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Les héroïnes de Miyazaki : représentation physique, personnalité et mise en scène

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Cet article propose une esquisse d’analyse de quelques héroïnes japonaises créées par Miyazaki. Celles-ci seront parfois comparées à des héroïnes de Walt Disney, ou à une héroïne française comme Mia (de Mia et le Migou) afin de mieux mettre en relief leurs particularités. Le but est en même temps de donner des pistes de réflexion à tout un chacun pour repérer des stéréotypes de genre et les analyser.

J’analyserai tout d’abord la représentation physique des héroïnes de Miyazaki en parlant de leur visage, de leurs cheveux et de leur apparence. Ensuite j’analyserai leur personnalité et leur caractère, en essayant notamment de déterminer quels sont leurs buts ou leurs rêves. Enfin, je m’attarderai sur la mise en scène des héroïnes et ce qui est implicitement imposé par là au regard des spectateurs/trices.

La représentation physique des héroïnes

Le visage féminin : un visage doux et neutre

La représentation d’une fille ou d’une femme dans un dessin d’animation est différente de la représentation d’un garçon ou d’un homme. Les visages des filles n’ont pas beaucoup de traits ; et se rapprochent ainsi d’un « visage zéro ». Le visage est lisse, sans défaut, sans détail exagéré. Si l’on dessine un nez de taille normale, ce ne sera pas esthétique, la fille ressemblera à une caricature. Pour dessiner un homme, l’animateur va s’appuyer sur un de ses « défauts » ou une de ses caractéristiques physiques particulièrement voyante. Un simple trait de crayon va faire apparaître son visage : cela peut être un nez proéminent, un menton fort ou encore de la barbe, ou des grandes oreilles. Les traits peuvent se permettent d’être beaucoup plus durs et plus grossiers. Au contraire chez une femme le nez doit être à peine relevé (il n’est parfois représenté que par deux petits traits), les sourcils doivent être fins, le menton délicat. Le visage doit être plus neutre et plus doux. Le fait de ne pas avoir beaucoup de lignes pour pouvoir représenter le visage rend le travail beaucoup plus difficile. Il est difficile de représenter des émotions et de ne pas avoir une héroïne fade. Beaucoup de choses se jouent alors dans le regard. Toutes les héroïnes Disney, ainsi que les héroïnes japonaises[1], ont de très grands yeux, démesurés par rapport aux proportions humaines normales.

miya01miya02Jasmine et Pocahontas, des visages Disney typiques

Les héroïnes japonaises ont un visage qui semble plus allongé et plus petit de par leur absence de pommettes. Leur visage est encore plus neutre que celui des héroïnes Disney : leurs pommettes ne sont pas saillantes et rosées, et leurs lèvres ne sont pas charnues et colorées, elles ne consistent qu’en de simples traits. Les sourcils sont plus fins que la moyenne des héroïnes françaises et américaines, et leurs yeux sont de taille normale, sans être démesurément grands. Il est également intéressant de constater l’androgynie des personnages japonais (enfants), car les garçons dans le cinéma d’animation japonais ont les traits particulièrement fins. Même leur corps est similaire à celui d’une femme. On reconnait souvent la différence entre filles et garçons à la coupe de cheveux uniquement.

miya03Des visages typiques d’héroïnes japonaises[2]

 La chevelure des héroïnes japonaises, moins sensuelle que celle des occidentales

miya04Les cheveux ont une place de première importance dans la représentation physique des héroïnes. Ils sont une marque de sensualité : de nombreuses héroïnes Disney ont de beaux cheveux longs et brillants, symbole par excellence de la féminité du point de vue des hommes. On pense aux beaux et volumineux cheveux d’Esmeralda ou d’Ariel la Petite Sirène. Les cheveux peuvent aussi être un symbole de l’émancipation psychologique de l’héroïne. On peut penser à Mia, l’héroïne française de Mia et le Migou, ou à l’héroïne Raiponce de Disney qui se coupent les cheveux. Cela symbolise le passage à la vie d’adulte, ainsi qu’un accomplissement personnel.

miya29Mia et Raiponce, cheveux courts et longs

Les héroïnes japonaises semblent accorder moins d’importance à leurs cheveux. Ils ne sont ni le reflet d’une sensualité particulière, ni le symbole d’une maturation psychologique. Miyazaki représente les cheveux de ses héroïnes avec beaucoup de diversité. Ils peuvent être mi- longs, courts, attachés en queue de cheval, noués en une belle tresse, laissés libres, ou encore agrémentés d’un joli nœud rouge. Les couleurs changent également en passant de roux ou châtain, à un brun plus ou moins foncé ; ils sont même parfois gris comme ceux de Sophie dans le Château Ambulant. Ils sont rarement très longs et volumineux, et ne semblent avoir d’autre rôle que de garnir la tête de l’héroïne. Ils ne dégagent aucune forme de sensualité ou d’exotisme comme peuvent le faire les cheveux de certaines héroïnes Disney, ils ont un rôle plus neutre.

miya07miya08miya09miya10Exemple de coiffures dans les films de Miyazaki (De haut en bas : Le château dans le ciel, Kiki la petite sorcière, Le château ambulant et Porco Rosso)

Taille et silhouette : une beauté uniformisée ?

Héroïnes japonaises et silhouettes en forme de « i ». Tout comme les américains, les japonais ont aussi des héroïnes très minces et très fines. Mais là où les héroïnes américaines sont pulpeuses et ont des formes, les japonaises semblent beaucoup plus filiformes et chétives. Leur silhouette est différente de celle des américaines. Elles ont une silhouette en forme de « i », toute droite, avec de longues jambes fines et non galbées. Leur manière de se mouvoir correspond aux canons japonais des animés, elles courent en ligne droite. On est loin de la démarche de ballerine des premières princesses Disney, ou de l’intrépide Raiponce faisant des sauts périlleux.

On peut considérer qu’il y a également une certaine uniformité dans les représentations japonaises, car les héroïnes se ressemblent beaucoup physiquement. Elles correspondent aux graphismes typiques japonais. Les héroïnes de Miyazaki se tiennent droites et sont moins cambrées que les héroïnes américaines. La poitrine est rarement dessinée (ce qui peut être dû à l’âge des héroïnes, en moyenne plus jeunes que chez Disney), et lorsqu’elle l’est, elle n’est pas mise en valeur par un décolleté. Elle reste cachée sous des vêtements qui en atténuent les formes, comme on peut le voir sur Sophie du Château Ambulant, ou Nausicäa de la Vallée du Vent.

miya11miya12Nausicäa dans Nausicäa de la vallée du vent, et Sophie dans Le château ambulant

Chihiro est un personnage intéressant, car si pour un œil non aiguisé elle apparaît similaire aux autres héroïnes japonaises, on dénote quand même certaines différences. Son histoire est celle d’une petite fille peureuse qui peine à s’éloigner de quelques mètres de ses parents, et qui se retrouve seule dans un monde « imaginaire ». Ses parents se sont fait transformer en cochons, et elle tente de trouver une manière de les sauver tout au long du film. Elle est obligée de travailler pour la sorcière Yubaba, sans quoi elle sera amenée à disparaître. Elle devient femme à tout faire dans un grand bâtiment de bains, lieu de repos et de détente pour les esprits dans lequel les humains ne sont pas les bienvenus. Avec l’aide de Haku, un jeune garçon qui l’aide dès les premiers jours, elle parvient à retourner dans le monde réel, avec ses parents de nouveau humains, qui ne se souviennent de rien. Miyazaki voulait représenter une petite fille « banale », pas forcément « belle ». Elle n’est pas la typique petite fille mignonne, elle a des jambes maigrichonnes, la chevelure banale, et des bas-joues plutôt rondes. C’est une enfant comme les autres.

miya13Chihiro, dans Le voyage de Chihiro

Miyazaki adopte une démarche originale, et s’émancipe des codes de beauté. Son héroïne n’est pas « laide », bien loin de là. Mais elle ne renvoie à aucun moment à une image de beauté, ce qui est confirmé par l’attitude des autres personnages du film. Ils s’exclament à diverses reprises : « Qu’elle est vilaine ! Qui c’est qui m’a fichu une petite pareille », « Tu es trop fragile pour travailler tu as l’air d’un insecte », « Tu es vraiment minuscule ». Miyazaki prend le contre-pied de ce qui est attendu d’une héroïne habituellement. Alors qu’elles sont normalement louées pour leur beauté, Chihiro est critiquée à plusieurs reprises pour son physique. On la compare à un insecte, on lui reproche sa taille trop petite ; on assimile sa morphologie à une incapacité au travail, elle est trop « fragile pour travailler ». Miyazaki ouvre l’éventail des possibilités pour la représentation des héroïnes, il souhaite rendre son héroïne plus « réelle », comme la petite fille moyenne. Cela enlève la pression d’être belle pour les petites filles, qui voient que Chihiro accomplit de grandes choses sans correspondre aux critères de perfection corporelle imposés par l’industrie cinématographique. Les petites filles voient qu’il est possible de vivre des aventures et de s’émanciper sans être particulièrement « belle ». Nous avons trouvé que la « non-beauté » de Chihiro est plus supposée que réelle : elle s’exprime moins par ses graphismes que par l’attitude des autres personnages. Mais la dissociation beauté-héroïne représente toutefois une belle avancée.

Diversifier la beauté grâce à l’âge des héroïnes

Il est possible de jouer sur l’âge des héroïnes pour ne pas créer une beauté trop uniformisée, et pour que la palette d’héroïnes dans laquelle les enfants puissent se représenter soit la plus large possible.

A ce jeu-là, les productions Disney sont perdantes. Leurs héroïnes ont en effet à peu près toutes le même âge, et ont des corps de jeunes femmes, à l’exception de Lilo, dans Lilo et Stitch, qui est une jeune fillette hawaïenne de six ans. Les autres sont des jeunes femmes entre 16 et 20 ans, suffisamment jeunes pour que de jeunes enfants puissent s’y identifier, et suffisamment âgées pour avoir des « formes ». Les productions cinématographiques japonaises et françaises sont beaucoup plus diversifiées. Hayao Miyazaki utilise des héroïnes dont l’âge varie d’un film à l’autre. Dans Mon Voisin Totoro, Mei la petite fille a quatre ans ; elle accompagne sa grande sœur Satsuki de onze ans. On retrouve la silhouette en « i », pour Satsuki, avec de longues jambes fines et une silhouette fine et filiforme. Mais Mei la petite sœur est plus potelée, signe de son jeune âge. Kiki la petite sorcière et Chihiro semblent avoir entre dix et quinze ans, et la Princesse Mononoké ou encore Nausicaa sont légèrement plus grande et ont autour de la vingtaine. Varier les âges permet de varier les représentations physiques, car une fillette de quatre ans, de huit ans ou de quinze ans ne seront pas dessinées de la même façon. C’est une richesse pour les spectatrices car chaque tranche d’âge trouvera l’héroïne adaptée pour elle. Cela favorise la projection sur une héroïne, et la diversité prévient la formation des stéréotypes.

L’exemple le plus intéressant est celui du Château Ambulant. L’héroïne principale s’appelle Sophie et a dix-huit ans. Au début du film c’est une jolie jeune fille, plutôt timide. Elle est transformée en une vieille dame, par une sorcière, et elle passe les trois-quarts du film dans ce nouveau corps. On voit là le génie de Miyazaki qui non seulement diversifie ses héroïnes d’un film à l’autre, mais aussi à l’intérieur d’un même film. Tout au long du film, il y a une réflexion cachée autour de l’apparence physique – le héros du film a lui aussi une apparence qui se transforme ; il cherche à tout prix à conserver un physique parfait avec un beau sourire et de beaux cheveux blonds, et il est vraiment désespéré le jour où il ne peut plus maitriser son apparence. Cela permet une réflexion autour de l’importance de l’apparence physique dans notre société. L’héroïne, une fois le premier choc passé, semble accepter sa nouvelle apparence. Cela montre aux enfants que l’on peut être une héroïne même dans le corps d’une femme âgée, et cela dissocie l’idée de beauté et de jeunesse de la valeur de la personne. Sophie retrouve néanmoins son corps de jeune femme à la fin du film, seuls ses cheveux restent gris, signes du chemin parcouru par l’héroïne. Ces multiples représentations élargissent l’éventail des beautés dans l’imaginaire des enfants. Cela évite d’avoir une image figée de la beauté, et donc de stéréotyper l’apparence des filles.

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L’âge des héroïnes est donc un moyen de « contourner » l’uniformisation de la beauté. Elles sont certes toutes menues, et n’ont aucun défaut physique apparent, mais peut-on réellement dire qu’une enfant de quatre ans, ou même de onze ans, est « belle » ? Cela semblerait déplacé. En créant des héroïnes d’un âge clairement inférieur à la puberté, Miyazaki empêche leur érotisation dans leurs représentations. Des héroïnes trop jeunes ou trop vieilles vont être désexualisées socialement. La beauté n’est alors plus ce sur quoi on se focalise. Les héroïnes sont certes « mignonnes », mais on est très éloigné de la sensualité et des « formes » à l’américaine, qui touche même souvent les très jeunes héroïnes (comme par exemple Dora l’exploratrice, ultra-féminisée dans un relooking planifié par Nickelodeon et Mattel en 2009[3]).

miya1520kg en moins, 15cm en plus, un leggings moulant, une tunique, des ballerines, une coiffure « princesse les cheveux dans le vent », des super bijoux, de l’eye liner et du rouge à lèvre, où comment féminiser à outrance une gamine

La personnalité et les ambitions des héroïnes japonaises

 Les héroïnes japonaises libérées du stéréotype de l’amour et du mariage

Les héroïnes japonaises sont construites sur un modèle différent des héroïnes américaines pour qui l’amour et le mariage sont les pierres angulaires de leur quête et de leur vie. L’histoire d’amour n’est pas un élément central chez les héroïnes japonaises, même s’il est souvent présent. Elles réalisent avant tout une quête personnelle, accompagnée parfois d’un amour qui la complète. Elles sont en cela des héroïnes plus crédibles, et moins stéréotypées que les héroïnes américaines.

Des héroïnes moins égoïstes. Chihiro apparaît beaucoup moins égoïste que les héroïnes américaines. Elle ne désire rien pour elle-même, elle cherche seulement à sauver ses parents qui se sont fait transformer en cochon. A l’inverse, les héroïnes américaines commencent leurs aventures parce qu’elles veulent quelque chose pour elles-mêmes, que ce soit l’amour, un restaurant, ou aller voir une pluie de lumière. Seule Mulan faisait exception en partant à la guerre à la place de son père afin qu’il ne se fasse pas tuer. L’aventure de Chihiro arrive au hasard, à cause des épreuves qui sont sur son chemin et qu’elle doit affronter. Elle n’a rien provoqué, elle ne désirait rien en amont. Elle n’est pas avide et ne s’attache pas aux biens matériels, ce qui contraste avec la mentalité de certaines héroïnes américaines. Son bonheur n’est pas lié à une possession matérielle (comme le restaurant de Tiana dans La Princesse et le Grenouille). Son personnage est utilisé comme une métaphore antimatérialiste, défendant une consommation modérée. Un Esprit lui présente de l’or, beaucoup d’or, que Chihiro refuse parce qu’elle n’en a pas besoin. Toutes les autres personnes du film se précipitent sur l’or et sont dévorés par l’Esprit. Elle fait de même pour les tickets de douche, elle accepte celui que l’Esprit lui propose car elle en a besoin pour « nettoyer » un client, mais elle refuse le paquet entier, de tous les parfums, car elle n’en a pas l’utilité.

Une quête personnelle et indépendante. Chihiro se retrouve plongée au cœur d’une aventure qu’elle n’a pas choisie, mais qu’elle finit par accepter. Elle n’a pas « d’ambition » ou de « rêve », mais elle affronte des épreuves les unes après les autres jusqu’à en sortir grandie. Au début du film Chihiro est très peureuse. Elle se plaint parce qu’elle doit changer d’école, elle aurait bien aimé rester avec les gens qu’elle connait. Elle dit à plusieurs reprises qu’elle a peur et qu’elle ne veut pas aller explorer les environs dont un tunnel tout noir. Elle a si peur qu’elle s’accroche au bras de sa mère jusqu’à l’empêcher de marcher. Elle n’arrive pas à être indépendante et cherche toujours à être avec quelqu’un car cela lui procure un sentiment de sécurité. Lorsqu’elle rencontre Haku, un jeune garçon qui la sauve, et qu’il est sur le point de partir elle lui répond : « oh non reste avec moi ! ». Mais à la fin du film, elle s’est émancipée et est devenue une « grande fille ». Elle n’a plus peur, elle semble beaucoup plus calme et responsable. Sa quête lui a permis de changer et de gagner en maturité. Son parcours correspond à la quête typique des héros, qui apprennent à se connaître et évoluent psychologiquement lors de leurs parcours initiatique. Dans la tradition japonaise, les étapes d’éveil psychologique vont de pair avec la rencontre de nouvelles personnes. L’héroïne se nourrit de ce qu’elle apprend, elle tire des enseignements des gens qu’elle rencontre. Elle trouve sa réalisation dans la rencontre avec d’autres personnes et son ouverture au monde.

Ce schéma est quelque peu différent de la quête héroïque occidentale, où le héros se coupe du monde et part seul pour réfléchir. C’est la quête typique du héros solitaire, qui va affronter des dangers extérieurs, seul. Ce n’est pas par la rencontre avec des personnes extérieures qu’il va apprendre, mais dans la solitude qu’il va trouver ses réponses. C’est ce qu’on retrouve dans l’aventure de l’héroïne française Mia. Elle réalise sa propre quête, elle décide de partir seule à la recherche de son père. Sa mère est décédée, et les vieilles dames de son village tentent de la décourager, en lui disant qu’elle est trop petite pour effectuer un voyage aussi dangereux. Mais Mia, munie de ses grigris porte-bonheur, décide de partir quand même. Son aventure débute sur une décision personnelle, et tous les obstacles sur son parcours vont la faire grandir et entrer dans le monde de l’adolescence, passage symbolisé par ses cheveux coupés courts. Elle va beaucoup apprendre de sa rencontre avec les Migous, esprits de la forêt touchants et drôles. Sa quête est liée à une relation affective, sa relation père-fille, mais elle n’est pas liée à une histoire d’amour. Seul accroc à cette magnifique et émouvante histoire : lorsqu’Aldrin, le petit garçon qu’elle a rencontré, lui offre un collier à la fin du film, Mia répond que dans son village cela signifie qu’elle devient une vraie femme. L’émancipation de la femme passe encore une fois par la main d’un homme.

Ces deux héroïnes, peut-être plus Chihiro que Mia, ressemblent plus à des « héros féminins » que les héroïnes Disney. Elles accomplissent une quête héroïque seules, et leur aventure n’est pas liée à une histoire d’amour. Elles cassent donc le stéréotype de la femme qui s’accomplit à travers son histoire d’amour. Chihiro réussit à être autosuffisante lors de la quête qu’elle accomplit: elle ne dépend de personne. Même si elle est aidée par plusieurs amis, il s’agit avant tout de SA quête et de SON évolution spirituelle. Elle se découvre une force intérieure et des capacités qu’elles croyaient inexistantes, elle prend confiance en elle et s’émancipe. Même si elle noue des relations amicales et amoureuses, celles-ci arrivent au second plan par rapport à sa quête personnelle. Elle sort du stéréotype de la femme qui ne vit que par des relations affectives, qu’elles soient familiales, amicales ou amoureuses. Son histoire n’est pas une histoire relationnelle, mais une véritable quête. En cela elle peut être vue comme un « héros féminin ». C’est-à-dire que le personnage principal de l’aventure aurait pu être un homme sans que cela change grand-chose. Si une telle permutation est possible, cela veut dire que les stéréotypes de genre sont abolis.

La mise en scène de l’héroïne

Où est-elle représentée ?

D’un enfermement domestique à l’exploration du monde. Il y a normalement une dichotomie entre les lieux extérieurs attribués aux hommes, et les lieux intérieurs attribués à la femme. Cette dichotomie s’accompagne d’une distinction entre la sphère publique réservée aux hommes, et la sphère privée dévolue aux femmes. Blanche-Neige, perdue dans la forêt se retrouve en sécurité dans la maison des sept nains ; Cendrillon passe sa journée à ranger et à faire le ménage dans la maison, et ne sort qu’exceptionnellement pour aller au bal. Les lieux extérieurs sont soit des environnements menaçant soit des exceptions. Mais les héroïnes de ces dernières années se sont émancipées de ce schéma, elles aiment désormais se promener dans la nature, qui n’est plus perçue comme menaçante mais comme un lieu de liberté.

Chihiro passe tout le film séparée de ses parents, qui sont un symbole de protection et de « maison » pour elle. On voit par ses pleurs que la séparation est très difficile au début, mais elle s’autonomise ensuite tout au long du film. Elle passe une grande partie du film à être femme de ménage dans un complexe hôtelier proposant des bains thermaux pour les esprits. Mais elle est active par rapport à cet établissement : elle monte et descend les étages, elle grimpe sur les façades à l’extérieur en risquant de tomber dans le vide, elle l’explore comme si c’était un labyrinthe ou un monde à part entière. C’est un bâtiment avec un toit, mais il ne fait pas office de cocon sécuritaire : c’est un immense complexe labyrinthique où foisonnent les activités. Il s’apparente à un lieu public plus qu’à un lieu privé pour Chihiro. De plus, Chihiro part aussi explorer la nature, elle prend le train, traverse les océans et chevauche un dragon.

Les héroïnes apparaissent systématiquement dans les lieux extérieurs, et ne sont plus cantonnées à la sphère privée. Le stéréotype associant la femme à des lieux privés, comme la maison et le cercle familial, et à des lieux intérieurs a été déconstruit. C’est une avancée par rapport aux anciennes héroïnes. Cela veut dire que les femmes ont un rôle à jouer dans la vie publique et qu’elles peuvent participer et avoir une influence. Le fait qu’elles évoluent à l’extérieur leur donne une plus grande marge d’action, de liberté et de responsabilité. Les stéréotypes qui associent la femme au travail domestique et au contexte familial sont déconstruits à travers la représentation des héroïnes dans la nature. C’est donc une belle avancée pour les nouvelles héroïnes.

Déplacement et mouvements du corps

Nous remarquons que malgré leurs déplacements plus actifs et virils, certaines héroïnes conservent une part de grâce et d’agilité. Comme si elles s’inspiraient d’activités traditionnellement féminines telles que la danse ou la gymnastique. Raiponce, l’héroïne Disney, reste très agile, elle utilise ses cheveux pour se suspendre en équilibre dans sa tour et faire de la peinture, elle se tient sur le bout de ses pieds dans une position gracieuse qui évoque une danseuse avec des rubans. Lorsqu’elle descend de sa tour pour la première fois, elle glisse à toute en vitesse et avec grâce le long de ses cheveux jusqu’en bas, non pas à la manière d’un pompier autour d’un tuyau, mais à la manière d’une acrobate sur un ruban.

miya16miya17Raiponce, la grâce en toutes circonstances

L’élégance et la beauté du geste sont fondamentales et encadrent l’évaluation de la performance. Toute compétence ou toute utilisation de la force est enrobée d’une certaine élégance. Toute forme de « puissance pure » semble proscrite. Tout se passe comme si l’action, qui « masculinise » les héroïnes devait être compensée par des postures féminines. Elles doivent garder des positions et un corps visuellement esthétique, voire désirable. Plus leurs actions appartiennent au répertoire « masculin », plus leur aspect physique ou leur posture doit être « féminine » afin de rééquilibrer le tout.

Il faut néanmoins nuancer ce propos, car s’il est particulièrement vrai pour Lara Croft, on le retrouve moins dans les héroïnes étudiées ici. Selim Krichane, dans le Héros était une femme, montre que la « masculinité » de Lara Croft (elle est célibataire, elle porte des armes, elle utilise la violence à outrance) est contrebalancée par son extrême sexualisation (forte poitrine et mini-short), et par des positions de gymnastique qui ne sont d’aucune utilité à l’aventure. Le joueur peut lui faire faire le poirier, des roulades, des « sauts de l’ange » dans le vide ; ainsi « son corps devient spectacle à contempler ». Mais les héroïnes étudiées ici ne sont ni sexualisées à cet extrême, ni poussées à faire de tels exploits acrobatiques. Elles restent plus neutres. Chihiro est un « héros féminin » dans ses attitudes et postures, le fait qu’elle soit une fille n’induit pas un comportement spécifique et reconnaissable dans le film, elle aurait pu être un petit garçon. Elle tombe, dégringole des escaliers, se cogne, et surtout elle utilise la force brute sans se soucier de sa grâce. Un « Esprit ultra-putride » arrive à l’hôtel thermal et elle doit le débarrasser d’une tige de fer qui s’est coincée dans son corps, sous des tonnes de crasse. Il semble dégouliner d’un mélange de terre, de saleté, on n’en voit même plus sa forme corporelle ou son visage. Chihiro n’hésite pas à y aller à pleines mains pour l’en délivrer, elle utilise ses muscles, se salit, et est aspergée de saleté.

miya18miya19miya20miya21miya22Le voyage de Chihiro

Les résultats sont donc contrastés quant à l’expression corporelle des héroïnes. Les américaines sont soumises à des critères de beauté déguisés, à l’obligation d’une gestuelle harmonieuse. Cela confirme le stéréotype de la femme censée être « gracieuse » et « élégante ». Même lors de ses actions émancipées, l’héroïne est rappelée à l’ordre par son apparence physique. Elle ne peut s’affranchir du regard des autres et doit toujours faire attention à son apparence jusque dans les moindres détails de sa gestuelle.

Cela propage le stéréotype de la femme restant séduisante dans toutes les situations, qui ne doit pas se salir, qui ne doit pas transpirer lorsqu’elle fait su sport, et qui ne doit pas avoir de mouvements disgracieux lorsqu’elle se bat. A l’inverse, des héroïnes comme Chihiro ont un comportement plus neutre, qui ne peut être qualifié ni de « féminin » ni de « masculin ». Sa représentation ne présente pas de stéréotypes au niveau de l’expression corporelle. Ce ne sont pas toutes les héroïnes qui se sont émancipées de ce critère, mais au moins, il en existe quelques-unes.

La question du regard masculin

Un détail peut passer inaperçu dans la mise en scène des personnages d’un film : les plans utilisés par la « caméra ». Dans le cas des films d’animation, il n’y a pas une caméra réelle, mais les animateurs créent des plans comme s’il y en avait une. Ils mettent en scène les personnages, déterminent leurs positions dans l’espace, et créent des effets de caméra comme dans les vrais films. Cette mise en scène conditionne la manière dont nous nous représentons les héroïnes.

Certains plans nous amènent à partager le regard de « l’homme », la fille est filmée comme si on voyait directement à travers les yeux du personnage masculin du film. Les spectateurs partagent cette vision et portent alors, eux-aussi, un regard « d’homme » sur l’héroïne. Par exemple, lorsque Flynn est attaché et prisonnier dans la tour, Raiponce s’est caché dans l’ombre pour ne pas qu’il la voit. Elle sort peu à peu de l’ombre pour se révéler, et on partage la vision de Flynn à ce moment-là : il voit sa silhouette sans distinguer son visage, puis elle s’approche et il la voit apparaître, sortant progressivement de l’ombre. Elle baisse la tête légèrement juste avant d’apparaître à la lumière, où elle relève le menton, et où la musique se fait plus intense comme pour signaler un moment important. Il est émerveillé par sa beauté et reste bouche bée. Il tente de la séduire, de manière comique, l’instant d’après, ce qui confirme l’hypothèse : Flynn la trouve très belle.

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A un autre moment dans le film, le regard de l’homme devient encore plus visible. Raiponce rencontre des petites filles qui acceptent de lui tresser ses longs cheveux. Elles lui font une très belle tresse, parsemée de fleurs de toutes les couleurs. Lorsque Flynn l’aperçoit pour la première fois après cela, nous partageons de nouveau son regard émerveillé. Il semble positivement surpris, puis la caméra se tourne vers Raiponce, et la filme de bas en haut. On voit ses pieds et le bout de sa tresse, de près, puis la caméra remonte le long de son corps jusqu’à sa tête tout en reculant et laissant apparaître sa silhouette entière. Le corps de l’héroïne est ainsi assimilé à un objet, précieux, que l’on regarde avec minutie. Pendant cette courte scène, la femme est encore soumise à son apparence physique et à l’exigence de beauté, que la caméra immortalise. L’interprétation ne laisse pas de doute car le visage de Flynn exhibe un sourire attendri ; Maximus le cheval, qui a compris le regard de Flynn, se moque de lui. Le regard masculin est partagé entre Flynn et Maximus. Le corps de l’héroïne est fétichisé, une distance s’est créée pour permettre une observation, comme si elle était un objet.

miya25miya26miya27miya28La femme comme spectacle pour le regard masculin

Pour une recherche juste, nous avons travaillé sur tous les plans de caméra, indépendamment des personnages. Il faut noter que certains « regards » sont aussi ceux de Raiponce. Lors de leur première rencontre, elle soulève la mèche de cheveux de Flynn, ce qui laisse apparaître son visage. A ce moment-là, il est assommé et endormi. Elle baisse les épaules et semblent moins sur la défensive, comme si elle était attendrie. Elle écarquille les yeux, et un plan montre le visage de Flynn, la caméra zoomant légèrement sur lui. C’est un moyen de montrer que l’attention de Raiponce se concentre sur son visage, et qu’elle l’observe avec de plus en plus de minutie. Cet aller-retour en le regard de Raiponce et le visage de Flynn a lieu deux fois de suite. Nous partageons le regard de Raiponce dans cette scène, mais il est impossible de dire si elle surprise, attendrie ou si elle le trouve particulièrement beau. Le corps de l’homme ne devient pas « objet » avec autant de certitude que pour Raiponce.

Nous n’avons pas retrouvé d’exemples de ce type dans le Voyage de Chihiro pourtant les histoires d’amour n’en sont pas moins intenses et crédibles. Pour plus d’information à ce sujet, nous vous conseillons le livre de Frédéric Clément, très agréable à lire, intitulé Machines désirées, la représentation du féminin dans les films d’animation Ghost in the Shell de Mamoru Oshii. Il y développe avec justesse et précision cette fétichisation du corps féminin, soumis au regard de l’homme dans un des très célèbres animés de Mamoru Oshii[4].

Si un réalisateur souhaite intégrer des « effets » filmiques dans son film, il serait important que ces « zooms » aient lieu dans les deux sens, provenant aussi bien du regard de la femme que de l’homme, pour ne pas soumettre la femme au regard de l’homme. Par ailleurs, cela est intrinsèquement créateur de stéréotypes, car la vision de l’homme sur la femme est nécessairement stéréotypée. Pas dans un sens où il aurait un mauvais jugement ou des informations imprécises, mais de par le fait qu’un homme est un homme, et n’est pas une femme. La représentation qu’un homme a d’une femme est différente de la femme réelle. Il y a nécessairement une distance, créatrice de stéréotype.

En conclusion, on peut voir que Miyazaki a proposé une vision plus moderne des femmes. Ses héroïnes ne sont plus les héroïnes fades et soumises des mangas shojos habituels, et elles ne sont pas non plus comme les héroïnes américaines, fleur bleu et rêvant au prince charmant. Cet article a principalement analysé les héroïnes de Miyazaki car elles sont les plus « modernes » et les plus « récentes ». Il est intéressant de voir à quel point celui-ci se renouvelle en proposant à chaque fois des héroïnes aux âges différents et aux représentations variées. Il s’émancipe ainsi des stéréotypes de beauté uniformisée à l’américaine. Il les lie à une véritable quête personnelle qui ne tourne pas nécessairement autour de la réalisation d’une histoire d’amour aboutissant sur un beau mariage en robe blanche. On voit ainsi que la représentation des héroïnes japonaises est différentes en plusieurs points des héroïnes occidentales. Malheureusement, si le cinéma est souvent un « miroir » de la société, il ne faut pas croire que la situation des femmes au Japon s’en trouve dans un meilleur état qu’en France. De nombreuses inégalités entre hommes et femmes persistent, et cela, ce n’est pas du cinéma.

Agathe


[1] Sur la question de l’occidentalisation des représentations japonaises, et notamment la question de la taille des yeux, cf. http://www.du9.org/dossier/regards-croises/

[3] http://www.lesnouvellesnews.fr/index.php/plaisirs-articles-section/38-plaisirs-categorie/601-dora-10-ans-aventuriere-anti-sexiste-pour-le-moment

[4] Pour les plus courageux, il y a également l’article de Laura Mulvey, Visual Pleasure and Narrative Cinema, en anglais et dont la lecture est plus difficile, mais qui reste très intéressant (une traduction partielle en français de cet article a été publiée dans le n°67 de la revue CinémAction intitulé « 20 ans de théories féministes sur le cinéma »)

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42 réponses à Les héroïnes de Miyazaki : représentation physique, personnalité et mise en scène

  1. Entièrement d’accord avec vous, surtout pour Chihiro. Vraiment, j’aurais aimé l’avoir pour héroïne quand j’étais petite fille.

    Vous savez ce qui m’énerve aussi avec Disney? Quand on cherche des images représentant les dix ou douze princesses, Cendrillon est TOUJOURS en plein milieu de l’image. Celle qu’on voit en premier est un personnage gentil mais terriblement passif et conventionnel. Mulan, elle, n’apparaît pas toujours sur les images promotionnelles. Quand c’est le cas, elle est plus ou moins cachée derrière Aurore et Ariel. Il est relativement facile d’acheter un déguisement de Blanche-Neige pour fillette mais un déguisement de Mulan, pardon…

    Ma nièce (5 ans) est fan de princesses Disney. Un jour, elle a eu l’air scandalisé quand je lui ai dit que si j’étais dans le dessin animé Cendrillon, je préférerais être la fée plutôt que la princesse. J’ai fini par détourner la conversation. Je lui en reparlerai quand elle aura quinze ans…

  2. Totalement d’accord avec vous sauf pour les yeux des héroïnes japonaises, elles ont des yeux immenses!

  3. J’aime beaucoup cette notion de filles/femmes qui n’hésitent pas à se salir les mains, simplement parce qu’il y a des enjeux plus importants que leur propre beauté, suffisamment importants pour que la question ne se pose même pas. Chihiro doit crapahuter dans la boue et utiliser ses muscles pour laver l’esprit, et elle doit aussi faire preuve de force physique et se salir pour aider son ami dragon devenu fou furieux.
    Je trouve cette notion assez présente aussi dans Princesse Mononoke, jusque sur l’affiche où on trouve l’image de San à la bouche pleine du sang, cela parce qu’elle vient d’aspirer puis recracher le sang sale de sa mère blessée.

    • De ce point de vue, l’aide que prête Chihiro à Haku ou l’exemple de San dans « Mononoke » me paraissent plus représentatifs d’une vraie subversion des stéréotypes genrés que la scène du nettoyage du dieu. Parce que bon, d’accord, Chihiro se salit sans s’occuper de sa propre beauté etc., mais ça reste basiquement une scène où elle récure un mec dans une salle de bain. Ce n’est pas à ce moment-là qu’elle s’épanouit vraiment en tant qu’héroïne moderne… elle est plutôt en plein esclavage (merci Yubaba).

  4. Un article plein de bonnes intentions, mais que je termine une nouvelle fois avec un sentiment de malaise. Une rapide analyse de votre raisonnement en montre facilement la cause : votre raisonnement n’est pas du tout rigoureux.

    Voyons d’abord quel ensemble de films, quel corpus vous y analysez. Les films de Miyazaki, dites-vous. Tous les films de Miyazaki ? Non : ses films pré-Ghibli, comme « Le Château de Cagliostro » ou « Horus, prince du soleil », n’y sont même pas mentionnés. Et parmi ses films Ghibli, vous passez beaucoup de temps sur « Chihiro » et accordez une attention assez inégale au reste.
    Ce n’est pas sans conséquence, car certains films de Miyazaki sont beaucoup plus conservateurs dans leur représentation des femmes que « Chihiro » (que vous citez à juste titre comme un exemple de dépassement des stéréotypes). « Le Château de Cagliostro » serait un contre-exemple impitoyable. On pourrait aussi dire un mot de Gina dans « Porco Rosso », qui représente une féminité aux antipodes de celle de Fio.

    Ensuite, quels sont vos points de comparaison en dehors des films de Miyazaki ? Principalement « les Disney ». Vous comparez donc les films d’un seul réalisateur (et d’un excellent réalisateur) à l’ensemble de la production d’un studio. Mais cela suppose de faire la part des différences énormes entre la logique d’un travail de studio comme Disney, où les réalisateurs n’ont qu’une influence assez limitée sur le contenu du film, et le travail de réalisateur de Miyazaki qui dirige lui-même son studio et a donc beaucoup plus de liberté !
    Pour être juste, il aurait fallu soit limiter votre étude à deux réalisateurs bien déterminés (John Lasseter de Pixar ou Michel Ocelot en France par exemple), soit comparer la production de deux studios, par exemple tous les Ghibli et tous les Disney, ce qui vous aurait obligé à prendre en compte des films comme « Je peux entendre l’océan », « Si tu tends l’oreille » ou « La Colline aux coquelicots », que leur côté shojo rend nettement plus conservateurs en termes de représentation du genre.

    Le détail de votre argumentation me laisse tout aussi mal à l’aise. Vous partez de caractéristiques de styles d’animation différents et vous en tirez immédiatement des conclusions en termes d’imaginaire du genre, sans prendre le temps de replacer ces caractéristiques dans le contexte précis des styles d’animation auxquels ils appartiennent. Cela montre une méconnaissance des différents styles d’animation et des esthétiques des différents pays auxquels vous vous intéressez.

    Exemple : votre histoire de visage féminin « doux et neutre » vaut à la limite pour les héroïnes de Disney, mais certainement pas pour l’animation japonaise, où les visages masculins sont souvent aussi fins que ceux des personnages féminins. C’est une esthétique différente ! Pour comprendre comment un visage féminin est représenté dans un style d’animation donné, il faut aussi s’intéresser à la représentation des hommes, sans quoi vos conclusions seront partielles et faussées.

    A plusieurs reprises, les conclusions que vous en tirez montrent une ignorance pure et simple des films d’animation dont vous parlez.
    – Votre affirmation selon laquelle « Toutes les héroïnes Disney, ainsi que les héroïnes japonaises, ont de très grands yeux, démesurés par rapport aux proportions humaines normales » trouve paradoxalement un contre-exemple dans le visage de Pocahontas, que vous citez pourtant comme « typique » de Disney… il n’y a pas moyen, je peine à voir ce que les yeux de Pocahontas ont de démesuré. Et malheureusement pour vous, son visage est tout sauf typique du trait habituel de Disney, puisque Pocahontas a un visage allongé aux traits assez anguleux, de même que ses yeux, tandis que les visages disneyens typiques sont beaucoup plus arrondis.
    – Vos considérations sur la valeur prétendument « plus neutre » des cheveux des héroïnes japonaises sont tout simplement fausses. Il suffit de jeter un oeil à « Sailor Moon », à « Final Fantasy » ou à pas mal d’autres oeuvres animées japonaises pour voir que les personnages féminins à chevelure longue et « sensuelle » y sont tout aussi présents qu’ailleurs. Sans quitter Miyazaki, voyez donc Fujiko Mine (acolyte de Lupin) dans « Le Château de Cagliostro ». De plus, encore une fois, on ne peut pas analyser les choses de façon aussi simpliste que « cheveux longs = sensuels » et « cheveux courts = pas sensuels ». Et que savez-vous des goûts du public japonais en la matière ? Il faut prendre la peine de se poser la question, sans quoi on en fait qu’analyser des clichés à l’aide d’autres clichés, c’est-à-dire qu’on ne progresse pas du tout…
    – Même chose un peu plus loin lorsque vous affirmez que « La poitrine est rarement dessinée (ce qui peut être dû à l’âge des héroïnes, en moyenne plus jeunes que chez Disney), et lorsqu’elle l’est, elle n’est pas mise en valeur par un décolleté. Elle reste cachée sous des vêtements qui en atténuent les formes, comme on peut le voir sur Sophie du Château Ambulant, ou Nausicäa de la Vallée du Vent. » C’est faux, au moins dans le cas de Nausicaä, qui a régulièrement des tenues plus légères que l’habit de pilote que vous donnez en illustration, et qui cache régulièrement son petit renard-écureuil dans son décolleté, occasion de donner aux spectateurs un aperçu de ses seins tout ce qu’il y a de plus représentatif des anime japonais en général (les séries animées sont pleines de ce genre de détails). Et là encore, il y a des contre-exemples criants chez Miyazaki même , notamment Kiki la petite sorcière, qui se promène sur un *balai volant* vêtue d’une *robe*.
    – Quand à votre idée selon laquelle « En créant des héroïnes d’un âge clairement inférieur à la puberté, Miyazaki empêche leur érotisation dans leurs représentations », elle demanderait à être nuancée avec prudence, car il est bien connu que la culture japonaise ne se prive pas toujours de ce genre d’érotisation. Ignorer une réalité gênante n’est pas non plus d’une méthode très rigoureuse : il faudrait examiner la façon dont Miyazaki reprend ou non certains procédés de représentation des personnages enfantins présents dans le reste de la production japonaise. On arriverait à la même conclusion que vous, je pense, mais, encore une fois, on ne peut pas aller si vite en besogne.

    Je ne tire pas sur l’ambulance au point de commenter la brève mention de « Mia et le migou », film qui sort de nulle part et semble convoqué uniquement parce qu’il vous fournit un exemple allant dans votre sens. Manque de chance, il n’est pas du tout représentatif de la représentation des femmes dans l’animation française. Je pourrais vous citer toutes sortes de contre-exemples. Allez, la Bergère dans « Le Roi et l’Oiseau », Airelle dans « Gandahar », Falbala et Cléopâtre dans les « Astérix », Kalisto dans « Les Enfants de la pluie », Aisling dans « Brendan et le secret de Kells »… encore une fois, mobiliser des titres au hasard sans un minimum de remise en contexte, ça ne peut rien donner de bon !

    Tout aussi inquiétant est le flou croissant dans l’emploi des mots et des concepts au fil de votre article : on passe des « films de Miyazaki et les Disney » aux films japonais en général et aux films américains en général, et assez vite aux héroïnes « occidentales ». C’est oublier un peu vite que les films de Miyazaki ne suffisent pas à donner une image représentative de la production animée japonaise en général, et que ni l’animation américaine ni l’animation « occidentale » ne peuvent se résumer aux seuls Disney ! Nous sommes en pleine généralisation abusive, et cette fois, c’est vous qui enfilez les clichés…

    Tout n’est pas mauvais dans votre article, et vos analyses ponctuelles sur « Le Château ambulant » et « Le Voyage de Chihiro » sont très justes, sans doute parce qu’elles se concentrent sur un objet d’étude précis et n’essaient pas de tout analyser à la fois (ce qui les exposerait à tout mélanger, comme vous le faites régulièrement ailleurs). Le problème, là encore, est dans les conclusions trop générales que vous en tirez. Ces deux films sont en effet très novateurs dans leur représentation du genre et en particulier des femmes, mais ce sont deux films. Tous les Miyazaki ne sont pas comme ça, loin de là, et encore moins les films japonais en général !
    Ainsi votre section sur « La personnalité et les ambitions des héroïnes japonaises » repose presque entièrement sur l’exemple de Chihiro, qui ne prouve simplement rien du tout. On ne peut certainement pas en conclure que les héroïnes japonaises *en général* sont « libérées du stéréotype de l’amour et du mariage » ! Certes, Miyazaki est un réalisateur particulièrement subtil sur ce sujet, mais je vous signale tout de même que l’histoire d’amour, même lorsqu’elle n’est qu’esquissée, est systématiquement présente dans ses films, que ce soit Chihiro et Haku ou Sophie et Hauru (l’exemple-limite étant San et Ashitaka dans « Princesse Mononoké » où les sentiments sont écrasés par le poids des événements : on serait presque dans la tragédie classique…). Et à chaque fois, l’aventure de l’héroïne trouve un aboutissement dans la rencontre et la relation avec un homme.
    Quant à Mia, encore une fois, son seul exemple n’est certainement pas représentatif des « héroïnes occidentales » !

    Même manque de rigueur dans l’énorme généralité dont vous partez pour l’étude des lieux des aventures des héroïnes. « Il y a normalement une dichotomie entre les lieux extérieurs attribués aux hommes, et les lieux intérieurs attribués à la femme. » Cela demanderait à être prouvé. Or, sur ce point, Disney a beaucoup évolué : à Blanche-Neige et Cendrillon, on opposerait facilement Pocahontas, Mulan ou… Raiponce, qui s’épanouissent dans le voyage et l’exploration… exactement comme ce que vous dites des « héroïnes japonaises », donc.

    Même chose pour votre analyse comparée de la gestuelle féminine dans les Disney et chez Miyazaki : vous ne vous fondez à chaque fois que sur un seul exemple, avec des conclusions généralisées à l’extrême. J’avoue avoir particulièrement du mal à suivre votre raisonnement dans cette partie. En quoi les mouvements des personnages masculins dans les Disney, resteraient-ils, eux, « neutres » ?
    Prenons l’exemple du « Tarzan » de Disney, avec ses mouvements de liane en liane ou son « surf » sur les troncs moussus. Ils ne sont pas élégants ? Vous pensez qu’ils ne contribuent pas à planter son personnage comme « masculin » ? Vous pensez qu’ils ne le rendent pas désirable en tant que tel ? Je ne vois pas en quoi l’harmonie des mouvements serait neutre chez un personnage masculin et non neutre chez un personnage féminin. Au contraire, dans le même film, c’est bien plutôt la maladresse de Jane qui renforce le stéréotype de la femme mal à l’aise dans ses rapports avec l’espace face à l’homme plus sportif. Mais vous voyez que là encore, il faut creuser davantage, sans quoi on ne fait qu’opposer des clichés à d’autres clichés.

    Sur la question du regard masculin, c’est plus convaincant, parce que vous vous en tenez à un exemple précis, analysé systématiquement. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec vous quand vous dites que, dans le cas du regard de Raiponce sur Flynn, « Le corps de l’homme ne devient pas « objet » avec autant de certitude que pour Raiponce. » Je ne comprends pas bien ce qui vous pousse à voir ici une différence, alors qu’il y a bel et bien une réciprocité du regard désirant (ou aimant) entre les deux personnages, dès ce stade du film. De plus, il me semble au contraire que dans toute cette séquence c’est bien le corps de l’homme qui est littéralement réifié, trimballé, enfermé dans des placards, ligoté, etc., le tout de façon réjouissante.

    Un dernier point pas très rassurant dans cet article : votre emploi des références livresques est parfois à côté de la plaque.
    – La note 1 renvoie à un article du site du9 à propos de la taille des yeux des héroïnes. J’ai été le lire. Manque de bol, cet article parle des yeux des personnages de Disney *en général*, pas seulement des yeux des héroïnes. On ne peut pas se baser là-dessus pour prouver une différence de dessin entre les personnages masculins et féminins. Je ne demande qu’à en être convaincu, mais l’analyse que vous donnez est hâtive et cette référence ne l’appuie pas du tout.
    – Pour votre analyse des mouvements des héroïnes de films, la seule référence que vous citez est un livre portant sur une héroïne de jeu vidéo, média dans lequel l’expérience esthétique et les angles de caméra ont un fonctionnement complètement différent. Il vaudrait mieux renvoyer à une étude portant spécifiquement sur le cinéma.
    – Dans votre développement sur le regard masculin, vous renvoyez à un livre sur… « Ghost in the Shell », qui n’a *vraiment* rien à voir avec Miyazaki et « Chihiro » puisque le personnage du Major dans GotS est une femme mûre, très féminine, et dont le corps est littéralement réifié puisqu’elle est un cyborg (en l’occurrence un esprit humain dans un corps entièrement robotique, avantageusement mis en valeur dès les premières images du film). Vous devriez plutôt aller lire l’article de l’excellent site TV Tropes sur le « Male Gaze », qui aborde la question de façon plus générale.
    Je m’inquiète par ailleurs de ne voir aucune référence à des bouquins ou articles d’analyse de films, et aucune référence à des études sur le genre.

    Bref, l’argumentation menée par cet article ne me convainc pas du tout. Il est truffé d’erreurs, d’approximations, de généralisations abusives. Son emploi des concepts est très flottant, au point qu’il brasse et alimente autant de clichés qu’il prétend en démonter.
    Le pire, dans tout ça, c’est que je n’ai rien contre une démonstration de la modernité de Miyazaki dans la représentation des femmes : je pense que Miyazaki contribue bel et bien à faire progresser les choses, même s’il ne faut pas l’idéaliser comme c’est le cas ici. Mais la façon dont l’article mène sa démonstration est truffée d’erreurs grossières. Deux conclusions, donc :
    – Une analyse de films et une étude employant la notion de genre, ça ne s’improvise pas. Les auteurs de l’article feraient bien de lire quelques articles ou bouquins sur le sujet avant de prendre la plume, ça éviterait le côté « pieds nickelés » de certains passages.
    – Qui trop embrasse mal étreint : mieux vaut éviter de vouloir parler de tout à la fois et tout démontrer en même temps, sinon ça donne un gloubiboulga de ce genre qui multiplie les conclusions hâtives et les généralisations qui font mal. Une analyse ponctuelle et précise est plus facile à faire et plus convaincante.

    • Merci pour votre commentaire, je pense qu’il va me permettre de replacer l’article dans son contexte afin d’éviter des mal-entendus. Cet article est tiré d’un mémoire plus général sur les films d’animation, dans lesquels je justifie le choix d’analyser certains films plutôt que d’autres. Afin de rendre l’article plus lisible, je n’ai pas jugé utile de préciser les détails, mais les commentaires vont me permettre de le faire. J’ai choisi de me concentrer sur les films d’animation destiné à un public d’enfants (laissant de côté une grande partie de l’animation japonaise destinée aux adultes), j’ai également choisi de me concentrer sur les longs –métrages (laissant de côté les séries) ; enfin, j’ai défini « héroïne » comme le personnage principal de l’intrigue (laissant de côté tous les personnages féminins secondaires). Cela dit, je suis tout à fait d’accord qu’une analyse plus poussée de tous les personnages féminins serait très intéressante. J’explique dans mon mémoire pourquoi je laisse un grand nombre d’héroîne de coté, mais il y a bien sur de nombreuses autres héroïnes dans l’animation française comme La reine soleil, Emilie Jolie, Persépolis, Une vie de chat, la Prophétie des Grenouilles, Tante Hilda… .C’est aussi pour cela que je n’ai pas parlé de Sailor Moon car c’est une série, et je me concentre sur les longs métrages d’animation. Et Final Fantasy, j’ai estimé que c’était un public adulte.

      Selon ces critères, de nombreux films d’animations (français par exemple) ne rentraient pas dans mon analyse. Voilà pourquoi mon article se limite à Mia et le MIgou par exemple.

      Je suis d’accord qu’il manque une chose, que je n’ai pas traité non plus dans mon mémoire : c’est la différence de percpetion par rapport à l’apparence physique. Je n’ai fait aucun travail sur la signification des cheveux dans la culture japonaise, et il serait très intéressant de voir si une longue chevelure sensuelle a la même signification en occident. Pour le reste des graphismes, je signale quand même l’androgynie des hommes dans l’animation japonaise, et ne considère à aucun moment que l’analyse est la même qu’avec les Disney. (mais effectivement, l’article regroupe des parties différentes de mon mémoire, certaines sur l’animation occidentale et d’autres sur l’animation japonaise, il faudra que je fasse plus attention la prochaine fois).

      Par exemple pour Pocahontas, j’en parle dans mon mémoire en disant que c’est une héroïne qui se distingue des autres, par sa mâchoire plus carrée, et ses jambes plus musclées. Il faut, à ce moment là, également évoquer Megara dans Hercule qui est dessinée de manière différente, avec une silhouette en « S », et qui ne rentre pas dans les critères de beauté disneyiens habituels. Mais encore une fois, je ne pouvais pas mettre toute mon analyse des héroïes Disney dans un article pour les héroïnes japonaises, j’ai donc trié les informations. L’objectif de mon article n’est de ne pas se focaliser sur les contre-exemple, mais sur les grandes traits communs des héroïnes Disney.

      Pour la poitrine, c’est pareil c’est une moyenne : en générale, je trouve que les poitrines des héroïnes de Miyazaki sont moins dessinées que les héroïnes Disney. Y a-t-il une héroïne Disney dont on ne voit pas la poitrine bien dessinée ? Cela ne veut pas dire qu’aucune héroïne de Miyazaki n’a de poitrine.

      Sur l’érotisation des femmes dans l’animation japonaise, j’ai rédigé tout un autre article sur l’histoire de l’animation japonaise, où je reviens en détail sur les liens entre les shojos, la sexualité, et la sexualisaiton des femmes (en parlant aussi des hentaï).

      Pour les histoires d’amour, vous avez raison de signaler qu’elles sont toujours présentes dans les histoires de MiyasakI. Néanmoins je pense qu’il y a une différence fondamentale à faire avec les Disney récents : Raiponce, ou Tiana dans la Princesse et la Grenouille base une grande partie de leur réussite sur leur histoire d’amour (et leur mariage !). A l’inverse, même si l’amour est présent dans les histoires de Miyasaki, cela reste toujours en parallèle d’une véritable quête pour l’héroïne. Je ne pense pas qu’une héroïne devrait ne pas avoir d’histoire d’amour pour être une véritable héroïne. Mon propos était seulement de dire qu’il ne faut pas que son seul but dans la vie soit cet amour.

      Pour la dichotomie des lieux intérieurs/extérieurs, je pense qu’il est important qu’elle soit soulignée. Dans mon mémoire, je dis même que c’est un des stéréotypes dont les héroïnes récentes se sont émancipées, en comparant Blanche Neige à Raiponce par exemple.

      Pour notre cher Tarzan, je ne disais pas que les hommes ne sont jamais gracieux. Je dis que les hommes montrent parfois de la force brute (au combat) ou simplement une action sportive ; et que si cette action est effectuée par une femme, elle se doit très souvent d’être gracieuse. On peut penser par exemple à Pocahontas et John Smith qui monte tout en haut d’un arbre, et où Pocahontas est souple, agile, et gracieuse. Cela ne veut pas dire que les hommes ne sont jamais gracieux. Mais je soulignais seulement le fait que les femmes, lorsqu’elles effectuent des tâches plus sportives, enrobent très souvent leur force ou leur compétence sportive dans de l’agilité (comme si elles ne peuvent se démarquer du fait d’être belle et gracieuse en toute circonstance).

      Pour la question du regard masculin, je ne parle pas simplement de n’importe quel plan de caméra. Ma référence renvoie à Ghost in the Shell, car même si ce n’est pas le même film que CHihiro ou Raiponce, les procédés utilisés sont les mêmes et renvoient à la même chose. Lorsque Flynn est trimballé, ligoté dans le placard, nous ne nous plaçons pas du point de vue de Raiponce, mais simplement du point de vue du spectateur. Ce n’est pas du tout la même chose. Le « regard masculin » (ou féminin) renvoie à des plans de caméra qui peuvent remplacer le regard d’un personnage, comme lorsque Flynn regarde Raiponce et est ébloui par sa beauté. On ne voit alors pas Raiponce comme nous la verrions en tant que spectateur, mais bien comme si l’on était Flynn nous-même.

    • On pourra dire que je pinaille, mais je trouve qu’un point (assez peu important au demeurant) de votre critique est totalement faux, à savoir les tenues de Nausicäa : il ne me semble pas que Nausicäa porte régulièrement des vêtements plus légers que sa tenue de pilote, puisque’elle n’abandonne cette dernière qu’au 2/3 du film pour revêtir une robe qui ne souligne pas plus avantageusement ses formes et sous laquelle elle porte de surcroît une sorte de pantalon/chausse (qu’elle portait par ailleurs déjà sous sa tenue de pilote), certes couleur chair (ce qui peut créer un semblant de nudité…).

  5. Merci pour cet article intéressant. J’ai envie d’ajouter que les films de Walt Disney (époque années 1940-1960) et ceux produits par les studios Disney, mais sous la patte d’autres réalisateurs, révèlent quand même d’autres codes/images que la « princesse classique » : je pense à Rebelle, mais aussi aux productions en association à Pixar …

    Hayao Miyazaki (Studios Ghibli) révèle non seulement une autre culture mais aussi une autre époque : productions dans les années 1980-2010. Cela compte aussi pour ce qui concerne la transmission d’autres valeurs ! 😉

  6. Je trouve l’article, et la critique qu’en fait Enostos vraiment excellents.
    Pour aisée mais juste que soit la critique à posteriori, elle n’enlève rien au travail ex nihilo d’analyse que fait l’article.
    Et peu importe au final que tel ou tel exemple soit « choisi »,
    Cet article attire notre attention sur des détails, qui pour paraîtres anodins, n’en ont pas moins une réelle importance.

  7. Je n’ai pas tout lu, mais il manque peut-être et surtout un truc fondamental : les personnages des dessins animés japonais ont beaucoup plus un type physique occidental.

    Quand on leur pose d’ailleurs la question, les Japonais disent ne pas savoir comment se dessiner autrement.

    Ce qui est cohérent avec la présence très fréquente de mannequins occidentaux dans les publicités au Japon, d’autant plus étonnante qu’il y a très peu d’étrangers dans ce pays, et encore moins de non-asiatiques.

    On pourrait aussi évoquer une particularité des hommes au Japon : ils fantasment beaucoup sur les collégiennes/lycéennes, d’où leur présence fréquente dans les mangas en uniforme d’écolière et même le business pour certaines jeunes filles de revendre leurs culottes usagées.

    • Non les japonais ne se dessinent pas avec un type physique occidental. C’est une affirmation qu’on entend souvent mais ce que nous croyons typique du physique occidental ou nippon n’est pas la même chose selon que vous soyez japonais ou occidental.
      Par exemple pour les occidentaux le type japonais ou asiatique, sera des yeux « bridés », les cheveux noirs et lisses, la peau plutôt « jaune ». Pour les japonais ce qui est caractéristique est le petit nez (pour eux les occidentaux sont des long-nez). Sur cette planche de « Monster » d’Urosawa vous pouvez voire comment les japonais imaginent le type occidental.

      Un des liens fournis dans l’article vous fournira beaucoup d’informations qui montrent bien que les japonais ne se dessinent pas en occidentaux.
      http://www.du9.org/dossier/regards-croises/

      « Ce qui est cohérent avec la présence très fréquente de mannequins occidentaux dans les publicités au Japon, d’autant plus étonnante qu’il y a très peu d’étrangers dans ce pays, et encore moins de non-asiatiques. »
      Alors oui c’est cohérent avec les mannequins occidentaux mais pas pour les raisons que vous avancez. Les marques occidentales ne prennent simplement pas la peine de prendre des mannequins qui correspondent aux type ethnique de leur clientèle.

    • @ Vincent
      Vous vous trompez de beaucoup il me semble. Ce sont les occidentaux qui trouvent leurs visages comme typé occidental mais pour les japonais la différence est des plus nette. Un personnage asiatique aura toujours une forme ronde du visage quand un occidental aura une apparence plus longue et « géométrique. » C’est comme ça qu’ils se perçoivent et nous perçoivent dans la réalité. Enfin vous pensez bien qu’un asiatique ne se définit pas comme « jaune », alors que nous voyons de notre côté tout « blanc » comme occidental. La blancheur (ou la pâleur) est en fait un synonyme de grande beauté sur le même critère que nos sangs bleu et donc pas du tout pour raison ethnique. Enfin si le personnage a un teint plus foncé, il sera identifié à un Japonais du sud ou de nord du pays associé avec un caractère « paysan », gouailleur et pas forcément axé sur son physique. Ce sont les stéréotype internes aux japonais. Et ils sont pléthores. Regardant depuis plus de 10 ans de l’animation japonais, j’en suis venu à reconnaître au premier coup d’œil – même sans contexte – quand un personnage est occidental dans un animé. Et les différences m’apparaissent désormais toutes aussi évidentes que pour un Japonais. Après il y a toujours des exceptions comme par exemple dans Jin-roh ou le physique des personnages correspond assez à nos critères pour représenter un asiatique.

      Sur les habits d’écolières, les anglais aussi fantasment dessus :p

      @Eunostos : Un peu de mauvaise foi. Miyazaki ne peut pas faire l’impasse sur l’univers de Lupin et faire passer Fujiko pour ce qu’elle n’est pas. Et encore, de souvenirs le film n’en fait pas autant que dans la série sur ce personnage féminin très vénal et hypersexué.

  8. J’aimerais assez que l’auteure nous donne son avis sur « Le château dans le ciel » et comment ce film s’inscrit dans l’article.

    J’avoue partager le sentiment d’Eunostos.

  9. Article complètement subjectif et totalement erroné. Votre article part en vrille dès le premier paragraphe où vous énoncez les « différences » entre héroïnes Disney et héroines Asiatiques.
    Or Osamu Tezuka (considéré comme l’inventeur de l’art d’animation Japonais tel qu’on le connait aujourd’hui), nous apprends au cours d’interview qu’il s’est toujours inspiré de Walt Disney pour créer les héroïnes aux grands yeux.
    De ce fait les design Japonais sont à la base donc inspirés de Walt Disney, les différences sont minimes.

    J’ai également apprécié le fait où « l’héroïne chez Disney est en sécurité à la maison », mais ne serait-ce pas le cas de tous les styles ? Pour Chihiro par exemple son premier réflexe après la transformation de ses parents est de se trouver un toit (où elle se fait aider d’ailleurs ensuite, l’héroïne chez Miyazaki n’est donc pas plus seule que l’héroïne chez Disney), chez Totoro tout commence par une maison, Kiki la sorcière a des accidents dès qu’elle sort de chez elle (et va d’ailleurs s’aider via la dame dans la forêt pour sortir de sa dépression).

    Vous dîtes également que les personnages de Miyazaki sont plus modernes que ceux de Walt Disney, or également ceux de Walt Disney (la plupart cités) datent des années 30-40-50; c’est assez ignoble d’ailleurs de penser que Tiana a des envies « égoistes » de se sortir du monde dans lequel elle évolue.
    Kiki également passe son plaisir par la possession d’un travail et cherche à monter sa propre compagnie de livraison. Dame Eboshi possède une forge, Chihiro doit travailler également pour payer sa dette… Et le passage où « Cendrillon passe ses journées à la maison » m’a fait hurler. Pouvons nous dire alors que Cosette des Misérables a une belle vie car « elle passe sa journée chez les Ténardiers » ?
    Enfin nous parlons également de personnages basés sur des contes des années 1800 pour la plupart… Et surtout pourquoi alors ne pas avoir également analysé la place de la femme dans la société Japonaise et la société Américaine ?
    Vous comparez des cultures, des méthodes de travail, des inspirations, des époques totalement différentes.

    • Vous posez qu’il est absurde de « comparer des cultures, des méthodes de travail, des inspirations, des époques totalement différentes », mais c’est que vous vous placez du point de vue de la production des films. Or, personnellement, la question de la réception m’intéresse tout autant (si ce n’est dix fois plus, surtout d’un point de vue politique). En effet, si je me demande concrètement quel film j’ai plus envie de montrer à des enfants (ou quel film j’ai envie moi de regarder), et bien à la rigueur je m’en fous des « inspirations » ou des « méthodes de travail ». Ce qui m’intéresse, c’est quelles histoires sont racontées, comment elles sont racontées, qui sont les personnages de ces histoires, etc.
      L’auteure de cet article n’a pas la prétention d’écrire une encyclopédie socio-historico-esthétique de l’animation japonaise ou américaine. Elle dit juste qu’elle lance des pistes de réflexion pour analyser les représentations des héroïnes de quelques dessins animés. Et personnellement, je trouve ça déjà pas mal.

    • Ces contes ne sont pas « des années 1800 à peu près ». L’histoire des contes est plus compliquée que cela et remonte à très longtemps. La plupart des contes sont issus de mythes qui ont perdu de leur sacré et au lieu d’être racontés aux adultes, n’ont plus été racontés qu’aux enfants. Ce en quoi les adultes ne croient plus devient souvent des histoires pour enfants. Grimm et Perrault les ont juste couchés sur du papier en les adaptant à leur temps. Exemples :
      http://lesaventuresdeuterpe.blogspot.de/2012/04/blanche-neige-proserpine-eteve.html
      http://lesaventuresdeuterpe.blogspot.de/2012/04/la-valkyrie-au-bois-dormant.html
      http://lesaventuresdeuterpe.blogspot.de/2012/04/de-rhodopis-cendrillon.html
      http://lesaventuresdeuterpe.blogspot.de/2012/04/de-psyche-belle.html

  10. j’ajouterais que les autres personnages de contes que l’on trouve chez Walt Disney sont aussi inspirés de personnages mythologiques qui remontent à la nuit des temps.
    Arielle :
    http://lesaventuresdeuterpe.blogspot.de/2012/04/datergatis-arielle.html
    Ursula :
    http://lesaventuresdeuterpe.blogspot.de/2012/04/de-meduse-ursula-la-sorciere-des-mers.html
    la sorcière de Blanche-Neige :
    http://lesaventuresdeuterpe.blogspot.de/2012/04/de-demeter-la-sorciere-de-blanche-neige.html
    Maléfique
    http://lesaventuresdeuterpe.blogspot.de/2012/04/de-kriemhilde-malefique.html

    Et puis pour dire qu’il y a d’autres inspirations possibles pour représenter des femmes du passé (comme si par le passé, les femmes avaient toutes été des bibelots (jeunes) puis des mégères (vieilles)) :
    http://lesaventuresdeuterpe.blogspot.de/2012/04/de-chand-bibi-jasmine.html

  11. @ Agathe,
    Je serai ravie de lire votre étude complète sur les films d’animation. Pouvons-nous avoir accès à votre mémoire d’une quelconque façon ?

    @ Eunostos,
    Je dois dire que vous commentez cet article avec précisions et arguments. Avez-vous vous même écrit sur le sujet ?

  12. Très bon article, qui soulève des points intéressant… Il m’a permis de revoir, avec plaisir et peut-être en le comprenant mieux « Le voyage de Chihiro », film que j’aimais beaucoup étant petite…
    Merci Agathe !

  13. Bonjour et bravo pour cet article qui, comme l’ont soulevé avec plus ou moins de délicatesse certains commentateurs, n’est pas parfait, mais a à mon sens le mérite de d’exister et de soulever des points très intéressants.

    Je relèverai pour ma part deux choses :
    – Effectivement, l’emploi récurrent de « japonais » au lieu de « miyazakiesque » ou « miyazakien » prête parfois à confusion, d’autant plus que les héroïnes de Miyazaki se distinguent de bien des manières de la plupart des héroïnes japonaises et se détachent d’un certain nombre de stéréotypes.

    – « Mais les héroïnes de ces dernières années se sont émancipées de ce schéma, elles aiment désormais se promener dans la nature, qui n’est plus perçue comme menaçante mais comme un lieu de liberté. »
    Je me demande si ça ne montre pas plus une évolution (à analyser) des représentations de la nature qu’une émancipation féminine. Quand vous dites « se promener dans la nature », cela sous-entend bien qu’elles ne vont pas y vivre des aventures, ni y rencontrer des gens, que la nature est un lieu de « rêverie », d' »évasion »… La nature est donc domestiquée (par qui ?), devient un espace onirique où il fait bon rêvasser, mais certainement pas pour autant un « lieu public ». Si les héroïnes y gagnent peut-être une certaine liberté de mouvement (qu’il est bon de gambader parmi les fleurs !), pour saine qu’elle soit, elles n’y trouvent pas une plus grande liberté individuelle. Les balades en forêt des héroïnes ne montrent pas, me semble-t-il, une émancipation des héroïnes : elles n’accèdent pas par là à l’espace public et pourraient aussi bien rêver à la fenêtre d’une tour ou d’un château ou se promener dans un parc ou un jardin.
    Par ailleurs, en écrivant « gambader parmi les fleurs », je revois l’image d’une héroïne Disney plus toute jeune cueillant des fleurs et chantonnant avec des petits zozieaux, ce qui me fait dire que le changement évoqué dans plus haut n’est pas tant celui de la représentation de la nature en général que de celle de la forêt, qui dans mes souvenirs était effectivement plutôt traître. Quant au pourquoi, je ne sais pas : domestication, victoire de l’homme (ben oui, pas de la femme, quand même :P) sur la forêt indomptable ? message écolo (j’ai comme un doute…) ? modernisme (le jeune public connaîtrait moins les forêts, à quoi bon lui faire peur avec) ?

    Désolée pour le bazar que constitue ce bout de réflexion livré à chaud, et encore bravo pour l’article !

    • Pour la question de la nature chez Miyazaki, j’avais lu une critique très intéressante qui faisait le rapprochement avec le Shintoïsme, sujet très important chez ce réalisateur.
      http://www.buta-connection.net/films/mononoke_culture.php

      Dans le Shintoïsme il y a des dizaines de milliers de Yokaï qui sont des sortes d’esprits plus ou moins sympathiques ou bienveillants. Dans le Shinto la nature et les objets sont habités, il y a même un Yokaï de la moisissure sur le bord des baignoire, ou du chiffon de coton. Chez Miyazaki il semblerait qu’il y ai un rapprochement entre le discours écologiste et anti consommation et une vision religieuse en rapport au Shinto qui peut être vue d’une manière un peu plus traditionaliste. Un respect de la nature et des objets est accompagné d’un aspect spirituel qui échappe la plus part du temps au public occidental mais que les japonais comprennent très bien. Dans princesse Mononoké, le voyage de Chihiro et Nausicaa c’est très visible.

      Pour Chihiro par exemple, elle est engagé au bain des esprits, et dans l’ascenseur qui la conduit pour la première fois chez Youbaba, elle est en compagnie d’un yokaï bienveillant du radis. La scène de l’esprit putride montre bien que la maladie de l’esprit de la rivière est une décharge sauvage. On peut voire une allégorie de la consommation dans la gloutonnerie des parents qui sont transformer en porcs par Yubaba et que Chihiro doit racheter par des actions contraires. Le sans-visage est aussi une métaphore de l’avidité et de la gloutonnerie, par son désintérêt pour l’argent et l’abondance matériel, Chihiro sauve les bains de l’anarchie et apaise le sans-visage. Au niveau politique c’est un discours qui s’oppose à la société de consommation et simultanément c’est aussi une histoire mystique. Il y a aussi le fait que Aku soit aussi l’esprit d’un rivière dont les hommes aient oublié le nom que seule Chihiro possède au fond de sa mémoire.
      Le sujet des personnes âgées est aussi important. Le respect de la nature, des traditions shinto, l’importance de la mémoire est aussi visible dans le fait qu’il y ait de nombreuses figures de personnes âgées, charismatiques et importantes dans l’histoire. Dans le château ambulant c’est centrale dans le film.

      Vous parlez de modernisme, mais curieusement je pense que Miyazaki ne l’est pas. Ce qu’il semble vouloir dire me semble traditionaliste, mais n’est pas à mon avis réactionnaire. Il semble vouloir dire qu’un respect des esprits de la nature et des choses, le respect de la mémoire et des anciens, est la clé d’une vie harmonieuse.

      • Même si des éléments de ses films sont traditionalistes, ne pensez-vous pas que son traitement des personnages, par exemple, peuvent qualifier les films de Miyazaki de modernes ?

      • Vu la réponse (très intéressante), je crois comprendre que mon commentaire était à côté de la plaque 🙂

        En lisant « les héroïnes de ces dernières années se sont émancipées de ce schéma », j’avais cru qu’il s’agissait des héroïnes américaines contemporaines (que je connais peu)… C’est à l’aune de cette (més)interprétation que je mettais en doute l’émancipation de ces héroïnes (américaines), et ma remarque portait sur une nouvelle conception/représentation de la nature dans les films d’animation occidentaux.

        Au temps pour moi, donc, mea culpa, etc. !

        • non vous n’étiez pas à côté de la plaque LouCenati je ne pense pas avoir répondu a votre questions. Je n’avais pas mis la phrase qui vous intrigue dans son contexte, je croyais que vous posiez la question par rapport à Miyazaki. Je ne suis pas certaine d’y répondre mieux ce matin, mais pour la conception/représentation de la nature dans les films d’animation occidentaux je pense qu’on est souvent dans le registre de « dame nature ». C’est a dire que traditionnellement en occident la nature est associée au féminin (on parle de dame nature ou notre mère la terre, la mère allaitante est souvent rapproché de l’idée de terre nourricière etc…). Et la nature est ambivalente dans la culture occidentale, nourricière et prédatrice, accueillante et terrifiante, domesticable et indomptable simultanément.

          Par exemple dans Pocahontas on est pas loin du mythe de la femme-féline qui est typique de ce registre femme-nature et révèle l’ambivalence et souvent la misogynie de cette association. Je vous recommande cet article sur le sujet ; http://culturevisuelle.org/detresse/archives/20
          et cet article sur « féminisme et écologie » qui évoque les transformations modernes de cette relation femme-nature et les travers de cette association qui reste essentialiste et donc aliénante;
          http://www.monde-diplomatique.fr/2011/05/BIEHL/20467
          Je vous conseil aussi quelques articles du passionnant blog d’Euterpe qui évoque de manière plus positive l’association femme et nature a travers le culte d’Isis et la femme loup
          http://lesaventuresdeuterpe.blogspot.fr/2012/08/isis_30.html
          http://lesaventuresdeuterpe.blogspot.fr/2012/09/la-femme-loup.html

          Bonne lecture et bonne journée à vous.

  14. En fait « moderne » c’est un peu flou comme mot, mais oui je pense que Miyazaki est simultanément moderne et traditionaliste, chez lui ces deux notions ne semblent pas s’opposer, comme c’est souvent le cas au japon. En tout cas par rapport a Disney, Miyazaki est hyper moderne. Après je manque d’objectivité et peut être que j’idéalise trop ces films que j’aime beaucoup. Je pense quant même qu’il y a toute cette partie religieuse qui est importante et qui m’avait échappé.

  15. C’est un excellent article mais c’est vrai qu’il y a pas mal de plans coquins dans Nausica qui permettent d’apercevoir ses seins ou ses fesses de façon assez volontaire de la part de l’auteur à mon avis (même si ça reste discret). Je ne sais pas quel âge est censé avoir Nausica, entre 16 et 20 j’imagine, mais il y a clairement une erotisation bien supérieure à tout ce qu’on trouve chez disney.
    Bonne critique d’Eunostos qui permet de recadrer le sujet (comparaison entre Miyazaki et Disney ne veut pas du tout dire comparaison entre dessin animé japonais et occidental) mais l’article (même s’il généralise trop ) est articulé sur des réflexions intéressantes et des remarques tout de même pertinentes.
    Je pense qu’en oubliant cette propension à généraliser, c’est un très bon article.

    Un point de détail mais pour moi la grand mère des triplettes de belleville n’a rien à envier à la vieille de nausicaa. Quand à la règle « public adulte public enfant » c’est une frontière beaucoup plus floue qu’on ne le croit. Chihiro n’est pas vraiment adapté à des enfants trop jeunes, pour le côté hésotérique, le délire visuel à la limite du psychedélique, un enfant peu aimer comme il pourra aimer les triplettes de belleville mais c’est difficile de savoir quels dessins animés sont pour enfants et lesquels sont pour adultes.

    • Très honnêtement, je ne vois pas quels plans dans Nausicäa permettent de voir des parties « intimes » du personnage éponyme, hormis lorsqu’elle cache son animal dans sa poitrine pendant un combat aérien. Le fait que Nausicäa porte un pantalon couleur chair sous sa tunique peut créer un semblant de nudité, voulu ou pas par le réalisateur, ça je ne saurais dire…

  16. Très beau travail de description et d’analyse de la part d’Agathe, avec le recadrage d’Eunostos. Je n’avais pas vu tout cela… et j’ai bien rigolé en voyant la photo sous-titrée : « Raiponce, la grâce en toute circonstance » ! 🙂

    J’aimerais dire que les héroïnes des contes traditionnelles gravés par Perrault ou les Grimm sont bien moins passives que dans la récupération qu’en font les blockbusters familiaux ; ils sont aussi plus cruels, concis, avares de détails, intenses et invoquent des souffrances allant jusqu’à la torture (pieds glissés dans des chaussures en fer brûlant) et les intentions anthropophagiques chez l’ogre mais aussi chez la marâtre de la Belle aux bois dormant (avec de la sauce !), impossibles à imaginer chez Disney. Je ne crois pas que le résultat du lissage de ces violences explicites puisse exercer sur les enfants le même effet de maturation psychique que ceux décrits par Bettelheim ; j’y vois une régression et on pourrait s’interroger sur les liens entre notre société de plus en plus dominée par son désir (y compris celui de projeter ce qu’elle veut sur une enfance qu’elle maîtrise de moins en moins) et cette métamorphose des contes effectuée par le passage de l’écrit à l’écran, qui évacuent ce que les parents et les enfants ont mis mille ans à mettre au point, pour n’en garder que l’exuvie.

    La beauté des héroïnes est souvent annoncée dans les contes, mais elle n’est pas omniprésente étant donné qu’elle n’est pas convoquée à chaque cadrage de la caméra abstraite sur la fille comme au cinéma ; il y a la barbe bleue sur les méfaits du mariage (à la fin, sauvée, elle se marie elle-même et choisit son mari) ; et puis il y a le pied de nez de Riquet à la houppe ou la déjà-princesse qui tombe amoureuse du propriétaire du chat botté « et comme les beaux habits qu’on venait de lui donner relevaient sa bonne mine (car il était beau et bien fait de sa personne), la fille du roi le trouva fort à son gré ». Les rôles sont inversés bien avant les mondes de Ralph…

    Mais je crois qu’il y a un réel malentendu concernant la beauté des héroïnes. Au cinéma, il y a voyeurisme, on a la photo sous les yeux, elle bouge d’agréable manière, on juge, on apprécie, on consomme tranquillement sans retour. A l’écrit, la beauté de l’héroïne n’a rien à voir avec une injonction cachée imposée aux femmes par la domination masculine ; c’est une caractéristique nécessaire qui permet de déterminer du premier coup d’œil qui est celle qui va traverser des épreuves pour arriver à la réhabilitation, la réhumanisation. La fille qui est humiliée par ses sœurs mais dont l’âme est bien plus belle, partant le corps. Même le petit pied de Cendrillon est une métaphore ; elle a l’esprit fin et les autres grossier. Beauté initiale et mariage avec le beau parti, pour moi, c’est du symbolique, et c’est le cinéma qui gâche tout en utilisant son artillerie lourde technique et marketing plutôt que son « art ».

    Aussi je parle là moins de différences entre l’écrit et l’écran qu’entre le classique et le moderne. Le classique suggère poliment et laisse libre l’imagination ; le moderne est un rouleau compresseur, une explicitation de tous les instants. Alors est-ce la faute à Disney ou au succès du tout-cinéma ?

    Ma préférée restera longtemps Alice, le seul chef-d’oeuvre de l’animation, devant Montres et Cie et Chihiro ; Alice, tantôt passive, tantôt active, d’une politesse à toute épreuve devant les facéties incessantes des personnages qui valent bien celles des adultes de la vie réelle ; une Alice qui ne quitte pas ses goûts d’enfant mais ne se met en colère qu’au bon moment devant la bonne personne pour le bon motif, comme l’enseignait… l’ataraxique Aristote.

    Sinon… et si les grands contributeurs du cinéma est politique collaboraient pour mettre au point un scénario et des personnages féministes, dans la perspective de le proposer à un studio ? De l’audace, toujours de l’audace, disait Danton ! En tout cas, parfois, ça marche.

    En manière de post-scriptum, Euterpe, avez-vous une piste concernant la force de transformation des mythes en contes ? J’ai une définition du mythe très précise.

  17. Il y a du bon et du moins bon dans cet article. Comme il a déjà été dit, certaines analyses sont excellentes notamment lorsqu’elles se focalisent sur un film en particulier.
    C’est au moment des comparaisons que ça coince.

    Lorsque vous citez les héroïnes Disney qui commencent leur quêtes par un désir personnel, sauf en ce qui concerne Mulan, pourrai-je citer également Belle qui, si je me souviens bien, part uniquement car elle cherche son père ? Cela ferait donc deux contre exemples et non un seul….

    De plus, je ne suis pas du tout d’accord avec votre analyse de l’érotisation des mouvements des personnages. Chez Disney il est vrai que les personnages féminins sont généralement gracieux mais c’est également le cas chez Miyazaki si on prend des héroïnes de la même tranche d’age ! Lorsqu’elle est et redevient jeune, Sophie a tendance à courir comme une princesse si mes souvenirs sont exacts, et le grace sauvage de Mononoke est également à souligner. Je ne pense pas que l’on puisse baser une analyse ou une comparaison sur un personnage aussi jeune que Chihiro qui est, par définition vu son jeune age, relativement asexuée (comme vous l’avez justement écrit, elle pourrait tout aussi bien être un petit garçon ça ne changerait rien) ! Du coup il est également normal que son corps ne soit jamais vu comme un objet (Haku reste un enfant également et les réactions d’un enfant amoureux ne sont pas les mêmes que celles d’un homme de 20 ans comme Flyn).

    En conclusion il me semble que votre analyse est très intéressante sur de nombreux points qui ont déjà été cités dans d’autres commentaires mais approximative sur bien d’autres ce qui est assez dommage (même si je ne doute pas que votre mémoire soit bien plus fourni et certainement plus précis que cet article !)

  18. Miyazaki s’identifie aux femmes. Il met beaucoup plus de sa propre personnalité dans ses héroines que dans ses héros (qui sont d’ailleurs bien rares).

    Par contre, pour ce qui est de Chihiro, je trouve que celle ci à quand meme une gestuelle de fille, meme si c’est beaucoup moins accentué qu’avec les héroines Disney. Quand elle court en bougeant ses mains dans tout les sens, trébuche, ou à peur, on voit bien quand même par sa gestuelle que c’est une fille.

  19. Malheureusement, je ne peux qu’abonder dans le sens de Meeea et Eunostos. Vous ne me paraissez pas maîtriser le sujet.

    L’article est confus et les comparaisons faites ne sont pas pertinentes. Vous mettez complètement de côté que les films de Miyazaki sont destinés à un public adulte plus qu’à un public enfant, le contraire de Disney.
    Il est évident que la culture de l’animation du Japon et des Etats Unis va différer du tout au tout, différence d’histoire, de culture, de peuple, de croyances…

    De plus, il manque toute une culture de l’animation japonaise, qui viendrait contredire bien des faits que vous défendez dans cet article. Satoshi Kon, Mamoru Hosoda, Isao Takahata, et même Goro Miyazaki ont une toute autre vision de la femme dans la société japonaise que celle de Miyazaki. L’absence de Osamu Tezuka, père de l’animation et du manga manque aussi cruellement.

    Il aurait été bien plus intéressant de comparer les héros et les héroïnes de Miyazaki, tout en dégageant une conclusion semblable.

    • « Malheureusement, je ne peux qu’abonder dans le sens de Meeea et Eunostos. Vous ne me paraissez pas maîtriser le sujet.
      L’article est confus et les comparaisons faites ne sont pas pertinentes. Vous mettez complètement de côté que les films de Miyazaki sont destinés à un public adulte plus qu’à un public enfant, le contraire de Disney.
      Il est évident que la culture de l’animation du Japon et des Etats Unis va différer du tout au tout, différence d’histoire, de culture, de peuple, de croyances… »

      Mais encore une fois, est-ce que l’auteure prétend replacer ces films dans la « culture japonaise ». Pas du tout. Elle compare juste des représentations que nous (français-e-s d’aujourd’hui) et nos enfants (français-e-s d’aujourd’hui) consommons. Quand je me demande quels films j’ai envie de voir ou de montrer à des enfants, je m’en fous pas mal de les replacer dans la culture et le contexte socio-historique dans lesquels ils ont été produit. Je ne dis pas que ce n’est pas intéressant en soi, au contraire, c’est juste que d’un point de vue politique, si on se demande juste qu’est-ce qu’on a envie de regarder et qu’est-ce qu’on a envie de valoriser comme films ici et maintenant, et bien on s’en fout de tout ça.

      On est pas sur un blog d’expert-e-s en histoire culturelle ici. On est juste des gens qui regardons des films de notre point de vue de français d’aujourd’hui qui vivent dans la société française d’aujourd’hui. Commencer à dire à quelqu’un qu’il « ne maîtrise pas le sujet » comme vous le faites (et comme l’ont fait d’autres avant vous), c’est sous-entendre qu’il faut absolument détenir des connaissances livresques pour avoir le droit de parler des films qu’on regarde. Pour moi, c’est une posture au final très élitiste, qui conforte l’idée selon laquelle « seul-e-s les expert-e-s ont le droit de parler, et les autres (les ignorants) doivent se taire et se contenter d’écouter la science des expert-e-s ». Personnellement, je trouve ce genre d’idées très dangereuses politiquement.

      « De plus, il manque toute une culture de l’animation japonaise, qui viendrait contredire bien des faits que vous défendez dans cet article. Satoshi Kon, Mamoru Hosoda, Isao Takahata, et même Goro Miyazaki ont une toute autre vision de la femme dans la société japonaise que celle de Miyazaki. L’absence de Osamu Tezuka, père de l’animation et du manga manque aussi cruellement. »

      Je vous rappelle que l’article s’appelle « Les héroïnes de Miyazaki : représentation physique, personnalité et mise en scène ». Donc oui ça ne parle que de Miyazaki… et invalider son argumentation au motif qu’il ne parle pas d’autre chose me semble relever au mieux du sophisme, au pire de la mauvaise foi…

      • …j’ai lu tout « La chasse » jusqu’au dernier commentaire. Des pages très argumentées, beaucoup d’ informations et des analyses enrichissantes m’ont fait bonne impression.Ici l’article est enrichi artificiellement par des mises en perspectives qui s’éloignent du titre et m’a laissé aussi cette sensation de confusion que vous semblez rejeter avec véhémence. Votre ton est surprenant.
        Agathe s’en explique dans sa réponse à Eunostos. Et je m’explique d’autant moins vos deux interventions en son nom. Elle va bien ?

        • J’ajoute que l’argument de votre rapport aux enfants est problématique. Laissez les libres de vos désirs !

          Apporter aux enfants des outils de discernement, un esprit critique, pourquoi pas, mais imposer une censure procède d’une domination de l’adulte. Et imaginer pouvoir filtrer les images parvenues aux enfants est illusoire.

          J’ai joint ce lien dans une autre page, ici il me semble salutaire :
          http://delautrecote.over-blog.org/article-la-domination-adulte-critique-d-un-pouvoir-inconteste-92326987.html

          • J’ajoute – encore – que vos analyses (en références à tous les articles de ce site) ont une approche essentiellement féministe. La domination des adultes sur les enfants est un élément politique en accord avec votre projet, et devrait être intégrée à vos analyses. Je ne réfute pas votre approche, qui secoue mon apathie intellectuelle, mais la présence récurrente des mineurs dans les films que vous nous proposez voudrait que l’on accorde une importance à ce statut.

  20. Je ne comprend pas très bien votre analyse: les productions Disney sont une entreprise ou l’individualité artistique des réalisateurs doit s’effacer devant le poid d’un cahier des charges tandis que Miyazaki est UN auteur au départ indépendant et qui propose des films très personnels (et que j’aime beaucoup personnellement). En tant que tel, je pense que sa liberté est beaucoup plus grande. Votre but est-il de comparer un modèle d’héroïne japonais à un modèle occidental ? Dans ce cas je vous conseillerai de vous intéresser plutôt aux personnages d’anime japonais, comme vous avez commencé à le faire en parlant du visage des personnages. Surtout qu’il y a des choses à dire !
    Pour parler de Miyazaki, je trouve d’ailleurs que ses héroïnes se ressemblent beaucoup: seul la coupe de cheveux change, pratiquement (l’exception est chihiro). Elle sont toutes minces également, comme les modèles de l’animation Disney. Et certaines sont nunuches à souhait, je pense notamment à Chihita dans Le château dans le ciel, qui en plus d’être la mignonne petite fille à protéger fait le ménage, la lessive et la cuisine pour une bande de pirate tandis que son amoureux répare…le moteur de l’avion !
    Merci pour votre analyse

  21. Je pense que se qui est raconter ici est intéressant et peut être un bon moyen de comprendre les dessins animes d’une autre manière.

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