Auteur: Agathe


Quelques repères sur l’animation japonaise : histoire et représentation des femmes

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Le but de cet article est de présenter les grandes lignes de l’animation japonaise, en essayant de dégager au passage quelques-unes de ses spécificités par rapport au cinéma d’animation américain ou français. Après un aperçu historique et thématique, j’analyserai plus spécifiquement la place des femmes au sein des animés ; je reviendrai sur la tradition des shojos, ainsi que sur la sexualisation exacerbée des femmes dans les dessins d’animation japonais.

Étant donné l’ampleur du sujet, cet article n’a évidemment pas la prétention d’être exhaustif, ni d’analyser dans le détail chacune des productions dont il sera question. Son ambition est juste de donner quelques points de repère sur le sujet pour celles et ceux qui ne sont pas familiers de ce cinéma. 

      Petite histoire de l’animation japonaise

Quelques repères chronologiques

L’animation japonaise se désigne par un nom spécifique : les « animés ». C’est le mot utilisé par les japonais pour qualifier tous les dessins d’animation indépendamment de leur nation d’origine ; à l’inverse, en dehors du Japon, « animés » désigne les productions spécifiquement japonaises.

La production japonaise d’animation débute en 1917 avec les films de Seitaro Kitayama, un des pionniers du cinéma d’animation. Pendant la guerre, l’industrie se développe, mais la production reste majoritairement du dessin animé de propagande anti-américaine. Après 1945, le Japon devient le deuxième producteur mondial d’animation derrière les États-Unis, place qu’il occupe toujours aujourd’hui. Les dessins d’animation japonais sont dès lors fortement influencés par les animations américaines. Au milieu des années 50, la Toei Doga (ou Toei Animation) voit le jour. C’est le studio d’animation le plus important au Japon, encore aujourd’hui. Beaucoup de personnes le surnomment le « Disney Asiatique », même si la Toei n’apprécie pas ce titre. Taiji Yabushita est un des réalisateurs connus de l’histoire de l’animation japonaise ; il a réalisé Le Serpent Blanc en 1958, le premier long-métrage de la Toei, qui fut un grand succès. Il y a également Osamu Tezuka, qui devient une légende du « manga[1] » à travers les séries télévisées (TV). Il développe une animation destinée à la télévision et il est célèbre pour les séries Astro Boy et Le Roi Léo (dont Disney s’inspirera pour créer le Roi Lion !). Il faut distinguer deux branches de l’animation japonaise, qui se scinde en deux dès les années 50, avec d’une part des récits destinés à l’international très européanisés, et d’autre part une production locale destinée à la télévision, sous la forme de séries de faible qualité.

La mauvaise réputation des séries d’animation japonaises

Les séries japonaises ont contribué à la mauvaise réputation de l’animation japonaise dans le monde. Par souci d’économie, l’animation descend à quatre dessins par seconde au lieu de douze ou vingt-quatre. L’objectif est de produire vite et en grande quantité : l’animation devient une industrie, mais cela crée des dessins animés de très faible qualité. Le génie des japonais est d’avoir trouvé un moyen de faire de l’animation en évitant la coûteuse fluidité disneyenne. Ils inventent un nouveau style graphique pour les émotions, qui se base sur la fixité des images et leur répétition. Par exemple, le personnage frappé de terreur aura la typique goutte de sueur en suspens et une bouche immense qui restera longtemps béante. Les personnages restent pétrifiés de peur ou de joie, et les dessins intermédiaires peuvent alors être supprimés. Le temps ralentit pour nous permettre de suivre les commentaires de la pensée. Une même image fixe peut rester plusieurs secondes à l’écran, sur laquelle on va par exemple entendre la voix du personnage en train de réfléchir, ou qui peut aussi représenter l’extrême concentration du héros se préparant à affronter ses ennemis lors d’un match par exemple.

L’animation japonaise renonce ainsi à la fluidité du mouvement et opte pour un style plus statique qui permet de grandes économies lors de la production.  Dès lors, l’expression « dessin animé japonais » se met alors à sonner de façon péjorative, synonyme d’industrie lourde et de dessin bâclé.

Le renouveau des années 80 : des chefs d’œuvre d’animation

Il faudra attendre le début des années 80 pour qu’une animation de qualité se développe dans le cinéma japonais. Une nouvelle génération d’auteurs apparaît et relance le cinéma d’animation, qui avait été éclipsé par les séries TV. Un des prestigieux chefs de file de cette nouvelle génération est Hayao Miyazaki. Il se fait engager à la Toei Animation, mais fonde très vite son propre studio. Il acquiert ainsi une indépendance totale en 1985 avec la création de son propre studio, le studio Ghibli. Devenu célèbre pour la richesse visuelle de ses films ainsi que leur densité thématique, c’est un dessinateur hors-pair mais aussi un véritable « metteur en scène » qui organise l’espace scénique comme s’il y avait de vrais acteurs avec une vraie caméra. Le temps semble suivre naturellement, la mise en scène introduit du concret, de l’anecdotique, une dimension quotidienne. Il développe un goût pour les récits d’aventures situés dans un passé de légende ou un futur post-apocalyptique, et quelques-uns de ses thèmes favoris sont le rapport entre nature et technologie, ou encore la guerre et le pouvoir. Miyazaki crée des ambiances où règnent l’irréalité, les histoires fantastiques, et l’insolite. Pour Stéphane Le Roux, « l’essence de son art n’est pas le foisonnement imaginaire de ses récits, tout jubilatoire qu’il soit, mais justement la rencontre inattendue de cet imaginaire avec le réalisme filmique forgé au côté de Takahata. S’y révèlent une poésie singulière, insolite, l’expression d’un certain « naturel dans le merveilleux » »[2]. Miyazaki développe une véritable « poésie de l’insolite ». Il a par ailleurs une grande connaissance de la littérature enfantine, d’où découlent ses films adressés aussi bien aux enfants qu’aux adultes.

anime1anime2Mon voisin Totoro (1988), de Hayao Miyazaki

Les films produits par cette nouvelle génération de réalisateurs sont de très belle qualité, et obtiennent une reconnaissance internationale. Parmi eux, il faut citer Isao Takahata avec Le tombeau des lucioles, Katsuhiro Otomo avec Akira, Mamoru Oshii avec Ghost in the Shell, ou encore Satoshi Kon avec Perfect Blue (qui mettent tous en scène une héroïne à l’exception d’Akira !).


 Les spécificités du cinéma d’animation japonais

Une animation pour adultes issue de la tradition shintoïste

Une des caractéristiques du cinéma d’animation japonais est d’avoir utilisé l’animation presque immédiatement pour les adultes. En Occident, l’animation a longtemps été considérée comme un cinéma présentant peu d’intérêt ; et lorsque les grandes industries comme Walt Disney se sont développées, elles s’adressaient en priorité aux enfants. Les japonais n’ont pas la même approche, l’animation est considérée comme un genre cinématographique à part entière qui s’adresse à l’ensemble de la population. Ainsi si certaines productions peuvent s’adresser aux enfants, une grande majorité des animés reste destinée aux adultes.  Cela s’explique par l’animisme[3] issu de la tradition shinto, qui imprègne la société japonaise. D’après la conception animiste, nous sommes dans un monde où les animaux, les humains, les esprits et les objets cohabitent. Ce qui est vu comme « imaginaire » ou « enfantin » en Occident fait partie de la normalité et du quotidien dans la tradition japonaise : les rêves surnaturels, les monstres, la déformation du réel. Les adultes seront tout aussi émus que les enfants en voyant des esprits et des monstres dans un film d’animation. Pour eux, ce ne sont pas des apparitions fantaisistes et irrationnelles, mais bien des événements qui sont de l’ordre du possible. En Occident, les esprits  de la forêt ou les actes de magie font partie intégrante du monde du dessin animé et ne font pas écho à la vie réelle. C’est tout le contraire pour les japonais, pour qui de tels évènements semblent plausibles, et qui peuvent ainsi apprécier les animés, en partageant l’émerveillement de leurs enfants devant des apparitions imaginaires.

Un cinéma destiné à l’exportation

Dès les années 50 les graphismes s’occidentalisent afin d’atteindre une audience plus large au niveau mondial. Les personnages acquièrent des traits européens pour que les films d’animation s’exportent plus facilement.  Par ailleurs, les histoires se sont calquées sur l’imaginaire européen. Au lieu d’américaniser les mythologies européennes, comme l’a fait Disney, les japonais se sont adaptés à leur public potentiel. Ils ont vendu des films japonais, basés sur des histoires européennes, comme Jack et le Haricot Magique, les contes d’Andersen, ou encore Le merveilleux voyage de Nils Holgersson de Selma Lagerlöf.

anime3Nils Holgersson (1980), série animée fidèlement inspirée du roman Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède de Selma Lagerlöf

anime4Princesse Sarah (1985), série inspirée du roman d’après le roman La Petite Princesse de Frances Hodgson Burnett

Là où les américains transforment les contes en y intégrant la morale américaine et le « happy ending », les japonais choisissent de conserver l’histoire originale. Une touche japonaise s’instaure à travers les graphismes. C’est le cas de Takahata qui a créé la série Heidi dans les années 70. Les graphismes sont clairement de l’animation japonaise, mais l’histoire originale provient d’une romancière Suisse.

anime5Heidi (1974), par Isao Takahata

Un cinéma d’« auteur »

Les réalisateurs ont un rôle très important au Japon. Ils sont considérés comme de véritables artistes, et ils jouissent d’une très forte notoriété. Leur situation est diamétralement opposée à celle des réalisateurs d’Hollywood, où ils sont souvent éclipsés devant les maisons de production. Par exemple, en parlant de La Princesse et la Grenouille, beaucoup de personnes répondront que le film a été produit par « Disney ». Mais peu de personnes pourront dire que les réalisateurs sont John Musker et Ron Clements. Au contraire, le cinéma d’animation japonais est un cinéma d’auteur. Certains animateurs sont même considérés comme des « Maîtres » : c’est le cas de Miyazaki, Tezuka, ou Otomo. Chacune de leurs œuvres est indissociablement liée à leur nom d’artiste. Face à la déferlante du numérique, et les nouveaux films en 3D, les japonais gardent une esthétique assez stable, en 2D. L’idée de film en tant qu’œuvre artistique peut expliquer le fait que les réalisateurs restent concentrés sur la 2D, il faut qu’il reste un travail assez « artisanal » découlant directement des prouesses du « Maître ».

La représentation des femmes dans l’animation japonaise

Malgré la vague d’émancipation des années 70, les femmes sont encore très soumises au poids de la tradition et de la vie familiale. La société japonaise est encore très inégalitaire à ce niveau, beaucoup plus qu’en France par exemple.  On dit souvent que le cinéma est un miroir de la société, mais cela est à nuancer dans le cas japonais. Les héroïnes de films d’animation japonais sont plus nombreuses à l’écran que dans les autres pays producteurs d’animation, mais cela ne veut pas nécessairement dire que les femmes ont aujourd’hui un rôle prépondérant dans la société japonaise. En effet, le nombre d’héroïnes en tant que personnage principal d’un film est similaire au nombre de héros, contrairement au cinéma occidental où on compte en moyenne une héroïne pour trois héros. Le cinéma d’animation japonais respecte globalement la parité entre les hommes et les femmes. Il semble être plus égalitaire que les cinémas d’animation occidentaux. On peut alors se demander à quoi est due cette différence. Une explication possible de cette présence féminine dans l’animation japonaise est peut-être à chercher du côté de la tradition des « shōjos » mangas, une littérature spécifiquement adressée aux filles, dont sont issus beaucoup d’animés.

La culture « shōjo » : une animation par et pour les filles

Histoire des shōjos

La source de la création des animations japonaises sont les mangas, une littérature japonaise très spécifique qui connaît un vif succès aujourd’hui en Occident. Les mangas font partie intégrante de la culture japonaise, ils sont un reflet de leur histoire et de leur culture, et sont présents dans la vie quotidienne. Ils traitent de sujets très divers allant de la politique, de la religion, de la famille, jusqu’au genre ou à l’économie, et ils s’adressent tout aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Il existe des sous-divisions au sein des mangas, dont les « shōjos » mangas, une littérature s’adressant spécifiquement aux filles.

Les shōjos mangas ont longtemps été considérés comme des mangas de seconde main. Même si beaucoup d’hommes étaient impliqués dans leur production en tant que créateurs et éditeurs, les femmes ont rapidement pris de plus en plus d’importance, surtout à partir des années 60. Les femmes ont créé une nouvelle génération d’artistes[4], qui expriment leurs émotions personnelles pour les lectrices, avides d’entrer dans ce monde créé par,  pour, et à propos des filles. Les shōjos mangas se sont inspirés des magazines féminins d’avant-guerre, qui étaient un moyen pour les femmes d’avoir une petite bulle privée, éloignée des pressions de la société patriarcale et des mariages arrangés. La représentation des femmes dans cette littérature a inspiré de nombreux animés : leurs corps sont pâles et frêles, ils représentent le corps bourgeois d’une fille qui ne travaille jamais, une fille isolée et protégée qui ne participe pas à la vie publique. Les jeunes filles sont souvent très similaires et vêtues de la même façon, dans un uniforme de collégienne par exemple, ce que MacWilliams a appelé « l’esthétique de la similitude »[5]. Les filles ont des grands yeux en amandes et des mines sucrées, et leur voix est aiguë et fluette. Elles représentent le stéréotype parfait de la fille innocente et fragile. Elles évoluent dans un univers très « féminin » aux couleurs vives et aux lignes rondes et douces et elles sont souvent associées à la magie. L’univers shōjo développe une esthétique kawaii  signifiant « mignon » en japonais,  associé au domaine de l’enfance et de la féminité.

Il faut mettre la culture shōjo en perspective par rapport à la culture « shonen » destinée spécifiquement aux garçons pour bien en comprendre les différences. Les shonens sont des mangas et des animés destinés aux garçons entre 10 et 15 ans. Les héros, masculins, sont immédiatement plongés au cœur de l’action, dans des combats où ils exhibent leur courage et leur persévérance. Les décors sont souvent des univers de science-fiction, remplis de machines, de méchants avec des super-pouvoirs, et de cyborgs hérissés d’armes redoutables. Les héros montrent leur combativité et il y a toujours une certaine forme de violence tout au long de la série, aussi bien visuelle que sonore. On peut penser à Dragon Ball Z où les lignes dessinées sont souvent anguleuses et pointues (les cheveux de San Goku, le héros principal de Dragon Ball Z en sont représentatifs). Il y a souvent des cris, et des bruitages d’explosions. Les dialogues et la trame principale de l’histoire se focalisent sur les combats et sur les prouesses que doit accomplir le héros plus que sur ses émotions ou ses pensées. Au contraire, dans les shōjos, l’intrigue se base sur les relations humaines, tout autant amicales qu’amoureuses. L’émotion et les sentiments de l’héroïne occupent une grande place dans l’histoire. Une importance particulière est accordée aux réflexions personnelles de l’héroïne et à son ressenti, ce qui se traduit graphiquement par des yeux démesurément grands, afin d’exprimer une vaste palette d’émotions. Ses yeux seront remplis d’étoiles lorsqu’elle est heureuse, ou ils vacilleront lorsqu’elle est sur le point de pleurer : ils sont littéralement la fenêtre de l’âme. Le but du shōjo est de montrer la complexité de la psychologie interne du personnage, et de révéler le monologue intérieur, les pensées les plus profondes de l’héroïne au spectateur. L’intention est de créer une certaine atmosphère plus que de passer d’un moment d’action à un autre.

anime6« Shōjo » VS « shonen »

Relations amoureuses et homosexualité dans les shojos

Les relations entre hommes et femmes restent très soumises aux idées conservatrices et ne laissent que peu de place à la complexité ou l’originalité de l’histoire. Lors d’une histoire d’amour, l’héroïne va inévitablement tomber dans le « piège de l’amour ». Elle perd toute autonomie sociale ou sexuelle et devient particulièrement passive ; tout ce qu’elle fait c’est pour l’homme, par amour pour lui ; elle se sacrifie à lui, et le remercie de l’aimer malgré tous ses défauts.

A l’inverse, les relations « doseiai » entre deux personnes de même sexe, permettent une histoire plus complexe et aboutie. La similarité des personnages leur permet d’entrer dans une relation romantique sur un pied d’égalité, et les filles peuvent exprimer sainement leurs désirs, car leur pureté physique et leur innocence n’est alors pas menacée.

Les relations doseisai sont particulièrement répandues dans les mangas, mais il ne faut pas les confondre avec la vision occidentale du XXe siècle de l’homosexualité. Ces filles ne sont pas considérées comme lesbiennes. Les relations doseiai étaient considérées comme une étape normale du développement des jeunes filles, et comme un moyen de retarder les expériences hétérosexuelles jusqu’à ce qu’elles soient assez âgées pour le mariage.

En revanche, les filles doivent toutes conserver une apparence similaire, et « girly ». Susan J. Napier résume la culture shōjo en expliquant que « ce terme est devenu un raccourci pour désigner une sorte d’identité liminale entre enfant et adulte, caractérisée par un érotisme supposément innocent basé sur l’immaturité sexuelle, une culture de la consommation qui se procure des biens ‘mignons’ (kawaii), et le fait de privilégier de façon mélancolique un passé récent ou une forme flottante de nostalgie« .[6]

Une division genrée très rigide

Sur le modèle des mangas shonen pour les garçons, et des mangas shōjos pour les filles, l’animation japonaise a ainsi instauré une division très nette entre les animés destinés d’une part aux garçons, d’autre part aux filles. La division genrée des représentations proposées aux enfants s’effectue d’une manière totalement différente dans les dessins animés américains et européens et les animés japonais. En effet, alors que (en ce qui concerne les Disney par exemple) les différences dans les représentations proposées aux enfants de ce que sont censé-e-s être les « hommes » et les « femmes » sont construites à l’intérieur même des « films pour enfants », les japonais ont quant à eux créé deux genres totalement différents, tant au niveau de l’intrigue que des codes graphiques. Cela ne signifie évidemment pas que le sexisme latent d’un grand nombre de productions culturelles « occidentales » soit anodin, mais l’on peut faire remarquer que la division sexiste des rôles et des représentations s’effectue d’une manière beaucoup plus tranchée, explicite et figée dans les productions culturelles japonaises.

On peut s’inquiéter des conséquences de cette division sur les enfants : que se passe-t-il pour un petit garçon qui se rend compte qu’il préfère regarder des shōjos ? Par ailleurs, une production culturelle aussi rigide ne peut qu’accentuer les stéréotypes de genre dans la société. En délimitant ce qui est pour les « filles » de ce qui est destiné aux « garçons », les productions culturelles enferment les gens dans des représentations rigides, et excluent toute personne contrevenant à ces codes.

Cette division entre shonens et shōjos se retrouve plus dans les séries TV japonaises que dans les longs métrages cinématographiques. Néanmoins, l’existence d’un genre à part entière destiné à un public féminin laisse à penser qu’il y a eu des influences jusqu’à aujourd’hui. Le genre shōjo a longtemps été dénigré et considéré comme une production de très faible intérêt et qualité. Mais il a contribué à favoriser la présence des femmes dans l’animation, à travers un genre dédié à elles.

Des femmes hyper sexualisées

Difficile de parler des femmes dans l’animation japonaise sans évoquer l’érotisation accrue des corps féminins à l’écran. C’est une caractéristique spécifique au cinéma japonais car les femmes sont rarement érotisées dans les films d’animation occidentaux.

L’apparence vestimentaire des filles dans les shōjos mangas témoigne d’une érotisation de leur corps. D’après le petit Larousse Illustré, l’érotisation est une « utilisation de certaines parties du corps, d’activités mentales ou de comportements apparemment indépendants de la sexualité comme source d’excitation et de jouissance ». Ces filles portent des mini-jupes ou des mini-shorts laissant apparaître leurs longues jambes fines. Même lorsque leurs jambes sont recouvertes de bottes ou de bas montant, elles arborent une jupette d’écolière qui se révèle courte, à un point presque indécent. Elles exhibent toujours une certaine nudité, qui n’est pas nécessaire à la trame de l’histoire, et qui contraste avec l’innocence de leurs aventures amoureuses. Nous pouvons dire qu’elles sont érotisées car leur apparence physique arbore une certaine nudité qui n’a aucun lien avec la trame narrative. Elles montrent parfois leur nombril, comme dans le manga comique School rumble, ce qui est inimaginable pour l’animation française ou américaine (à l’exception de quelques figures telles que la Petite Sirène ou Jasmine par exemple).

anime7Sailor Moon (1992-1993)

 Cette érotisation est parfois liée à l’image de la jeunesse et des fillettes. Frédéric Clément a appelé ce mélange le « complexe de Lolita »[7], ce qui se traduit en raccourci par le mot « lolicon ». (On peut parler d’une œuvre lolicon, ou de quelqu’un qui est lolicon). Le corps des fillettes bascule du domaine du mignon au domaine du désirable où l’innocence et la sexualité se côtoient. Le Japon est l’un des pays les plus laxistes en ce qui concerne la représentation sexuelle des mineurs ; l’article 175 des lois sur l’obscénité interdit de représentation des poils pubiens, mais pour tout le reste, le champ semble malheureusement assez libre.

En animation traditionnelle, (dans les films américains par exemple) les parties les plus mouvantes du corps comme la bouche et les yeux sont dessinées sur des couches de celluloïd transparentes séparées de celles servant de support au corps « fixe ». Une telle méthode d’animation permet aux animateurs d’éviter de redessiner le corps en entier à chaque prise d’image, réduisant ainsi les coûts de production. Dans l’animation japonaise, une couche de celluloïd est parfois rajoutée pour la poitrine des femmes, souvent proéminente, qui fait alors partie des « parties mouvantes » du corps. Cela contribue à « morceler » au sens propre et figuré, le corps de la femme. Dans « Visual Pleasure and Narrative Cinema » un des textes fondateurs des théories féministes sur le cinéma publié en 1975, Laura Mulvey dénonce le morcellement du corps des femmes. D’après elle « le cinéma classique favorise le morcellement des corps par la prise de vue qui « découpe » les corps –celui des femmes davantage que celui des hommes– afin de fétichiser et d’érotiser les parties de leur anatomie (seins, fesses, jambes) »[8]. L’animation japonaise reproduit ce morcellement dans le procédé de création des animés, avec les celluloïds, ainsi que dans le film lui-même avec des plans de caméra qui fétichise encore plus les corps, avec l’utilisation de la contre-plongée par exemple.

Cette érotisation des femmes dans l’animation japonaise trouve son paroxysme dans les « hentai », les mangas pornographiques. L’érotisation est alors devenue sexualisation.

En conclusion, on s’aperçoit que les héroïnes sont plus nombreuses dans le cinéma d’animation japonais que dans les cinémas d’animation occidentaux. Cela est dû à la culture shojo qui a développé une littérature propre aux filles. Cette littérature ensuite adaptée en animation explique le nombre élevé d’héroïnes dans les séries animés aussi bien que dans les films d’animation. Cette parité numérique est en revanche mise en défaut par la faible qualité de représentation des femmes. Elles sont érotisées à l’excès, soumises à de nombreux stéréotypes et au regard de l’homme. Même si de nouveaux auteurs talentueux comme Miyazaki, connu pour son côté « féministe », proposent une nouvelle vision des femmes, modernes et émancipées, cela reste une exception dans le paysage de l’animation japonaise. Les femmes restent en grande majorité mal-représentées, stéréotypées, et hyper-sexualisées.

Agathe


[1] Le petit Larousse illustré définit manga comme « bande dessinée japonaise ; dessin animé qui s’en inspire »

[2] Stéphane Le Roux, Hayao Miyazaki cinéaste en animation, p 14.

[3] D’après la définition du nouveau Petit Robert, l’animisme est « l’attitude consistant à attribuer aux choses une âme analogue à l’âme humaine ».

[4] Le groupe des « 24 nen gumi » est un groupe de femmes qui a contribué à faire du shōjo manga un genre à part entière. Avant elles, les shōjos mangas étaient considérés comme la forme la plus basse des mangas.

[5] « Aesthetic of sameness », Japanese Visual Culture, chap 6

[6] Traduction de Frédéric Clément, Machines Désirées, La représentation du féminin dans les films d’animation Ghost in the Shell de Mamoru Oshii, p 91.

[7] Frédéric Clément, Machines désirées, p 91

[8] Ibid., p 83 (une traduction partielle en français de cet article a été publiée dans le n°67 de la revue CinémAction intitulé « 20 ans de théories féministes sur le cinéma »)

Les héroïnes de Miyazaki : représentation physique, personnalité et mise en scène

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Cet article propose une esquisse d’analyse de quelques héroïnes japonaises créées par Miyazaki. Celles-ci seront parfois comparées à des héroïnes de Walt Disney, ou à une héroïne française comme Mia (de Mia et le Migou) afin de mieux mettre en relief leurs particularités. Le but est en même temps de donner des pistes de réflexion à tout un chacun pour repérer des stéréotypes de genre et les analyser.

J’analyserai tout d’abord la représentation physique des héroïnes de Miyazaki en parlant de leur visage, de leurs cheveux et de leur apparence. Ensuite j’analyserai leur personnalité et leur caractère, en essayant notamment de déterminer quels sont leurs buts ou leurs rêves. Enfin, je m’attarderai sur la mise en scène des héroïnes et ce qui est implicitement imposé par là au regard des spectateurs/trices.

La représentation physique des héroïnes

Le visage féminin : un visage doux et neutre

La représentation d’une fille ou d’une femme dans un dessin d’animation est différente de la représentation d’un garçon ou d’un homme. Les visages des filles n’ont pas beaucoup de traits ; et se rapprochent ainsi d’un « visage zéro ». Le visage est lisse, sans défaut, sans détail exagéré. Si l’on dessine un nez de taille normale, ce ne sera pas esthétique, la fille ressemblera à une caricature. Pour dessiner un homme, l’animateur va s’appuyer sur un de ses « défauts » ou une de ses caractéristiques physiques particulièrement voyante. Un simple trait de crayon va faire apparaître son visage : cela peut être un nez proéminent, un menton fort ou encore de la barbe, ou des grandes oreilles. Les traits peuvent se permettent d’être beaucoup plus durs et plus grossiers. Au contraire chez une femme le nez doit être à peine relevé (il n’est parfois représenté que par deux petits traits), les sourcils doivent être fins, le menton délicat. Le visage doit être plus neutre et plus doux. Le fait de ne pas avoir beaucoup de lignes pour pouvoir représenter le visage rend le travail beaucoup plus difficile. Il est difficile de représenter des émotions et de ne pas avoir une héroïne fade. Beaucoup de choses se jouent alors dans le regard. Toutes les héroïnes Disney, ainsi que les héroïnes japonaises[1], ont de très grands yeux, démesurés par rapport aux proportions humaines normales.

miya01miya02Jasmine et Pocahontas, des visages Disney typiques

Les héroïnes japonaises ont un visage qui semble plus allongé et plus petit de par leur absence de pommettes. Leur visage est encore plus neutre que celui des héroïnes Disney : leurs pommettes ne sont pas saillantes et rosées, et leurs lèvres ne sont pas charnues et colorées, elles ne consistent qu’en de simples traits. Les sourcils sont plus fins que la moyenne des héroïnes françaises et américaines, et leurs yeux sont de taille normale, sans être démesurément grands. Il est également intéressant de constater l’androgynie des personnages japonais (enfants), car les garçons dans le cinéma d’animation japonais ont les traits particulièrement fins. Même leur corps est similaire à celui d’une femme. On reconnait souvent la différence entre filles et garçons à la coupe de cheveux uniquement.

miya03Des visages typiques d’héroïnes japonaises[2]

 La chevelure des héroïnes japonaises, moins sensuelle que celle des occidentales

miya04Les cheveux ont une place de première importance dans la représentation physique des héroïnes. Ils sont une marque de sensualité : de nombreuses héroïnes Disney ont de beaux cheveux longs et brillants, symbole par excellence de la féminité du point de vue des hommes. On pense aux beaux et volumineux cheveux d’Esmeralda ou d’Ariel la Petite Sirène. Les cheveux peuvent aussi être un symbole de l’émancipation psychologique de l’héroïne. On peut penser à Mia, l’héroïne française de Mia et le Migou, ou à l’héroïne Raiponce de Disney qui se coupent les cheveux. Cela symbolise le passage à la vie d’adulte, ainsi qu’un accomplissement personnel.

miya29Mia et Raiponce, cheveux courts et longs

Les héroïnes japonaises semblent accorder moins d’importance à leurs cheveux. Ils ne sont ni le reflet d’une sensualité particulière, ni le symbole d’une maturation psychologique. Miyazaki représente les cheveux de ses héroïnes avec beaucoup de diversité. Ils peuvent être mi- longs, courts, attachés en queue de cheval, noués en une belle tresse, laissés libres, ou encore agrémentés d’un joli nœud rouge. Les couleurs changent également en passant de roux ou châtain, à un brun plus ou moins foncé ; ils sont même parfois gris comme ceux de Sophie dans le Château Ambulant. Ils sont rarement très longs et volumineux, et ne semblent avoir d’autre rôle que de garnir la tête de l’héroïne. Ils ne dégagent aucune forme de sensualité ou d’exotisme comme peuvent le faire les cheveux de certaines héroïnes Disney, ils ont un rôle plus neutre.

miya07miya08miya09miya10Exemple de coiffures dans les films de Miyazaki (De haut en bas : Le château dans le ciel, Kiki la petite sorcière, Le château ambulant et Porco Rosso)

Taille et silhouette : une beauté uniformisée ?

Héroïnes japonaises et silhouettes en forme de « i ». Tout comme les américains, les japonais ont aussi des héroïnes très minces et très fines. Mais là où les héroïnes américaines sont pulpeuses et ont des formes, les japonaises semblent beaucoup plus filiformes et chétives. Leur silhouette est différente de celle des américaines. Elles ont une silhouette en forme de « i », toute droite, avec de longues jambes fines et non galbées. Leur manière de se mouvoir correspond aux canons japonais des animés, elles courent en ligne droite. On est loin de la démarche de ballerine des premières princesses Disney, ou de l’intrépide Raiponce faisant des sauts périlleux.

On peut considérer qu’il y a également une certaine uniformité dans les représentations japonaises, car les héroïnes se ressemblent beaucoup physiquement. Elles correspondent aux graphismes typiques japonais. Les héroïnes de Miyazaki se tiennent droites et sont moins cambrées que les héroïnes américaines. La poitrine est rarement dessinée (ce qui peut être dû à l’âge des héroïnes, en moyenne plus jeunes que chez Disney), et lorsqu’elle l’est, elle n’est pas mise en valeur par un décolleté. Elle reste cachée sous des vêtements qui en atténuent les formes, comme on peut le voir sur Sophie du Château Ambulant, ou Nausicäa de la Vallée du Vent.

miya11miya12Nausicäa dans Nausicäa de la vallée du vent, et Sophie dans Le château ambulant

Chihiro est un personnage intéressant, car si pour un œil non aiguisé elle apparaît similaire aux autres héroïnes japonaises, on dénote quand même certaines différences. Son histoire est celle d’une petite fille peureuse qui peine à s’éloigner de quelques mètres de ses parents, et qui se retrouve seule dans un monde « imaginaire ». Ses parents se sont fait transformer en cochons, et elle tente de trouver une manière de les sauver tout au long du film. Elle est obligée de travailler pour la sorcière Yubaba, sans quoi elle sera amenée à disparaître. Elle devient femme à tout faire dans un grand bâtiment de bains, lieu de repos et de détente pour les esprits dans lequel les humains ne sont pas les bienvenus. Avec l’aide de Haku, un jeune garçon qui l’aide dès les premiers jours, elle parvient à retourner dans le monde réel, avec ses parents de nouveau humains, qui ne se souviennent de rien. Miyazaki voulait représenter une petite fille « banale », pas forcément « belle ». Elle n’est pas la typique petite fille mignonne, elle a des jambes maigrichonnes, la chevelure banale, et des bas-joues plutôt rondes. C’est une enfant comme les autres.

miya13Chihiro, dans Le voyage de Chihiro

Miyazaki adopte une démarche originale, et s’émancipe des codes de beauté. Son héroïne n’est pas « laide », bien loin de là. Mais elle ne renvoie à aucun moment à une image de beauté, ce qui est confirmé par l’attitude des autres personnages du film. Ils s’exclament à diverses reprises : « Qu’elle est vilaine ! Qui c’est qui m’a fichu une petite pareille », « Tu es trop fragile pour travailler tu as l’air d’un insecte », « Tu es vraiment minuscule ». Miyazaki prend le contre-pied de ce qui est attendu d’une héroïne habituellement. Alors qu’elles sont normalement louées pour leur beauté, Chihiro est critiquée à plusieurs reprises pour son physique. On la compare à un insecte, on lui reproche sa taille trop petite ; on assimile sa morphologie à une incapacité au travail, elle est trop « fragile pour travailler ». Miyazaki ouvre l’éventail des possibilités pour la représentation des héroïnes, il souhaite rendre son héroïne plus « réelle », comme la petite fille moyenne. Cela enlève la pression d’être belle pour les petites filles, qui voient que Chihiro accomplit de grandes choses sans correspondre aux critères de perfection corporelle imposés par l’industrie cinématographique. Les petites filles voient qu’il est possible de vivre des aventures et de s’émanciper sans être particulièrement « belle ». Nous avons trouvé que la « non-beauté » de Chihiro est plus supposée que réelle : elle s’exprime moins par ses graphismes que par l’attitude des autres personnages. Mais la dissociation beauté-héroïne représente toutefois une belle avancée.

Diversifier la beauté grâce à l’âge des héroïnes

Il est possible de jouer sur l’âge des héroïnes pour ne pas créer une beauté trop uniformisée, et pour que la palette d’héroïnes dans laquelle les enfants puissent se représenter soit la plus large possible.

A ce jeu-là, les productions Disney sont perdantes. Leurs héroïnes ont en effet à peu près toutes le même âge, et ont des corps de jeunes femmes, à l’exception de Lilo, dans Lilo et Stitch, qui est une jeune fillette hawaïenne de six ans. Les autres sont des jeunes femmes entre 16 et 20 ans, suffisamment jeunes pour que de jeunes enfants puissent s’y identifier, et suffisamment âgées pour avoir des « formes ». Les productions cinématographiques japonaises et françaises sont beaucoup plus diversifiées. Hayao Miyazaki utilise des héroïnes dont l’âge varie d’un film à l’autre. Dans Mon Voisin Totoro, Mei la petite fille a quatre ans ; elle accompagne sa grande sœur Satsuki de onze ans. On retrouve la silhouette en « i », pour Satsuki, avec de longues jambes fines et une silhouette fine et filiforme. Mais Mei la petite sœur est plus potelée, signe de son jeune âge. Kiki la petite sorcière et Chihiro semblent avoir entre dix et quinze ans, et la Princesse Mononoké ou encore Nausicaa sont légèrement plus grande et ont autour de la vingtaine. Varier les âges permet de varier les représentations physiques, car une fillette de quatre ans, de huit ans ou de quinze ans ne seront pas dessinées de la même façon. C’est une richesse pour les spectatrices car chaque tranche d’âge trouvera l’héroïne adaptée pour elle. Cela favorise la projection sur une héroïne, et la diversité prévient la formation des stéréotypes.

L’exemple le plus intéressant est celui du Château Ambulant. L’héroïne principale s’appelle Sophie et a dix-huit ans. Au début du film c’est une jolie jeune fille, plutôt timide. Elle est transformée en une vieille dame, par une sorcière, et elle passe les trois-quarts du film dans ce nouveau corps. On voit là le génie de Miyazaki qui non seulement diversifie ses héroïnes d’un film à l’autre, mais aussi à l’intérieur d’un même film. Tout au long du film, il y a une réflexion cachée autour de l’apparence physique – le héros du film a lui aussi une apparence qui se transforme ; il cherche à tout prix à conserver un physique parfait avec un beau sourire et de beaux cheveux blonds, et il est vraiment désespéré le jour où il ne peut plus maitriser son apparence. Cela permet une réflexion autour de l’importance de l’apparence physique dans notre société. L’héroïne, une fois le premier choc passé, semble accepter sa nouvelle apparence. Cela montre aux enfants que l’on peut être une héroïne même dans le corps d’une femme âgée, et cela dissocie l’idée de beauté et de jeunesse de la valeur de la personne. Sophie retrouve néanmoins son corps de jeune femme à la fin du film, seuls ses cheveux restent gris, signes du chemin parcouru par l’héroïne. Ces multiples représentations élargissent l’éventail des beautés dans l’imaginaire des enfants. Cela évite d’avoir une image figée de la beauté, et donc de stéréotyper l’apparence des filles.

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L’âge des héroïnes est donc un moyen de « contourner » l’uniformisation de la beauté. Elles sont certes toutes menues, et n’ont aucun défaut physique apparent, mais peut-on réellement dire qu’une enfant de quatre ans, ou même de onze ans, est « belle » ? Cela semblerait déplacé. En créant des héroïnes d’un âge clairement inférieur à la puberté, Miyazaki empêche leur érotisation dans leurs représentations. Des héroïnes trop jeunes ou trop vieilles vont être désexualisées socialement. La beauté n’est alors plus ce sur quoi on se focalise. Les héroïnes sont certes « mignonnes », mais on est très éloigné de la sensualité et des « formes » à l’américaine, qui touche même souvent les très jeunes héroïnes (comme par exemple Dora l’exploratrice, ultra-féminisée dans un relooking planifié par Nickelodeon et Mattel en 2009[3]).

miya1520kg en moins, 15cm en plus, un leggings moulant, une tunique, des ballerines, une coiffure « princesse les cheveux dans le vent », des super bijoux, de l’eye liner et du rouge à lèvre, où comment féminiser à outrance une gamine

La personnalité et les ambitions des héroïnes japonaises

 Les héroïnes japonaises libérées du stéréotype de l’amour et du mariage

Les héroïnes japonaises sont construites sur un modèle différent des héroïnes américaines pour qui l’amour et le mariage sont les pierres angulaires de leur quête et de leur vie. L’histoire d’amour n’est pas un élément central chez les héroïnes japonaises, même s’il est souvent présent. Elles réalisent avant tout une quête personnelle, accompagnée parfois d’un amour qui la complète. Elles sont en cela des héroïnes plus crédibles, et moins stéréotypées que les héroïnes américaines.

Des héroïnes moins égoïstes. Chihiro apparaît beaucoup moins égoïste que les héroïnes américaines. Elle ne désire rien pour elle-même, elle cherche seulement à sauver ses parents qui se sont fait transformer en cochon. A l’inverse, les héroïnes américaines commencent leurs aventures parce qu’elles veulent quelque chose pour elles-mêmes, que ce soit l’amour, un restaurant, ou aller voir une pluie de lumière. Seule Mulan faisait exception en partant à la guerre à la place de son père afin qu’il ne se fasse pas tuer. L’aventure de Chihiro arrive au hasard, à cause des épreuves qui sont sur son chemin et qu’elle doit affronter. Elle n’a rien provoqué, elle ne désirait rien en amont. Elle n’est pas avide et ne s’attache pas aux biens matériels, ce qui contraste avec la mentalité de certaines héroïnes américaines. Son bonheur n’est pas lié à une possession matérielle (comme le restaurant de Tiana dans La Princesse et le Grenouille). Son personnage est utilisé comme une métaphore antimatérialiste, défendant une consommation modérée. Un Esprit lui présente de l’or, beaucoup d’or, que Chihiro refuse parce qu’elle n’en a pas besoin. Toutes les autres personnes du film se précipitent sur l’or et sont dévorés par l’Esprit. Elle fait de même pour les tickets de douche, elle accepte celui que l’Esprit lui propose car elle en a besoin pour « nettoyer » un client, mais elle refuse le paquet entier, de tous les parfums, car elle n’en a pas l’utilité.

Une quête personnelle et indépendante. Chihiro se retrouve plongée au cœur d’une aventure qu’elle n’a pas choisie, mais qu’elle finit par accepter. Elle n’a pas « d’ambition » ou de « rêve », mais elle affronte des épreuves les unes après les autres jusqu’à en sortir grandie. Au début du film Chihiro est très peureuse. Elle se plaint parce qu’elle doit changer d’école, elle aurait bien aimé rester avec les gens qu’elle connait. Elle dit à plusieurs reprises qu’elle a peur et qu’elle ne veut pas aller explorer les environs dont un tunnel tout noir. Elle a si peur qu’elle s’accroche au bras de sa mère jusqu’à l’empêcher de marcher. Elle n’arrive pas à être indépendante et cherche toujours à être avec quelqu’un car cela lui procure un sentiment de sécurité. Lorsqu’elle rencontre Haku, un jeune garçon qui la sauve, et qu’il est sur le point de partir elle lui répond : « oh non reste avec moi ! ». Mais à la fin du film, elle s’est émancipée et est devenue une « grande fille ». Elle n’a plus peur, elle semble beaucoup plus calme et responsable. Sa quête lui a permis de changer et de gagner en maturité. Son parcours correspond à la quête typique des héros, qui apprennent à se connaître et évoluent psychologiquement lors de leurs parcours initiatique. Dans la tradition japonaise, les étapes d’éveil psychologique vont de pair avec la rencontre de nouvelles personnes. L’héroïne se nourrit de ce qu’elle apprend, elle tire des enseignements des gens qu’elle rencontre. Elle trouve sa réalisation dans la rencontre avec d’autres personnes et son ouverture au monde.

Ce schéma est quelque peu différent de la quête héroïque occidentale, où le héros se coupe du monde et part seul pour réfléchir. C’est la quête typique du héros solitaire, qui va affronter des dangers extérieurs, seul. Ce n’est pas par la rencontre avec des personnes extérieures qu’il va apprendre, mais dans la solitude qu’il va trouver ses réponses. C’est ce qu’on retrouve dans l’aventure de l’héroïne française Mia. Elle réalise sa propre quête, elle décide de partir seule à la recherche de son père. Sa mère est décédée, et les vieilles dames de son village tentent de la décourager, en lui disant qu’elle est trop petite pour effectuer un voyage aussi dangereux. Mais Mia, munie de ses grigris porte-bonheur, décide de partir quand même. Son aventure débute sur une décision personnelle, et tous les obstacles sur son parcours vont la faire grandir et entrer dans le monde de l’adolescence, passage symbolisé par ses cheveux coupés courts. Elle va beaucoup apprendre de sa rencontre avec les Migous, esprits de la forêt touchants et drôles. Sa quête est liée à une relation affective, sa relation père-fille, mais elle n’est pas liée à une histoire d’amour. Seul accroc à cette magnifique et émouvante histoire : lorsqu’Aldrin, le petit garçon qu’elle a rencontré, lui offre un collier à la fin du film, Mia répond que dans son village cela signifie qu’elle devient une vraie femme. L’émancipation de la femme passe encore une fois par la main d’un homme.

Ces deux héroïnes, peut-être plus Chihiro que Mia, ressemblent plus à des « héros féminins » que les héroïnes Disney. Elles accomplissent une quête héroïque seules, et leur aventure n’est pas liée à une histoire d’amour. Elles cassent donc le stéréotype de la femme qui s’accomplit à travers son histoire d’amour. Chihiro réussit à être autosuffisante lors de la quête qu’elle accomplit: elle ne dépend de personne. Même si elle est aidée par plusieurs amis, il s’agit avant tout de SA quête et de SON évolution spirituelle. Elle se découvre une force intérieure et des capacités qu’elles croyaient inexistantes, elle prend confiance en elle et s’émancipe. Même si elle noue des relations amicales et amoureuses, celles-ci arrivent au second plan par rapport à sa quête personnelle. Elle sort du stéréotype de la femme qui ne vit que par des relations affectives, qu’elles soient familiales, amicales ou amoureuses. Son histoire n’est pas une histoire relationnelle, mais une véritable quête. En cela elle peut être vue comme un « héros féminin ». C’est-à-dire que le personnage principal de l’aventure aurait pu être un homme sans que cela change grand-chose. Si une telle permutation est possible, cela veut dire que les stéréotypes de genre sont abolis.

La mise en scène de l’héroïne

Où est-elle représentée ?

D’un enfermement domestique à l’exploration du monde. Il y a normalement une dichotomie entre les lieux extérieurs attribués aux hommes, et les lieux intérieurs attribués à la femme. Cette dichotomie s’accompagne d’une distinction entre la sphère publique réservée aux hommes, et la sphère privée dévolue aux femmes. Blanche-Neige, perdue dans la forêt se retrouve en sécurité dans la maison des sept nains ; Cendrillon passe sa journée à ranger et à faire le ménage dans la maison, et ne sort qu’exceptionnellement pour aller au bal. Les lieux extérieurs sont soit des environnements menaçant soit des exceptions. Mais les héroïnes de ces dernières années se sont émancipées de ce schéma, elles aiment désormais se promener dans la nature, qui n’est plus perçue comme menaçante mais comme un lieu de liberté.

Chihiro passe tout le film séparée de ses parents, qui sont un symbole de protection et de « maison » pour elle. On voit par ses pleurs que la séparation est très difficile au début, mais elle s’autonomise ensuite tout au long du film. Elle passe une grande partie du film à être femme de ménage dans un complexe hôtelier proposant des bains thermaux pour les esprits. Mais elle est active par rapport à cet établissement : elle monte et descend les étages, elle grimpe sur les façades à l’extérieur en risquant de tomber dans le vide, elle l’explore comme si c’était un labyrinthe ou un monde à part entière. C’est un bâtiment avec un toit, mais il ne fait pas office de cocon sécuritaire : c’est un immense complexe labyrinthique où foisonnent les activités. Il s’apparente à un lieu public plus qu’à un lieu privé pour Chihiro. De plus, Chihiro part aussi explorer la nature, elle prend le train, traverse les océans et chevauche un dragon.

Les héroïnes apparaissent systématiquement dans les lieux extérieurs, et ne sont plus cantonnées à la sphère privée. Le stéréotype associant la femme à des lieux privés, comme la maison et le cercle familial, et à des lieux intérieurs a été déconstruit. C’est une avancée par rapport aux anciennes héroïnes. Cela veut dire que les femmes ont un rôle à jouer dans la vie publique et qu’elles peuvent participer et avoir une influence. Le fait qu’elles évoluent à l’extérieur leur donne une plus grande marge d’action, de liberté et de responsabilité. Les stéréotypes qui associent la femme au travail domestique et au contexte familial sont déconstruits à travers la représentation des héroïnes dans la nature. C’est donc une belle avancée pour les nouvelles héroïnes.

Déplacement et mouvements du corps

Nous remarquons que malgré leurs déplacements plus actifs et virils, certaines héroïnes conservent une part de grâce et d’agilité. Comme si elles s’inspiraient d’activités traditionnellement féminines telles que la danse ou la gymnastique. Raiponce, l’héroïne Disney, reste très agile, elle utilise ses cheveux pour se suspendre en équilibre dans sa tour et faire de la peinture, elle se tient sur le bout de ses pieds dans une position gracieuse qui évoque une danseuse avec des rubans. Lorsqu’elle descend de sa tour pour la première fois, elle glisse à toute en vitesse et avec grâce le long de ses cheveux jusqu’en bas, non pas à la manière d’un pompier autour d’un tuyau, mais à la manière d’une acrobate sur un ruban.

miya16miya17Raiponce, la grâce en toutes circonstances

L’élégance et la beauté du geste sont fondamentales et encadrent l’évaluation de la performance. Toute compétence ou toute utilisation de la force est enrobée d’une certaine élégance. Toute forme de « puissance pure » semble proscrite. Tout se passe comme si l’action, qui « masculinise » les héroïnes devait être compensée par des postures féminines. Elles doivent garder des positions et un corps visuellement esthétique, voire désirable. Plus leurs actions appartiennent au répertoire « masculin », plus leur aspect physique ou leur posture doit être « féminine » afin de rééquilibrer le tout.

Il faut néanmoins nuancer ce propos, car s’il est particulièrement vrai pour Lara Croft, on le retrouve moins dans les héroïnes étudiées ici. Selim Krichane, dans le Héros était une femme, montre que la « masculinité » de Lara Croft (elle est célibataire, elle porte des armes, elle utilise la violence à outrance) est contrebalancée par son extrême sexualisation (forte poitrine et mini-short), et par des positions de gymnastique qui ne sont d’aucune utilité à l’aventure. Le joueur peut lui faire faire le poirier, des roulades, des « sauts de l’ange » dans le vide ; ainsi « son corps devient spectacle à contempler ». Mais les héroïnes étudiées ici ne sont ni sexualisées à cet extrême, ni poussées à faire de tels exploits acrobatiques. Elles restent plus neutres. Chihiro est un « héros féminin » dans ses attitudes et postures, le fait qu’elle soit une fille n’induit pas un comportement spécifique et reconnaissable dans le film, elle aurait pu être un petit garçon. Elle tombe, dégringole des escaliers, se cogne, et surtout elle utilise la force brute sans se soucier de sa grâce. Un « Esprit ultra-putride » arrive à l’hôtel thermal et elle doit le débarrasser d’une tige de fer qui s’est coincée dans son corps, sous des tonnes de crasse. Il semble dégouliner d’un mélange de terre, de saleté, on n’en voit même plus sa forme corporelle ou son visage. Chihiro n’hésite pas à y aller à pleines mains pour l’en délivrer, elle utilise ses muscles, se salit, et est aspergée de saleté.

miya18miya19miya20miya21miya22Le voyage de Chihiro

Les résultats sont donc contrastés quant à l’expression corporelle des héroïnes. Les américaines sont soumises à des critères de beauté déguisés, à l’obligation d’une gestuelle harmonieuse. Cela confirme le stéréotype de la femme censée être « gracieuse » et « élégante ». Même lors de ses actions émancipées, l’héroïne est rappelée à l’ordre par son apparence physique. Elle ne peut s’affranchir du regard des autres et doit toujours faire attention à son apparence jusque dans les moindres détails de sa gestuelle.

Cela propage le stéréotype de la femme restant séduisante dans toutes les situations, qui ne doit pas se salir, qui ne doit pas transpirer lorsqu’elle fait su sport, et qui ne doit pas avoir de mouvements disgracieux lorsqu’elle se bat. A l’inverse, des héroïnes comme Chihiro ont un comportement plus neutre, qui ne peut être qualifié ni de « féminin » ni de « masculin ». Sa représentation ne présente pas de stéréotypes au niveau de l’expression corporelle. Ce ne sont pas toutes les héroïnes qui se sont émancipées de ce critère, mais au moins, il en existe quelques-unes.

La question du regard masculin

Un détail peut passer inaperçu dans la mise en scène des personnages d’un film : les plans utilisés par la « caméra ». Dans le cas des films d’animation, il n’y a pas une caméra réelle, mais les animateurs créent des plans comme s’il y en avait une. Ils mettent en scène les personnages, déterminent leurs positions dans l’espace, et créent des effets de caméra comme dans les vrais films. Cette mise en scène conditionne la manière dont nous nous représentons les héroïnes.

Certains plans nous amènent à partager le regard de « l’homme », la fille est filmée comme si on voyait directement à travers les yeux du personnage masculin du film. Les spectateurs partagent cette vision et portent alors, eux-aussi, un regard « d’homme » sur l’héroïne. Par exemple, lorsque Flynn est attaché et prisonnier dans la tour, Raiponce s’est caché dans l’ombre pour ne pas qu’il la voit. Elle sort peu à peu de l’ombre pour se révéler, et on partage la vision de Flynn à ce moment-là : il voit sa silhouette sans distinguer son visage, puis elle s’approche et il la voit apparaître, sortant progressivement de l’ombre. Elle baisse la tête légèrement juste avant d’apparaître à la lumière, où elle relève le menton, et où la musique se fait plus intense comme pour signaler un moment important. Il est émerveillé par sa beauté et reste bouche bée. Il tente de la séduire, de manière comique, l’instant d’après, ce qui confirme l’hypothèse : Flynn la trouve très belle.

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A un autre moment dans le film, le regard de l’homme devient encore plus visible. Raiponce rencontre des petites filles qui acceptent de lui tresser ses longs cheveux. Elles lui font une très belle tresse, parsemée de fleurs de toutes les couleurs. Lorsque Flynn l’aperçoit pour la première fois après cela, nous partageons de nouveau son regard émerveillé. Il semble positivement surpris, puis la caméra se tourne vers Raiponce, et la filme de bas en haut. On voit ses pieds et le bout de sa tresse, de près, puis la caméra remonte le long de son corps jusqu’à sa tête tout en reculant et laissant apparaître sa silhouette entière. Le corps de l’héroïne est ainsi assimilé à un objet, précieux, que l’on regarde avec minutie. Pendant cette courte scène, la femme est encore soumise à son apparence physique et à l’exigence de beauté, que la caméra immortalise. L’interprétation ne laisse pas de doute car le visage de Flynn exhibe un sourire attendri ; Maximus le cheval, qui a compris le regard de Flynn, se moque de lui. Le regard masculin est partagé entre Flynn et Maximus. Le corps de l’héroïne est fétichisé, une distance s’est créée pour permettre une observation, comme si elle était un objet.

miya25miya26miya27miya28La femme comme spectacle pour le regard masculin

Pour une recherche juste, nous avons travaillé sur tous les plans de caméra, indépendamment des personnages. Il faut noter que certains « regards » sont aussi ceux de Raiponce. Lors de leur première rencontre, elle soulève la mèche de cheveux de Flynn, ce qui laisse apparaître son visage. A ce moment-là, il est assommé et endormi. Elle baisse les épaules et semblent moins sur la défensive, comme si elle était attendrie. Elle écarquille les yeux, et un plan montre le visage de Flynn, la caméra zoomant légèrement sur lui. C’est un moyen de montrer que l’attention de Raiponce se concentre sur son visage, et qu’elle l’observe avec de plus en plus de minutie. Cet aller-retour en le regard de Raiponce et le visage de Flynn a lieu deux fois de suite. Nous partageons le regard de Raiponce dans cette scène, mais il est impossible de dire si elle surprise, attendrie ou si elle le trouve particulièrement beau. Le corps de l’homme ne devient pas « objet » avec autant de certitude que pour Raiponce.

Nous n’avons pas retrouvé d’exemples de ce type dans le Voyage de Chihiro pourtant les histoires d’amour n’en sont pas moins intenses et crédibles. Pour plus d’information à ce sujet, nous vous conseillons le livre de Frédéric Clément, très agréable à lire, intitulé Machines désirées, la représentation du féminin dans les films d’animation Ghost in the Shell de Mamoru Oshii. Il y développe avec justesse et précision cette fétichisation du corps féminin, soumis au regard de l’homme dans un des très célèbres animés de Mamoru Oshii[4].

Si un réalisateur souhaite intégrer des « effets » filmiques dans son film, il serait important que ces « zooms » aient lieu dans les deux sens, provenant aussi bien du regard de la femme que de l’homme, pour ne pas soumettre la femme au regard de l’homme. Par ailleurs, cela est intrinsèquement créateur de stéréotypes, car la vision de l’homme sur la femme est nécessairement stéréotypée. Pas dans un sens où il aurait un mauvais jugement ou des informations imprécises, mais de par le fait qu’un homme est un homme, et n’est pas une femme. La représentation qu’un homme a d’une femme est différente de la femme réelle. Il y a nécessairement une distance, créatrice de stéréotype.

En conclusion, on peut voir que Miyazaki a proposé une vision plus moderne des femmes. Ses héroïnes ne sont plus les héroïnes fades et soumises des mangas shojos habituels, et elles ne sont pas non plus comme les héroïnes américaines, fleur bleu et rêvant au prince charmant. Cet article a principalement analysé les héroïnes de Miyazaki car elles sont les plus « modernes » et les plus « récentes ». Il est intéressant de voir à quel point celui-ci se renouvelle en proposant à chaque fois des héroïnes aux âges différents et aux représentations variées. Il s’émancipe ainsi des stéréotypes de beauté uniformisée à l’américaine. Il les lie à une véritable quête personnelle qui ne tourne pas nécessairement autour de la réalisation d’une histoire d’amour aboutissant sur un beau mariage en robe blanche. On voit ainsi que la représentation des héroïnes japonaises est différentes en plusieurs points des héroïnes occidentales. Malheureusement, si le cinéma est souvent un « miroir » de la société, il ne faut pas croire que la situation des femmes au Japon s’en trouve dans un meilleur état qu’en France. De nombreuses inégalités entre hommes et femmes persistent, et cela, ce n’est pas du cinéma.

Agathe


[1] Sur la question de l’occidentalisation des représentations japonaises, et notamment la question de la taille des yeux, cf. http://www.du9.org/dossier/regards-croises/

[3] http://www.lesnouvellesnews.fr/index.php/plaisirs-articles-section/38-plaisirs-categorie/601-dora-10-ans-aventuriere-anti-sexiste-pour-le-moment

[4] Pour les plus courageux, il y a également l’article de Laura Mulvey, Visual Pleasure and Narrative Cinema, en anglais et dont la lecture est plus difficile, mais qui reste très intéressant (une traduction partielle en français de cet article a été publiée dans le n°67 de la revue CinémAction intitulé « 20 ans de théories féministes sur le cinéma »)