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12 Years a Slave (2014) : l’esclavage à travers les yeux d’un héros hors norme

Solomon Northup, le héros noir de 12 Years a Slave est un être d’exception. Lorsque Steve McQueen était en quête d’une histoire à raconter, c’est bien ce qui semble l’avoir séduit : « I really wanted to tell a story about that time and place and the slave era in America but I wanted to have a […]

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Solomon Northup, le héros noir de 12 Years a Slave est un être d’exception. Lorsque Steve McQueen était en quête d’une histoire à raconter, c’est bien ce qui semble l’avoir séduit :

« I really wanted to tell a story about that time and place and the slave era in America but I wanted to have a character that was not obvious in terms of their trade in slavery, someone who had artistic abilities and who had station but found themselves in a different geographical location. Something that has scope and scale emotionally. »i

« Je voulais vraiment raconter une histoire à propos de cette époque et de ces lieux, et de l’époque de l’esclavage en Amérique mais je voulais un personnage qui ne cadre pas avec les conditions de la traite, quelqu’un qui avait des capacités artistiques et qui avait une situation mais qui se retrouve dans une situation géographique différente. Quelque chose qui ait une portée et une envergure émotionnelle. »

Le réalisateur britannique Steve McQueen et le scénariste John Ridley (tous les deux noirs, ce qui est de bon ton de noter) ont donc recherché à parler de l’esclavage selon un angle original. On peut tout à fait comprendre cette approche comme une volonté de se démarquer d’une narration qui paraîtrait trop traditionnelle et d’apporter un regard neuf sur le sujet. Mais en adoptant un certain de point de vue qui reste historiquement exceptionnel, le film ne risque-t-il pas de porter un regard biaisé sur l’esclavage ? La question est d’autant plus cruciale que cette période de l’histoire états-unienne a soulevé de nombreuses interrogations et controverses.

Solomon Northup est un noir libre résidant dans un des États du Nord à une époque où des centaines de milliers de noir-e-s survivaient dans un État d’esclavage dans les plantations du Sud profond. En 1841, il travaille en tant que charpentier et joueur de violon à Saratoga, dans l’État de New York. Il est marié et a deux enfants. Tout semble le différencier de la condition d’un noir esclave de l’époque : un métier rémunéré, une famille nucléaire unifiée, une éducation (il sait lire et écrire) et bien sûr, Saint Graal parmi les Graals, la liberté (en tout cas pour une grande partie des noir-e-s de l’époque). Dans le film 12 Years a Slave, Solomon Northup apparaît comme homme heureux et « normal » selon des critères socio-économiques : c’est un noir qui a sa vie en main et qui semble bien intégré dans la société blanche. Il a une bonne réputation, des gens le saluent dans la rue et le recommandent pour ses qualités de musicien. Le héros connaît un bonheur complet qui va lui être arraché par l’esclavage et qu’il n’aura de cesse de chercher à retrouver pendant toute la durée du film.

Pour mieux comprendre les enjeux de l’adaptation cinématographique de 12 Years a Slave et en analyser le propos, il semble nécessaire de revenir à la lecture du texte original, le récit autobiographique de Solomon Northup lui-même. Mais il est surtout indispensable de s’appuyer sur les travaux des historiens qui ont largement étudié l’histoire de l’esclavage aux États-Unis, car cet épisode est marquant dans la construction de l’État fédéral. Non seulement à l’époque de la révolution américaine puis de la Guerre de Sécession, mais aussi après l’abolition de l’esclavage officialisée dans la Constitution américaine qui a ouvert la voie à la ségrégation jusqu’au milieu des années 1960. Dans l’Histoire de l’esclavage aux États-Unis (1998), Claude Fohlen, professeur émérite à la Sorbonne et spécialiste des États-Unis, explique :

« Le paradoxe de la révolution américaine, c’est qu’elle fut mise en route par ceux qu’un historien a appelé la « grande génération », une élite de planteurs virginiens, propriétaires d’esclaves, quoique hostiles idéologiquement à l’esclavage, Patrick Henry, George Washington, George Mason, Thomas Jefferson… et qu’elle fut en quelque sorte stoppée avant d’avoir atteint son aboutissement logique. […] Comment pouvaient-ils ainsi prétendre s’inscrire dans le droit fil des Lumières du XVIIIe siècle, se séparer du Royaume-Uni au nom de la liberté, en abritant sur leur sol des êtres complètement démunis de liberté, considérés comme une marchandise et assimilés à une forme banale de propriété ? Cette apparente anomalie n’a cessé d’interpeller les historiens et de porter ombrage à la nature même de la révolution américaine. » ii

La Constitution évite soigneusement l’utilisation du mot « esclavage » mais il reste sous-jacent dans le texte. La juridiction de l’esclavage (considéré alors comme une forme de propriété) est du ressort de chaque Étatiii. A l’époque, les deux premiers États à abolir l’esclavage sont le Vermont et le Massachusetts en 1777 et 1783 respectivement. Car il ne faut pas oublier que les États du Nord aussi pratiquaient l’esclavage :

« l’esclavage s’est imposé à la fin du XVIIe siècle là où les planteurs avaient besoin de main d’œuvre, c’est-à-dire dans le Sud. […] Les colonies du Nord ont, elles aussi, élaboré une législation reconnaissant l’esclavage et marginalisant les Noirs qui, peu nombreux, étaient employés comme domestiques ou artisans. » iv

Mais dans ces États, l’abolition de l’esclavage se fait très progressivement, conduisant à l’apparition d’un nouveau groupe social, les noir-e-s libres :

« Les Noirs avaient toujours joui dans le Nord de meilleures conditions d’existence, du fait que la plantation y était inconnue. L’influence puritaine avait aussi exercé une influence favorable, en particulier au milieu du siècle, au moment du Grand Réveil, qui avait favorisé la réflexion sur la légitimité de l’esclavage, à travers l’action, déjà bien reconnue, des Quakers, mais d’avantage encore des Baptistes et des Méthodistes, qui tous arguaient de l’incompatibilité entre la servitude et les enseignements du christianisme. Leur ministère s’exerça d’avantage dans le Nord, en progressant à la fin du siècle vers le Sud, où la réception fut nettement moins chaleureuse, voire hostile. »v

Dans l’État de New-York où vit Solomon Northup, l’évolution est plus lente car avec le New Jersey, ces deux États avaient la proportion la plus élevées d’esclaves du Nord : en 1799, une loi est votée qui affranchit les garçons noirs à naître quand ils auraient atteint 28 ans, les filles 25.

Si l’abolition de l’esclavage redonne leur liberté aux noir-e-s, cela ne signifie pas qu’ils aient acquis l’égalité de leurs droits civiques avec les Blanc-he-s. Il faudra encore attendre un bon siècle pour cela.

Un héros au dessus de la masse noire

« Le principe de l’émancipation graduelle adopté par la majorité des États du Nord eut pour conséquence de laisser subsister, côte à côte, des esclaves et des Noirs libres jusqu’au milieu du XIXe siècle, quand s’éteignit la dernière génération de ceux qui avaient enduré la servitude. Cependant, vingt ans après la révolution, l’émancipation y avait partie gagnée. Ce qui ne signifie pas que les Noirs libres avaient une condition enviable, bien au contraire, car ils étaient les victimes d’une véritable discrimination. Concentrés dans les villes, à la différence de leurs frères du Sud, ils étaient relégués dans les travaux les plus rebutants et les plus mal rémunérés, parqués dans des quartiers insalubres et privés bien souvent de l’exercice de leurs droits civiques. Objets d’une ségrégation rampante, ils pouvaient mesurer l’abîme qui sépare l’émancipation d’une véritable égalité. » vi

Comparé aux autres noir-e-s de l’époque, qu’ils vivent dans les États du Nord qui ont aboli l’esclavage ou les États du Sud qui le pratiquent ardemment, Solomon Northup est bien historiquement un cas d’exception vii. Dans le film, il est fait le portrait d’un homme libre appartenant à une classe sociale plutôt aisée : il peut par exemple se permettre d’offrir à sa femme certains de ses caprices (un sac de voyage plutôt couteux). Le changement de ton dans la suite du film sera d’autant plus brutal. Son enlèvement le catapulte dans un autre univers, celui d’une masse de noir-e-s dont la seule couleur de peau, quelque soit leurs origines, éducation, capacités, les ravalent automatiquement au rang de race inférieure et d’esclave. Il s’agit là de l’un des ressorts les plus puissants du film : en mettant en scène un héros noir auxquels les spectateurs/trices peuvent s’identifier, l’esclavagisme et le racisme apparaissent sous un jour d’autant plus injuste et cruel. Ce choix a sans conteste un impact positif quand à la représentation des noir-e-s au cinéma : le héros est un homme intelligent et courageux qui malgré ses mésaventures et l’état de servitude dans lequel il est plongé réussit à survivre, parfois même à manipuler ses maîtres.

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Le statut de Northup, en tant qu’homme qui sort de la masse des noir-e-s de l’époque est souligné à diverses reprises à la fois dans le roman et dans le film. William Ford, son premier propriétaire, voit bien en lui un être exceptionnel. Aux yeux des spectateurs/trices, Northup se distingue par sa soif de liberté et sa volonté constante de s’échapper. Dans la soute du bateau qui l’emmène dans le Sud, par exemple, Northup veut se battre pour sa liberté mais il se heurte au fatalisme de ses congénères, qui n’est d’ailleurs pas totalement injustifiée. Sous le coup des fouets et la menace de la mort s’illes tentent de s’échapper, les esclaves semblent se résigner à vivre dans la servitude. Il se forme alors deux groupes : celui des êtres exceptionnels qui continuent de se battre sans espoir pour la liberté et la masse qui courbe l’échine.

Le film joue sur cette distinction à plusieurs reprises, parfois en s’éloignant du récit autobiographique. C’est le cas de la scène interminable, et insupportable, durant laquelle Northup reste à moitié pendu pendant que les autres esclaves de la plantation continuent de vaquer à leurs occupations comme si de rien n’était, seule une jeune femme vient lui porter à boire (le texte original ne mentionne pas cette indifférence de la part des esclaves). Lorsque Northup améliore les méthodes de travail et le rendement pour son maître Ford, il chérit l’espoir de gagner l’estime et le respect de son maître pour que celui-ci lui donne sa liberté. Patsey, l’esclave remarquable de Epps, voudrait que Northup la noie, une demande que ce dernier accueille avec incompréhension et horreur. Car en plus d’être un crime qui l’enverrait en Enfer, c’est une reddition que lui, qui souffre pourtant d’autant plus de l’esclavage qu’il a connu la liberté avant, ne conçoit pas. Cette scène est inventée pour le scénario du film.

Le film est engagé et sans concession dans sa dénonciation de la cruauté et de la violence de l’esclavage, mais en filigrane se dessine l’idée que l’énergie et la détermination du héros proviennent du fait qu’il sait ce qu’est vivre en homme libre : comment concevoir de se battre pour obtenir ce que l’on n’a jamais connu ? C’est invisibiliser les générations d’esclaves né-e-s esclaves qui se sont révolté-e-s, ont résisté-e-s à leurs maîtres de la manière dont illes pouvaient, ou ont réussi à s’échapper et à survivre, gagnant les États du Nord mais surtout le Canada où illes gagnaient automatiquement la liberté (alors que, selon les époque et les États de l’Union, illes courraient le risque d’être renvoyé-e-s à leur maître puisqu’illes étaient considéré-e-s comme sa propriété).

En fait le film n’a pas à mon sens réussi à se désolidariser suffisamment d’un biais essentiel du texte original. Hélène Le Dantec-Lowry, dans De l’esclave au Président. Discours sur les familles noires aux États-Unis, souligne les précautions qui sont de mise avec certains témoignages de l’époque :

« [Frazier] utilisa aussi de nombreux témoignages venant de missionnaires ou de voyageurs blancs, qui jugeaient les Noirs selon leurs propres critères de classe et de culture, et des récits par des esclaves qui, souvent plus éduqués et moins pauvres, n’étaient pas toujours représentatifs du groupe noir dans son ensemble et partageaient aussi souvent des préjugés de classe à l’encontre des Noirs appauvris et des esclaves travaillant aux champs (voir Tenhouten, 1971). » viii

Ces préjugés sont parfaitement visibles dans le récit de Northup, au moment de la révolte qu’il fomente dans le bateau qui l’emmène vers les plantations :

« There was not another slave we dared to trust. Brought up in fear and ignorance as they are, it can scarcely be conceived how servilely they will cringe before a white man’s look. It was not safe to deposit so bold a secret with any of them, and finally we three resolved to take upon ourselves alone the fearful responsibility of the attempt. »

« Il n’y avait aucun autre esclave à qui nous osions faire confiance. Elevés dans la peur et l’ignorance, on pouvait à peine concevoir avec quelle servilité ils allaient s’applatir sous le regard d’un homme blanc. Il n’était pas sûr de confier un secret si audacieux à aucun d’entre eux, et finalement nous trois decidâmes de prendre sur nous-mêmes seulement l’anxieux devoir de notre tentative. »

Lorsqu’il raconte ses rencontres avec des esclaves dans l’État de New-York, il ne comprend pas forcément qu’elles sont leurs conditions de vie. Il occupe une position extérieure mais privilégiée de conseiller pour les aider à établir des plans pour s’échapper. ix Dans le film, c’est même pire puisque les intéractions sont quasiment inexistantes : Northup croise un esclave qui ose s’aventurer sans son maître dans une boutique, mais aucune communication ne passera entre les deux hommes.

Pour autant, à la fin de son odyssée, Northup devient un hardent défenseur de ses frères et sœurs noir-e-s :

« Let them know the heart of the poor slave—learn his secret thoughts—thoughts he dare not utter in the hearing of the white man; let them sit by him in the silent watches of the night—converse with him in trustful confidence, of « life, liberty, and the pursuit of happiness, » and they will find that ninety-nine out of every hundred are intelligent enough to understand their situation, and to cherish in their bosoms the love of freedom, as passionately as themselves. »

« Laissez-les connaître le coeur du pauvre esclave – apprendre ses pensées secrètes – des pensées qu’il n’ose pas prononcer à portée de l’homme blanc ; laissez-les s’asseoir à côté de lui pendant les veilles silencieuses de la nuit – parler avec lui en de confiants confidences, de « la vie, la liberté, et la poursuite du bonheur », et ils verront que quatre-ving-dix-neuf individus sur cent sont assez intelligents pour comprendre leur situation, et pour chérir en leur sein l’amour de la liberté, aussi passionnément qu’eux-mêmes. »

Northup décrit également comment les vélléités de révolte font régulièrement surface chez les esclaves, et évoque notamment que la guerre du Mexique a agité les esprits et les espoirs de l’approche d’une armée délivrante. Mais ces épisodes ne sont pas retranscrits dans le film :

« It was not unusual for slave women as well as slave men to endeavor to escape. »

« Il n’était pas inhabituel pour une femme esclave aussi bien qu’un homme esclave d’essayer de s’échapper. »

« Such an idea as insurrection, however, is not new among the enslaved population of Bayou Boeuf. More than once I have joined in serious consultation, when the subject has been discussed, and there have been times when a word from me would have placed hundreds of my fellow-bondsmen in an attitude of defiance. »

« Une idée telle que la révolte, cependant, n’était pas nouvelle au sein de la population esclave de Bayou Boeuf. Plus d’une fois j’ai participé à une réunion sérieuse, quand le sujet avait été discuté, et il y a eu des fois où un mot de ma part pouvait placer des centaines de mes frères de chaîne dans une attitude de défi. »

Le paradis des États du Nord abolitionnistes

Un autre des aspects les plus surprenants du film 12 Years a Slave est sans conteste son silence total au sujet du racisme et des discriminations dont les noir-e-s sont victimes dans les États où l’esclavage a été aboli. Dans De la Démocratie en Amérique, paru entre 1835 et 1840, c’est-à-dire à l’époque même où vivait Northup avant de devenir esclave, Tocqueville écrivait :

« Le préjugé de la race me paraît plus fort dans les États qui ont aboli l’esclavage que dans ceux où l’esclavage existe encore, et nulle part il ne se montre aussi intolérant que dans les États où la servitude a été inconnue […] Au Sud, où l’esclavage existe encore, on tient moins soigneusement les Nègres à l’écart […] la législation est plus douce à leur égard ; les habitudes sont plus tolérantes et plus douces. »

Claude Fohlen, citant également Tocqueville, explique que l’abolition de l’esclavage et a fortiori la condition des noir-e-s n’ont pas été, avant 1850, un enjeu majeur des débats politiques au sein l’Union x :

« Au départ, les sources de ce grand débat sont exclusivement religieuses, car ce n’est pas dans l’héritage des Lumières du XVIIIe siècle, mais dans le vieux fonds hérité du puritanisme que l’on trouve une condamnation de l’esclavage. Les Américains de ce temps s’accommodent fort bien de son existence, qui a été implicitement confirmée par la Constitution. Dans le Nord, il est en voie de disparition progressive, ce qui fait naître une autre difficulté, la condition des Noirs devenus libres. Tocqueville, sensible à cet aspect des choses, écrivait : « La loi peut détruire la servitude mais il n’y a que Dieu que puisse en faire disparaître la trace… Vous pouvez rendre le Nègre libre, mais vous ne sauriez qu’il ne soit pas vis-à-vis de l’Européen dans la position d’un étranger. Ce n’est pas tout encore : cet homme qui est né dans la bassesse ; cet étranger que la servitude a introduit parmi nous, à peine lui reconnaissons-nous les traits généraux de l’humanité… Les modernes, après avoir aboli l’esclavage, ont encore à détruire trois préjugés bien plus insaisissables et plus tenaces que lui : le préjugé du maître, le préjugé de la race, et enfin le préjugé du Blanc. » Aucune réponse ne se trouvait dans l’idéologie morale ou politique. » xi

Dans l’État de New-York ou à Washington D.C., jamais Northup n’est montré à l’écran confronté à une situation discriminante. Le livre reste aussi discret sur ces aspects mais ils sont pourtant bien évoqués :

« Though born a slave, and laboring under the disadvantages to which my unfortunate race is subjected, my father was a man respected for his industry and integrity, as many now living, who well remember him, are ready to testify. »

« Bien que né esclave, et s’imaginant les inconvénients auxquels ma race malheureuse est sujette, mon père était un homme respecté pour son travail et son intégrité, comme ceux qui vivent encore, qui se souviennent bien de lui, sont prêts à témoigner. »

« I resolved to enter upon a life of industry; and notwithstanding the obstacle of color, and the consciousness of my lowly state, »

« Je décidai d’entrer dans la vie active; et malgré l’obstacle de ma couleur, et la conscience de mon statut inférieur, »

Il faut garder à l’esprit que 12 Years a Slave sont les mémoires de Solomon Northup racontées et publiées par David Wilson. Claude Fohlen met en garde : « La plupart des biographies, qui ont été recueillies par des Blancs, souvent abolitionnistes, auprès de fugitifs, doivent être utilisées avec précaution. » xii Ces écrits sont en effets susceptibles d’être biaisés sous la plume de militants abolitionnistes blancs, ou parce qu’ils étaient destinés à un public qu’il fallait convaincre de la nécessité d’abolir l’esclavage dans l’Union, suivant le modèle des États dans lesquels ils vivaient. S’adressant à une société discriminante, on peut raisonnablement penser que Northup ou son éditeur ont exercé une forme d’autocensure. Le film manque une opportunité de prendre du recul par rapport au texte original et par la même occasion alimente une représentation binaire inexacte : les « gentils » États du Nord abolitionnistes contre les États du Sud profond, esclavagistes et diabolisés.

Dans les États du Nord, on l’a vu, la réalité est plus complexe. L’esclavage n’a été aboli que graduellement et ne constitue pas une priorité dans l’agenda politique de l’Union fédérale, sans compter les droits civiques des noir-e-s libres. Une large partie du dernier chapitre de 12 Years a Slave raconte les poursuites judiciaires à l’encontre des kidnappeurs de Northup, qui furent tous acquittés : ces éléments sont absents de l’adaptation, alors qu’ils auraient permis de questionner l’égalité effective des droits des noir-e-s devant les tribunaux blancs des États du Nord. Mais on peut aussi reprocher la vision des propriétaires d’esclaves offerte par le film au regard du texte original. Ceux-ci sont en effet systématiquement représentés sous un jour négatif alors que le récit de Northup est plus nuancé, voir tout à fait laudateur sur certains propriétaires. C’est le cas de William Ford, par exemple, mais aussi d’une propriétaire qui n’apparaît pas dans le film :

« I dwell with delight upon the description of this fair and gentle lady, not only because she inspired me with emotions of gratitude and admiration, but because I would have the reader understand that all slave-owners on Bayou Boeuf are not like Epps, or Tibeats, or Jim Burns. Occasionally can be found, rarely it may be, indeed, a good man like William Ford, or an angel of kindness like young Mistress McCoy. »

« Je m’attarde avec délice sur la description de cette juste et gentille dame, non seulement parce qu’elle m’a inspiré des émotions de gratitude et d’admiration, mais aussi pour faire comprendre au lecteur que tous les propriétaires d’esclaves à Bayou Boeuf ne sont pas comme Epps, ou Tibeats, ou Jim Burns. Parfois peut-on trouver, aussi rare cela puisse-t-il être, un homme bon comme William Ford, ou un ange de bonté comme la jeune Maîtresse McCoy. »

Il faut aussi mentionner cet épisode dans le bateau où un marin tue l’un des esclaves. Comme le fait remarquer Noah Berlatsky dans un article qui compare la fidélité de l’adapation au roman :

« A sailor enters the hold and is about to rape one of the slave women when a male slave intervenes. The sailor unhesitatingly stabs and kills him. This seems unlikely on its face—slaves are valuable, and the sailor is not the owner. And, sure enough, the scene is not in the book. » xiii

« Un marin descend dans la cale et s’apprête à violer l’une des femmes lorsqu’un esclave intervient. Le marin, sans hésitation, le poignarde et le tue. Cela semble clairement improbable – les esclaves sont précieux, et le marin n’en est pas le propriétaire. Et, sans surprise, la scène n’est pas dans le livre.»

Les historien-nes n’ont de cesse de rappeler les difficultés à obtenir des sources d’informations fiables sur la vie des noir-e-s à cette époque mais aussi à brosser un tableau nuancé qui prend en compte la variété des situations des esclaves et des êtres libres, selon leur situation sociale, géographique, qu’ils travaillent dans des grandes plantations où les conditions sont particulièrement difficiles, pour de petits producteurs ou dans la sphère domestique.

Une description fidèle de la vie des esclaves dans le Sud ?

On comprend dès lors les enjeux de la réalisation d’un film tel que 12 Years a Slave. Le film s’en sort très bien sur un certain nombre de points. La description des conditions de travail dans les champs de coton (et de canne à sucre) semble fidèle : ramassage du coton, organisation des équipes, utilisation du fouet (admise comme étant généralisée dans les plantations). Mais aussi l’autonomie toute relative des esclaves sur certains aspects de leur vie : jour de repos certains dimanches, cultivation de la terre pour faire pousser des légumes, possibilité d’être propriétaire de certains biens (objets, animaux, ce qu’illes gagnaient pendant les jours de repos ou ce que leurs maîtres leur permettaient de garder, ce qui est le cas de Northup lorsqu’il joue du violon).

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Le film retranscrit la ferveur religieuse des noir-e-s et la manière dont se construisent et se perpétuent leurs traditions et leur culture dans un espace qui leur interdit l’accès à l’éducation. Il leur était absolument interdit de savoir lire et écrire, ce qui explique le soin avec lequel Northup cache ses connaissances, mais il faut cependant garder en tête que leurs ancêtres Africains privilégiaient une tradition culturelle orale, qui s’est perpétuée de manière fluctuante sur le sol américain.

Les spirituals font l’objet d’une scène importante dans le film : à la mort d’un des leurs, les esclaves de Epps se rassemblent autour de sa tombe et chantent en son honneur. Cette scène montre l’existence de traditions culturelles et la cohésion d’un groupe d’esclaves (ce qui est bienvenu à ce stade du film après avoir assisté à de multiples reprises à la passivité ou à l’indifférence des esclaves face à la situation de certain-e-s des leurs). Elle filme aussi un changement d’attitude de la part de Northup : celui-ci, d’abord muet, commence à chanter avec les autres. C’est comme s’il acceptait enfin le fait qu’il fait partie de ce groupe d’esclaves, en adoptant leur culture orale (n’oublions pas que Northup a reçu une éducation blanche et écrite, même s’il musicien) et en extériorisant sa peine.

Le film prend enfin un vrai recul pour traiter de l’influence de la religion dans le Sud, une dimension absente du texte original. C’est en effet dans certains passages de la Bible que les planteurs puisent les justifications dans l’esclavage : Epps y lit directement ses discours pour expliquer les règles que les esclaves doivent respecter et les punitions qu’ils encourent. Les scènes qui montrent le maître blanc (William Ford, Edwin Ford) en charge de l’office religieux pour sa famille et ses esclaves sont nombreuses, et dénoncent l’hypocrisie ou du moins la persistance d’une religion paternaliste qui domine une race, considérée comme inférieure, pour son salut éternel. Elles indiquent également, incidemment, que le film est capable de s’extirper du texte de Northup pour en donner une interprétation historiquement plus juste. Ce qu’on aurait bien souhaité qu’il fasse sur d’autres aspects du récit.

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La représentation des femmes noires

Doublement victimes du racisme et du sexisme, souvent prises en tenaille entre un patriarcat noir et un féminisme blanc raciste et classiste, les femmes noires aux États-Unis ont du trouver leur propre manière d’analyser les discriminations dont elles étaient victimes et de faire entendre leurs voix. Comme l’explique Elsa Dorlin dans l’introduction de l’anthologie Black feminism, « A partir des années 1830, aux États-Unis, nombre d’associations féminines se sont activement mobilisées en faveur de l’abolition de l’esclavage […] c’est de la mobilisation abolitionniste qu’est né le mouvement suffragiste américain. » Mais au sortir de la Guerre de Sécession, certaines féministes refusent de mener de front la lutte pour le droit de vote des femmes et des noirs. Ceci mène à une séparation en deux catégories distinctes « femmes » et « noirs » qui, comme le rappelle le titre d’un ouvrage fondateur des études féministes noires États-uniennes, exclut au passage les femmes noires : « All the women are white, all the Blacks are men, but some of us are brave… » (Gloria Hull, Patricia Bell Scott, Barbara Smith). Il est donc tout à fait pertinent d’analyser de manière spécifique la représentation des femmes noires dans 12 Years a Slave. Cette étude est d’autant plus nécessaire que le film diverge de manière surprenante par rapport au récit sur le traitement de certains personnages féminins.

Patsey est la « reine des champs de coton », une jeune femme remarquable qui ramasse le double de coton que n’importe quel-le autre esclave. Entre la lubricité de Ewdin Epps qui la viole et la bat régulièrement et la jalousie de sa femme, Patsey occupe la pire des positions. Dans le livre, la jeune femme est décrite comme ayant un caractère naturellement enjoué malgré sa situation, mais elle plonge dans une profonde mélancholie après avoir été sauvagement fouettée. Dans le film, une scène est ajoutée au scénario : celle où Patsey supplie Northup de la tuer pour la délivrer de son calvaire, car elle n’a pas le courage de se suicider. Cette invention peut sembler plausible mais elle est problématique car elle s’inscrit dans un contexte plus large : celui d’un film qui présente les femmes noires comme des êtres négatifs.

Car si Patsey est plus forte physiquement et plus douée aux champs que Northup, elle est psychologiquement plus faible et veut mourir. De même, Eliza, qui a été connu des conditions de vie privilégiées et pouvait espérer l’émancipation avant d’être vendue dans le Sud, s’abandonne à pleurer la perte de ses enfants jour et nuit. Ses gémissements sont présentés comme insupportables et Northup excédé lui crie de se taire. L’attitude d’Eliza tranche avec le fier silence de l’homme, qui lui aussi a été séparé de sa femme et de ses enfants. Cette scène a pourtant été inventée pour le scénario.

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Dans le film, Charlotte la femme de Maître Shaw est une ancienne esclave qui jouit à présent d’une position socialement confortable, appréciant désormais être servie elle-même par des esclaves. Son personnage montre comment les opprimé-e-s peuvent reproduire les schémas de domination pour s’extirper de la masse. Elle a de bonnes manières qu’elle inculque à Patsey, mais elles semblent déplacées chez cette femme noire entourée de ses esclaves. Le livre quant à lui mentionne Harriet Shaw deux fois : une première fois pour dire qu’elle est une esclave noire devenue la femme de Shaw ; une deuxième fois pour préciser qu’elle était bonne avec Patsey, car elle connaissait ses problèmes avec les Epps. Pas une seule mention du caractère ou du comportement de Harriet vis-à-vis des esclaves n’est faite. Le développement de son personnage, de manière assez négative, est le fait du scénario. Sans compter qu’il laisse entendre, lorsqu’Harriet enseigne à Patsey en lui faisant miroiter la liberté si elle reste soumise à Epps, qu’une femme esclave a une chance de s’en sortir grâce aux faveurs sexuelles qu’elle prodigue à son maître: c’est retourner de manière tout à fait inattendue le fait que Patsey ne peut que jouer un rôle passif étant victime à répétition des violences sexuelles de son maître.

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Un détail ajoute une autre tonalité au thème de la sexualité des femmes noires, dont un préjugé veut qu’elle serait débridée. Une scène montre Northup couchée avec une femme qui lui prend la main pour se masturber tandis qu’il reste immobile et insensible. Un plan semblable y fait écho, mais cette fois il s’agit de Northup et de sa femme qui se regardent amoureusement yeux dans les yeux. Ces deux scènes sont également abstentes de l’autobiographie et ne semble avoir été ajoutées que pour renforcer la douleur de la séparation de Northup et de sa femme. Mais en même temps, elles opposent les deux femmes : la femme esclave, qui vit dans l’instant et ne réfrène aucune de ses pulsions, et la femme civilisée du Nord qui est l’épouse légitime et à qui le mari reste fidèle. On peut se demander s’il ne se joue pas en toile de fond une défense active du modèle nucléaire de la famille noire afin de la normaliser selon le modèle blanc. Il faut savoir que les historiens et les sociologues ont souvent considéré les familles noires comme étant désorganisées (voire pathologiques), étant donné les réalités du terrain qui montre des familles plus souvent désunies et monoparentales que dans le reste de la société américaine xiv.

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Comme le rappelle Loïc Wacquant dans la préface de De l’esclave au Président, Discours sur les familles noires aux États-Unis,

« Les cinq traits censés distinguer la famille noire de la famille blanche de classe moyenne, tacitement instituée comme norme, à savoir la fragilité conjugale, le rôle-pivôt assumé par la mère tant au plan économique, qu’affectif, la méfiance frisant la défiance entre hommes et femmes, la tolérance marquée envers la sexualité et la paternité extra-maritales, enfin la protection collective des enfants (notamment par la pratique commune de l’adoption intra-lignagère), sont-ils dus à un tenace « héritage africain », à un effet de rabotage social de l’esclavage, ou bien encore à la pauvreté intense qui, de génération en génération, frappe de manière disproportionnée la population afro-américaine ? »

Il y a un grand écart entre celleux qui affirment que les liens familiaux sont quasi-inexistants chez les esclaves et celleux qui décrivent un modèle de famille noire de type victorien. Certains avancent que la famille est le cadre idéal pour la reproduction et que c’est pourquoi elle est encouragée dans une certaine proportion par les propriétaires, même si elle n’est pas légalement reconnue. Ceci expliquerait comment la population noire a pu s’accroître aux États-Unis malgré l’esclavage.

On comprend mieux dans ce contexte le silence du film sur l’une des réalités de la vie des esclaves : l’encouragement par les maîtres de la reproduction de leurs esclaves, comme s’il s’agissait de leur cheptel. Northup décrit comment les relations entre les esclaves étaient facilitées :

« Marriage is frequently contracted during the holidays, if such an institution may be said to exist among them. The only ceremony required before entering into that « holy estate, » is to obtain the consent of the respective owners. It is usually encouraged by the masters of female slaves. Either party can have as many husbands or wives as the owner will permit, and either is at liberty to discard the other at pleasure. The law in relation to divorce, or to bigamy, and so forth, is not applicable to property, of course. If the wife does not belong on the same plantation with the husband, the latter is permitted to visit her on Saturday nights, if the distance is not too far. »

« Le mariage est souvent contracté pendant les vacances, si on peut dire qu’une telle institution puisse exister parmi eux. La seule cérémonie requise avant d’accéder à ce « divin sacrement » est d’obtenir le consentement des propriétaires respectifs. Le marriage était souvent encouragé par les maîtres des femmes esclaves. N’importe quel parti peut avoir autant de maris ou de femmes que le propriétaire l’autorise, et a la liberté de rejeter l’autre selon son gré. La loi concernant le divorce, ou la bigamie, etc, n’est pas applicable aux biens, bien sûr. Si la femme n’appartient pas à la même plantation que son mari, ce dernier est autorisé à la visiter les samedis soirs, si la distance n’est pas trop grande. »

***

La conclusion du film et du roman célèbre la réunion de Northup avec sa famille. Elle peut laisser au moins un regret, maigrement pallié par les sous-titres finaux : celui de voir un noir être libéré de l’esclavage grâce à un Blanc abolitionniste, sans mettre en scène d’esclave ayant réussi à s’échapper par elle-même ou lui-même. Northup a pourtant participé par la suite au réseau du « chemin de fer de la liberté », qui aidait les esclaves fugitifs/ves à atteindre le Canada pour gagner leur liberté, et peut-être cela aurait-il constitué une scène finale politiquement plus forte que cette réunion familiale un peu mièvre (et qui garde un arrière-goût d’amerturme puisque que Northup a laissé derrière lui Patsey et les autres esclaves). Ce choix est peut-être révélateur, une fois de plus, de la perspective choisie par le film : celle d’un individu exceptionnel vivant dans un Eldorado noir et abolitionniste dans les Etats du Nord, en mettant à distance une certaine réalité vécue par le reste des noir-e-s.

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Edit 1 du 28/02/14 : L’une des lectrices de cet article a fait remarquer sur une mailing liste qu’il manquait une référence supplémentaire à propos du scénariste du film John Ridley. Il s’agit d’un manifeste intitulé « The Manifesto of Ascendancy for the Modern American Nigger » (Le Manifeste sur l’ascendance du nègre américain moderne ») dont la lecture est en effet tout à fait éclairante pour comprendre le choix et la mise en scène de Solomon Northup en tant que noir d’exception. Cette lectrice indiquait également une réponse de l’auteure Philip Henderson à ce manifeste.

Edit 2 : Pendant que j’y suis, j’ai écouté très récemment un dialogue entre bell hooks et Melissa Harris-Perry durant l’évènement « Black Female Voices: Who Is Listening? ». Pendant cette intervention, bell hooks a fait un aparté pendant deux minutes pour expliquer ce qu’elle a pensé du film 12 Years A Slave au sujet de la représentation des femmes. Je pointe ici vers la partie de la conférence concernée à partir de 21:57, et qui continue, après une parenthèse sur Michelle Obama, avec Marissa Harris-Perry. Les films Django Unchained, The Help et The Butler sont aussi abordés pour parler d’un certain « sentimentalisme » mélo-dramatique associée à la représentation de la « noirceur » au cinéma.

Edit 3 du 13/01/2105 : Initialement, j’avais utilisé dans un certain nombre de phrase l’expression « Noir-e » avec une majuscule. Or, cet emploi de la majuscule s’avère problématique comme l’explique cet article du site Une autre histoire :

« […] la majuscule n’est de règle que lorsqu’un adjectif substantivé désigne une personne en fonction de sa nation (un Français, un Japonais), de son continent (un Africain), de sa ville (un Lyonnais, un Londonien).

Il va de soi que l’adjectif noir employé substantivement ne désigne pas une personne en fonction de sa nation, de son continent ou de sa ville, mais de la couleur de sa peau et que, -dès lors- la minuscule serait préférable, sauf à considérer que la couleur de la peau d’un individu le ferait d’emblée appartenir à un groupe.

Dire qu’un individu appartient à un groupe par la seule couleur de sa peau, c’est la définition même du racisme.

[…]

Toutefois, les mêmes journaux Le Monde ou Libération prennent bien garde de ne pas mettre de majuscule à l’adjectif « juif » employé substantivement. Un « juif » est toujours écrit avec une minuscule.

Et il faut s’en réjouir.  Le fait de considérer que les juifs formeraient une « race » ramènerait à l’idéologie nazie.

En fait, tout se passe comme si la presse française considérait implicitement qu’un juif est une personne ayant peut être quelque chose à voir avec la religion juive mais que, cette personne appartenant à la « race » blanche, il serait raciste de faire des distinctions au sein d’une même « race » tandis qu’un « noir » – de toute évidence- appartient à la « race » noire et qu’il n’y a rien de raciste à le désigner ainsi. D’où la majuscule. »

J’ai donc corrigé mon texte en n’espérant ne pas avoir fait d’oubli. J’ai en revanche laissé les majuscules dans les citations des textes écrits par d’autres.

Notes

ii Histoire de l’esclavage aux États-Unis, Claude Fohlen, éditions tempus, p.92

iii Histoire de l’esclavage aux États-Unis, Claude Fohlen, éditions tempus, p.115

« L’esclavage étant une forme du droit de propriété, comme il était couramment admis à l’époque, sa suppression relevait des législatures ou des juridictions des États et non de l’État fédéral. C’est donc au niveau de chaque État que sont prises les décisions qui conduisent à l’extinction progressive de l’esclavage dans le Nord, au lendemain de la révolution. »

iv Histoire de l’esclavage aux États-Unis, Claude Fohlen, éditions tempus, p.48

v Histoire de l’esclavage aux États-Unis, Claude Fohlen, éditions tempus, p.115

vi Histoire de l’esclavage aux États-Unis, Claude Fohlen, éditions tempus, p.118

vii Histoire de l’esclavage aux États-Unis, Claude Fohlen, éditions tempus, p.116

« Certains Noirs avaient d’ailleurs reçu une éducation et exerçaient leurs talents artistiques ou intellectuels sous diverses formes. A Newport (Rhode Island), Newport Garder, après avoir suivi des cours de musique, avait ouvert avec succès une école pour les Noirs comme pour les Blancs. La plus célèbre représentante fut la poétesse Philis Wheatley […]. Le cas le plus intéressant est celui du mathématicien Benjamin Banneker, fils de Noirs libres, qui géraient avec succès une ferme dans le Maryland […].

Ces cas isolés sont naturellement exceptionnels, même dans le Nord, et inconnus dans le Sud. Ils on l’intérêt de soulever une interrogation sur la légitimité de l’esclavage dans la partie du pays qui n’était pas soumise à une exploitation de type tropical. »

viii De l’esclave au Président, Discours sur les familles noires aux États-Unis, Hélène Le Dantec-Lowry, CNRS éditions, note p64

ix Twelve Years a Slave, Narrative of Solomon Northup :

« While living at the United States Hotel, I frequently met with slaves, who had accompanied their masters from the South. They were always well dressed and well provided for, leading apparently an easy life, with but few of its ordinary troubles to perplex them. Many times they entered into conversation with me on the subject of Slavery. Almost uniformly I found they cherished a secret desire for liberty. Some of them expressed the most ardent anxiety to escape, and consulted me on the best method of effecting it. The fear of punishment, however, which they knew was certain to attend their re-capture and return, in all cases proved sufficient to deter them from the experiment. Having all my life breathed the free air of the North, and conscious that I possessed the same feelings and affections that find a place in the white man’s breast; conscious, moreover, of an intelligence equal to that of some men, at least, with a fairer skin. I was too ignorant, perhaps too independent, to conceive how any one could be content to live in the abject condition of a slave. I could not comprehend the justice of that law, or that religion, which upholds or recognizes the principle of Slavery; and never once, I am proud to say, did I fail to counsel any one who came to me, to watch his opportunity, and strike for freedom. »

x Histoire de l’esclavage aux États-Unis, Claude Fohlen, éditions tempus, p222 :

« Dans quelle mesure l’abolitionisme, ou son antidote, l’esclavagisme, a-t-il pénétré la société américaine ? La réponse est délicate, comme tout cas de ce genre, soumis à l’influence de tel ou tel mouvement d’opinion. Les tenants de l’abolitionnisme, et leurs adversaires, ont souvent été considérés comme des fanatiques, qui troublaient l’ordre établi. Malgré des débats souvent animés au Congrès, l’esclavage n’est pas, au moins jusqu’en 1850, un enjeu majeur de la vie politique, car même ses défenseurs les plus acharnés, comme John Calhoun, font du maintien de l’Union la valeur suprême. La seule et véritable question qui se pose est celle de son extension dans les nouveaux territoires et États de l’Ouest. Dans le Vieux Sud et le Sud profond, l’institution n’est nullement remise en cause, tant elle paraît indispensable. »

xi Histoire de l’esclavage aux États-Unis, Claude Fohlen, éditions tempus, p.191

xii Histoire de l’esclavage aux États-Unis, Claude Fohlen, éditions tempus, p. 153

xiii http://www.theatlantic.com/entertainment/archive/2013/10/how-em-12-years-a-slave-em-gets-history-right-by-getting-it-wrong/280911/

xiv Histoire de l’esclavage aux États-Unis, Claude Fohlen, éditions tempus, p. 158