Auteur: Hdkw


Irréaliste, violente, destructrice. La représentation de la mobilité au cinéma.

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Cet article a été initialement publié en plusieurs parties sur le site carfree.fr.

Si vous vous déplacez autrement qu’en voiture vous avez sûrement déjà ressenti que des rapports de domination sociale s’exercent aussi sur la route. Une analyse de ces rapports à l’écran peut donc aussi être utile ici.

En tant qu’objet culturel majeur (40 milliards de dollars de recettes par an contre 15 milliards pour la musique) le cinéma a une influence très large sur toute la planète. Si du Ghana à la Corée du Sud on peut voir des enfants jouer à Spiderman ou s’habiller comme la reine des neiges, ceux-ci sont aussi exposés à des façons particulières de se déplacer mises en avant par les films. Ils vont donc grandir en piochant entre autres dans ces productions culturelles pour définir ce qui leur semble normal, désirable ou méprisable comme mobilité. Par exemple si ces productions culturelles mettaient en avant des transports durables et les rendaient désirables, il est probable que les nouveaux adultes seraient plus conscients et soucieux de l’impact de leur façon de se déplacer. On aurait alors peut-être une chance d’assister à des changements majeurs dans les pays riches avec une forte diminution du nombre de voitures. Et peut être une nouvelle voie dans les pays pauvres ou l’on éviterait de reproduire les erreurs du tout-voiture en privilégiant massivement le transport public.

La situation actuelle sur le grand écran est hélas tout le contraire. D’une part,  le cinéma montre un mépris total pour toutes les formes de transport soutenables [1]. Citons entre autres les stéréotypes sur l’auto-stop (présenté comme dangereux pour les auto-stoppeurs ou au contraire pour ceux qui les prennent en voiture), ceux sur les transports en commun (représentés comme étant systématiquement en retard ou réduits à des lieux de tension et de catastrophe), ou encore l’association du vélo à la pauvreté ou à l’enfance. D’autre part, et c’est là l’élément le plus frappant dans cette analyse, le 7ieme art fait preuve d’un véritable fanatisme criminel en déifiant la voiture film après film.

viriliteLoin des bouchons de la réalité, la voiture du cinéma rend viril et vous envoie littéralement en l’air.

On connaît hélas le résultat en terme sanitaire, social et environnemental, 14 ans après le « notre maison brûle et nous regardons ailleurs » de la France. Pourquoi le cinéma s’acharne-t-il autant à regarder ailleurs?

Plusieurs facteurs font que l’on ne peut que s’attendre au pire en terme de représentation des moyens de transport à l’écran.

D’une part, les films commerciaux sont en majorité réalisés par les groupes sociaux en position de pouvoir dans chaque pays. Par exemple, en France, la plupart des réalisateurs sont des hommes blancs et riches. Ces groupes privilégiés vont naturellement mettre à l’écran les choses qui leurs sont familières et donc véhiculer des représentations qui confortent leurs privilèges, à savoir ici des moyens de transports privilégiés et peu durables : principalement la voiture et l’avion.

D’autre part, le cinéma est une industrie capitaliste comme une autre, et noue à ce titre des partenariats entre puissances financières qui renforcent les intérêts de chacun. Les entreprises automobiles permettent aux réalisateurs de faire des gros films, et les gros films font de la pub pour les voitures. Voir par exemple la place de choix pour la voiture dans les productions au budget obscène de Luc Besson.

Aussi, ce sont les États Unis, pays de la voiture et de l’avion et qui a l’un des mode de vie les moins soutenable au monde, qui domine de façon écrasante le marché du film. C’est donc le monde à l’envers : c’est le pays qui a le plus besoin de se taire et de regarder ce que font les autres qui monopolise la parole et impose son point de vue nuisible (pour l’exemple, la distance moyenne que met la nourriture entre son lieu de production et les consommateurs aux US est de 2400 km).

Enfin, la participation de l’industrie automobile dans l’industrie publicitaire et par conséquent dans les médias financés par la pub, est immense. Ne serait-ce qu’en France, les constructeurs automobiles consacrent 2.5 milliards d’euro par an à la publicité alors que le budget global pour la sécurité routière en France est inférieur à 100 millions d’euro. Autant dire que la publicité est une véritable force de police médiatique dont le rôle est d’empêcher la moindre remise en question du tout voiture.

Les ‘journalistes’ travaillant pour des médias financés par la pub ne pourront jamais accorder l’importance que méritent des sujets sur la pollution, les accidents ou le réchauffement climatique. Par contre ils accourront avec enthousiasme quand des constructeurs feront des communiqués sur la dernière voiture électrique ou sans conducteur. Pour l’illustration qualitative, j’ai fait une recherche sur le site du quotidien le plus lu de France : le sac à pubs 20 Minutes. Une recherche des articles mentionnant la « sécurité routière » donne 12100 articles. Tandis que pour « attaque terrorisme » par exemple on trouve 76700 articles. Rapporté au nombre de tués par ces deux phénomènes le journal consacre 0.009 articles par victime de la route et 2.7 articles par victime du ‘terrorisme’ soit 290 fois plus (1.3 millions et 28238 victimes respectivement en 2015 d’après Wikipédia).

On peut donc comprendre que le cinéma aime particulièrement et idéalise le moyen de transport actuel le plus nuisible : la voiture (jusqu’à l’absurde comme on le voit dans ‘Furious’). Cette histoire d’amour occulte bien souvent les nombreux points négatifs associés à la voiture. Combien de films ou la voiture semble ne pas consommer de ressources non renouvelables (pas de mention du coût ou de la disponibilité du carburant)? De la coccinelle de Monte Carlo à la Batmobile il y a toujours de la place pour se garer. De la Doloreane de Retour vers le futur à l’Aston Martin de James Bond les courses poursuites ne font pas de mal à une mouche. Et pour trouver des bouchons au cinéma il faut attendre une attaque d’extraterrestres ou de zombies. Le verdict d’Hollywood est unanime: rien à reprocher à la voiture malgré les 1.3 millions de morts annuelles par accidents (auxquelles s’ajoutent au minimum le double du fait de la pollution) et la catastrophe écologique en cours. Et comme nous allons le voir, les spectateurs français sont aussi invités à partager ce verdict si on en juge par les 5 films qu’ils ont le plus vu en 2015: Star Wars, Minions, Jurassic World, Spectre et Furious.

girlsLe bruit? L’odeur des gaz d’échappement? La pollution qui augmente l’asthme ou les cas d’allergies chez les enfants? Qu’importe… La femme du cinéma ne résiste pas à l’homme automobiliste !

Star Wars VII, Le Réveil de la Force

Commençons doucement avec Star Wars, numéro un du box-office 2015 (10 485 154 spectateurs). La série étant une fiction avec son propre univers, les moyens de transports s’éloignent bien sûr de l’ordinaire. Cependant les choix scénaristiques faits témoignent malgré tout d’un rapport assez occidental au monde. Le contexte est une sorte de mondialisation galactique où les plus puissants se déplacent à toute vitesse (de la lumière sans doute) d’un système solaire à l’autre. L’univers semble colonisé dans chaque recoin par diverses civilisations ce qui doit être le résultat d’une expansion du type « toujours plus vite et plus loin » qui ressemble à la sainte croissance infinie de chez nous et dont le transport est un maillon essentiel.

Cette mondialisation galactique est le type de scénario futuriste qui sous-tend un bon nombre de films où l’humanité doit fuir son ‘berceau’ qu’elle a allègrement détruit. Du coup, une expansion sans limite semble aller de soi : à quoi bon vouloir éviter la crise ? Un petit coup de science et hop on peut aller sur une autre planète faire les mêmes bêtises (comme dans Interstellar par exemple) ! Cette vision fataliste tend à décourager les spectateurs alors qu’ils pourraient être acteurs d’un changement pour éviter le choc qui s’annonce. La science-fiction est pourtant un genre particulièrement propice à la dénonciation des défauts de nos sociétés (dystopies) et à l’invention d’alternatives plus viables (utopies). Ces alternatives peuvent être basées par exemple sur une gestion commune et locale, qui prendrait en compte les limites physiques du monde, en opposant la maturité de la décroissance à la fuite en avant technologique. Citons par exemple Soleil Vert et Silent Running, ou plus récemment Avatar, qui comporte quelques aspects intéressants malgré son racisme, son sexisme et son spécisme.

Revenons à nos déplacements. On peut voir dans cet épisode VII un robot-boule qui roule au sol, des montures (cyborg ou non) et des véhicules individuels qui peuvent léviter. Mais les stars du film ce sont les vaisseaux spatiaux : technologie complexe, grande vitesse, bruit d’enfer (même dans le vide de l’espace) et en plus ils crachent des lasers… Bref, ils sont la version SF de nos avions de chasse. C’est donc principalement la fonction militaire de ces véhicules qui est hélas mise en spectacle. On est loin de déplacements pépères en voiliers de l’espace qui utiliseraient des vents solaires par exemple.

BB8, le robot holonomique qui n’a pas peur des grains de sable.

On voit aussi des gens, dont l’héroïne Rey, se déplacer à pied dans le monde désertique du début du film. Cela semble avoir pour but de suggérer la pauvreté du personnage principal. Il existe donc des inégalités sociales dans l’univers de Star Wars : certains peuvent voler à travers les étoiles alors que d’autres semblent être contraints à rester piétons et ne quitteront probablement jamais leur monde. Rey possède tout de même un véhicule individuel, mais c’est seulement parce qu’elle l’a elle-même construit à partir de pièces récupérées dans la décharge. Elle semble également condamnée à ne pas pouvoir partir de sa planète pour des raisons financières. A l’inverse, les méchants du Premier Ordre ont des capacités de transports dantesques qui leur permettent d’intervenir et d’agir sur toute la galaxie.

Cet aspect est intéressant car il laisse voir que l’accès au transport est aussi une source de pouvoir politique. Le film montre alors comment le personnage principal, alors qu’il semble déterminé socialement à ne pas bouger, va s’approprier la mobilité en s’emparant d’un gros vaisseau pour partir dans l’espace puis affronter ceux qui s’accaparent le pouvoir.

speederRey, trop pauvre pour s’acheter un véhicule, s’est bricolé un ‘speeder’ à partir de pièces de la décharge.

Le film se focalise donc sur la trajectoire individuelle d’une héroïne échappant à sa condition en s’appropriant un moyen de transport de privilégié. Ainsi, l’hégémonie d’un certain type de mobilité n’est pas critiquée en tant que telle, puisque l’acquisition du pouvoir passe par le pilotage de gros vaisseaux (alors qu’on aurait pu par exemple avoir des représentations valorisant par exemple des actes de sabotages ou des types de transports alternatifs du côté des rebelles). Le film aurait pourtant pu être intéressant dans la mesure où le monde qu’il dépeint ressemble beaucoup au nôtre, où 85% de la population n’a jamais pris l’avion, et où les personnes les plus riches sont celles qui se déplacent le plus mais aussi celles qui polluent le plus et consomment donc le plus de ressources. Mais comme les producteurs, scénaristes et réalisateurs de Star Wars (comme de l’immense majorité des autres films) font partie de ces personnes les plus riches, le film ne se soucie pas une seconde de l’impact des véhicules mis en scène. Il occulte ainsi les problèmes posés par cette hégémonie d’un certain type de mobilité, notamment ceux liés à la pollution et à la destruction de ressources dues au transport. Par exemple les réacteurs des vaisseaux font de belles lumières bleues ou rouges. Pourtant dès qu’ils sont touchés, on voit de la fumée bien noire puis ils explosent en flammes. Ces vaisseaux utilisent donc bien du carburant. D’où vient le carburant ? Dans quel état sont les planètes dont il est extrait ? Où vont les résidus de la combustion du carburant? Les vaisseaux font aussi pas mal de bruit mais il se garent et décollent souvent près des habitations. Ceux qui habitent à proximité d’un aéroport savent très bien où est le problème.

vaisseauRey s’extirpe de sa planète en volant le vaisseau d’une célébrité. Est-ce que ce genre de vaisseaux passe des tests anti-pollution? Est-ce que les membres de l’empire se permettent de tricher sur ces tests grâce à leur influence politique?

Si, contrairement à la grande majorité des films, il est suggéré ici un aspect politique du transport, il n’y a par contre aucune mention dans cet épisode d’un impact des véhicules utilisés en terme de sécurité, de consommation de ressources ou encore de pollution. Ce Star Wars est hélas pourtant le film le moins pire de notre série en terme de représentation du transport ! Pour les 4 prochains succès du box office à être commentés, l’action se passe sur terre et ça va aller crescendo dans l’apologie du tout-voiture..

 

Les Minions

En deuxième position au box-office, un film d’animation tout public: Les Minions (6 588 715 spectateurs). Dieu merci il ne s’agit pas de Cars ou encore de Planes (on attend toujours des films qui s’appelleraient Bikes ou Autocars de la part de Disney).

Les Minions est donc un film d’animation qui se déroule aux États-Unis et en Angleterre en 1968 et met en scène des créatures fantastiques. Le film prend par conséquent quelques libertés avec la réalité comme par exemple le fait que la méchante utilise une robe à réaction pour voler. Les autres libertés sont bien plus classiques : on voit des voitures dans les villes mais elles ne font que passer silencieusement. Comme d’habitude au cinéma, le bruit de la circulation est totalement ignoré. C’est vrai que les dialogues seraient plus durs à suivre s’ils incluaient réellement le vacarme accompagnant les véhicules à moteur dans les rues (Godard s’était essayé au son direct et réaliste dans « A bout de souffle », résultat : il y a tellement de voitures qu’on a parfois du mal à comprendre les acteurs).

Autre habitude de la représentation de la voiture au cinéma: minimiser l’accaparement de l’espace public par les voitures. Tout au long du film, très peu d’entre elles semblent garées sur la chaussée ou prendre de la place, alors qu’il y avait pourtant déjà beaucoup de voitures en ville à cette époque. A la fin du film, c’est magique, les rues sont carrément vides, on se croirait dans un grand centre piéton dans lequel les minions marchent en toute sécurité au milieu de la rue. C’est bien pratique pour les scènes d’action en extérieur mais dans la réalité des villes, il est désormais bien difficile de trouver ne serait-ce que des enfants qui jouent dans la rue. Cette confiscation de l’espace public par la voiture est souvent minimisée à l’écran : alors que les héros garent leurs voitures pour être immédiatement sur les lieux de l’action, certains spectateurs auront tourné 10 minutes pour trouver une place de parking puis marché 300m pour atteindre le cinéma du centre ville.

Hors de la ville, le film comporte une scène de poursuite en voiture qui se termine par un carambolage dont la violence est, comme bien souvent, totalement ignorée: 3 voitures de police se rentrent dedans à une vitesse qui semble suffisante pour tuer ou sévèrement mutiler les passagers. Est-ce que les policiers survivent ? Cela n’intéresse pas le film qui passe à la scène suivante.


Tiens un triple carambolage, ne nous attardons pas sur les conséquences.

Une autre scène nous offre une accumulation de clichés concernant l’auto-stop : on est en 1968 et les minions décident d’essayer le stop en voyant une personne quitter la ville de cette façon. Cette personne est comme par hasard un stéréotype de « baba-cool » avec des vêtements fluos. Il fait un V avec les doigts et est pris par un combi Volkswagen à fleurs. Ce trope nous rappelle que la pratique de l’auto-stop est un mode de transport marginalisé qui n’est quasiment jamais pris au sérieux (Les « babas » sont très souvent caricaturés, voire ridiculisés, à l’écran). Dans la suite de la scène, la voiture qui s’arrête pour prendre les minions a l’air menaçante et ses passagers semblent très louches. Et effectivement, une minute plus tard ceux-ci s’arrêtent et dévalisent une banque tout en demandant aux minions de les attendre sagement dans la voiture !


On veut aller à Orlando gratuitement mais pas avec des gens louches svp.

On retrouve ici une représentation traditionnelle du stop au cinéma qui dépeint cette pratique comme dangereuse car on peut être pris par des violeurs/tueurs en série (ou alors ce sont les conducteurs qui sont en danger car ils s’arrêtent pour prendre des tueurs/violeurs en série). Ce cliché est tellement courant qu’il a sa définition sur un site qui répertorie les lieux communs du cinéma. Dans la réalité, la pratique du stop est effectivement dangereuse et des auto-stoppeurs perdent régulièrement la vie : la différence c’est qu’ils ne sont pas assassinés par un psychopathe mais dans l’immense majorité des cas victimes d’un accident ordinaire de voiture impliquant le véhicule où ils se trouvent. Ce cliché exagère donc la dangerosité des personnes tout en diminuant celle de la voiture. Avec ces 2 tropes, Les Minions méprise et dénigre un mode de transport qui devrait être fortement encouragé pour son impact en terme de pollution, de coût (pour l’utilisateur et pour la société) et de lien social, dommage.


Un autre accident où le chariot de la reine d’Angleterre finit sa course folle dans un arbre: « Nous allons nous prendre un arbre à pleine vitesse! »


« Ah ben on a rien en fait! C’est chouette les fictions, pas besoin de sensibiliser les enfants aux accidents qui tuent des milliers de personnes chaque jour. Effrayons-les plutôt avec de l’auto-stop! »

En parallèle à l’histoire qui se focalise sur les personnages principaux, on suit aussi une partie des créatures jaunes qui font un très long voyage pour rejoindre leurs amis. A pied dans la toundra, en radeau sur la banquise, sur des bouées accrochées derrière un paquebot ou dans des ventres de kangourous les minions traversent les continents. Mais.. c’est seulement dans le but de faire quelques effets comiques, un moyen de transport alternatif un tant soit peu vraisemblable n’est hélas pas envisagé.

En résumé, Les Minions minimise tous les aspects négatifs liés à la voiture, se moque de l’auto-stop et ne donne aucune crédibilité à d’autres formes de transport. Il s’agit simplement d’un film ordinaire comme il en existe des milliers d’autres en terme de représentation du transport. Les 3 films restants sont en revanche bien pire que la moyenne.

 

Jurassic World

Les choses ne vont pas en s’arrangeant avec ce 3ème film : Jurassic World (5 204 879 spectateurs) a déjà été critiqué sur le site « Le cinéma est politique », notamment pour son sexisme et son racisme. En ce qui nous concerne, même si l’action se passe dans un parc et qu’il y a donc a priori peu de déplacements, le film se débrouille très bien pour promouvoir des modes de transport polluants.

Passé le générique, on voit des enfants prendre l’avion puis le ferry pour se rendre au parc à dinosaures.  Par ces seuls gestes, ils appartiennent à la part de la population la plus riche du monde. En effet, si l’avion est totalement banalisé au cinéma, dans la réalité environ 85% de la population mondiale n’a jamais voyagé une seule fois dans les airs. Or malgré le peu de monde concerné, le trafic aérien est quand même responsable de 5% des émissions mondiales de CO2. On pourrait donc s’attendre à moins de légèreté dans les représentations de voyages en avion au cinéma, mais il est fort probable qu’une grande majorité des réalisateurs et réalisatrices des États-Unis prennent régulièrement l’avion.

Dans le parc jurassique, les clients marchent ou prennent le train comme dans un parc d’attraction. Le personnel lui, a accès à une flotte de véhicules qui sont tous des Mercedes. En effet, le film est (entre autres) un spot de pub pour le fabricant de voiture qui est actuellement attaqué en justice pour la pollution dont il est responsable. Le montant alloué par Mercedes au film est confidentiel mais il est tout a fait possible que ce genre de placement ait coûté dans les 10 millions de dollars, ce qui représente, à titre d’exemple, 140 fois le budget annuel de l’association Française « Respire » qui milite contre la pollution de l’air.


Non content d’avoir exploité 40 000 esclaves sous le nazisme ou d’avoir payé 30 millions de dollars d’amende pour violation des normes anti-pollution, le constructeur Allemand va jusque dans la jungle pour mettre ses phares dans les yeux des dinosaures.

Forcément le réalisateur montre les Mercedes sous leur meilleur jour, quitte à  faire quelques plans dignes d’un spot de pub et à s’affranchir de la réalité. Notons de nombreuses scènes de conduite sur piste dans la jungle où les voitures ne subissent aucune vibration comme si la piste était parfaitement lisse. On a même une scène ridicule où une moto et un camion foncent hors piste en suivant des raptors tout droit à travers la jungle. Les dinosaures zigzaguent ou sautent agilement entre les troncs d’arbres et les racines mais les Mercedes toutes puissantes suivent en ligne droite comme si elles étaient sur l’autoroute. On en oublierait presque que ces véhicules sont incompatibles avec un milieu un peu naturel et ont besoin de route goudronnée pour se déplacer (contrairement à la marche ou au vélo). Ce genre de représentation malhonnête où voitures, camions et motos s’intègrent discrètement dans l’environnement alors qu’ils le transforment radicalement en réalité, est hélas légion et minimise encore une fois les impacts négatifs engendrés par ces moyens de transport.

Une publicité de 2 heures pour seulement 10 euros la place! 5 millions de Français ont dit oui.

Une autre scène montre les enfants rouler en ‘gyrosphère’, une boule en verre qui se déplace ‘grâce à la magie de la science’ comme dit le film. Outre le fait qu’ils critiquent très rarement les modes de transport massivement utilisés dans nos sociétés, les films présentent aussi souvent des véhicules individuels ‘magiques’ qui ne se préoccupent ni d’énergie ni de pollution (comme on l’a aussi vu dans Star Wars). Cette approche déresponsabilise le spectateur puisque, avec ces exemples de véhicules futuristes, on s’en remet aux avancées (plus ou moins probables) de la science pour trouver des solutions aux problèmes actuels. On est ainsi invité à laisser les décisions qui impactent notre vie entre les mains  « d’experts » et la résolution de problèmes urgents est mise de côté pour laisser place à une sorte de foi quasi religieuse dans les progrès de la science (on peut parler de ‘scientisme’).

Par exemple:

L’automobile ce n’est pas un problème, c’est même dans bien des cas une solution. La vérité, c’est que nous sommes en mesure d’apporter des réponses aux problèmes d’énergie, aux problèmes d’environnement qui se posent à condition de faire confiance aux capacités d’innovation, aux capacités scientifiques, aux capacités technologiques de l’être humain. Derrière l’acharnement de certains contre l’automobile il y a au fond le rêve d’une société qui, au prétexte des dangers réels qui menacent l’individu, nie sa liberté. Au fond, derrière ce débat qui fait rage dans notre pays autour de l’automobile, autour de la protection de l’environnement, on voit quand même grosso modo deux conceptions de la société, deux conceptions de l’avenir qui s’affrontent. Y a ceux qui sont favorables à une forme de décroissance, de retour en arrière et peut-être même à une forme de collectivisme, d’organisation de la société pour faire face aux dangers qui la menacent, et puis y a ceux qui pensent que le développement durable, c’est-à-dire celui qui mise tout sur le progrès de la science, sur le progrès de la technologie, qui fait confiance à l’homme, qui fait confiance à l’individu, nous permettra de relever les défis qui sont devant nous. (…) Une de mes premières voitures a été une Renault 5 turbo qui est une voiture formidable mais avec laquelle je me suis mis dans un ravin avec mon épouse le jour de mon voyage de noces (rires dans la salle).
François Fillon, 26-2-2010.

Cette posture détourne ainsi d’une action politique qui permettrait de résoudre nos problèmes, en restreignant par exemple les déplacements polluants ou en développant les transports collectifs. En promettant toujours une technologie merveilleuse (si l’on veut bien patienter), cette vision apolitique du transport au cinéma empêche la critique à un moment crucial. Malgré toutes ces voitures magiques qui « sont pour bientôt » il y a une réalité : même si une voiture magique était vraiment propre les seules ressources nécessaires à sa fabrication font que son utilisation ne pourra jamais être généralisée à l’ensemble de la population mondiale. Par contre, si au lieu d’attendre le véhicule qui roulera en brûlant du CO2 comme le messie on mettait le frein sur les véhicules individuels polluants (voitures et motos) au profit des modes de transports alternatifs actuels on résoudrait immédiatement bien des problèmes.

Bien sûr ce genre de solution politique n’inspire ni les cinéastes qui peuvent parfois être les premiers acheteurs de véhicules polluants ni les journalistes de sacs à pubs qui les vendent. Voilà pourquoi des spots de pubs géants comme Jurassic World continueront d’être réalisés et d’être promus par la presse.

La mystérieuse gyrosphère, véhicule sûrement électrique, fait déjà rêver deux futurs actionnaires d’Areva

007 Spectre

Depuis 1962, la série James Bond raconte les aventures d’un homme blanc ultra riche qui passe son temps à tuer des ennemis de l’occident, séduire des femmes et conduire des voitures hors de prix. 24ème épisode de la série (avec 4 982 985 spectateurs), 007 Spectre est entré dans le livre des records pour avoir supposément brûlé 8418 litres de carburant pour une seule  explosion : ça annonce le niveau.

L’action commence à Mexico lors de la fête des morts ce qui est l’occasion de voir des milliers de piétons dans la rue. Toutefois, dès que la caméra porte au loin dans la ville, la vision s’amoindrit vite (est-ce le nuage de pollution de Mexico?). En montrant le Mexique sous ce jour spécial le réalisateur est-il en train de subtilement signifier qu’une scène de vie piétonne est plus intéressante que le tout-voiture quotidien de Mexico ? Non [2]. Il utilise juste la fête comme un rassemblement exotique de gueux où Bond peut mettre la zone comme bon lui semble à coup d’assassinats, d’explosions et de bousculades en bon impérialiste. Le générique se lance après que Bond se soit élevé au-dessus de toute cette foule piétonne en volant un hélicoptère. Ouf, le pauvre venait de passer 10 minutes à se déplacer à pied, on ne l’y reprendra plus !

Sympa cette journée sans voiture mais je vais pas rentrer en bus quand même !

On change de décors pour Rome où James roule en voiture de luxe et dépasse une voiture par la droite pour se rendre à une réunion de vilains. Le  statut de héros dispense apparemment de respecter le code de la route comme tout le monde. Et, ça alors, c’est bien pratique, il n’y a pas de bouchons ni de difficultés pour se garer dans la capitale italienne ce jour-là.

Vient rapidement une course poursuite dans les rues étroites du centre de Rome.

Heureusement, la réunion des méchants a dû finir très tard car les rues sont encore plus désertes. Pour l’effet comique, un papy (symbole repoussoir d’une virilité déclinante) en voiture ralentit Bond durant sa poursuite. Celui-ci emboutit la voiture du papy par derrière afin de le pousser pour qu’il aille plus vite. Notre héros doit aimer ce genre d’agression car plus tard dans le film il emboutit carrément l’arrière d’une voiture… avec un avion.  Le film occulte ici la violence des entorses cervicales  (aussi connues sous le nom ‘coup du lapin’ [3]) qui représentent près d’un tiers des déclarations d’accidents avec lésions corporelles effectuées auprès des assurances en Europe. C’est-à-dire des millions de cas et des dizaines de milliards de dollars de coût.  La vitesse du choc à partir de laquelle ces entorses apparaissent est de 8km/h, vitesse dépassée par Bond lorsqu’il cogne la voiture du papy. Les nombreuses personnes en situation de handicap à cause de ce genre de choc apprécieront cette constante du cinéma de minimiser les conséquences des accidents de la route…

La voiture cognée finit par emboutir un plot à petite vitesse, ce qui déclenche l’Airbag pour un nouvel effet comique. On peut toujours rêver d’une représentation plus réaliste à l’écran. En effet, les airbags, s’ils peuvent sauver la vie, peuvent aussi entraîner des brûlures, des lésions du tympan ou des traumatismes au visage.  Leur utilisation ne devrait donc pas être montrée aussi légèrement.

Et ça continue pendant tout le film: après avoir poursuivi des voitures avec un avion pour sauver le Dr Swann (la femme que Bond doit protéger pendant tout le film en accomplissant des exploits virils), la voiture dans laquelle se trouve le docteur a un accident où le passager de devant traverse le pare-brise.  Bien sûr, Swann sort de l’épave sans le moindre bobo, ça ne fait qu’un accident irréaliste de plus. Vers la fin, Bond et M se font rentrer dedans en voiture avec un choc qui pourrait être mortel dans la réalité. Mais Bond est juste inconscient 5 minutes tandis que M s’échappe indemne. Voilà qui ne va pas encourager les spectateurs à conduire prudemment.


Détruire le monde oui, mais avec un costard.

Bond prend l’avion comme il change de smoking. Il a au moins le mérite de prendre le train (qui émet 300 fois moins de CO2 par kilomètre que l’avion) une fois pour un trajet à l’intérieur du Maroc, même si c’est juste pour prendre le temps de séduire Swann. L’agent secret vole sans vergogne sur Mexico, Londres, Rome, l’Autriche, Tanger, puis rentre à Londres. J’ai fait une estimation de ses émissions de CO2 dues au transport pendant sa mission et j’arrive à un strict minimum de 12 tonnes de CO2 émises. Les seuls déplacements de Mr Bond lors de cet épisode équivalent donc à au moins 2 fois les émissions de CO2 annuelles d’un Français pour l’ensemble de ses activités (environ 6 tonnes par an). En prenant aussi  en compte l’explosion record qui a brûlé 8418 litres de carburant on peut rajouter 20 tonnes soit 3 années d’émissions d’un Français.

Pour information, pour seulement arrêter d’augmenter la concentration en CO2 de l’atmosphère, les émissions ne devraient pas dépasser 1.6 tonnes par personne et par an.

Qu’attend donc la police anglaise pour arrêter ce délinquant environnemental?

Ça suffit, il n’y a rien d’intéressant dans ce film. Passons à la séquence finale : Bond allume le moteur de sa nouvelle voiture de luxe, la jolie fille est assise à côté, le moteur vrombit,  les roues crissent. La planète peut bien mourir, Bond gardera la classe.

Entre K2000 (1982) et 007 Spectre (2015), 33 ans de non remise en question du patriarcat et de l’automobile.

 

Furious 7

« Accrochez-vous » comme on dit, on finit en ‘beauté’ avec le dernier film de notre série qui est de très loin le plus affligeant en matière de transport.

La série Fast and Furious, avec le viril Vin Diesel, brûle son essence et ses freins depuis 2001. Or, ceci correspond justement à la période où les années les plus chaudes jamais mesurées sur Terre ont été enregistrées. Que diraient des archéologues du futur en découvrant que cette série a été massivement regardée au début du nouveau millénaire? Au moment même où l’humanité réalise qu’elle est en train de brûler toutes les énergies fossiles que la Terre a accumulées pendant des millions d’années et provoque ainsi un réchauffement climatique qui aura des conséquences sur la vie des générations futures pendant des milliers d’années?

Alors que 2015 a été l’année la plus chaude depuis au minimum 1880 (date où l’on a commencé à enregistrer les températures), Fast and Furious 7 (4 637 718 spectateurs en France) a engrangé plus d’un milliard de dollars de recettes. Rien qu’en Chine, pays où le nombre de voitures et leurs victimes augmente de manière catastrophique, le film a fait 64 millions d’entrées, un record pour un film étranger.

Ouuuuiiiii ! On se rassemble dans le désert et on est excités parce qu’on fait des courses de voitures ! On lève les bras pour brûler du pétrole ouiiiiiii !

Assez parlé, enchaînons les scènes ridicules : le générique de début montre une voiture dont le moteur rugit parce qu’elle fonce sur une route déserte. Quand le couple qui se trouve à l’intérieur parle, le bruit du moteur ne gêne pourtant absolument pas leur conversation. Ils arrivent ensuite sur le site de « Race Wars » où se trouvent des voitures de luxe et des femmes sexy en bikini (l’entrée doit être interdite aux femmes qui ne rentrent pas dans la norme). La copine de Vin est venue ici pour brûler de l’essence afin d’aller le plus vite possible en ligne droite. Dans la scène suivante, le personnage joué par l’acteur Paul Walker emmène son fils chez maman et on le voit mal à l’aise car il conduit une voiture « familiale ». La scène est censée être comique car on y voit l’acteur se faire déviriliser par sa conduite responsable. Un peu plus tard, ses amis disent d’ailleurs qu’il « se fait violence avec ce job de père au foyer », lui qui aimait tant « les filles et les voitures ».

Une première course-poursuite montre 2 voitures conduire dangereusement au milieu du trafic mais personne n’est blessé. Je suis gêné de commenter cette scène tant elle est ridicule mais les deux voitures se font ensuite face comme dans un duel de western et les moteurs rugissent, puis elles s’élancent  et… se rentrent dedans à toute vitesse. Pas besoin d’être ingénieur pour imaginer qu’une collision frontale à grande vitesse est obligatoirement mortelle. Ici, les deux conducteurs sortent de leur épave tranquillement et s’étirent. Dans un monde sans violence routière le film serait juste kitch. Sauf que dans ce monde où la violence routière tue des milliers de personnes chaque jour, cette scène est glaçante quand on réalise que le public principalement visé par le film  est un groupe sur-représenté en terme de mortalité routière, les hommes entre 17 et 25 ans, et que leur conduite est influencée par ce qu’ils regardent.

Pour changer des films où les personnages prennent l’avion comme ils changent de chemise, nos héros prennent l’avion avec leur voiture et sautent en parachute avec… leur voiture. Celles-ci se collent ensuite les unes aux autres pour poursuivre des méchants à fond la caisse. Rien qu’en France des dizaines de personnes sont tuées à cause du non respect des distances de sécurité chaque année mais dans l’univers de la franchise Fast les lois de la physique doivent être différentes. La preuve, plus tard, une femme est accrochée sans problèmes sur le capot d’une voiture qui va à grande vitesse et qui se cogne à une autre voiture. En réalité le type de poussée qui accompagne ce genre de choc est bien supérieur à ce que peuvent encaisser des bras, on participe donc encore à la sous-estimation du danger de la vitesse alors que celle-ci est un facteur d’accident important. Passons sur la continuation de la poursuite en pleine forêt et la voiture du méchant qui chute de 30m en faisant des tonneaux (même pas mal) car arrive un nouveau moment d’embarras : Vin et la femme qui surfe sur les capots sont acculés par les méchants dans une voiture au bord d’un précipice. Dans un éclair de « réflexion », Vin donne un casque de moto à sa passagère (lui n’en a pas besoin), envoie un regard viril au méchant, fait vrombir le moteur puis… se jette de la falaise dans sa voiture qui fait des tonneaux sur environ mille mètres pendant qu’on le voit s’accrocher à la barre du toit avec ses gros bras. Rien que sur le plat, le tonneau a une très forte mortalité. Je n’ai hélas pas trouvé de statistiques sur les chutes de falaises de 1000m.

Tout le film n’est qu’une succession d’appels au crime écologique et de scènes en voiture édifiantes.

Après un passage où une voiture passe à travers 3 gratte-ciels de Dubaï en volant, je pense que la voiture dans Fast and Furious n’est plus seulement un véhicule mais une sorte de dieu tout puissant pour une secte fanatisée. A peine plus tard, les mêmes gars du début du film recommencent leur face à face viril façon western et se rentrent encore une fois dedans de plein fouet sans la moindre blessure. Ça a l’air tellement chouette que ça donne envie d’essayer… Je suis complètement atterré.

Sans commentaire.

Avant de finir, il est difficile de ne pas mentionner une anecdote tristement ironique concernant Furious 7 : l’un des acteurs principaux, Paul Walker, s’est tué en voiture pendant la période de tournage du film. Lui et un ami étaient en train de conduire à environ 140km/h dans une zone résidentielle où la vitesse est limitée à 70km/h. Le virage où ils se sont tués est un « spot » connu des amateurs de course urbaine illégale et la voiture était modifiée pour être plus rapide. Walker possédait un magasin de voitures de luxe, a piloté en Rallye et disait qu’il aimait les belles voitures. J’ai épluché les articles parlant de la mort de l’acteur et absolument aucun article n’a fait de rapprochement entre l’accident et la fascination pour la vitesse automobile portée par la série! De nombreuses hypothèses ont été faites : défaut de la voiture, de la route, présence d’une autre voiture mais c’est seulement après une enquête scientifique établissant que la vitesse était la seule cause de l’accident que celle-ci sera brièvement mentionnée dans les médias. On est véritablement en présence d’un dogme et même la mort d’un acteur parce qu’il a conduit « comme dans le film » n’a absolument pas provoqué de remise en question de cette apologie de la vitesse (fast) et de l’agressivité (furious) au volant.

Véritable étendard de la civilisation automobile, Fast and Furious pourrait bien être une pièce à conviction importante dans le futur tant cette série est une illustration caricaturale de la sacralisation  de la voiture dans nos sociétés et du déni absolu en ce qui concerne ses impacts négatifs.

 

Dans ce film, la seule chose qui arrive après une collision, c’est de sortir de la voiture encore plus viril qu’avant. Dans la réalité c’est une autre histoire.

Quelques réflexions pour finir

On a clairement vu, dans les 5 films analysés, une pratique de la mobilité irresponsable et incapable de se remettre en question : celle de riches qui refusent de voir la violence qu’ils exercent ou d’envisager des solutions autres que technologiques aux problèmes qu’ils causent. On peut s’interroger sur la surenchère d’effets et la mise en scène de la violence pour créer du spectaculaire et de l’émotion dans les courses poursuite en voiture. Ne peut-on pas susciter du suspense, de la surprise et de l’attente d’une autre manière qu’en multipliant les cadavres de bagnoles et les destructions matérielles ? Piloter demande juste de tourner ses mains à droite et à gauche et à appuyer sur la pointe des pieds. On peut pourtant faire des films d’action où c’est le corps qui agit: à vélo ou à pied! Ou faire un carton au box-office en transport en commun.

Il faut une réflexion au niveau individuel car nous avons la responsabilité des produits que nous finançons. Tant qu’il y aura des gens pour payer il y aura des Fast and Furious (oui le 9ieme épisode va sortir en 2019!). Le boycott n’est pas ringard et s’il y a des pressions de la part des enfants ça peut être l’occasion de discuter avec eux du potentiel politique du téléchargement illégal..

Il y a aussi beaucoup de possibilités au niveau de l’Etat :

Les catégories d’âges pour les films pourraient être revues. Pourquoi un film qui montre un buste de femme est déconseillé aux moins de 16 ans alors que des films qui cumulent des scènes d’accidents de la route ne sont pas problématiques au-delà de 12 ans ? Sachant que les catégories d’âge influent fortement la diffusion et les recettes il y a là un levier fort pour calmer la violence routière à l’écran.

Aujourd’hui les producteurs de films ont droit à des crédits d’impôts si le film n’est pas « à caractère pornographique ou d’incitation à la violence ou utilisables à des fins de publicité ». On peut facilement imaginer exclure de ces crédits les films qui font la promotion de la violence routière ou de moyens de transport polluants (et appliquer la loi actuelle sur les films qui font des placements publicitaires comme Taxi!). Il y a d’autant plus d’urgence à légiférer qu’à l’heure actuelle le cinéma est l’une des industrie les plus polluantes qui soient!

Pour la publicité enfin, il y a déjà un code de déontologie qui prohibe la valorisation de la vitesse dans les spots pour voitures depuis 1988. Il serai temps d’interdire purement la publicité automobile en tant que problème majeur de santé publique (accident, pollution, obésité..) comme cela a été fait pour la cigarette.

On peut aussi considérer la contribution de la culture de la virilité à la violence routière. Combattre le sexisme ne peut qu’être bénéfique à notre époque où on peut encore entendre des remarques idiotes sur la conduite des femmes alors que ce sont avant tout les hommes qui tuent sur la route.

Des problèmes de virilité vous disiez ?

Enfin, s’il est possible d’analyser les représentations de la violence directe due au transport au cinéma, la question des violences indirectes, elle, est purement absente et se fait attendre. On assiste tout juste à un début de prise de conscience sociétale en ce qui concerne par exemple le pillage des ressources ou la pollution atmosphérique.

La route est longue…

Hdkw

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Notes :

[1] Je qualifie un objet ou un comportement de soutenable dans le cas où son adoption à l’échelle de la planète n’entraîne pas de conséquences catastrophiques. Dans ce sens, la voiture, l’avion et tous les moyens de transport individuels consommant des énergies fossiles ne sont absolument pas durables. Si chaque habitant de la planète avait ne serait ce qu’une moto, ce serait un désastre écologique. Nous en sommes d’ailleurs peut-être déjà au désastre étant donné que l’on va approcher des 2 milliards de véhicules à moteur en 2020. A l’inverse, un monde avec 6 milliards de vélos est facilement imaginable sans impact majeur en terme de ressources ou de pollution.

[2] En fait la scène à Mexico a été commandée par la ville de Mexico en échange de ristournes fiscales bienvenues vu le coût du film (300 millions de dollars!). Le gouvernement Mexicain a ainsi demandé entre autres:

  • des vues aériennes de bâtiments modernes de Mexico
  • que le méchant Sciarra ne soit pas joué par un Mexicain
  • que l’action se passe durant la fête des morts
  • que la première femme objet qui apparaisse soit une actrice Mexicaine connue (hélas ils ont oublié de préciser qu’elle puisse parler)

Source : http://www.forbes.com/sites/benjaminmoore/2015/03/15/james-bond-spectre-300-million-budget-mexico/#47371c0d3dbb

[3] Les entorses cervicales surviennent lors d’un choc par derrière et peuvent provoquer des maux de tête, inflammation des structures cervicales, des spasmes musculaires, douleurs, engourdissement ou picotements dans les bras (névralgie cervico-brachiale), des nausées, difficultés à avaler, des étourdissements et des troubles de la vision, vertiges, anxiété ou dépression. Dans certains cas des symptômes resteront à vie et seront source de handicap.