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Shotgun Stories (2007)

shotgun

Alors que Tarantino exalte encore une fois l’esprit de vengeance dans son Django Unchained et que des films comme Killer Joe témoignent d’un mépris hallucinant envers les « ploucs », il est à mon avis bon de rappeler qu’il existe aussi d’autres films beaucoup plus intelligents politiquement sur les mêmes sujets. C’est le cas par exemple de Shotgun Stories (2007), le premier film de Jeff Nichols.

Au fin fond de l’Arkansas, deux fratries sont prises dans une logique de vengeance qui semble les destiner à une mort inévitable. La haine a été réveillée par la mort du père, qui avait jadis abandonné sa femme et ses trois premiers fils (la première fratrie) pour se remarier avec une autre femme et faire d’autres enfants avec elle (la deuxième fratrie). Le jour de l’enterrement, l’ainé des premiers vient, accompagné de ses deux frères, rappeler tout le mal que leur père leur a fait, et conclut son discours en crachant sur le cercueil. A partir de là, une spirale de vengeance  va s’enclencher et être la cause de plusieurs morts.

Ce qui me semble intéressant dans ce film, c’est qu’il n’exalte jamais le sentiment de vengeance. Bien au contraire, le véritable héros du film sera celui qui refuse depuis le début de se battre, et qui se faisait du coup traiter de lâche par ses frères. En faisant de ce personnage secondaire le vrai « héros » du film, Shotgun Stories prend le contrepied de tous les films de vengeance dont le cinéma hollywoodien est si friand. Ces derniers nous font le plus souvent adopter le point de vue du vengeur, en nous faisant d’abord subir avec lui une violence originelle, qui justifie par avance le déferlement de violence que le vengeur infligera en retour à ses bourreaux (et dont nous sommes bien souvent invité-e-s à jouir). Si elle est parfois montrée comme problématique, la vengeance est le plus souvent glamourisée, et quasiment toujours présentée comme compréhensible par ces films (ce qui est déjà pour moi un début de légitimation). Or rien de tout cela dans Shotgun Stories, la vengeance ne produit ici absolument rien de positif, et est toujours le fait des personnages les plus immatures.

Le fait que les fratries prises dans cette logique de vengeance soient exclusivement masculines est à mon avis très intéressant, car le film désigne par-là les responsables de cet état de fait : les hommes, ou plus exactement une certaine construction de la masculinité sous le patriarcat. Les hommes les plus virils y sont en effet présentés comme les plus immatures, et le seul moyen pour les personnages masculins de sortir de cette spirale semble résider dans une acception du féminin (à la fois en eux et à leurs côtés). Si les femmes sont relativement périphériques dans le film, c’est pour mieux souligner à quel point elles manquent à ces hommes qui, entre eux, sont enfermés dans leurs schémas masculins mortifères. A chacune de leurs interactions avec les hommes, les femmes apparaissent en effet comme beaucoup plus sensées et raisonnables que leurs homologues masculins, et elles ne sont jamais présentées comme à l’origine de la violence [1].

Un autre mérite du film est de ne jamais essentialiser ces comportements et schémas de pensée masculins. Les hommes ne sont pas les victimes d’une malédiction à laquelle ils ne pourraient échapper (au sens où la violence ferait partie de leur nature). Non, ici les hommes ne sont pas violents par nature puisque certains personnages masculins (dont le plus positif) sont répugnés à l’idée d’un affrontement physique et peuvent parfaitement maîtriser leur désir de vengeance (s’ils en ont un). Mieux, le personnage principal (incarné par Michael Shannon) mûrit au court du film pour parvenir jusqu’à un état de paix intérieure, correspondant à l’abandon de tout désir de vengeance. Si les hommes ne sont pas tous violents et qu’ils peuvent changer, c’est bien qu’il n’y a rien ici de naturel ou d’inévitable.

De plus, cette place laissée à la volonté des individus ne fait pas des hommes des pures victimes du patriarcat et des normes de virilités qu’il leur impose. Ce genre de conceptions qui tend à montrer les hommes plus comme agis  par des structures qui les dépassent que comme acteurs a le défaut de déresponsabiliser les hommes de la domination qu’ils exercent sur les femmes (en en faisant des victimes du patriarcat au même titre que les femmes)[2]. Or si les comportements masculins s’enracinent ici effectivement dans un système patriarcal qui éduque les hommes à certains comportements et schémas de pensées, les hommes sont cependant toujours en dernier lieu les responsables de la perpétuation de tels schémas, puisque les « héros » du film sont ceux qui précisément parviennent à s’en détacher.

Pour ces mêmes raisons, le film rompt aussi par là avec les représentations stéréotypés des « ploucs » qu’affectionne un certain cinéma d’auteur (dont les frères Coen sont peut-être les plus éminents représentants) et qui condamne lesdits ploucs à une bêtise ou une violence quasi-congénitale. Dans ces films, les « ploucs » sont le plus souvent incurables et voué-e-s à ne pas pouvoir échapper à leur destin social. Ils finissent donc souvent mal, et de manière assez pathétique (cf. par exemple Fargo des frères Coen ou Killer Joe de William Friedkin). Au contraire, dans Shotgun Stories, la misère est bien présente mais c’est une misère sociale avec laquelle les individus essayent de se débattre pour parvenir à être heureux, et non un milieu qui déterminerait tout leur être de manière quasi-génétique.

Pour toutes ces raisons, Shotgun Stories est pour moi un film assez exceptionnel, et à mon avis beaucoup plus progressiste que beaucoup d’autres qui passent pour tel alors qu’il reproduisent au fond les mêmes schémas masculins que les films desquels ils prétendent se distinguer. Je pense par exemple à tous ces films de vengeance mettant en scènes des femmes s’appropriant des comportements ou des compétences masculin-e-s (les Kill Bill ou Boulevard de la mort de Tarantino par exemple). Ces films sont intéressants (et peuvent être très jouissifs) dans leur représentation d’un empowerment féminin. Mais en même temps, ils ne font que reproduire les mêmes schémas masculins, en remplaçant juste les hommes par des femmes. Ils ne remettent donc nullement en cause la hiérarchie entre valeurs masculines et valeurs féminines, puisque le « féminisme » consiste ici à ce que les femmes puissent se comporter et penser « comme des hommes ». Personnellement, je préfère largement des films qui glorifient des hommes qui se comportement comme des femmes, plutôt que des femmes qui se comportent comme des hommes, surtout lorsqu’il s’agit de valeurs masculines aussi néfastes que le culte de la vengeance ou de la violence physique.

En cela, un film qui, comme Shotgun Stories, met en scène un refus masculin de la violence et de la logique de la vengeance  est pour moi largement plus jouissif à ce niveau que tous Tarantino du monde.

 Paul Rigouste


[1] Le personnage de la mère est peut-être un peu décevant à ce niveau. Je pense notamment à la scène où Son Hayes vient la voir et lui reprocher de l’avoir élevé, lui et ses frères, dans la haine de l’autre fratrie. En ne nous faisant jamais adopter le point de vue de la mère, le film reste ambigu vis-à-vis de ce personnage, et  il est donc tout à fait possible de la voir comme l’origine de la violence masculine. Néanmoins, cette dimension « diabolisante » est  contrebalancée par d’autres éléments, comme par exemple l’information selon laquelle son mari était alcoolique et l’a abandonnée pour une autre en la laissant seule avec leurs trois fils. A quoi s’ajoute que le discours de Son accusant la mère d’être la cause du conflit entre les deux fratries n’est jamais confirmé par un flash-back ou la parole d’un autre personnage. Il est donc tout à fait possible de considérer que le discours diabolisant de Son n’est pas (totalement) fondé, mais peut-être une manière pour le fils de ne pas reconnaître sa responsabilité en rejetant toute la faute sur sa mère.  Si l’on peut donc regretter que ce personnage ne soit pas plus approfondi, on est tout de même loin ici de la diabolisation de la mère à l’œuvre dans d’autres films du même genre, comme le récent Animal Kingdom.

[2] Je pense ici à ces travaux sur le système patriarcal (entre autre ceux de Pierre Bourdieu) qui tendent à minorer le rôle des hommes dans la reproduction de ce système de domination. Les pauvres hommes seraient comme « contraints par le système », duquel ils seraient donc victimes au même titre que les femmes. Comme s’ils étaient « agis » par un système sur lequel ils ne pourraient agir en retour. Or cette conception désincarnée de la domination patriarcale a cet intérêt pour les hommes qu’elle masque le fait qu’ils sont les bénéficiaires de ce système.

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17 réponses à Shotgun Stories (2007)

  1. Bizarrement, je trouve cette critique très sexiste. Pourquoi la violence serait-elle l’apanage des hommes ? Pourquoi la spirale de la haine découle-t-elle forcément du patriarcat ? A quel moment, même une seule fois, est-il montré que les hommes qui refusent la violence « se comportent comme des femmes » ? (et au fait, qu’est-ce que ça veut dire ?) D’ailleurs, vous le signalez même dans la note, il est clairement dit que l’origine de la haine de la première fratrie pour la deuxième est dans l’éducation de la mère. Votre tentative de l’innocenter en faisant sortir sa culpabilité de l’imagination du fils est très bancale, ce n’est qu’une pure supposition de votre part, qui ne repose sur rien dans le film. Vous semblez refuser que dans un film que vous avez apprécié, une femme puisse avoir le mauvais rôle. Bref, j’ai l’impression que vous calquez des valeurs sur les personnages en fonction de leur sexe, homme=violence et femme=compassion, ce qui est éminemment sexiste.
    Un autre point m’a surpris, c’est quand vous regrettez que des films comme ceux de Tarantino ne remettent pas en cause la « hiérarchie entre valeurs masculines et valeurs féminines ». Mais à mon avis cette hiérarchie ne peut être remise en cause, dans le sens où les valeurs dites masculines sont objectivement supérieures. Ce qu’on demande aux hommes, c’est d’être indépendants, confiants, entreprenants, responsables, créatifs ; aux femmes : belles, conciliantes, dévoués, aimantes, douces, discrètes –ce qui favorise quand même nettement moins l’épanouissement personnel. A mon avis, être « progressiste », ce n’est pas dire que les valeurs féminines valent bien les masculines, ce qui est faux ; c’est dire que les valeurs n’appartiennent à personne. Ainsi, je trouve tout à fait positif de voir une femme se comporter « comme un homme », car souvent ça veut dire libre et puissante. Quant aux hommes qui se comportent « comme des femmes », je ne comprends vraiment pas de quoi vous voulez parler.

    • Bonjour,
      Je trouve l’idée que vous vous faites de la masculinité assez « bisounours ». Pour vous, la construction de la masculinité dans notre société ne consiste qu’à éduquer les garçons à être « indépendants, confiants, entreprenants, responsables, créatifs ». Mais vous oubliez à mon avis quelque chose d’essentiel : il n’y a pas d’un côté la masculinité et toutes ses belles valeurs émancipatrices, et de l’autre la féminité, sans rapport entre les deux. Au contraire, il y a un rapport, et ce rapport est un rapport de domination. Eduquer un garçon à être masculin dans notre société, c’est avant tout l’éduquer à être un dominant.

      Vous niez ce fait en choisissant des adjectifs qui masquent cette domination, et en abstrayant les qualités masculines de leur contexte et de leur mise en acte concrète. Moi ce que je vois concrètement, ce sont des hommes qui monopolisent la parole, qui usent de la violence pour contrôler autrui (et en premier lieu les femmes), qui sont égocentrés, qui sont dans une relation de compétition/confrontation, qui cherche le pouvoir et la domination de l’autre (en premier lieu des femmes encore une fois), etc.

      Peut-être qu’un moyen de faire apparaître cette dimension de la masculinité que vous passez sous silence est d’observer la différence entre l’éducation des jeunes garçons et des jeunes filles. Prenons par exemple les sports (ou activités sportives) que l’on encourage les garçons à pratiquer. Il s’agit bien souvent de sports où le but est d’être victorieux face à un adversaire lors d’un affrontement physique (foot, rugby, sports de combat, etc.). On ne retrouve pas cette dimension dans la gym ou la danse par exemple (que l’on préconise plus aux filles). Vous voyez ce que je veux dire ? Si je parlais comme vous je dirais que tous les sports de « garçons » sont supérieurs « objectivement » aux sports de filles car ils permettent d’aller au bout de soi-même, d’être plus forts, etc. Mais ce serait ignorer toute la dimension d’affrontement et de domination (qui prend d’ailleurs la plupart du temps une forme violente). Tout ça aussi vous le trouvez « supérieur objectivement » ?

      Personnellement, en tant que mec, je ne suis pas spécialement fan de toute cette dimension de ma personnalité. Pour cette raison aussi j’ai du mal à partager votre idée d’une supériorité « objective » des valeurs masculines sur les valeurs féminines (sans même parler de l’idée selon laquelle il serait possible de décréter que certaines valeurs sont « objectivement » supérieures à d’autres…).

      Autre point important : je ne suis pas en train de dire qu’il existerait des valeurs/comportements/qualités qui seraient masculines ou féminines en soi, intrinsèquement. Je dis ça parce que j’ai l’impression que c’est ce que vous avez derrière la tête quand vous dites que mon article est sexiste. Je dis juste que dans notre société, la violence est effectivement monopolisée par les hommes (du moins, les hommes tentent de la monopoliser), parce qu’on éduque plus les hommes que les femmes à l’usage de la violence, c’est tout. Dans l’idéal, je préfèrerais qu’il n’y ait pas, comme c’est le cas aujourd’hui, un système de genre organisé autour de l’opposition binaire masculin/féminin, homme/femme, et que chacun-e soit libre de choisir les valeurs qu’ille veut sans être contraint-e dans un sens ou dans l’autre par son éducation.

      Je dis ça un peu rapidement pour essayer de répondre à ce qui me semble être le cœur de vos objections (il y aurait beaucoup d’autres choses à dire). Est-ce que vous voyez déjà ce que je veux dire ? (je vous demande avant de répondre à vos objections sur le film, car je crois que ces points conditionnent le reste, dont nos interprétations divergentes du film).

      • Bonjour,

        C’est peut-être bien mon côté bisounours, mais effectivement je ne considère pas les valeurs « masculines » comme des outils de violence et de domination. Je n’ai pas utilisé les adjectifs « indépendants, confiants, responsables, créatifs » par malhonnêteté, naïveté ou pour masquer quoi que ce soit, mais bien parce qu’il me semble que ce sont ces qualités qui sont associées au sexe masculin, et qu’elles sont objectivement positives. Vous dites que la mise en application concrète de ces qualités est néfaste; qu’être indépendant c’est être égoïste, qu’avoir confiance en soi c’est être dominateur, etc. (si j’ai bien compris). J’aimerais savoir comment vous faites ce raccourci car il ne me convainc pas. C’est comme pour le sport, le fait de pratiquer la compétition sportive ne rend pas plus agressif, et les pratiquants de sports violents ne sont pas forcément des gens violents dans la vie. (Quant aux sports « de filles », comme la danse ou la gym, même s’il n’y a pas d’affrontements, la compétition y est souvent très dure.)

        Si je suis votre logique, comme il y a un côté obscur de l’éducation des garçons, il y a un côté positif de l’éducation des filles, à qui on apprend à être dévouées et discrètes: elles seraient de ce fait plus gentilles. Or, et c’est ce que je voulais dire dans mon premier poste, je pense que cette gentillesse féminine est un mythe qui ne sert qu’à enfermer les femmes dans des tâches maternantes et à les éloigner des postes de décision. Tout ça pour dire qu’à mon avis, quand on apprend aux garçons à être compétitifs on ne leur apprend pas forcément à être agressifs, et quand on apprend aux filles à s’occuper de leurs futurs mari et enfants on ne leur apprend pas à être gentilles, mais juste à faire les boniches.

        Enfin bon, ce n’est pas facile de parler de ça rapidement, en quelques lignes. Je réponds un peu tardivement, mais ça m’intéresse toujours de lire vos réponses à mes objections sur le film.

        • Et faire la boniche c’est pas apprendre la soumission par hasard ? Et apprendre à être le plus combatif, c’est pas un apprentissage de la domination?

        • @ Cisco

          Oui je suis bien d’accord avec vous que l’éducation des filles dans le cadre du patriarcat les conditionne à être dominées. Je ne l’ai jamais nié. Ce que je voulais mettre en évidence, c’est l’asymétrie de votre discours. Car si vous reconnaissez que l’éducation des filles sert la domination masculine en préparant celles-ci à être dominées, mais vous ne reconnaissez bizarrement pas que l’éducation des garçons sert de la même manière la domination masculine en préparant ceux-ci à être des dominants. Du coup, avec votre discours, on se retrouve avec un monde de dominées sans dominants, une sorte de patriarcat désincarné où il y aurait juste des femmes qui subissent une oppression, mais sans que les hommes l’exercent et en profitent directement (puisque les hommes sont juste « indépendants, confiants, responsables, créatifs »). Vous voyez ce que je veux dire ?

          Après je suis bien d’accord l’éducation des garçons favorise beaucoup plus l’indépendance, la confiance, (etc.) que l’éducation des filles. Mais je pense qu’il ne faut pas abstraire ces qualités de toutes les autres valeurs/comportements masculins qui font des hommes des dominants. Je ne dis pas qu’« qu’être indépendant c’est être égoïste, qu’avoir confiance en soi c’est être dominateur », ce sont des raccourcis que vous me prêtez mais que je n’ai jamais faits. Je dis juste qu’il faut recontextualiser, et qu’être un homme ce n’est pas juste être « indépendant, confiant, responsable, créatif », mais aussi, en même temps et indissociablement, être un dominant.

          Prenons par exemple le cas de la confiance en soi. Il n’y a pas juste à mon avis les hommes qui ont confiance en eux d’un côté, et à côté les femmes qui n’ont pas confiance en elles. Mais au contraire ces histoires de confiances sont intimement liées à la domination masculine en acte. A mon avis, une des sources importances de cette différence de confiance (mais qui n’est évidemment pas la seule) vient de l’inégalité des hommes et des femmes devant les normes de beauté. Les femmes sont par exemple constamment matraquées par ces normes (dans les magazines, films, pubs, etc.), beaucoup plus que les hommes. Et comme ces normes sont inatteignables, les femmes portent donc logiquement sur elles un regard auto-dévalorisant (« je suis moche, trop grosse, trop vieille, etc »). Or il ne faut pas oublier que ces pressions esthétiques ont lieu dans un cadre hétéro-patriarcal, où il ne s’agit pas juste d’être belle, mais avant tout d’être bel pour l’homme, pour le regard masculin. Le fait que les femmes soit perpétuellement jugées sur leur physique n’est pas dissociable du fait que l’homme soit en même temps perpétuellement juge (de la beauté féminine), donc dans une relation de pouvoir indéniable vis-à-vis des femmes. Je vais vite et je ne me concentre que sur un aspect très particulier juste pour essayer de vous montrer pourquoi je pense qu’il est mystificateur d’abstraire les valeurs et comportements masculins et féminin du contexte de domination. Vous voyez ce que je veux dire ?

          Après, j’essaie de répondre vite fait à deux de vos autres objections. 1/ Vous dites que « le fait de pratiquer la compétition sportive ne rend pas plus agressif, et les pratiquants de sports violents ne sont pas forcément des gens violents dans la vie ». Je ne dis pas que les sports violents produisent des êtres particulièrement violents, mais juste des gens pour lesquels la violence est quelque chose qu’ils maîtrisent et dont ils sont habitués à user. Ce genre de sport favorise un certain rapport au corps auquel les femmes ne sont pas socialisées. Du coup, les hommes se sentent beaucoup plus à l’aise avec la violence, et beaucoup plus susceptible d’y recourir (aussi parce qu’ils se sentent légitimés à le faire). Je ne développe pas pour ne pas pondre un gros pavé mais est-ce que vous voyez où je veux en venir ?

          Et 2/ vous dites que la compétition est souvent aussi très dure dans les « sports de filles » comme la danse et la gym. Certes, mais remarquez que la configuration n’est pas de tout la même. Chez les garçons, on s’affronte souvent directement et physiquement, dans un face à face où il s’agit souvent de gagner du territoire ou de réduire l’autre à l’impuissance. Chez les filles, on doit plutôt montrer chacune individuellement notre capacité à maîtriser son corps, en étant notamment élégante et gracieuse. Les filles n’affrontent pas l’adversaire directement, mais par l’intermédiaire du regard d’un jury, qui juge la prestation. On retrouve ici la configuration patriarcale où les femmes sont jugées (et donc soumise à une instance supérieure) en grande partie sur leur apparence. Vous voyez la différence ?

          (Au passage, je trouve le film Shotgun Stories très bien aussi à ce sujet. Car le héros du film (celui qui refuse la violence et le cercle de la vengeance) pratique un sport « masculin », le basket (il entraîne des jeunes de sa ville), mais jamais dans un esprit compétitif. Le film le montre plus intéressé par des questions de stratégies collectives. Et jamais, il me semble, on ne le voit tenir des discours du genre « on va les écraser les autres, montrer qu’on est les plus forts, etc. ». J’ai du coup l’impression que, par l’intermédiaire de ce personnage qu’il valorise, le film ne glorifie pas du tout une conception compétitive des sports masculins, bien au contraire.)

          Pour finir, j’ai l’impression que quand on se place dans une perspective de déconstruction du genre, il est pas mal de faire éclater cette binarisation des valeurs et comportements masculins et féminins. Que les femmes s’approprient des valeurs/comportements masculins et inversement (c’est juste ça que je voulais dire quand je parlais d’hommes qui se comportent « comme des femmes »). Mais je pense aussi que ça peut être l’occasion de réfléchir à quelles valeurs ont préfère promouvoir. Et personnellement, je trouve qu’un monde gouverné par des « valeurs féminines » (associées au féminin par notre société) serait beaucoup plus souhaitable qu’un monde gouverné par des « valeurs masculines » (violence, compétition, domination, pouvoir, etc.). Personnellement, à choisir entre les deux, je préfèrerais que les hommes s’approprient des « valeurs féminines » plutôt que les femmes s’approprient des « valeurs masculines ». Je dis ça car j’ai l’impression que l’émancipation dans les films, c’est quasiment toujours des femmes qui font des trucs de mecs, et très rarement l’inverse.

          Je m’arrête là pour ne pas en étaler des tonnes et des tonnes (même si c’est un peu raté :-)). Est-ce que vous comprenez un peu mieux ma position ? (j’ai conscience d’avoir été très rapide sur plein de points, donc si vous voulez que je précise, n’hésitez pas)

      •  » chacun-e soit libre de choisir les valeurs qu’ille veut sans être contraint-e dans un sens ou dans l’autre par son éducation. »

        Le choix n’est jamais que la conséquence d’une éducation et d’un environnement.

        Vous pouvez bien sûr décider d’ouvrir l’horizon de votre petit garçon (par exemple, en lui offrant une robe pour Noël ou en décidant de l’appeler Sophie), mais il y aura toujours des contraintes extérieures. On ne s’éduque pas soi-même.

        • @ Finder

          Je ne suis pas sûr de comprendre totalement ce que vous voulez dire. Pour moi, le but est juste d’éviter les contraintes sociales qui restreignent les choix des individus. Il existe par exemple une pression sociale spécifique qui pèse sur les femmes qui veulent être « célibataire » ou ne pas avoir d’enfants. Ou encore, il existe une pression sociale qui pèse sur les hommes qui veulent porter des jupes ou se maquiller. Dans un contexte où les identités de genres (et leurs contraintes) seraient déconstruites, ce genre de pressions ne contraindraient pas les choix des individus.

          Il ne s’agit pas pour moi de dire que les individus pourraient se déterminer à agir sans aucune influence de la société. Ce serait à mon avis absurde puisque nous sommes tou-te-s les produits de notre éducation et de la société dans laquelle nous vivons. Mais je pense que les normes sociales peuvent être plus ou moins permissives/restrictives. Et que l’on peut tendre vers un type de société qui ne contraindrait pas ainsi arbitrairement les choix les individus (notamment en fonction de leur sexe, comme c’est le cas massivement aujourd’hui).

          Vous voyez ce que je veux dire ?

  2. On est d’accord pour dire que les filles sont éduquées à la soumission. Apprendre à faire la boniche, c’est être soumise, bien sûr. D’ailleurs, c’est intéressant ce que vous dites sur la danse et la gym, c’est vrai que les filles (qui pratiquent ces sports en majorité) sont soumises à des jurys dont les notations comportent forcément une part de subjectivité ; elles sont donc jugées sur ce qu’elles font, mais également un peu sur ce qu’elles sont, et ça rappelle bien entendu la grande leçon qu’on serine aux petites filles : tiens-toi bien, on te regarde. Les garçons se départagent sur des scores objectifs, à l’exception notable de la boxe. Le thème du sport m’intéresse beaucoup, mais ce n’est pas le sujet. (A quand un site « le sport est politique » ?) Je termine quand même là-dessus en répétant que je ne suis pas d’accord avec vous : le sport est un espace à part avec ses règles propres (je ne pense donc pas qu’il soit politique) et n’est pas systématiquement une école de la vie. La violence dans le sport est encadrée, réglementée, presque rassurante ; ce n’est donc presque plus de la violence, car ce qui fait son côté perturbant dans la vie, c’est qu’elle est incontrôlable.

    Pour revenir à l’éducation, effectivement, je ne pense pas, Meg, qu’apprendre à être combatif ce soit apprendre à être dominant. Et c’est vrai que je ne pense pas forcément qu’on apprenne aux garçons à être dominants comme on apprend aux filles à être soumises, non plus que la liberté des hommes se nourrisse forcément de la soumission des femmes. Globalement, on apprend aux garçons à vivre leur vie et à s’épanouir (après chacun fait comme il peut) sans forcément se soucier du regard des autres. Les filles, elles, sont sommées de se conformer au regard des autres, à celui des hommes, bien sûr, mais pas seulement, car on apprend aussi beaucoup aux petites filles à se surveiller et à se juger entre elles. Je ne dis pas non plus que les hommes ne sont responsables de rien, car ce sont bien des hommes qui ont érigé ce système de pensée. Mais les hommes n’ont rien à perdre avec l’égalité des sexes, à part faire quelques heures de ménage en plus par semaine.

    Par exemple, vous parlez des normes de beauté. Elles sont aussi pour les hommes de plus en plus difficiles à atteindre. En quelques années, les modèles masculins ont évolué. Les sportifs (on en revient à eux), avec le développement des méthodes de préparation physique, ont tous pris, dans quasiment tous les sports, une bonne dizaine de kilos de muscles. Les acteurs font tous de la muscu. Même dans les comédies, on voit des physiques qu’on aurait plutôt croisés il y a vingt ans dans des films d’actions. Un indicateur de cette évolution est la figurine pour enfant GI Joe. Dans les années 60, sa silhouette était celle d’un homme sportif. Aujourd’hui, c’est un monstre, ses épaules, ses bras, ses cuisses ont doublé de volume. Encore plus que la Barbie, c’est un modèle inatteignable, car rapporté à des proportions humaines (à peu près 1.80m), le GI Joe pèserait dans les 200kg, si je me souviens bien une enquête que j’avais lue à ce sujet. Pourtant, il ne me semble pas que les jeunes garçons et les hommes soient perturbés par ces modèles, car à mon avis on leur a moins inculqué qu’aux filles l’idée qu’il fallait plaire aux autres et se conformer aux modèles. C’est objectivement positif, et c’est cela qu’il faudrait reproduire dans l’éducation des filles. Voilà à peu près ce que je voulais dire quand je parlais de valeurs supérieures.

    Mais revenons au film. Ce que je disais dans mon premier post, c’est que je trouvais que votre lecture féministe de Shotgun Stories était un peu simpliste (les hommes sont violents et les femmes compréhensives), et là-dessus j’ai bien compris l’explication que vous donnez dans votre post précédent. Mais également, cette lecture, je la trouve déconnectée du film. Vous dites que la logique de violence et de vengeance est le résultat d’une éducation patriarcale. Mais les trois frères ont justement grandi sans père, et c’est leur mère qui les a élevés dans la haine de la famille « concurrente ». De quel patriarcat parlez-vous alors ? Vous faites du film un affrontement entre une démarche masculine de violence et une démarche féminine de réconciliation, mais qui dans le film porte cette démarche féminine ? Dans mon souvenir (je n’ai plus le film bien en tête) il n’y a quasiment pas de femmes. Il y a la mère, qu’on voit très peu et qui paraît plutôt insensible ; il y a la femme du frère aîné, qui le quitte au début du film et qu’on ne voit pas beaucoup non plus ; et le deuxième frère a une compagne qui déplore la situation, mais finalement pas plus que troisième frère. Ça ne suffit pas à faire des valeurs positives dont vous parlez des valeurs portées par les femmes, car ces femmes-là ne portent pas grand-chose. Je me demandais donc quels étaient les apports « sensés et raisonnables » dont vous parliez dans votre critique.

    En plus, en faisant du troisième frère le personnage positif, vous enlevez au film une ambiguïté, car moi j’avais ressenti que sa démarche de réconciliation était également guidée par de la lâcheté. Une lâcheté bien compréhensible et difficile à blâmer, mais une lâcheté quand même. Bref, il n’y avait pas pour moi des personnages positifs contre des personnages négatifs, des hommes contre des femmes (ou des hommes au comportement féminin), mais un film plus nuancé. Et si le premier frère renonce lui aussi à la vengeance, est-ce parce qu’il a trouvé la paix intérieure, ou bien parce qu’il est prostré dans sa douleur, ou simplement trop abimé par son coma.

    Pour finir, sur la question des valeurs à promouvoir, je comprends que vous préfériez la paix à la violence, mais je trouve curieux que dans un film qui pour moi n’a pas de point de vue sur le genre des valeurs, vous attribuiez les valeurs positives au féminin et les négatives au masculin. Vous donnez des avis généraux sur la société en vous appuyant sur un film qui ne parle pas de ça. C’est en ça que je me permettais de trouver sexiste votre critique.

    • – Sur le sport

      Oui, je suis tout à fait d’accord avec vous que la configuration de la danse ou de la gym « rappelle la grande leçon qu’on serine aux petites filles : tiens-toi bien, on te regarde ». En faisant de la danse ou de la gym, les filles sont déjà en train d’apprendre à être des femmes, c’est-à-dire des individus qui vont être constamment jugé-e-s sur leur physique et leur apparence, et dont les mouvements seront contraints (elles devront être élégantes, gracieuses, bien se tenir, sourire, etc.).

      Mais ce qui est marrant, c’est que si vous reconnaissez là le lien que peu avoir la pratique d’un sport dans l’éducation genrée des petites filles, dans leur éducation à être dominées, vous ne reconnaissez bizarrement pas la même chose du côté des garçons. Vous dites alors que non, « le sport n’est pas politique » (parce que la violence y est contrôlée, etc.). Donc encore une fois, vous reconnaissez les mécanismes de la domination masculine du côté des dominées, mais pas du côté des dominants. Et on retombe sur votre conception implicite d’un patriarcat désincarné, où il y aurait juste des dominée, mais sans dominants…
      Vous comprenez le problème ?

      Je pointe cela car j’ai l’impression que c’est un grand classique du discours « féministe » masculin sur la domination masculine. Ce discours reconnaît l’existence d’une domination masculine ou d’un système patriarcal, mais tend à minimiser le rôle des hommes dans l’exercice de cette domination et la reproduction de ce système. A l’horizon, il y a sûrement un truc comme une stratégie intellectuelle pour ne pas reconnaître qu’on exerce soi-même, en tant qu’homme, une domination. Enfin en ce qui me concerne, pour me borner à mon expérience personnelle, je me rends compte souvent de stratégies que je m’élabore pour me voiler la face à ce niveau (à base de « ouais y en a d’autres c’est des dominants, mais pas moi parce que moi je suis pro-féministe et toussa toussa »), et c’est un gros travail que d’essayer d’être moins naze à ce niveau. Bref, j’arrête là, j’espère que vous comprenez un peu ce que je veux dire.

      Et pour revenir aux sports masculins, vous dites que la violence y est encadrée, et que ce ne serait, pour cette raison, presque plus de la violence. Certes, la violence y est exercée à l’intérieur de cadre, mais cela reste de la violence (il suffit d’avoir pratiqué au moins une fois un sport comme le hand-ball, le rugby ou le judo pour s’en rendre compte). A mon avis, ces sports sont un des lieux où les garçons apprennent à user de la violence, et sont encouragés à le faire dans le cadre d’une confrontation avec un adversaire.

      En résumé, je pense que le sport n’est pas en un sens « un espace à part » comme vous dit, qui serait déconnecté de la vie. A vrai dire, je pense que rien n’est déconnecté de la vie. C’est comme le cinéma ou les jeux vidéo. Certain-e-s disent qu’ils n’ont aucun rapport avec la vie car c’est « pour de faux ». Mais n’empêche que dans toutes ces pratiques s’élaborent et se réélaborent des représentations, des schémas de pensée, et se travaillent des manières d’être et de se comporter (comme vous le reconnaissez pour la danse ou la gym). Donc en ce sens, tout cela ne se déroule pas dans un espace totalement à part, et est toujours une « école de la vie » pour reprendre vos mots. Vous comprenez ce que je veux dire ?

      – « Mais les hommes n’ont rien à perdre avec l’égalité des sexes, à part faire quelques heures de ménage en plus par semaine. »

      Mais alors pourquoi ne vit-on pas alors dans une société égalitaire si ça arrangerait tout le monde ? Un système de domination ne se reproduit pas à mon avis par simple inertie ou par l’action du Saint-Esprit. S’il se reproduit, c’est à mon avis parce qu’il y a certains individus (bien réels) qui ont des intérêts (bien réels) à ce qu’il se reproduise, car ils en tirent des bénéfices (bien réels). Donc j’ai l’impression que votre discours retombe encore dans une conception (à mon avis très problématique) d’un système de domination sans dominants.

      – Sur le film

      Je ne dis pas que Shotgun Stories a intentionnellement un propos féministe explicite. Je dis juste qu’il montre des hommes enfermés dans un cercle de violence et de vengeance, qu’il fait du personnage posé au début comme « lâche » le plus positif de l’histoire, et qu’il montre des femmes extérieures à cette logique de domination (par exemple, la femme de Son manifeste sa totale incompréhension devant de tels comportement lorsqu’elle se retrouve avec son mari à l’hôpital). Donc si le film ne tient jamais un discours explicite sur « le genre des valeurs » comme vous dites, en mettant par exemple un tel discours dans la bouche d’un personnage, il reste qu’à mon avis, il se dégage quand même une vision assez noire de la masculinité virile, et une vision au contraire beaucoup plus positive du « féminin » (grâce aux personnages des femmes et du « lâche »).

      Et sur le personnage de la mère, comme je le dis dans ma note, je le trouve ambigu. Si le fils dit à un moment que leur mère les a élevés dans la haine, reste qu’on ne voit jamais la mère comme haineuse ou agressive dans le film. Et même si le discours de Son sur sa mère est vrai, le film nous dit bien que celle-ci a été abandonnée par son mari qui l’a laissée toute seule à élever ses trois fils pendant que lui partait avec une autre. Donc j’ai l’impression que le père ici est quand même loin d’être dépeint sous un jour favorable. (Après, quand je parle de « patriarcat », je parle ici juste du système dans lequel les hommes sont éduqués à correspondre à une certaine conception de la masculinité, peu importe qui assume concrètement cette éducation, elle est de toute façon assumée par plein d’instances (pas seulement le père /et ou la mère)).

      Est-ce que vous voyez mieux ce que je veux dire ?

  3. @ Cisco

    « sur la question des valeurs à promouvoir, je comprends que vous préfériez la paix à la violence, mais je trouve curieux que dans un film qui pour moi n’a pas de point de vue sur le genre des valeurs »

    Hum, personnellement j’ai trouvé justement que le film avais un regard très négatif sur la violence, y a pas mal d’indice qui permettent de dire qu’il s’agit d’un film anti violence:

    _La violence n’est jamais valorisé d’aucune sorte.
    _Les scènes de violences sont en générale écourté/élypsée, le film ne laisse pas le temps au spectateur de jouir du spectacle qu’est la violence.
    _ Chaque foi que la violence est montré, elle est systématiquement suivie de ses conséquences TOUJOURS négatives/néfastes.
    _Aucun personnage n’est récompensé d’aucune sorte par la violence qu’il use sur les autres.
    _Et finalement le seul personnage qui met un terme à la tension (entre les deux famille, mais aussi celle du récit) est celui qui refuse d’utiliser la violence (je dit bien refuse, car à un moment donné il a le choix d’utiliser ou non cette violence).

    « car moi j’avais ressenti que sa démarche de réconciliation était également guidée par de la lâcheté »

    Pour moi seul la première scène de bagarre entre les deux famille (celle qui est interrompus par la présence de la police) montre la lâcheté de Boy. Les autres scène où il interviens, pour moi, montre plus une force de caractère et un certain courage, il ne veux pas mettre un terme au conflit parce qu’il a peur de s’en prendre une, mais parce qu’il a peur de perdre son dernier frère, la seul famille qu’il lui reste (pour rappel il retourne dans la propriété des autres Hayes sans armes pour parlementer, alors qu’ils sont armé jusqu’aux dents et qu’ils l’attendent de pied ferme).
    D’ailleurs son action diplomatique n’est absolument pas punis par le film, il ne se retrouve pas humilié/battue/tué, comparé avec d’autre film qui traitent de la violence, c’est assez rare qu’un personnage qui choisi délibérément de ne pas l’utiliser n’est pas punis d’une manière ou d’une autre.

    Si non est ce que d’autre gens ont vu dans le métier des deux familles (l’agriculture pour l’une, la pisciculture pour deux des autres frères) un petit clin d’oeil a la bible et le passage de Caïn et Abel ?
    Le fait que les trois personnage principaux soient appelés Kid, Boy, Son, trois diminutif que les pères donnent à leur fils, le fait que la première famille, les fils ont été rejeté, alors que la deuxième, les fils ont été aimés, je sais pas, j’y ai vu un petit parallèle, bien que je n’en ai pas vraiment tiré de conclusion sur le sens de ces choix.

    • Merci pour ces idées. Je n’avais pas du tout perçu la référence à Caïn et Abel car je ne suis pas du tout familier de la Bible. Mais si vous (ou quelqu’un-e d’autre) a des idées sur le sens plus précis que peut avoir cette allusion dans le film ça m’intéresse.

      Et en ce qui concerne les noms des fils, je les avais remarqués aussi mais sans trop savoir quel sens leur donner. Je me disais que l’aîné s’appelait Son parce qu’il était celui des 3 qui vivait le plus durement l’abandon du père. Mais je n’ai pas vraiment plus d’idées là-dessus non plus. Si quelqu’un-e a des idées, ça m’intéresse aussi.

      • J’ai vu le film à sa sortie et je ne l’ai pas revu depuis mais cet échange (sur lequel je tombe par hasard) me donne une furieuse envie d’acheter le Dvd.
        Je me souviens m’être dit à l’époque que le père ne s’était même pas donné la peine de chercher des prénoms pour ses fils. Son, Boy et Kid sont plus des surnoms

      • (suite)
        Or, les fils de la 2ème fratrie ont des prénoms : Mark, John et Stephen. Cela m’avait frappée comme une inégalité de plus entre les deux fratries…

  4. Bonjour,

    Merci pour cette critique qui suscite l’envie de voir ce film.

    Ces qualités sont étonnantes au vu du film « Mud » de ce même Jeff Nichols.
    Au-delà de ses qualités esthétiques et romanesques (les critiques professionnels nous ont ressassés les mêmes références littéraires, Mark Twain en tête), j’ai trouvé la représentation des femmes et leur rôle très conformiste :
    copine adolescente, amante et mère y sont toutes dépeintes comme responsables des maux et des chagrins de ces hommes (grands ou petits) : qui, de la petite copine du jeune héros romantique, lequel finira dans un plan final particulèrement sexiste, à penser comme ses ainés masculins qu’au fond « une de perdue , dix de retrouvées) ; qui de l’amante, coupable de trainer d’hommes en hommes et de manipuler notre pauvre héros « Mud » ; qui de la mère, responsable de briser les rêves de ses hommes en voulant quitter le bateau sur la rivière pour gagner la ville.
    Je force peut-être un peu le trait car le film reste toutefois assez délicat, mais je trouve que tordre parfois le bâton dans l’autre sens peut avoir pour mérite de briser les évidences cinéphilocentrées de la majorité des journalistes « spécialisés ».
    A bientôt,
    Jacques

    • Tout à fait d’accord avec vous, j’ai été assez refroidi par la misogynie de Mud moi aussi. Et je suis du coup beaucoup plus sceptique par rapport à Shotgun Stories rétrospectivement (je n’avais pas vu Mud avant d’écrire cette brève). Regardez-le, vous me direz ce que vous en pensez. Mais je crois que ce qui me gêne le plus c’est le phallocentrisme (qui n’est à mon avis jamais très loin du masculinisme), dont une des conséquences est la quasi-absence du point de vue des femmes.

      Take Shelter me semblait aussi assez limite pour d’autres raisons. Je ne m’en souviens pas très bien car je l’avais vu quand c’était sorti au cinéma, mais il me semble me souvenir d’une sorte d’apologie de la dévotion féminine. L’homme, cet être tourmenté (entre autres par ses responsabilités de père et la pression qui va avec) ne parvenait à s’en sortir que grâce à sa femme, ce modèle d’abnégation qui n’existe pas vraiment pour elle-même dans le film, mais seulement pour aider son homme. On est dans le propos inverse de Mud puisque l’épouse est idéalisée, mais c’est tout aussi sexiste.

      Tout cela me rend assez sceptique à propos de Shotgun Stories qui, s’il a indéniablement des qualités, me semble rétrospectivement beaucoup plus ambivalent que je ne le pensais avant. Vous me direz ce que vous en pensez quand vous l’aurez vu, ça m’intéresse.

      A bientôt,
      Paul

    • Coucou Jacques et Paul,

      Tout a fait d’accord avec vous sur « Mud », je l’ai regarde recemment et j’ai aussi ete frappe par l’esthetique reussi du film, le jeu d’acteur tres bien (j’ai meme aime Mathew MacCaughtney, c’est dire!), la narration bien foutu etc.
      Et je me suis dit « Tout ca au service d’un propos misogyne, super ». Le seul personnage feminin avec un tout petit peu de relief c’est la mere je trouve, et encore que parce-que (un peu a l’image de Kramer Vs Kramer) l’actrice est assez talentueuse pour arriver a nuancer le personnage, parce qu’au niveau des scenes et des dialogues c’est un peu le neant ce film pour les personnages feminins.
      Paul m’a parle d’une pirouette que le realisateur avait introduit (dans une interview) en avancant l’idee qu’en fait c’est un film qui denonce la misogynie parce que au final on sait pas si Mud dit la verite ou pas sur « sa copine ». Ca m’a fait rire parce que pour moi le film se termine explicitement dans la glorification d’une solidarite masculine (Mud et le vieux approchant la mer, libre, loin des femmes et les problemes qu’elles creees, et le pere qui demande a son fils de « s’occuper de sa mere parce que ca va etre difficile pour elle »), ainsi que le dernier plan du film qui, je vous rejoins entierement Jacques, appuie ce truc de « une de perdu dix de retrouvees ».
      Perso je met cette scene en relation avec la scene entre Ellis et l’oncle de Neckbone (qui joue aussi dans Shotgun Stories), ou l’oncle lui explique qu’il adore la chanson « Help me Rhonda » des Beach Boys (un autre summum de sexisme) parce que le chanteur demande a une femme (Rhonda) de l’aider a oublier une autre femme qu’il vient de « perdre pour un autre homme » (ce qui renverra explicitement donc a Ellis qui a vu « sa copine » avec un autre mec et qui est tout triste).
      Du coup, ce une de perdu dix de retrouvees ca me semble en plus etre plutot de l’ordre de « et c’est largement mieux comme ca paske les femmes il ne faut pas trop s’y attacher, sinon soit elles te detruisent ta maison et ta vie (la mere de Ellis), soit elles te menent en bateau pour te lacher au dernier moment (la copine de Mud).
      Le fait que le dernier plan du film se termine sur cette chanson me pousse fortement a interpreter ca comme un message sexiste avec aucune nuance du tout.
      Le film devient donc en quelque sorte a une histoire « coming of age » ou l’idee c’est que l’acces a la vraie masculinite passe surtout par la realisation que les femmes sont dangereuses et laches, et qu’il vaut mieux dans le fond rester dans l’homosocialite, les femmes etant decidemment « les autres » qu’il convient bien mieux d’utiliser pour destresser de temps en temps plutot que de les considerer comme des etres humains a par entiere.
      Cette idee de la souffrance masculine face a la lachete, l’indecision et la changeabilite des femmes, pour moi fait de ce film un film masculiniste.
      Apres bon, c’est un parmis tant d’autres. Comme l’expliquait Michelle Le Doeuff, le masculinisme reste une lame de fond dans la culture occidentale, et enconsequence elle est presente d’une facon ou d’une autre dans une grande partie des productions culturelles.
      Le truc avec Mud c’est que le film est tellement bien foutu que ce cote masculiniste passe comme une lettre a la poste, ce qui est encore plus navrant.

      desole pour le clavier qwerty! 🙂

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