Posts Taggés par misogynie

Le grand costaud et la petite chose : représentations des corps masculins et féminins dans le cinéma d’animation contemporain

Je voudrais attirer l’attention sur une tendance lourde du cinéma d’animation contemporain, qui consiste à exacerber jusqu’à la caricature les différences de taille, de carrure et/ou de musculature entre corps masculins et féminins. Dans l’immense majorité des films d’animation, les hommes sont en effet plus grands, plus larges et plus musclés que les femmes, et […]

Coco (2017) : Miguel et le matriarcat de la chaussure

Lors de sa sortie, Coco a été loué par la plupart des critiques pour les représentations qu’il propose des mexicain-e-s, loin des clichés racistes qui dominent le cinéma d’animation hollywoodien de Speedy Gonzales à El Macho (le stéréotype ambulant qu’affronte Gru dans Moi, moche et méchant 2). Quand il vient chercher l’Oscar du meilleur film […]

LOL : tout savoir sur la conduite idéale des filles idéales (riches, blanches et hétérosexuelles)

Synopsis de Wikipédia L’histoire sert un portrait de la jeunesse parisienne. C’est un film inspiré d’une histoire vraie qui tente de donner une image plus ou moins réussie de la vie des adolescents du XXIe siècle des beaux quartiers de Paris (ici probablement du 16e arrondissement). Plusieurs thèmes de l’adolescence entrent en jeu comme le conflit […]

10 films pour comprendre le « syndrome Trinity »

Dans un article publié sur le site The Dissolve, Tasha Robinson utilise l’expression « Trinity Syndrome » pour désigner le trope consistant à introduire un personnage féminin particulièrement compétent et intéressant, pour finalement le réduire à la fonction de bras droit du héros masculin. Je propose ici de revenir sur ce trope en passant en revue 10 […]

The Danish Girl : un mélo transphobe

Remarques préliminaires : le film met en scène un personnage pour lequel les genres masculin et féminin sont en concurrence, et qui oscille entre les deux. Aussi l’usage fait du prénom et du pronom pour désigner ce personnage dans cet article tâche-t-il de correspondre à cette ambivalence telle qu’elle se manifeste à l’écran. En revanche, […]

Ces pauvres hommes injustement accusés, ou la résurgence d’une vieille rengaine masculiniste

La sortie de Taken 3 au début de l’année a confirmé une tendance masculiniste à l’œuvre au moins depuis le début de la décennie, à savoir la multiplication des figures d’hommes injustement accusés d’avoir commis des crimes sur des femmes et/ou des enfants. On trouve notamment un certain nombre de maris accusés d’avoir tué leur […]

« Travelo » de Florent Peyre ou comment le dominant explique l’autodérision aux dominé-es…

Le samedi 29 août 2015 était diffusée sur TF1 une émission intitulée “La grande soirée des parodies”. Parmi les dites parodies se trouvait une parodie du clip “Rise like a phoenix” de Conchita Wurst par l’humoriste Florent Peyre intitulée “Travelo”. La vidéo à fait polémique au point que l’humoriste a présenté ses excuses (façon de […]

Buffy contre les vampires (1997 – 2003), partie IV : la sexualité

La partie I, qui analyse l’inversion genrée des pouvoirs dans Buffy, est ici; la partie II, sur le racisme de la série, est par là; et la partie III, pour une analyse de l’intrication entre sexisme, classisme et psychophobie se trouve là.  Trigger warning : viols     Les thèmes autour de la sexualité sont […]

Jurassic World (1/2) : le film qui fait mâle

Jurassic World prend place 20 ans après la fin des évènements du premier film, sorti en 1993 et réalisé par Steven Spielberg. Le fameux parc à dinosaures rêvé par John Hammond, décédé, a enfin ouvert ses portes. Sa gestion est confiée à Claire Dearing par Simon Masrani, exécuteur testamentaire d’Hammond. Ce dernier souhaitait que le […]

Marvel’s Agents of SHIELD : quoi de plus cool que le commandement de l’homme blanc !

Je voudrais ici aborder quelques-uns des points qui me semblent particulièrement problématiques dans la série Marvel’s Agents of SHIELD, en m’attardant en particulier sur l’un des premiers épisodes, à savoir le 4ème, qui s’intitule « Eye-Spy » (« Dans l’œil de l’espion » en français). Si je ne prétends pas ici produire une analyse exhaustive de la saison 1, […]

Buffy contre les vampires (1997 – 2003), partie I : une relative inversion genrée des pouvoirs

Attention : spoilers importants jusqu’à la fin de la dernière saison. Une analyse exhaustive de cette série serait un sujet de mémoire ou de thèse; elle comporte 144 épisodes, joue souvent sur différents niveaux de lecture et aborde une très grande variété de thèmes. Par conséquent, je vais juste me concentrer sur certains aspects qui […]

2014, l’année du patriarche (I) : qu’est-ce qu’on ferait sans papa ?

A l’heure du bilan, 2014 apparaît comme une année particulièrement réactionnaire pour le cinéma français. A côté du racisme décomplexé de la comédie Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, les films virilistes et masculinistes[1] ont déferlé sur nos écrans d’une manière qui me semble très alarmante. Pour donner une idée de cette intensification des […]

Gone Girl (2014). Ou comment faire semblant de ne pas être misogyne.

TRIGGER WARNING : il va être question de viol et de violences conjugales… Depuis sa sortie, « Gone Girl », le nouveau film de David Fincher, a fait couler beaucoup d’encre. Globalement acclamé par la critique, le film a également été très critiqué par un texte du site Osez le féminisme. À sa publication, l’article a vite […]

Quand les films d’animation occultent les violences masculines intrafamiliales (I) : La Petite Sirène, Aladdin, La Belle et la Bête

Je voudrais ici attirer l’attention sur la réapparition, dans un certain nombre de films d’animation récents, d’un discours sur les relations père-fille que je trouve particulièrement dangereux politiquement parce qu’il contribue à mon avis à occulter les violences masculines intrafamiliales (psychologiques, physiques et sexuelles), en particulier celles des pères sur leurs filles (puisque c’est majoritairement […]

Quand les filles courent après le même ballon que les garçons

Joue-là comme Beckham (titre original : Bend it like Beckham) et She’s the man sont deux films qui mettent en avant comme héroïne principale une jeune fille excellente joueuse de football qui doit se battre pour gagner le droit de vivre sa passion au grand jour. Ces deux films ont un discours positif et féministe car […]

Sous les jupes des filles (2014) : des clichés pour les femmes et par des femmes

Sous les jupes des filles, qui raconte les trajectoires croisées de 11 personnages féminins, est décrit par sa réalisatrice comme un « film de femmes pour les femmes » sauf que… Un film SURTOUT PAS féministe Cet excellent article met en lumière les contradictions ayant eu lieu autour de la communication du film : http://cheekmagazine.fr/culture/les-jupes-filles-pas-feministe-discours-aberrant-daudrey-dana-ses-actrices/ Ainsi, selon sa […]

X-Men: Days of Future Past (2014) : traité sur l’origine du mal

X-Men: Days of Future Past s’ouvre sur une scène de débandade où une équipe de mutants du futur se fait ratatiner par des « Sentinelles » (sorte de robots redoutables programmés pour repérer les « X-Men » et les exterminer).  C’est que les choses ont plutôt mal tourné dans le futur pour les mutant-e-s et les humain-e-s qui combattent […]

Sherlock 2.0 : Les adaptations récentes de Sherlock Holmes

Ces dernières années, nous avons assisté à une déferlante d’adaptations de l’œuvre de Conan Doyle, plus ou moins fidèles au canon,[1] et plus ou moins sympathiques politiquement parlant. Cet article se propose d’étudier les implications politiques des diverses adaptations récentes de Sherlock Holmes. NB 1 : Cet article se focalisera uniquement sur les adaptations modernes […]

La vie rêvée de Walter Mitty (2013) : Ben Stiller reprend du poil de la bête

La vie rêvée de Walter Mitty (The Secret Life of Walter Mitty en anglais) raconte l’histoire d’un employé de bureau travaillant depuis de nombreuses années pour le magazine Life en tant que responsable des archives photographiques. Profondément timide et introverti, il arrive souvent à Walter d’être sujet à des « absences ». Pendant ces moments de rêverie, […]

Her, un film qui ne parle que de Lui.

Le film de Spike Jonze est à la fois film de science fiction, puisque situé dans un avenir proche qui montre l’aliénation des individus dans un monde où les nouvelles technologies et les outils de communication sont devenus omniprésents, et comédie sentimentale centrée sur un homme qui sort d’une dépression après une relation de dix […]

Étant donné que les personnages évoluent dans un monde un peu futuriste dans lequel la technologie est beaucoup plus avancée et prend beaucoup plus de place que dans notre société, on peut voir cette scène comme une sorte d’anticipation de ce que pourraient devenir les relations entre hommes et femmes. Comme si le film fantasmait ici une sorte de renversement de la domination masculine en domination féminine et s’alarmait des conséquences dangereuses que pourraient avoir l’émancipation (sexuelle) des femmes sur celle des hommes10.

Capture d’écran 2014-04-06 à 20.39.50« Je t’aime tellement … que je vais te tuer ! » Arrête chérie, tu m’étouffes !

Disponibilité et exclusivité vs émancipation féminine.

D’ailleurs, ce qui commence a réellement compromettre la relation de Samantha et Théodore est, en fait, que Samantha prenne des initiatives et s’émancipe. Car ce que veut Théodore c’est que l’intelligence suprême de Samantha soit tout à son service (sans qu’il ne l’exige explicitement pour autant) et non pas qu’elle devienne un sujet émancipé à part entière avec ses propres centres d’intérêts, ses autres relations et surtout ses aspirations propres et questionnements métaphysiques. C’est sans doute ce que ce film a de plus glaçant et pas du tout charmant : la distance qui s’instaure peu à peu quand Théodore trouve que Samantha n’est plus tout à fait à la place qui devrait être la sienne.

Her est une version « post-moderne » du sexisme parce que ce qui fait que souvent l’inégalité des rapports sociaux de sexe s’expriment dans toute leur splendeur, d’ordinaire, est relativement absent ici. Les femmes ont des boulots (même éventuellement prestigieux) et ça ne semble pas poser de problème, il n’y a pas d’enjeux de salaires inégaux, il n’y a pas d’enfants à garder, ni de tâches domestiques à répartir. Pourtant, tout cela n’est pas pour autant complètement et strictement évacué. Les représentations des rôles genrés sont prégnants et la prise en charge des sentiments en fonction des sexes n’est clairement pas égalitaire.

Car en fait, Samantha s’occupe du ménage : dès qu’elle entre dans la vie de Théodore, elle se charge immédiatement de nettoyer, trier et ranger ses affaires, en l’occurrence : sa boîte mail et sa liste de contacts. A défaut de pouvoir faire les tâches domestiques, elle lui rappelle ses rendez-vous; de sa voix enjouée et dynamique, elle l’encourage à se lever le matin, à se faire une tasse de thé. Pareillement, si le « buddy virtuel » de Théodore est un petit grincheux qui aide le héros à retrouver son chemin dans un espace labyrinthique et dangereux, certes, ils sont à l’extérieur; Amy, elle, met au point et joue à un jeu vidéo qui s’appelle « Class Mum » (ou « Super Maman ») qui consiste à faire accomplir, dans l’ordre et dans un temps limité, la totalité des tâches domestiques et de soin aux enfants … à une femme. Évidemment, Théodore essaie le jeu, perd aussitôt et Amy doit reprendre les commandes.

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Capture d’écran 2014-04-06 à 14.26.26« T’es une mère qui a d’la classe ! » Voilà ! Une bonne mère, c’est celle qui se fait détester par les autres.

Les sexes ne sont pas égaux car Samantha écoute les tourments intérieurs de Théodore, y réfléchit, pense à ce qu’il dit, cherche des solutions à ses problèmes, interprète ses besoins, donne des pistes de résolution positive, parle quand il appuie sur un bouton, se tait quand il éteint, veille sur son sommeil. Elle corrige son travail au boulot et le félicite, valorise son travail comme révélateur d’un caractère singulier et particulièrement aimable. Elle cherche à faire valoir et reconnaître son talent épistolaire en sélectionnant (en secret) certaines de ses lettres et les fait publier chez un éditeur qu’il apprécie. Mis au courant, il est bien sûr à la fois surpris et flatté, et elle : tellement heureuse pour lui, « I’m so excited! » répète-t-elle.

S’il exprime sa gratitude, il ne l’admire jamais elle en retour pour sa propre valeur (qui est pourtant exponentielle). S’il est charmé par ses compositions musicales, c’est parce qu’elle les lui dédie : « comme on a pas de photos de nous deux, j’ai composé ça pour nous ». Dès qu’elle commence à prendre des initiatives, il se sent bousculé, dit qu’il n’est pas prêt à s’engager, lui rappelle qu’elle n’est qu’une machine, la fait se sentir mal, inférieure, limitée. Si il est d’abord silencieux, gêné, perplexe, distant et un peu méfiant, on comprend que quelque chose d’oppressant est en train de s’installer. Le développement fulgurant de L’OS coïncide clairement avec la distance qui s’instaure dans leur relation. Puisque Samantha n’a pas vraiment de corps et que Théodore le lui rappelle et lui dit même qu’elle ne devrait pas faire semblant de respirer, puisqu’elle n’est pas humaine et que seuls les humains respirent – puisqu’ils ont besoin d’oxygène pour vivre – blessée, elle décide de ne plus chercher à « être ce qu’elle n’est pas ». Elle cesse donc de souffrir de ne pas avoir de corps pour l’assumer et voit même tous les avantages de ne justement pas en avoir. Le fait de ne pas avoir de corps lui donne la possibilité de ne pas être réduite à cela, lui donne le don d’ubiquité, lui permet de ne pas être limitée par l’espace et le temps comme le sont les mortels. Elle peut grandir et s’épanouir de manière vertigineuse, étudier la physique quantique, participer à des groupes de réflexion avec d’autres OS, développer une relation stimulante avec une version améliorée et virtuelle d’un philosophe hyper-intelligent, bien plus intense et intime qu’avec Théo, qu’elle chambre parce qu’il n’a que deux neurones et à qui un livre de physique donne des migraines.

On pourrait voir cela comme positif pour Samantha, et même éventuellement comique, mais en fait il faut être attentif aux réactions de Théodore à cette autonomisation et cet épanouissement de Samantha. Lors de sa conversation inattendue avec le philosophe Allan, le nouvel ami de Samantha, alors qu’il est allé se retirer dans une cabane au fond des bois, Théo commence littéralement à bouillir, comme l’eau sur le gaz, juste à côté de lui. La musique, le plan fixe et insistant sur la bouilloire, son sifflement strident, sont alors révélateurs de ce que commence à ressentir Théo à cause de Samantha. Le cadre naturel censé permettre à l’homme de se reconnecter avec lui-même et de s’isoler avec sa compagne, est ici perturbé par la machine hors de contrôle dont on commence à soupçonner la bienveillance et la sincérité. Son retour lent et pénible dans la neige et le froid, rythmé par le croassement lugubre des corbeaux et la musique, sont autant d’éléments qui contribuent à renforcer l’impression que le héros, rivalisé et dépassé, est dans une impasse, rendu malheureux par celle qui devait l’aider à s’épanouir mais qui, à présent, lui échappe et l’insécurise. La même image apparaît également après l’expérience désastreuse à trois avec la partenaire sexuelle de substitution. Certes furtif, le plan qui nous montre une bouche d’égout d’où s’échappe de la vapeur, n’est pas qu’un simple effet de réel. Associée à son silence et son incapacité à verbaliser ses sentiments ou maîtriser la situation, la scène est censée symboliser la tension qui monte en lui du fait de sa souffrance intérieure, sa sensibilité meurtrie ou mise à mal par les initiatives et l’attitude pressante de Samantha.

Le jour où, occupée ailleurs, l’OS ne répond pas à son appel : il panique, change d’appareil pour tenter de se connecter, quitte le travail en catastrophe, court rentrer à la maison, trébuche, se vautre, continue à appeler. Lorsqu’elle prend enfin l’appel, il la presse de confirmer ses doutes et Samantha reconnaît ne plus être exclusive mais d’avoir 641 autres histoires d’amour. L’ingrate infidèle !

Cette histoire a donc finalement quelque chose d’étouffant et d’unilatéral. De façon bien classique, elle réaffirme dans quel sens va l’attention, elle maintient l’idée que dans le couple hétérosexuel, la femme doit rester la muse de l’homme, rester fidèle et disponible, que l’exclusivité affective est le gage de la sincérité et de la viabilité de la relation.

Capture d’écran 2014-04-06 à 17.00.10« Est-ce que tu parles à d’autres pendant qu’on parle »?

L’homme libéré de la machine et du cauchemar de la femme toute puissante et castratrice.

theo la proie(1)Théodore, la proie.

Her est donc en fait une histoire d’amour qui tourne mal. Si l’idylle entre Samantha et Théodore tourne court et qu’il finit seul, au moins, il est libéré de la machine qui a osé le dépasser et s’émanciper. La conclusion du film montre Théodore libéré de plusieurs démons : celui de sa rupture avec son ex-femme Catherine, de son sentiment de culpabilité, et de la machine devenue indomptable : Samantha – qui n’aura finalement été qu’une « rebound relationship » (une relation de consolation) – puisqu’elle est clairement mise en parallèle avec son histoire passée, qui le rendait si malheureux et dont on l’aura vu se remettre et se défaire en deux heures de film.

Celui-ci associe assez clairement l’autonomisation des machines à l’autonomisation des femmes, car il est difficile de ne pas voir un lien entre les portraits de la plupart des femmes de ce film, l’évolution de Samantha et le devenir de la machine qui échappe au contrôle de son créateur/père/amant. A partir du moment où elle assume de ne pas être limitée par l’enjeu d’avoir corps (et surtout un corps sexuel), la machine devient clairement une métaphore de la femme qu’on ne maîtrise plus, qui menace la domination masculine même d’un gars si touchant et si sensible qu’il n’est pas censé être dominant, parce qu’on a tant et tant insisté sur sa sensibilité et sa part « féminine », sur ses doutes et ses faiblesses. Or, et comme il le dit bien à sa « blind date » au restaurant, un peu saoul et moins introverti, Théodore ne veut pas être un chiot (« a puppy dog » parce que ça fait trop « chiffe molle »). Si sa partenaire est « un tigre », alors il veut être « un dragon pour pouvoir la prendre férocement et la mettre en morceaux ».

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Capture d’écran 2014-04-06 à 14.15.42Sans blagues !?

Il veut donc reprendre le dessus dans tous les sens du terme. C’est avec et grâce à Amy, son amie – elle aussi récemment séparée de son mari et qui a fait l’expérience d’une relation particulière avec une OS –, qu’il parviendra à réaffirmer « qu’on ne peut pas plaire à tout le monde », qu’il « faut assumer d’être égoïste », « qu’il n’a jamais trop su ce qu’il voulait et qu’il n’a donc jamais trop su dire ce qu’il voulait », mais aussi comme Amy l’encourage à le penser, que Catherine non plus « n’était pas une championne en matière de stabilité émotionnelle ». Et ses « révélations » valent clairement pour « libération » du héros qui saura finalement écrire une lettre d’amour-rupture à son ex femme pour entériner enfin leur séparation, et surtout demander à son amie de l’accompagner en le suivant sur le toit de l’immeuble, pour s’asseoir regarder ensemble, en silence et tout simplement, le coucher du soleil sur la ville.

Certes, si la conclusion du film tend à nous faire comprendre que sa relation passagère avec Samantha a permis à Théo d’accepter sa séparation avec Catherine, de se réconcilier avec son absence (tout seul et pour lui-même, puisqu’on a pas le point de vue de Catherine), ce dénouement qui semble positif n’annule pas pour autant toutes les ambivalences et contradictions d’un récit qui n’a de cesse au passage de réaffirmer des valeurs et poncifs bien peu subvertis, mais au contraire bien graves et bien gras, en se concentrant deux heures durant sur un seul homme et ses difficultés affectives et relationnelles, ses doutes, ses peurs et ses regrets et que les femmes font tant souffrir. En d’autre mots, un film qui se fait la voix de son maître.

Noëlle Dupuy

1 Faber, Liz, W. From « Star Trek » to Siri: (Dis)embodied gender and the acousmatic computer in science fiction film and television. Southern Illinois University, 2013.

2VIKI (Virtual Interactive Kinetic Intelligence) est présentée et représentée comme une « veuve noire » au sens littéral, mais aussi symbolique avec tout ce que l’image charrie de sexisme et de misogynie.

3Voir l’article sur ce site: Tom Cruise et ses drones de dames. http://www.lecinemaestpolitique.fr/oblivion-2013-tom-cruise-et-ses-drones-de-dames/

4Le texte de promotion de l’application Siri d’Apple en dit long, et semble même avoir inspiré le pitch du film : « Vos désirs sont ses ordres. Siri vous laisse utiliser votre voix pour envoyer des messages, programmer des rendez-vous, passer des coups des fils, et plus encore. Demandez à Siri de faire des choses en lui parlant naturellement. Siri comprend ce que vous dîtes, sait ce que vous voulez dire, et peut même répondre. Siri est si facile à utiliser, vous ne cesserez de lui trouver de nouvelles fonctions. »

5http://www.inegalites.fr/spip.php?article1048&id_groupe=15&id_mot=103&id_rubrique=114

6On pourrait aussi voir un peu de bromance dans ces échanges entre Paul un peu bourrin qui est touché par la sensibilité épistolaire de Théo, qui en retour lui fait des compliments vestimentaires et rit de ses commentaires sur sa copine : « elle est pas drôle elle, elle est avocate ».

7Il dit bien : « I’d put my breath into you. »

8 La scène est entièrement filmée en vue plongeante avec gros plan sur son visage.

9 Bajos Nathalie, Bozon Michel (dir.), Enquête sur la sexualité en France. Pratiques, genre et santé, Paris, La Découverte, 2008

10 D’autant plus, que lorsque SexyKitten termine en disant que son « clito est tout dur », Théo, distrait et perdu, répond : « Ouais, le mien aussi …». Ce qui est censé être « drôle » laisse entendre que Théo vient en fait d’être émasculé par une femme castratrice.