi tu suppose que l’auteur de cet article ou les gens qui postent dans les commentaires prennent les prols pour des imbéciles incultes ? D’autre part, qu’est-ce qui te fais dire que certains (moi par exemple) ne sont pas des prols ? Parce qu’on aborde des références culturelles et des concepts un peu poussés ? (attention, je te renvois au paradoxe du cliché précédent qui suppose que les prols sont tous imbéciles et incultes). En ce qui me concerne je ne possède rien d’autre que ma force de travail et me sent pas méprisé par ce que j’ai pu lire ici… Je suis d’accord que l’utilisation de certains concepts ou la longueur des discussions peut être excluant. Mais en discutant ça peut s’arranger. Et où est-ce que tu as lu qu’il fallait jeter tout le cinéma d’auteur à la poubelle ainsi que faire des autodafés ?

    Je veux pas être méchant mais à part pour ce que tu dis sur « l’inculture » (qui encore une fois n’est pas inéluctable) j’ai l’impression que tu construis un argumentaire dit « d’homme de paille ». C’est à dire que tu caricature un discours ou spécule sur ce que les gens peuvent penser et les critiques la dessus.

    Pour Liam. En me relisant, j’ai réalisé que ce que j’ai dis pouvais prêter à confusion sur la transexualité ou les transidentités. Biensur, je pense que ça peut être lié à une déconstruction sociale de comportements oppressifs et dominants, dans la mesure où on est amenés (notamment dans le cas où on s’est vu attribué le genre homme à la naissance : parce qu’on possède un pénis donc) à se demander ce qu’est la masculinité (et la critiquer en tant que genre). Mais je pense aussi que c’est pas évident.

    C’est à dire qu’on peut aussi très bien être trans et incarner un nouveau genre (ou plusieurs, ou un autre que celui attribué à la naissance) et continuer d’avoir les mêmes comportements oppressifs qu’avant de transitionner ou d’avoir abandonné son genre « d’origine ». Mais, « double warning », lorsque je dis incarner, je veux bien dire « l’être et le vivre » (dans sa chaire, au sens étymologique) : c’est à dire que je ne sous-entend pas qu’il s’agit d’un rôle ou que la personne qui se vit dans son nouveau genre fait « semblant ». Je pointe juste du doigt le fait qu’encore une fois je pense que genre (en tant que sexe social vécu et perçu), sexe biologique (attribué à la naissance) et j’ajouterai position vécue de dominé-e sont trois choses bien distinctes même si elles sont intimement bien souvent liées entre elles.

    Si ce que je dis te semble obscure ou pas clair, je suis ouvert à la discussion encore une fois et prêt à entendre des critiques.

    Je voulais aussi développer mon propos concernant la transexualité : lorsque je parlai d’aspects ludiques, divertissents ou jouissifs de la déconstruction je ne nie pas leur importance (ou leur attrait), en particulier pour les trans et l’oppression spécifique qu’ils ou elles vivent. Cette critique s’adressait plutôt aux hommes et ce qu’ils recherchent en général dans le féminisme plutôt qu’aux trans ou personnes « fluides » au niveau de leur genre.

    Et là je citerai léo thiers vidal : « l’évocation des rapports entre femmes et hommes amène ces hommes à parler de leurs vécus personnels en excluant progressivement le vécu des femmes concrètes dans leurs propres vies. Le féminisme fonctionne alors comme un outil thérapeutique destiné à améliorer la qualité de vie masculine : les hommes utilisent l’analyse féministe pour transformer leur vie dans le sens de plus de bien-être ; si cela ne marche pas, alors ils rejettent le féminisme. »

    • Alors, si tu réfléchis trois secondes, tu connaitra l’ironie. Jamais je ne dirais que les prolos sont incultes parce que MOI, je ne suis pas débile. C’est l’auteur de cet article qui le sous entends, puisqu’il dit que Tanrantino, c’est caca boudin parce qu’il fait des références alors que les pauvres petits gens de la populace ne comprendront pas. Ca va, j’ai bien expliqué,tu comprends ?
      Je hais les gens comme toi, qui surinterprêtent les propos des gens. Va apprendre à lire !
      Ou est-ce que j’ai lu que les régisseurs de ce site voulaient détruire la culture ? Simple, dans un commentaire d’un des auteurs, il était écrit qu’il fallait refuser de faire vivre des œuvres qui n’étaient pas au gout de l’auteur parce que ça ne collait pas aux valeurs des auteurs des articles.

      • Peut être que je « sur-interprète » trop, mais le problème c’est peut être aussi que ta manière de t’exprimer n’invite ni vraiment au dialogue ni vraiment à la compréhension. Moi l’impression que ça me donne c’est que tu t’enferme dans une posture (celle des gens qui comme toi, qui « prennent pas les autres pour des imbéciles ») qui serait l’inverse des « gens comme moi » que tu déteste parce que eux oui (ou alors c’est pour une autre raison, mais j’ai pas tout compris).

        Sauf qu’il ne s’agit pas de dire que Tarantino c’est « caca boudin » parce qu’il « fait des références » vu que du reste, tous les cinéastes ou presque en font, même involontairement. Il ne s’agit pas non plus de dire que c’est le « niveau » de ces références qui pose problème (pour y voir quelque chose de très intellectuel, il faut vraiment le vouloir), mais que comme je le comprend (et je partage cette analyse si je l’ai bien comprise), le cinéma de Tarantino est emblématique de ce cinéma post-moderne qui recycle les genres et multiplie les clins d’oeils dans un geste d’auto-parodie de défit permanent, et en dénaturant le contenu de ces genres.

        Qu’il transforme donc des genres cinématographiques -qui ont aussi porté autre chose que du spectacle et du divertissements- en simples produits de consommations culturels pour « afficionados » qui s’autogratulent entre eux ou elles de comprendre toutes les « subtilités » et références que produisent les effets permanent (et voulus) de « déjà-vu ».

        C’est aussi le principe du « cinéma des petits malins », tel que critiqué par exemple dans l’article sur Spring Breakers, dont les commentaires abordaient « Starship troopers », autre monument du cinéma post-moderne.

        Donc le problème, et ce que tu ne semble pas avoir compris, c’est que l’article ne dit pas que les gens qui ne comprennent pas les références tarantinèsques sont des imbéciles, et ne le sous-entend même pas, mais pour le dire avec d’autres mots (du moins c’est mon analyse) que cette « culture du clin d’oeil » est élitiste parce qu’elle vise précisément des gens qui vont posséder ces références, qui ne sont pas toutes intéressantes ni « intelligentes ». C’est uniquement une question de rapport « savoir-pouvoir ». Et ça ne veut donc pas dire que le contenu du savoir fait de ses détenteurs des gens intelligents, et des autres des imbéciles.

        Donc, j’ai donc l’impression que c’est toi qui sur-interprète en disant ça.

        Même si, merci, je comprend l’ironie, mais j’y préfère des arguments.

        Concernant la culture, la problématique est sensiblement la même, tu confonds contenu et contenant.

        Ce que moi je comprend de la critique émise par ce site, c’est que si on trouve que les valeurs que certains produits culturels véhiculent sont mauvaises et même néfastes, on ne va pas les soutenir ni encourager.

        Un exemple un peu extrême : tu pourra très bien trouver que Céline est un poète et un écrivain de génie, tu ne pourra pas convaincre tout le monde de l’utilité de valoriser ou même ré-éditer un écrivain qui a écrits des romans entiers dont le contenu sont des appels au pogrom et au génocide antisémites (Bagatelle pour un massacre, L’Ecole des cadavres, ou encore Les Beaux Draps, qui sont d’ailleurs introuvables ailleurs qu’en bibliothèque car très peu ré-édités).

        Consequement, et pour te répondre avec un peu de provo : je ne serai pas choqué qu’une bibliothèque exclusivement composée de romans ou de pamphlets avec ce contenu culturel là soit passé par le feu. Je ne l’encourage pas, je ne dit pas que c’est à faire, mais ça ne me choquerai pas.

        Parce que contrairement à l’esprit petit bourgeois si typiquement français et à beaucoup de gens qui y adhèrent, je ne voue pas un culte à la culture. Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’elle véhicule, à la fois en terme de qualité artistique et de contenu idéologique.

        La culture n’est pas « sacrée » et d’ailleurs rien n’est véritablement « sacré » (qui ne se définit que par rapport au profane, c’est à dire dans la religion celui qui ignore, qui n’est pas initié).

        Provo mise à part, je disais que tu confonds contenu et contenant parce que « détruire » une culture ne veut pas forcement dire en détruire les supports (autodafé de livres, de photographies, de pellicules ou de dvds, et pourquoi pas de disques durs…), mais de s’attaquer par la parole et par la pensée à une culture qu’on juge désuète, réactionnaire ou obsolète. Et valoriser d’autres manières de voir le monde, de communiquer, d’autres types de relations sociales, etc.

  22. Un excellent article contre Django Unchained (entre autres) par Adolph Reed : http://nonsite.org/feature/django-unchained-or-the-help-how-cultural-politics-is-worse-than-no-politics-at-all-and-why

  23. Tarantino est en effet sûrement un plaisir coupable de cinéphile, tendance post-moderne et élitiste dont je fais partie, et votre paragraphe « Avec son jeu sur les références, le postmodernisme tisse un univers (…) jouir (pour ses fans) de certaines représentations sans s’interroger sur leur sens politique. » est une critique très efficace de cette manière de défendre ce cinéma en expliquant qu’il serait un pur plaisir esthétique.

    La critique féministe et anti-raciste apporte vraiment énormément à la discussion, j’ai pu lire (et j’imagine) que pas mal de personnes trouvent que vous allez trop loin. Ce n’est pas le cas. C’est vraiment bien d’aller loin dans l’analyse et c’est en même temps un bel hommage à l’oeuvre.

    J’ai aussi beaucoup apprécié votre manière d’en parler, d’un point de vue universel, tout en reconnaissant que votre expérience particulière joue sur votre point de vue et que votre discours ne se substitue pas à celui des principales/aux intéressés. J’ai trouvé votre manière de le formuler très élégante.

    Bravo et merci pour cet article qui nourrira certainement de passionants débats entre amis.

  24. Quelle belle analyse ! érudite et intelligente ! ça me donne envie de revoir les films cités – j’ai toujours aimé Tarantino et apprécié le côté BD, grand-guignolesque et kitchissime, je n’avais jamais réfléchi à son rapport à la femme, au racisme, au sexisme… pour moi, le cinéma de Tarantino n’est pas très intellectuel,plutôt ludique et jouissif, pétri de références amerloques souvent pauvres, réutilisées avec plus ou moins de bonheur…comme quand on est gosse et qu’on s’amuse à buter ses petits copains avec des pistolets en plastique, puis qu’on va s’offrir un milk-shake pour fêter ça… mais effectivement le bougre est sans doute plus intelligent qu’il n’en a l’air, va falloir que je me penche sur son cas… merci en tout cas, comme dit Romain, cela ouvre le débat et c’est sain en ces temps d’idées en préfabriqué…

  25. Autant je suis assez d’accord avec l’analyse de Boulevard de la Mort (surtout pour ce qui est de la « blague » contre l’actrice-pompom girl), autant je ne peux que protester contre ton analyse de Django.

    Notamment pour ce qui est de l’idée que Django est un noir « différent », il ne me donne pas l’impression de l’être, et je ne crois pas que ce soit si clair. Sa différence vient en effet du temps passé avec Shultz, mais c’est parce-que lui a l’occasion de goûter pleinement à la liberté et à la possibilité de se venger, ce qui n’est pas offert aux autres.

    Je veux bien accorder autant de défauts que possible à Tarantino (puisque de ce que j’ai vu Pulp Fiction, Inglorious Basterds et Django sont très bon mais le reste … bof), mais il n’est sûrement pas raciste. Macho probablement, raciste non.

    Par ailleurs, si son cinéma l’est (macho), pas sûr que lui le soit. En effet, quasiment tous ses films sont basés sur l’idée de la vengeance, pourtant il dit être contre dans la « vraie vie » … et ce machisme ambiant vient, je pense, davantage de son style de film très « gangsterisé » que de sa personnalité profonde.

    Exemple : je ne pense pas que Scorsese soit macho, pourtant dans ses films il y va fort sur le sujet.

    Bref, Tarantino raciste ? Je n’y crois pas une seconde, peut-être un peu maladroit mais sûrement pas raciste. Tarantino machiste ? Plus probable (voir très vrai), même si je crois qu’il y a effectivement un intérêt purement divertissant à ce machisme (bon ça excuse pas certaine scène …)

  26. On se fiche pas mal de la couleur de peau de Django. A trop vouloir pointer du doigt la misogynie ou le sexisme, on ne se concentre plus que sur ces aspects, et c’est bien dommage… Les films de Tarantino ; sexistes et racistes?? La bonne blague… Django n’est pas défini par sa couleur, et Django unchained n’est pas un film débordant de bons sentiments et de repentance sur l’esclavage. Ce réalisateur ne fait pas dans ce registre vous n’étiez pas au courant? Bref. Django, outre sa couleur de peau, est un homme. Qui appartient bel et bien à la race de l’humanité; violent et vengeur. Il s’en moque bien lui, de la condition noire et des esclaves pensez-vous. Django ne pense qu’à sa pomme, et son seul souhait sur terre est d’aller défoncer la cervelle de ceux qui ont enlevés sa femme. Le reste, il s’en fiche. Loin d’être « patronné » par Schultz, qui au mieux lui explique quelques bribes de la culture « blanche », c’est un homme libre du plus profond de son âme, et il n’a certainement pas besoin d’être éduqué par qui que ce soit. Le génie de Tarantino, c’est d’avoir justement dépassé cette opposition Noirs/Blancs, dans un film qui traite d’un sujet aussi sensible que l’esclavage. Django unchained n’est pas un film sur l’esclavage, ni sur la condition des Noirs. Django méprise de la même façon et les blancs et les Noirs. Django veut juste aller butter ces types qui ont enlevé sa femme, point barre. Tout le cinéma de Tarantino est d’ailleurs fondé sur cette esthétique de la violence, la catharsis des passions, les pulsions de violences humaines. Et cela vaut pour les hommes comme pour les femmes, les Noirs comme les Blancs!
    Un autre point choquant de votre analyse : vous dites que Tarantino ne met en valeur les femmes qu’à partir du moment où elles prennent une attitude « masculine ». En voila une bien bonne!!! Et vous osez taxer ce film de sexisme? Vous devriez aller faire un tour dans les quartiers un peu chauds des banlieues, vous verriez que les femmes ne sont pas dénuées de tout instinct violent! Une femme, pour répondre à vos critères devrait être, douce et diplomate? Et bien non cher Monsieur, une femme peut aussi aimer la baston et ressentir de la haine viscérale, notamment quand elle se sent attaquée. Moi même, pas en tant que femme mais en tant qu’humaine, j’adore le cinéma de Tarantino pour son usage si intelligent de la violence, et son pouvoir de catharsis.
    Pour finir donc, je vois donc un parfait contresens dans votre analyse du cinéma de Tarantino. Vous poussez le psychologisme un peu trop loin, et vous vous enfermez dans une vision biaisée des intentions du réalisateur. Tarantino, c’est l’histoire d’individus avant tout, pas de catégories ou de groupes sociaux. Tarantino ne définit pas ses personnages féminins par leur sexe, ni ses personnages masculins par leur couleur de peau. Il les définit comme des humains, c’est à dire des animaux comme les autres, avec leurs pulsions, leurs désirs de vengeance, leur délicatesse également.

  27. @ Melissa

    Le génie de Tarantino, c’est d’avoir justement dépassé cette opposition Noirs/Blancs, dans un film qui traite d’un sujet aussi sensible que l’esclavage.

    C’est vrai que faire un film qui a comme fond l’esclavage et zapper complètement toute analyse du racisme c’est effectivement du génie, ou pas, hein…

    Et vous osez taxer ce film de sexisme? Vous devriez aller faire un tour dans les quartiers un peu chauds des banlieues, vous verriez que les femmes ne sont pas dénuées de tout instinct violent!

    Il n’y a que les femmes « des quartiers chauds des banlieues » qui sont potentiellement violente ? Les autres elles sont bien élevées et jamais agressives, ce sont pas des sauvages… Et sinon ce sont les autres qui ont des préjugés, vous, vous êtes pure de tout apriori quel qu’il soit. Êtes-vous sure que vous avez bien lu l’article, votre commentaire tombe complètement à coté de la plaque, vous ne réfutez pas un seul argument.

    A la limite, je ne sais pas, réessayé. Avec un peu plus de rigueur cette fois-ci, de contrer les arguments présents dans l’article, vous l’avez pondu d’où exactement le truc sur les femmes des quartiers chauds des banlieues ? Non parce que je ne vois pas le rapport.

    Tarantino ne définit pas ses personnages féminins par leur sexe,

    Tarantino fait du viol d’un de ses personnages féminins une bonne blague bien marrante. Vous avez quoi à opposer à cet argument, parce que ça m’intéresse, vraiment beaucoup!!! Qui plus est le personnage est vendu par ses « amies »! Celle-là fallait oser !

    Je préfère me censurer tellement ça m’énerve.

    Je veux bien que ce soit la première fois que vous lisez une analyse politique d’un film (et non pas du psychologisme) et que cela soit un peu choquant, comme souvent la nouveauté. Maintenant, vous pourriez peut-être faire l’effort d’essayer de comprendre ce qui est écrit, et de penser un peu vos arguments critiques, parce que là, comment dire, pffff.

    Tarantino, c’est l’histoire d’individus avant tout, pas de catégories ou de groupes sociaux.

    Écoutez non, les individus n’existent pas dans le vide, ils appartiennent à une époque, une culture et des groupes sociaux. Pareil pour les films, ils ne sont pas chi*s dans un trou noir. Si vous ne souhaitez pas lire d’analyse sur les rapports sociaux et la manière dont les réalisateurs les représentent dans les films, ou la façon dont les réalisateurs laissent apparaitre une certaine idéologie dans leurs films, voire font de la propagande, je vous suggère de ne pas lire les articles qui proviennent d’un site qui s’intitule Le cinéma est politique.
    Soyez cohérente.

    Sinon, acceptez de discuter de la dimension politique des films sans dire qu’elle n’existe pas.
    Notamment votre avis sur l’histoire de la bonne blague mentionnée dans l’article m’intéresse beaucoup.

    • @Tuxedo
      La seule et unique raison pour laquelle je me permets de poster sur ce sujet Tarantino est que je pense qu’il y’a eu contresens total des films Boulevard de la mort et Django Unchained. Ce n’est que mon humble avis, et si ma position vous paraît assez arrêtée, c’est que je suis (vous l’avez sans doute remarqué), une grande admiratrice de Quentin Tarantino. Je pense justement, que ça vous plaise ou non, qu’il n’y a pas énormément de choses « politiques » à chercher chez Tarantino. Du moins, à priori. Vous avez une lecture très premier degré des deux films, ce n’est pas parce qu’un film traite d’un personnage raciste ou misogyne que l’on doit en déduire une certaine idéologie du réalisateur. Les provocations, les remarques exécrables des personnages etc. servent aussi la dénonciation. Mais bref, la n’est pas la question puisque je persiste et signe : Tarantino ne cherche PAS à nous faire nous triturer les méninges sur la portée politique de ses films. Oui, dépasser l’opposition esclaves/propriétaires dans un film se déroulant justement à la période cruciale de la traite, c’est très fin. Justement parce que la période de l’esclavage ne se résume pas UNIQUEMENT à la persécution de populations, et au sadisme de certains.Il y’a d’autres à choses à dire, d’autres histoires à raconter, et l’histoire de Django, individu particulier puisque non rattaché à une « cause » en est un exemple. Le film rompt en cela avec l’atermoiement attendu par tout spectateur se rendant au cinéma pour voir un film sur fond d’esclavagisme.
      Si le réalisateur était historien, alors oui il aurait eu intérêt à historiciser, et à replacer les individus dans un contexte. Mais il ne l’est pas. Et son but est justement de centrer sa caméra sur des individus qui ne réagissent pas de manière « attendue », « conforme à leur situation » ou conforme à leur sexe. Je vous ai choqué avec l’histoire des jeunes filles de banlieue? C’était un exemple parmi d’autres, juste pour pointer le fait que, contrairement à ce qui est signifié dans l’article, les femmes ne sont pas par nature « douces et disponibles », tout cela tient de la socialisation, j’aurais pu donner des milliers d’autres exemples mais celui la est plutôt efficace, car il se trouve que certains gangs de filles sont 10 fois plus violents que des gangs masculins (c’était également un lien avec le gang féminin de Boulevard de la Mort). Et ce qui est dit dans l’article c’est grosso modo que la violence féminine est un « spectacle offert au regard hétérosexuel féminin ». Voila, une femme violente dans un film, c’est forcément pour exciter le mâle façon Lara Croft. Or la violence féminine existe, pas que dans les banlieues je vous le concède mais c’était le 1er argument qui me venait à l’esprit. Et encore une fois, le cinéma de Tarantino, c’est du cinéma de violence, donc femmes ou hommes ça n’importe guère.
      Par rapport au viol, je ne ferai même pas de commentaire, regardez un minimum les déclarations du réalisateur à ce sujet, et personnellement, je vois toujours ça dans la logique de revanche qui est la colonne vertébrale de tous les films ce réalisateur.
      Enfin, on ne peut pas comprendre le « machisme » ambiant sans prendre en compte l’influence des séries B américaines sur le cinéma de T., séries B que T. tourne en dérision avec un humour particulier certes, mais un humour quand même.

      • Oui, dépasser l’opposition esclaves/propriétaires dans un film se déroulant justement à la période cruciale de la traite

        Le problème, c’est que ce film ne se déroule pas à « l’époque » de la « traite », mais parle de la « traite ». Tous les films se déroulant, disons, dans le sud des États-Unis tout le long du XIXe siècle ne sont effectivement pas tenus de porter une véritable réflexion politique sur l’esclavage dès lors que celui-ci est tenu à l’écart du film, mais lorsque ce sujet est abordé, le réalisateur ou la réalisatrice a un minimum de responsabilités.

        Par ailleurs, cette critique ne dit pas que la femme est « naturellement » une créature non-violente, bien au contraire, son but est de casser les représentations stéréotypées de genre. Le problème posé par la violence féminine représentée dans ce genre d films, c’est qu’il s’agit précisément d’une « masculinisation » du ou des personnage(s) féminin(s) : autrement dit, une femme n’est montrée comme importante pour l’histoire que lorsqu’elle s’empare des outils traditionnellement représentés comme masculins pour résoudre une situation. Il s’agit donc d’une fausse émancipation puisque celle-ci passe par l’appropriation des codes de l’autre genre, beaucoup plus valorisants dans nos sociétés.

        La domination patriarcale n’accepte pas qu’une femme puisse se comporter « comme un homme », mais elle comprend ce fait puisqu’il est infiniment plus gratifiant d’être vu comme un homme que comme une femme. A l’inverse, les hommes qui adoptent des comportements « féminins » sont non-seulement rejetés, mais en plus parfaitement incompris puisqu’il n’y a rien de gratifiant dans cette démarche.

        • Je répondrais @tuxedo et à vous sans redétailler sur ce que je pense du traitement de la question du racisme, du viol (qui soit dit en passant n’est à la limite que « suggéré », dans l’esprit blague potache pas bien fine je vous l’accorde). Si je réponds avec véhémence, et sans prendre de recul selon vos dires, c’est justement que je pense que votre analyse est très parti pris et ne laisse pas non plus à la prise de recul. Je vous renvoie donc également à l’un des fils rouges de Tarantino; les séries B américaines suintantes de machisme, de blagues douteuses, qui une fois remises dans un contexte 3ème degré me font personnellement beaucoup rire. Encore faut-il y voir un troisième degré. Mon analyse personnelle, qui n’est pas la vôtre mais qui n’en est pas moins valable je pense malgré mes capacités rhétoriques bien moindres que les vôtres et que celui de l’auteur est donc la suivante ; Tarantino s’inspire d’un genre un peu nauséabond mais pourtant bourré de charme, qu’il revisite à sa sauce en y intégrant un certain machisme/racisme deuxième degré. Les femmes de Deathproof sont représentent sauf des clichés selon moi, les discours autour de mecs se croisent avec des discours grosses bagnoles dans un océan de paroles inutiles qui sont d’ailleurs un des fils d’ariane du cinéma de T. Il y’a construction d’un Personnage (P majuscule), dont les caractéristiques se retrouvent dans tous ses films, multiforme, et qu’on voit apparaître sous les traits d’un Homme/Femme/Noir/Chinoise. Et c’est en cela justement que j’estime que le « contexte » de ces films est somme toute moins important que ces Personnages.
          Enfin, concernant votre analyse de la « masculinité » et de la « féminité », je vous renvoie à l’ouvrage de Paola Tabet relatif à la construction sociale de l’inégalité des sexes, qui montre bien l’accaparement des armes et de manière générale de la violence par les Hommes, qui a contribué à rendre la « douceur » ou la « répugnance de la violence » une caractéristique perçue comme biologiquement féminine. Or, je réfute justement totalement l’idée que les femmes dans tarantino adopterait des « comportements traditionnellement masculins », « seule façon d’être héroines dans les films ». ET bien justement, il serait peut être temps de déconstruire le traditionnellement construit. Le féminisme, c’est justement de détruire ces « chasses gardées masculines », et d’affirmer que OUI une femme peut tout à fait aimer les grosses caisses, les bons films de castagne, parler comme un chartier, et être lassée des conversations chiffons. Le féminisme c’est également d’accepter que les hommes puissent apprécier des choses la encore construites comme « socialement féminines ». Donc non, (selon moi, je précise pour ne pas passer pour une têtue hystérique), Tarantino ne glorifie pas ses héroines parce qu’elles se comportent « comme des vrais mecs », mais parce qu’elles sont comme les autres personnages de ses films ; drôle, provocatrices, violentes, et cyniques.
          L’analyse qui est faite n’en est pas moins intéressante, elle me parait simplement prendre encore une fois trop au premier degré quelque chose qui, je pense, relève plus de la grosse déconnade pouvant paraître un peu lourdingue. Que vous pensiez ‘l’implicite politique » des films de Tarantino ne me déplait absolument pas (semaine Tarantino sur France Culture, beaucoup de choses discutées ici sont abordées). Mais acceptez que penser que ‘l’implicite politique » est un contre sens du cinéma de Tarantino est également un avis qui fait suite ne vous en déplaise à une réflexion bien mûrie. Après, qu’elle ne vous semble pertinente, c’est tout à votre honneur et j’accepte humblement la façon dont vous l’avez méthodiquement et avec un peu de mépris, déconstruite 😉

          • Pardonnez les monstrueuses fautes dues à une rédaction rapide, ne me lapidez pas s’il vous plaît.

          • Bonjour,

            1.Comment pouvez-vous trouver du charme (et beaucoup semble-t-il) à un genre que vous considérez dans le même temps nauséabond ?

            2.Je conviens bien sûr que vous puissiez appréciez personnellement un film au troisième degré, c’est votre droit, mais l’usage du troisième degré (du second aussi d’ailleurs)ne relève pas d’une disposition universellement répandue chez tout le monde. C’est avant tout une disposition cultivée (et très socialement distinctive).
            Si bien que le second degré ne sert bien souvent qu’à empêcher d’assimiler le vrai bourrin (celui de base et des classes populaires, celui de « cours après moi shérif » par exemple) au bourrin pour de faux, celui qui fait le malin à faire du bourrin.
            La cinéphilie pour la cinéphilie de Tarantino, c’est un peu cela : une entreprise cynique de relecture de l’inconscient social blanc hétéro masculin qui flatte et flatte inlassablement le bon goût, celui du conformisme et de l’ordre social et genré dominant.

            Jacques

      • Je pense justement, que ça vous plaise ou non, qu’il n’y a pas énormément de choses « politiques » à chercher chez Tarantino.

        Je pense quant à moi, qu’il y a beaucoup à penser, mais que vous refusez obstinément de le faire et dirons-nous, que cela vous déplait fortement que d’autres se permettent de « penser » l’implicite politique des films de Tarantino. Et pour reprendre votre formulation, « que cela vous plaise ou non », leur réflexion me semble beaucoup plus pertinente que la vôtre (ou plutôt son absence).

        ce n’est pas parce qu’un film traite d’un personnage raciste ou misogyne que l’on doit en déduire une certaine idéologie du réalisateur.
        Il y a manière et manière de traiter un personnage misogyne ou raciste. On peut en faire un personnage sympathique auquel on trouve des excuses, sur lequel on se focalise, dont on épouse le point de vue etc. En un mot, un personnage que le réalisateur choisit de vous faire apprécier. Ou un personnage qui est dénoncé pour son coté nauséabond. De même que montrer une scène d’agression sexuelle comme une scène comique N’EST PAS UNE FAÇON DE DÉNONCER LE VIOL mais au contraire une façon de normaliser l’agression sexuelle, d’en retourner le sens en épousant le point de vue de l’agresseur pour qui effectivement, cela peut-être amusant.
        C’est TOTALEMENT DIFFÉRENT que d’adopter le point de vue du bourreau ou celui de la victime. De même que certains films érotisent le viol en faisant épouser au spectateur la vision de l’agresseur et utilisant tous les outils esthétiques à disposition pour rendre l’expérience du viol, jolie, et charmante. Et il ne s’agit pas de malencontreux hasards qui s’accumulent et qui n’ont aucune signification ou impact sur la façon dont le viol est considéré par les gens. La culture du viol, ça vous dit quelque chose ou bien ?

        Que vous ne vouliez pas admettre ces faits basiques est très regrettable, on dirait que votre pensé c’est figée dans un déni total et absolu. Gelée dans votre position soi-disant apolitique, vous avez en fait tout à fait prit parti, le parti de ne pas penser, analyser, critiquer. Et de ne pas voir la légitimation de l’agression sexuelle qui apparaît dans le film.

        Je vous ai choqué avec l’histoire des jeunes filles de banlieue?
        Vous ne m’avez pas choqué, j’ai trouvé la comparaison particulièrement naïve et très située socialement et je l’ai fait remarqué. En un mot, j’ai trouvé que c’était extrêmement cliché, comme un énorme stéréotype qui fleurirai dans votre commentaire pourtant particulièrement fin du point de vue de l’analyse sociale.

        Par rapport au viol, je ne ferai même pas de commentaire, regardez un minimum les déclarations du réalisateur à ce sujet, et personnellement, je vois toujours ça dans la logique de revanche qui est la colonne vertébrale de tous les films ce réalisateur.
        Ok je n’ai pas formulé correctement. Par rapport à l’agression sexuelle qui est sous entendue, et à laquelle l’actrice c’est explicitement opposée en expliquant pourquoi selon elle c’était impossible que des femmes se comportent de cette manière, qu’avez vous à dire. De plus, il n’y a aucune revanche de prévue donc quoi ? C’est quoi la justification ?

        Essayez autre chose s’il vous plaît que « je ne ferai même pas de commentaires » ça serait dommage de me faire perdre mon temps.

        Pour le racisme quelqu’un d’autre vous a déjà répondu, je vais donc passer mon tour sur ce coup là. Surtout que je ne l’aurai sans doute pas aussi bien dit.

  28. Sur le machisme de Tarantino, voilà une anecdote qui en dit un peu sur lui et qui je crois n’a pas été citée ici. Dans Inglorious Basterds (spoiler), lorsque le personnage de Diane Kruger est étranglé, ce n’est pas Christopher Waltz qui joue la scène, mais Tarantino. En effet, pour un prétexte absurde (il ne faisant pas confiance à Waltz pour le faire assez bien), le réalisateur a remplacé l’acteur pour pouvoir étouffer lui-même Kruger jusqu’à ce qu’elle perde connaissance. Sans trop présumer, je doute pourtant que Tarantino soit particulièrement habilité pour pratiquer des techniques létales de manière safe (quelques secondes d’étranglement peuvent suffire à laisser des séquelles cérébrales): moi j’analyse ça comme un bon vieux fantasme de domination, peut-être un peu à l’emporte pièce. Cela dit, si il n’y a pas chez cet homme un fétichisme sordide de la violence, je sais pas ce que c’est…

    Comme je l’ai lu ailleurs de manière ironique, ce film est décidément une manigance particulièrement complexe pour permettre à Tarantino de stranguler une actrice, en étant habillé en nazi.

  29. Ce qui est étonnant de la part de l’auteur de l’article, est de faire ce qu’il reproche, du sexisme. C’est à dire de lié la violence à un genre, masculin, niant ainsi au féminin la possibilité de l’être. Comme si l’auteur cherchait à nous renvoyer l’image des femmes à celle de Disney, ce qui est en soit assez ironique.

    Pourquoi lorsqu’on a des femmes violentes, avide de vengeance, qui ne parle pas de choses de femme (dans le sens où la société nous l’impose), cela devient un fantasme masculin. Vous pensez donc que les femmes sont incapable de comportement violent? Que ces derniers sont seulement l’apanage des hommes?

    • Là ou je rejoins (un peu) l’article, c’est que ces films sont avant tout le fantasme de Tarantino (et de nombreux hommes) de voir ces femmes puissantes comme objet de fantasme. C’est un jeu sexuel, et pour lui la femme forte et violente (+ le fantasme du pied etc.) est excitant. Si ce film est apprécié par les féministes en plus, alors c’est un coup de maître car il n’est en rien féministe (Tarantino ne l’est pas du tout). Il met en scene son fantasme (un brin psychopathe) et en plus de ça dénonce la modernité (le féminisme donc) comme étant castrateur de l’homme viril d’antant. (Et je le rejoins là dessus 😉 )

      Concernant Django, l’article est dans le vrai quand il dit que c’est un film pour les hommes. Mais j’ai envie de dire « Et alors?? » Si on a envie de fantasmer (encore une fois) sur le fait qu’on puisse sauver une faible demoiselle en détresse, on a le droit non ?? Est ce qu’on vous fait chier avec vos series de filles ?? Non.. Alors laissez nous encore rever même si aujourd’hui on sait qu’on en a visiblement plus le droit.

      Et d’ailleurs assez d’accord avec vous Xal, sur le fait que l’auteur de l’article dénonce le sexisme tout en tenant des propos sexistes.
      Mais oui.. la théorie est encore une fois rattrapée par la dure réalité : les femmes puissantes sont vues comme des hommes par les hommes, et ça ne changera pas de sitôt au même titre que les hommes faibles n’attirent pas les femmes (posez vous la question)

  30. Bonjour,
    On peut ajouter un livre sorti il y a près de deux ans sur le sujet qui, analyse tout le problème de ce cinéma :

    http://www.amazon.fr/Quentin-Tarantino-ROLANDEAU-YANNICK/dp/2343028885/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1400764543&sr=8-4&keywords=rolandeau

    • La 4eme de couverture dit : « Les louanges envers le cinéaste Quentin Tarantino ont de quoi surprendre, tant du côté du public que de la critique. En s appuyant sur de nombreuses scènes et des dialogues-clefs, l auteur reprend les éléments narratifs de ses films et les envisage sous un angle esthétique, politique et socio-économique. Engageant une réflexion critique sur l image et le monde réel, l auteur indique que Quentin Tarantino s inscrit dans cette rébellion par un cinéma ludique, hybride et hédoniste, jouant d une violence parodique et d un second degré qui masquent en arrière plan une vision nihiliste du monde dans ce ressentiment des victimes de l Histoire.’

  31. Uma Thurman a livré aujourd’hui son témoignage sur les agressions sexuelles que Weinstein lui a infligé et les violences physiques et psychologiques commises à son encontre par Tarantino.

    https://www.themarysue.com/uma-thurman-weinstein-tarantino/

    Une partie du témoignage d’Uma Thurman me semble particulièrement interessante par rapport à la misogynie de Tarantino et l’utilisation de son art pour exprimer ses fantasmes sexistes.

    Thurman also alleges that Tarantino undertook some of the violent stunts from Kill Bill himself. She said that he was the one “spitting in her face in the scene where Michael Madsen is seen on screen doing it and choking her with a chain in the scene where a teenager named Gogo is on screen doing it.”

    Thurman allègue également que Tarantino a entrepris certaines des cascades violentes de Kill Bill lui-même. Elle a dit qu’il était celui qui lui crachait au visage dans la scène où Michael Madsen était vu à l’écran et l’étranglait avec une chaîne dans la scène où un adolescent du nom de Gogo est à l’écran.

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