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Spring Breakers

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Film évènement de cette année, Spring Breaker d’Harmony Korine a fait couler beaucoup d’encre, notamment en montrant des actrices affiliées aux productions Disney hyper-sexualisées et en train de consommer de la drogue à l’écran. Au-delà de la polémique et de la publicité, qu’en est-il vraiment de Spring Breakers ?

The sujet de Spring Breakers ne semble qu’être un prétexte afin de montrer un maximum de corps féminins hyper-sexualisés, le réalisateur multiplie à l’excès les gros plans sur les fesses et les poitrines dénudées des participantes. Le film se situe ainsi typiquement dans la mouvance qui consiste à montrer et à sur-sexualiser le corps des femmes. Mouvance qu’on retrouve à l’excès dans la pub et dans le clip vidéo. Les femmes présentées sont ainsi « charcutées », réduites à une seule partie de leur corps.

De la même façon quand les femmes ne sont pas réduites à une seule partie de leur corps, elles sont présentées dans des positions de soumissions conformes aux fantasmes masculins. Leur corps est utilisé pour boire de l’alcool ou consommer de la drogue. Le danger de cette mouvance est que la femme n’est pas sujet mais objet. Elle ne contrôle pas sa propre sexualité, elle se contente d’être un objet du désir masculin. Le semble présenté le fait d’être un objet sexuel comme l’amusement  et la libération absolu pour les femmes…

De la même façon, Spring Breakers montre un certain nombre d’actes sexuels, simulés ou réels, présentés dans le film comme hautement subversifs et libérateurs qui sont en fait des fantasmes « standardisés » que l’on retrouve très fréquemment dans les médias. Ainsi Brit et Candy veulent « de la bite », on retrouve des simulations de fellation, des filles qui s’embrassent et se caressent en public et du triolisme entre Brit, Candy et Alien. On remarquera que tous ces fantasmes sont tous très phallocentrés, certes une femme peut éprouver du plaisir à faire une fellation mais l’érotisme que l’on nous présente dans les médias tend à faire rapporter la sexualité au pénis et à la pénétration. Par exemple, les traitements dans les médias du cunnilingus et de la fellation sont très différents, alors qu’on peut considérer que ce sont deux pratiques « équivalentes ».

On remarquera également la traditionnelle utilisation de la sexualité lesbienne pour exciter les hommes…

Une des scènes les plus édifiantes du film est quand Brit et Candy volent chacune un pistolet à Alien afin de le dominer et de l’humilier, le gangster se retrouve à simuler une fellation sur le pistolet que Brit tient au niveau de son entrejambe pour simuler un pénis en érection. Si l’inversion des rapports de pouvoir peut sembler hautement subversive, la séquence ne fait que répéter des idées bien intégrées dans l’inconscient collectif. La fellation comme acte de soumission/humiliation, l’idée que le pouvoir se rapporte au pénis et que pour avoir le pouvoir la femme a besoin d’un substitut de pénis (ici un pistolet)…

Il y a beau avoir quatre actrices au générique de Spring Breakers, aucun des quatre personnages principaux féminins n’est vraiment  développé ou nuancé… Paradoxalement, c’est le personnage masculin et le personnage principal ayant le moins de présence à l’écran qui est le plus développé, on en sait plus sur Alien que sur aucune des quatre filles. Rien n’explique pourquoi les quatre filles et surtout Brit et Candy partent à la dérive de cette façon.

Alors qu’il semble être un divertissement rebelle et sulfureux, Spring Breakers ne fait que réaffirmer des idées rétrogrades et bien patriarcales… On est bien loin de la rébellion…

Julie G.

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55 réponses à Spring Breakers

  1. Cette « critique » est très intéressante, parce qu’on peut la lire dans deux sens. Le premier, celui d’une attaque en règle du film, d’une dénonciation. C’est le point de vue qu’on adopte spontanément lorsque, comme moi, on a un peu saisi la ligne éditoriale franchement PC du site.
    Une autre attitude consiste à prendre simplement chaque ligne de la critique pour une description neutre et libre de jugement moral. Car, en effet, il me semble qu’à peu près tout ce qui est écrit ici est vrai. À peu près. Car : le fait qu’Alien soit plus bavard (et que James Franco propose un morceau de bravoure, il faut bien l’admettre) ne veut absolument pas dire que son personnage soit plus approfondi, ou que sais-je. Tous ces personnages sont des coquilles vides, des singes de leur propres idéal, qui tournoient dans un théâtre de marionnettes spectaculaire. Ce qui n’empêche pas le jeu des quatre actrices d’être incroyablement nuancé !

    J’en viens à ce que je veux dire. Je reconnais le film dans chaque ligne de cet article. Chacune me semble une description (relativement) fidèle du film, sinon quelques regrettables procès d’intérêt (« pour exciter les hommes »). D’où mon interrogation, en forme de déception émue. Cette critique n’apporte strictement aucune valeur ajoutée. Sinon les deux lignes finales, une condamnation tiède et intellectuellement paresseuse. Critique qui, surtout, remplace l’indispensable interprétation, la difficulté décisive : celle de la scène finale du film. Rien ne permet d’affirmer que la fonction de Spring Breakers n’est pas de dénoncer exactement ce que cet article a la prétention de dévoiler. Et le silence sur ces dernières minutes en est une preuve.

    Relisons la même critique, qui se conclurait par cette phrase : « Alors qu’il semble être un divertissement rebelle et sulfureux, Spring Breakers met en scène une vaine rébellion qui se borne à réaffirmer des idées rétrogrades et bien patriarcales… »

    Cela ne me semble pas moins plausible. Et cela donne tellement plus à réfléchir, à penser sur la subversion elle-même. Le dédain n’apporte rien.

    • Bonjour,

      Je n’ai pas vu le film, mais votre commentaire confirme un peu plus les pressentiments que j’ai vis-à-vis de Spring Breakers.
      Je me dis que pour que deux lectures aussi opposées que la vôtre et celle de Julie soient possibles, il faut forcément que le film soit profondément ambivalent d’une manière ou d’une autre (sinon, il faut mépriser l’une des deux lectures en l’accusant de n’avoir rien compris). Je me doutais déjà de cette ambivalence en constatant que d’un côté, Les Cahiers du Cinéma pouvaient consacrer à ce film plusieurs pages des interprétations intellectualo-cinématographiques qu’ils affectionnent, et que de l’autre j’avais pu rencontrer des gens qui avaient aimé ce film « au premier degré », c’est-à-dire pour sa dose de femme sexy en bikinis, d’armes, etc. (ce que décrit Julie quoi).

      Du coup, votre commentaire me laisse penser que le Spring Breakers correspond peut-être à une tendance à l’ambivalence que l’on retrouve dans d’autres films, et que Sylvestre Meininger analyse très bien dans le cas de Starship Troopers (dans son article que l’on trouve dans le livre « Les Peurs de Hollywood »). Je pense à ce film en particulier à cause d’un commentaire plus bas (celui de Thibaut), qui compare la réception de Spring Breakers à celle de Starship Troopers à l’époque.

      Pour faire bref (et donc forcément un peu caricatural), l’idée est que ces films seraient profondément ambivalents, et s’adresseraient ainsi simultanément à deux type de public : le public « de masse » qui lit le film au premier degré, et le public plus cultivé qui jouit auquel le film tend des perches pour qu’il puisse voir dans le film une dénonciation de ce qu’il montre (et se distinguer par là au passage des « imbéciles » qui en restent au premier degré, que ce soit pour l’apprécier ou pour le critiquer (comme Julie)).
      Votre commentaire me laisse à penser que Spring Breakers relève de cette logique, puisque vous reprochez à Julie de ne pas avoir pris en compte la fin du film. Je n’ai pas vu le film, donc je ne sais pas en quoi consiste cette fin, mais je me dis que c’est peut-être une de ces perches permettant à certains spectateurs de se dire qu’en fait le film dénonce ce dont il se repaît pendant une heure et demi, de se dire « ouais en fait Harmony Korine il est lucide et cynique par rapport à tout ça, il est bien plus intelligent que ce que certain-e prétendent ».

      Vous voyez ce que je veux dire ?
      (pour clarifier ce que je veux dire, je vais citer des bouts ce que dit Meininger sur Starship Troopers en dessous, en réponse à Thibaut. Peut-être que ça clarifiera un peu ce que je veux dire)

      Du coup, est-ce que voir dans ce film une « dénonciation » ce n’est pas entrer dans son jeu et se mettre du côté de « petits malins » qui ont beaucoup plus compris que les « imbéciles » qui lisent le film au premier degré ?

  2. Moi je trouve pas que ça soit subversif de demander à un mec de sucer un flingue placé à la place du sexe. Déjà c’est fait depuis longtemps, et ensuite, je sais pas : vous trouvez pas ça con ? C’est une image forte pour système nerveux dérégulé. C’est une logique si dominante : faut que ça tape la rétine (peu importe ce qui tape la rétine, l’enclume ou la plume) !

  3. Ça inverse les rapports de pouvoir homme/femme ? Ben ça dépend de quoi on parle. Si le film est un objet, alors oui, on peut l’y voir (toujours sur le même exemple de la fellation-pistolet). Mais alors qu’a à dire le spectateur ? Il regarde et chut ? Mais non, le spectateur il est actif.
    L’inversion des rapports homme/femme n’y est pas du tout. Changer le contenant (le genre) de place, l’échanger de place ne change rien à la domination du tout (donc au rapport de pouvoir). Suce-moi salope est devenu Suce-moi pédale ? Mais là je vois toujours la même domination — faut sucer.

  4. « Rien ne permet d’affirmer que la fonction de Spring Breakers n’est pas de dénoncer exactement ce que cet article a la prétention de dévoiler.  »

    On ne dénonce rien en montrant la même chose que ce que l’on prétend dénoncer en en changeant juste la conclusion.
    Ce n’est pas dénoncer cela car dénoncer c’est d’abord transposer. Une dénonciation consisterait à faire tout le cirque à l’envers avec des hommes en tanga simulant qu’ils ont vachement envie de faire des cunnilingus à des filles ou avec des filles avec des corps ayant des proportions qui ne correspondant pas aux fantasmes masculins et qui ridiculisent donc ces fantasmes en question. Une dénonciation ne consiste pas à faire en sorte que le spectateur se rince l’oeil.

    • Oui, je suis moi aussi assez sceptique vis-à-vis d’une certaine forme de « dénonciation » qui se repaît pendant 1h30 de ce qu’elle prétend dénoncer pour laisser entendre à la fin (ou à un autre moment d’ailleurs) que « non mais tout ça je le critique ». La « dénonciation » me semble dans ce cas assez hypocrite, car en attendant, tout le monde (et même souvent celleux qui voient le film d’un oeil « critique ») ont bien joui de ce que dans le discours illes condamnent.
      Après, c’est parfois plus complexe, et tou-te-s les spectateurs/trices ne peuvent pas être mis dans le même sac, mais j’ai l’impression que ce genre de duplicité est tout de même assez fréquente.

  5. Je n’ai rien à ajouter à l’excellente intervention de Norman…

    J’ai du mal cependant à comprendre qu’on puisse à ce point ne pas (vouloir?) voir et sentir la désespérance existentielle qui baigne tout le film.

    « Ce n’est pas dénoncer cela car dénoncer c’est d’abord transposer. »

    Ah bon ? Transposer, je pensais que c’était un acte de mise en scène, et donc de liberté pour un cinéaste, et non une caricature, ou il se verrait obligé de se tenir au pamphlet ou à une lourde ironie imposée (et au nom de quoi diable?):

    « Une dénonciation consisterait à faire tout le cirque à l’envers avec des hommes en tanga simulant qu’ils ont vachement etc…  »
    Si je suis votre logique, on devrait remplacer les soldats par des fleuristes dans tous les films de guerre, et tout à l’avenant…

    Ca me rappelle l’accueil de « Starship Troopers » à l’époque de Verhoeven, qualifié de film fascisant, ce qu’il dénonçait précisément.

    • Par rapport à Starship Troopers, et pour approfondir ce que je disais en réponse à Norman, je vais citer des passages des analyses de Sylvestre Meininger sur Starship Troopers, car de ce que j’en pressens, il me semble que Spring Breakers relève de la même logique.

      « Adaptation du livre fascisant de Robert Heinlein, le film [Starship Troopers] développe la même idéologie, mais tout en jouant d’un second degré qui invite le spectateur attentif à prendre ses distances. Pour ce faire, Starship Troopers s’amuse à changer constamment de point de vue sur ces personnages, tantôt véritables héros combattant un ennemi monstrueux, tantôt troufions décérébrés défendant une société totalitaire. Cette manipulation experte provoque une oscillation incessante entre identification et regard sarcastique qui induit chez le spectateur une désagréable sensation de vide intellectuel et émotionnel. »

      ou encore plus loin

      « Starship Troopers applique la recette [de l’ambiguïté] avec une habileté et un cynisme confondants, et s’adresse à des publics si différents qu’ils devraient s’exclure mutuellement. Les enfants et les jeunes adolescents, sur lesquels le film déverse un flot ininterrompu d’ultra-violence militariste. Les adolescents plus âgés et les adultes restés de grand enfants, qui peuvent profiter du spectacle tout en s’amusant de l’outrance de certaines répliques et situations. Un public sophistiqué, dont les réflexes socioculturels font de la culture de masse un mauvais objet, qui peut voir le film comme un tableau de Lichtenstein, une mise en scène des codes s’adressant à l’esthète. Un public cynique, pour qui le massacre généralisé est la seule réponse possible au cauchemar qu’est devenue l’Amérique. Ou encore un public se considérant comme engagé, à qui l’ironie donne la possibilité de se cacher les aspects fascisants du récit, et le public qu’il peut susciter, pour ne conserver du film que quelques abstractions lénifiantes comme l’ « antimilitarisme », l’ « anticonformisme » ou la « critique de la société américaine », éternelle tarte à la crème servie par la critique française dès qu’un film semble considérer les Etats-Unis avec mépris »

      ou encore, un dernier :

      « Mais il est indispensable de noter que si le film cherche bien à toucher des spectateurs politiquement conscients, il le fait selon le principe de distinction analysé par Bourdieu. Et c’est sur le mode de la distinction qu’il divise ses publics. D’un côté, les spectateurs qui suivent l’histoire du film; de l’autre, ceux qui ne marchent pas parce qu’ils se sentent « plus intelligents », « plus cultivés » ou « moins aliénés » que les premiers. A ces derniers, le film réserve de multiples niches d’où ils peuvent continuer à regarder le spectacle de haut. En d’autres termes. En d’autres termes, Starship Troopers dessine deux camps, les imbéciles contre les petits malins.« 

      La question que je me pose, c’est : est-ce que la même logique n’est pas à l’oeuvre dans Spring Breakers ? Et est-ce que dans vos commentaires vous n’êtes pas en train d’adopter la position des « petits malins » qui ont su voir plus loin que les pauvres hères qui n’y ont vu que sexisme et idéologie réactionnaire (celleux qui ont apprécié le film au premier degré, ou celleux qui comme Julie le critiquent au premier degré) ?

  6. Merci Thibault.

    Pour préciser encore ce que je veux direr, permettez moi de me fendre un point Godwin, dont je laisse les lecteurs du site juges de la pertinence. Hier j’ai été voir Guerrière : un film allemand sur la vie quotidienne d’une jeune néo-nazie en ex-RDA. Film très dur qui peut par certains de ses aspects faire penser à ce Spring Breakers dont nous parlons. Un petit groupe de jeunes filles, une scène de violence première qui induit la transformation du groupe, l’influence d’un homme violent, violence qui se retourne contre lui, etc. Mais, je le répète, c’est un film sur les néo-nazis. On en voit pas mal… Or, si je devais lire le film à la manière de Julie Gasier, à l’aide d’une séquence description-jugement moral, je serais forcé de conclure :

    « Alors qu’il se présente comme une charge politique contre les vieux démons qui hantent le prolétariat allemand, Guerrière ne fait que réaffirmer des idées néo-nazies tout au long du film… On est bien loin de la critique… »

    Inutile d’être grand clerc pour voir les limites de cette herméneutique. Le double postulat de base, que je trouve fautif, est que 1) ce qui est sous l’oeil de la caméra est nécessairement approuvé par la réalisatrice ou le réalisateur et son équipe; 2) que « ce-que-le/a-réalisateur/trice-pense-vraiment » a un quelconque intérêt. Or, je crois que ça n’en a aucun. La responsabilité appartient au critique qui reconstruit le sens de ce qu’il a vu. C’est d’ailleurs le sens même de la « déconstruction » de Derrida dont tout le monde sur ce site parle : les produits culturels sont des objets contradictoires qui portent en eux-même les germes de leur propre critique.

    • « La responsabilité appartient au critique qui reconstruit le sens de ce qu’il a vu. »

      J’ai un peu du mal avec cette idée. Est-ce que ce genre de position ne mène pas à poser comme inutile toute critique des films eux-mêmes ? Car si, comme vous dites, « les produits culturels sont des objets contradictoires qui portent en eux-même les germes de leur propre critique », ça veut dire que le sens politique n’est donné que par les spectateurs/trices, jamais par le film lui-même.
      Or, si je suis bien d’accord avec vous pour dire que les spectateurs/trices ont effectivement la possibilité de lire le film comme illes le désirent dans une certaine mesure, d’en faire même des « contre-lectures », est-ce qu’il ne faut pas aussi reconnaître à un moment un discours politique réel du film, qui peut avoir une influence sur les spectateurs/trices ?
      Est-ce que vous n’êtes pas en train de faire reposer toute la responsabilité sur les spectateurs/trices dans une logique typiquement libérale. A savoir : si les spectateurs/trices font des lectures réactionnaires des films, c’est entièrement de leur faute, car tous les films « portent en eux-même les germes de leur propre critique ». Les films ne peuvent pas être réactionnaires, c’est juste les spectateurs/trices qui le sont (du moins certain-e-s, ceux qui ne sont pas capables de voir la « déconstruction » déjà inhérente au film selon vous).
      Je caricature un peu pour essayer de mettre en évidence ce qui me gène là-dedans, mais peut-être que ce n’est pas là où vous voulez en venir.

      • Je réponds très rapidement à vos deux messages. Et, pour joindre le geste à la parole, je me permets de proposer mon post comme une apologie d’un personnage que vous avez dépeint comme détestable mais qui, a mon avis, peut avoir quelques vertus : le « petit malin ». Personnage démocratique s’il en est.

        Il me semble que c’est précisément le rôle du critique de cinéma d’être ce que vous appelez joliment un « petit malin ». Il doit faire le malin. Faire l’intelligent. Parce que, faisant cela, il a la possibilité de me rendre moi, lecteur, plus futé. Il me fait voir des choses que je n’avais pas vues. Il peut rater son coup, mais il faut au moins essayer. Je n’ai pas besoin que quelqu’un me résume ce que tout le monde voit très bien, et couronne de son opinion personnelle un simple constat. Je reprends vos termes : l’ « imbécile », le « public de masse », c’est moi. Et je veux que le critique soit précisément plus malin que moi. Parce que je veux, certes, confronter mes opinions, mais aussi réfléchir autrement. C’est pour ça que je lis une critique, je veux voir autre chose. Sinon, mon expérience cinématographique se suffirait à elle-même !

        Et puis, le procès est un peu facile. Les critiques de ce site utilisent exactement le même schéma, le schéma du « petit malin » : elles essayent de faire voir des éléments phallocrates, racistes, sexistes, spécistes etc. dans des films à ceux qui ne les auraient pas vus. Ça aussi, c’est faire le « petit malin » ! Et c’est très bien. Heureusement, puisque c’est ça qui suscite des réactions et peut me permettre de voir le film (et, partant, la vie quotidienne) autrement. Seulement, je crois que cette critique de Spring Breakers ne remplit pas (du tout) le contrat.

        Pour l’accusation de libéralisme… En réalité je met dos à dos la théorie libérale du choix rationnel qui postule des acteurs économiques parfaitement rationnels et la théorie du politicly correct qui postule au contraire des acteurs affectivement déterminés, incapables de lire entre les lignes et à qui il faut tout servir au premier degré, au cas-où. Ces anthropologies, je les trouve trop simplistes.

        Ma logique, c’est en réalité exactement celle que développe Judith Butler dans son livre sur les discours de haine : nous avons le pouvoir de faire d’un discours autre chose que ce qu’il pouvait vouloir dire originellement. L’appropriation d’un discours est un outil plus puissant que son rejet pur et simple. Et c’est aussi là où l’on passe de l’indignation morale à la politique. Bien sûr, tout n’est pas appropriable : il y a des films indubitablement fascistes, dont on ne peut pas faire grand chose. Mais, généralement, il y a quelque chose à dire d’un bon film qui ne soit pas immédiatement visible. Un bon film, c’est précisément celui qui fait du spectateur un « petit malin ». Parce que faire d’un film un outil pour penser autrement, c’est quand même nettement plus intéressant que d’en faire un moyen de projeter des opinions qu’on a déjà, et qu’on aurait aussi bien pu émettre sans voir une seule seconde du film. Voilà, il en va du « petit malin » comme de Spring Breakers : ce n’est pas un si mauvais bougre. Nous sommes tous des « petites malines », des « petits malins », j’entraperçois même quelques « grands malins ». Longue vie à toi, cher « petit malin » !

        • Le problème pour moi de votre « apologie du petit malin », c’est qu’elle tend à amalgamer deux attitudes qui méritent à mon avis d’être distinguées.

          D’un côté, je suis bien d’accord avec vous qu’un des intérêts des discours critiques sur les films est de permettre de voir des choses que l’on a pas forcément vu, d’affiner notre vision des films. C’est d’ailleurs ce que j’essaie de faire personnellement sur ce site (je parle à la première personne, parce que nous sommes plusieurs et que nous n’avons peut-être pas les mêmes idées sur le sujet) : partager un point de vue (forcément subjectif) pour éventuellement faire voir à d’autres (si ça les intéresse) des choses que j’ai vu dans les films, et pour que les autres me fassent partager aussi leur vision des films.

          Or il n’y a rien là-dedans de l’attitude du « petit malin » telle que je l’ai décrite plus haute. Mon but n’est pas de me sentir supérieur aux autres parce que j’aurais vu quelque chose qu’illes n’ont pas vu, et serait donc plus près qu’eux de la Vérité. Après, peut-être que je tombe parfois dans cet écueil, ou que mon propos est interprété en ce sens par certain-e, mais ce n’est pas du tout mon but. Le but c’est d’échanger à égalité sur les films, notamment sur leur aspect politique.

          Mais d’un autre côté, je pense qu’il existe aussi des logiques de distinction (que j’essaie d’ailleurs d’éviter au maximum, comme je l’ai dit) dans lesquels certain-e-s se pensent réellement supérieurs du fait qu’illes sont les « petits malins » qui ont compris ce que les « imbéciles » n’ont pas vu. Or cette logique, vous vous refusez à l’analyser avec votre « apologie du petit malin », qui devient magiquement un « personnage démocratique ». Votre déformation du terme peut donc effectivement avoir un intérêt à mon avis, mais il vaudrait mieux je pense employer un autre terme, car par cette déformation vous ignorez par là même ce qui est en jeu dans la réception d’un film comme Starship Troopers (et peut-être Spring Breakers).

          Parce qu’en attendant, j’ai l’impression que vous ignorez la question que je vous pose par rapport à Spring Breakers. Vous dites « Un bon film, c’est précisément celui qui fait du spectateur un « petit malin ». Parce que faire d’un film un outil pour penser autrement, c’est quand même nettement plus intéressant que d’en faire un moyen de projeter des opinions qu’on a déjà, et qu’on aurait aussi bien pu émettre sans voir une seule seconde du film. ». Du coup j’ai l’impression que pour vous Spring Breakers est un tel film, « un outil pour penser autrement ». Donc ça m’intéresserait de savoir en quoi selon vous Spring Breakers permet de penser autrement.

          Encore une fois, je n’ai pas vu le film. Mais en me fondant sur les extraits que j’ai vu et sur ce qu’on m’en a raconté, j’ai l’impression que, plus qu’un film politiquement intéressant, Spring Breakers est un film ambivalent qui permet à la fois 1/ de jouir de représentations éminemment sexistes et 2/ en même temps pour certain-e-s de regarder ce spectacle de haut en y voyant un discours critique, dénonçant précisément ce qu’il est en train de montrer. Donc un film qui permet (et même peut-être suscite) deux types de lectures pour deux publics différents (ou même deux lectures simultanées chez certain-e-s) : la lecture premier degré des « imbéciles » et la lecture second degré des « petits malins ».
          En résumé (et de manière caricaturale), la question que je me pose, c’est : est-ce qu’il y a ici vraiment quelque chose de politiquement intéressant, ou juste une pose un peu cynique permettant aux « petits malins » (dans mon sens du terme) de se dire qu’ils ne sont pas juste en train de regarder des femmes en bikinis pendant 1h30 ?

          J’ai l’impression que vous refusez de vous poser cette question (et d’essayer d’y répondre) avec votre « apologie du petit malin » (certes très bien tournée et preuve d’une grand maîtrise rhétorique, mais dont la fonction politique dans le cas présent me paraît personnellement un peu douteuse…). Après, peut-être que cette question ne vous intéresse pas, je ne sais pas. Personnellement je trouve ça intéressant de s’interroger sur la réception qu’on peut faire des films, car elle peut être à mon avis complexe. Et là, en l’occurrence, j’aimerais bien avoir votre avis sur le type de réception que Spring Breakers suscite (ou permet), et aussi plus simplement sur l’intérêt que vous y trouvez (peut-être que ça me donnera plus envie de voir le film :-)).

          Merci en tout cas pour vos commentaires toujours très intéressants.

  7. Oui oui montrer des nymphettes au corp parfait avec des gros plans sur leur mignon petit cul bien ferme et bien nu, c’est de la dénonciation. Vous vous foutez de qui ?

  8. Allons allons. Y a-t-il vraiment deux attitudes différentes ? La votre qui, d’une part, serait juste, positive, démocratique et pertinente. Et celle des autres, qui serait orgueilleuse, prétentieuse, ne visant qu’à se faire passer pour intellectuellement supérieur à tout le monde. Où est la différence ? Ce sont les arrières pensées que vous prêtez à autrui ! Avouez que c’est commode : on devrait prendre votre bonne foi pour argent comptant, alors que vous prêtez aux autres une mauvaise foi coupable. C’est plutôt cette propension à distribuer bons et mauvais points qui me semble « magique ». Comme si le fait de s’arroger le droit de décréter que tel produit culturel véhicule des « représentations éminemment sexistes » ne pouvait pas participer d’une mécanique de distinction. Je ne vous met pas en accusation, mais je ne crois pas que vous et moi soyons aussi différents que vous le voudriez.

    Or, cette attitude est, à mon avis, à la source du problème. Je ne crois pas que les spectateurs soient de mauvaise foi. Et c’est pour ça qu’en effet, cette question de savoir si les gens qui regardent le film sont cyniques ou pas ne m’intéresse pas. Mais vraiment pas. Pas du tout. Je ne crois pas que ce film soit plus « ambivalent » qu’un autre. N’importe quel film de Hollywood propose plusieurs niveaux de lecture, la belle affaire.

    Et enfin, je ne suis pas un critique de cinéma. Si j’avais de bonnes idées, des interprétations intéressantes de tous les films, je n’aurais pas besoin d’aller lire les autres sur internet. Je peux seulement partager les questions que moi je me suis posé en regardant Spring Breakers. Ce qui m’a intéressé, c’est une réflexion sur l’attrait, non pas pour le pouvoir, pour le sexe ou pour le pognon, qui sont ridiculisés dans le film, mais pour la violence elle-même. Le braquage du début du film est une sorte d’expérience fondatrice qui ne quitte pas les protagonistes, et on voit que celles qui sont les plus éloignées de cet épicentre quittent la barque en premier. Pourquoi ? Qu’est ce qui les y pousse ? Ce sont à ces seuls moments que les personnages sortent de la stéréotypie dans laquelle elles se sont enfermées, avec ces répliques minimalistes. Il est possible d’en sortir, mais ça a un prix. Au moment où ces personnages caricaturaux deviennent des individus, qu’ils perdent cette fascination pour la violence, ils sont forcés de disparaître – ils sont comme siphonnés.

    La violence, ses attraits, la force exigée pour en sortir, la transformation morale que cette sortie implique chez les personnages. Voilà, de façon très désordonnée, quelques éléments qui ont suscités chez moi des interrogations. Ce n’est pas grand chose et je n’ai aucune réponse à mes propres questions… Mais il est certain que je n’ai pas considéré les questions de maillot de bain comme prioritaires. Mais je confesse que du fait d’avoir été « en train de regarder des femmes en bikinis pendant 1h30 », je ne nourris aucune culpabilité.

    • Oui, je suis bien d’accord avec vous que dire que tel film véhicule des représentations sexistes peut relever d’une mécanique de distinction. Tout discours esthétique est susceptible de relever plus ou moins d’une telle logique. C’est pourquoi je disais plus haut que j’essayais en ce qui me concerne d’y tomber le moins possible, en ne méprisant pas les lectures que je ne partage pas (et auxquelles parfois je m’oppose), même si c’est évidemment difficile de ne pas tomber dans cet écueil. Donc je ne suis pas en train de dire que moi seul suis « de bonne foi » et que tous les autres sont « de mauvaise foi ». Je pense que c’est beaucoup plus complexe que cela, et j’essaie d’être aussi critique envers moi sur ce point que je le suis avec les autres (désolé si j’ai laissé paraître le contraire).

      Je reviens donc vite fait à ce qui m’a porté à faire l’hypothèse que votre discours pouvait relever d’une telle logique (vous remarquerez au passage que je ne l’ai pas affirmé, j’ai juste posé la question. Je ne suis donc pas en train de distribuer d’en haut « les bons et mauvais points », je pose juste une question).

      Ce qui m’a porté à cette hypothèse, c’est que j’avais l’impression que votre discours ne se plaçait pas au même niveau que celui que vous critiquiez, à savoir celui de Julie. En gros, j’ai l’impression que vous dites que ce que Julie dit est vrai au sens où elle décrit ce qu’il y a dans le film, mais qu’elle en est restée au premier degré, qu’elle a juste vu ce que montre le film, alors que vous avez vu non seulement la même chose qu’elle, mais EN PLUS le discours critique (la « dénonciation ») que tient en même temps le film sur ces choses qu’il montre. Du coup, je me disais que votre point de vue se voulait plus totalisant, au sens où il engloberait ce qu’y voit Julie (le premier degré de ce qui est montré), mais avec quelque chose en plus, le discours critique du film sur ce qui est montré (le second degré, au niveau de lecture).

      C’est pour ça que je parlais des « imbéciles », des « petits malins » et de la logique de distinction. Parce que l’ « imbécile » est justement cellui qui s’en tient à ce qui est montré, alors que le petit malin voit plus loin, à un autre niveau de discours qui n’est visiblement accessible qu’aux « happy few ».

      Car en effet, le fait que Julie n’ait pas vu ce second niveau d’interprétation m’a un peu étonné. Et au lieu de me dire qu’elle était conne ou « intellectuellement paresseuse », j’ai préféré faire l’hypothèse que le film était ambigu sur ce point. Et vu que d’autres personnes m’avait dit qu’elles avaient aimé le film sans faire mention de cette dimension critique, je me suis dit que peut-être que le film lui-même rendait possible (voire suscitait) cette double lecture.

      Mais après peut-être que je me trompe, peut-être qu’il n’y a rien qui relève d’une telle logique de distinction chez aucun des gens qui ont accès à ce second niveau de lecture (qui échappe visiblement à d’autres). C’était juste une hypothèse. Je ne vous accuse pas vous personnellement, j’essaie juste de me demander quel(s) type(s) de réception(s) suscite ce film.

      Et après, encore une fois, je suis bien conscient qu’on peut voir dans les articles de ce site la même logique de distinction. Mais j’ai l’impression que cela relève en dernier lieu de l’esprit dans lequel on donne son avis ou on critique un film. Et j’ai l’impression que des films comme Spring Breakers suscitent plus que les autres une telle logique de distinction (après je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression).

      Et pour finir sur la question de l’ambivalence. J’ai tendance à croire que c’est un peu plus complexe que ce que vous dites (quand vous dites « Je ne crois pas que ce film soit plus « ambivalent » qu’un autre. N’importe quel film de Hollywood propose plusieurs niveaux de lecture, la belle affaire. »). Je me dis qu’il y a peut-être plusieurs type d’ambivalence. Par exemple, l’ambivalence que je crois voir dans un film comme Black Swan (et que j’ai essayé d’expliciter dans un article sur ce site) me semble différente de l’ambivalence de Starship Troopers (et peut-être de Spring Breakers, si ce dernier obéit à la même logique). Parce que dans le cas de Black Swan, le film laisse juste ouvert deux lectures politiques différentes, mais sans que l’une soit la Vérité de l’autre. Alors que j’ai l’impression que dans Starship Troopers, il y a deux niveaux, le premier et le second degré (et ceux qui accèdent au second se distingue donc de fait de ceux qui n’accèdent qu’au premier). Dans Black Swan, j’ai l’impression qu’il n’y a pas comme ça un premier et un second degré, mais juste des lectures différentes au même niveau.
      Mais après je ne suis pas du tout sûr de moi, je tâtonne. C’est juste que j’ai l’impression que la question de l’ambivalence est très complexe, parce que cette ambivalence peut prendre plusieurs formes et avoir plusieurs effets. Je ne sais pas ce que vous en pensez, si vous avez un avis sur la chose, ça m’intéresse.

      • Mon message un peu brutal à Julie Gasnier, ce n’était pas de dire qu’elle avait loupé quelque chose dans le film… Encore moins quelque chose que j’aurais vu, moi, et qu’elle n’aurait pas vu. Quand j’ai parlé de paresse intellectuelle, il s’agissait bien de paresse et non de bêtise. C’était pour dire qu’on aurait pu écrire cela sans même avoir vu le film ! J’ai d’ailleurs déjà vu ici des trolls écrire que cela ne servait à rien d’aller voir les films. Ne pas parler du tout de la fin, qui est quand même loin d’être anodine, c’est tricher avec le lecteur. Soit parce qu’on élude un point qui va contre l’interprétation privilégiée, soit parce qu’on estime que ça ne vaut pas le coup de tout lui expliquer, qu’il n’en vaut pas la peine. Dans les deux cas ça ne se justifie pas pour un site de cinoche, c’est un peu trop. Le problème, ce n’est pas d’atteindre tel niveau de lecture comme un degré d’illumination, mais juste de ne pas tomber dans des automatismes qui amènent à penser qu’on peut écrire la même critique sur n’importe quel film. Vous me direz que l’ennemi principal est toujours le même, qu’il ne bouge pas. Mais enfin, je ne trouve pas que les films soient interchangeables. Sinon, si les films tendent à devenir des prétextes, autant écrire des articles sur le patriarcat « en général », le racisme « en général », etc.

        Concernant l’ambivalence, je croyais que je n’avais pas d’avis, mais en fait vous m’avez donné à réfléchir et m’avez fait découvrir que j’avais en fait une idée sur la question. J’ai cru comprendre que beaucoup de gens n’aimaient pas ça dans le coin, mais enfin, mon avis concerne surtout les films de bagarre et les films d’action. Il faudrait plus de culture cinématographique pour étayer l’hypothèse et la vérifier, mais je pense qu’il y a un basculement avec Matrix. On a là un film qui réussit à allier de façon organique un propos assez complexe, mais qu’on parvient à nous faire passer par le biais des scènes d’action, par la morale des personnages… Bref, on a un produit extrêmement fini, où le bullet time et les grosses bastons ont une portée et s’intègrent au coeur du propos éthique du film. Les ingrédients traditionnels du film de Hong Kong sont ceux qui nous donnent à réfléchir, et forcent le fan d’actionner à devenir un petit malin. Il n’y a pas d’un côté ceux qui savent, et d’autre part ceux qui ne savent pas. Tout le monde se questionne et, surtout, tout le monde s’amuse. En tous cas, j’ai personnellement été beacuoup marqué par ce film depuis la première fois où je l’ai vu, parce qu’il a donné quantité de matière à réflexion au gosse que j’étais, et je crois qu’on a été énormément dans ce cas. Il y a un peu de snobisme dans Matrix (le bouquin de Baudrillard, ce genre de trucs), mais il a été réduit au minimum syndical. C’est en quelque sorte le film de chevet du petit malin démocratique, de 7 à 77 ans.
        Mais il n’y a pas d’ambivalence dans Matrix. Il n’y a qu’un seul propos, qui s’exprime aussi dans les gunfights. Or, pas mal de gens du cinéma qui sont venus plus tard n’ont pas exactement vu la chose de la sorte.

        C’est ici qu’il faut penser aux films-d’action-à-plusieurs-degrés-de-lecture de ces dernières années, qui se contentent le plus souvent d’agencer de gros fights (parfois, pour ne rien arranger, abjectement poussifs) et des envolées intellos d’une insondable débilité, assortis de quelques mots d’ordres politiques dignes du général Massu. Je pense notamment aux dernières purges de Christopher Nolan qui cristallisent cette haïssable tendance à son plus haut degré de pureté, à certains films de Snyder aussi, et à d’autres qui ne méritent même pas d’être nommés. Je crois qu’il y a là des petits Matrix qui se sont cassés la binette, par excès de prétention et/ou par manque de sincérité cinématographique. Je ne saurais dire s’il y a là une stratégie délibérée, d’ailleurs je m’en fiche. Mais, en tous cas, c’est du très mauvais cinéma, très bête, et qui peut susciter l’idée qu’il y a plus à comprendre/dire/voir que ce qu’on a effectivement sous les yeux. C’est-à-dire rien.

        Dans Black Swan comme dans Matrix, on a une unité formelle avec son propos qui me laissent à penser qu’ils ont quelque chose à dire, et à tout le monde (parce que c’est aussi une condition, ce qui passe en même temps par plusieurs voies est plus « démocratique » si j’ose dire). Les autres sont des films où on agence des éléments hétérogènes, où l’on ménage la chèvre et le chou selon une recette marketing éprouvée. Et nonobstant les kilotonnes d’écus dépensés en mercatique, j’aurais plutôt tendance à mettre Spring Breakers du bon côté. Bon, je ne pense pas vous avoir apporté quelque lumière que ce soit dans votre quête, mais ça m’a fait plaisir de dire un peu de bien de Matrix, et un peu de mal d’Inception.

        • En ce qui concerne l’article de Julie, je suis totalement d’accord avec vous. Je le trouve moi aussi éminemment critiquable exactement pour les mêmes raisons. Comme vous, j’ai l’impression qu’il n’apporte pas grand-chose (pour ne pas dire rien du tout), tant pour la compréhension de la logique politique de ce film en particulier (puisque, comme vous dites, on aurait quasiment pu l’écrire sans voir le film, la bande-annonce suffisait) que pour l’analyse des schémas sexistes que l’on retrouve dans tant d’autres médias ou productions culturelles (bref, je ne vais pas répéter ce que vous dites, vous l’expliquez déjà très bien).

          Mais après, même si j’ai personnellement exprimé mon désaccord à l’auteure par rapport à cet article pour ces mêmes raisons, je ne l’ai pas non plus empêchée de le publier. Ce genre de décisions ne sont pas faciles à prendre car elles mettent en jeu l’idée qu’on se fait de ce site. Soit on favorise plus la liberté d’expression et la multiplicité des voix, soit on est plus strict-e sur la ligne théorico-politique et donc, forcément, à un moment donné, on doit jouer les censeur-e-s. Personnellement, plus ça va, plus je préfère la première option (même si j’en vois bien les inconvénients et que mes tendances staliniennes sont difficiles à étouffer…), pas seulement pour des raisons de « principes », mais parce que je me dis que même si je trouve personnellement un texte inintéressant ou éminemment critiquable pour une raison ou pour une autre, je me dis que ça peut peut-être intéresser d’autres personnes, stimuler leur réflexion d’une manière ou d’une autre (plus en tout cas que de ne rien publier du tout).

          Bref, tout ça pour dire que ce n’est pas moi qui vais vous contredire sur les critiques que vous faites à cette brève, et que vous réveillez des questions vraiment pas évidentes à trancher (du moins pour moi en tout cas).

          Et merci pour vos idées sur l’ambivalence. Malheureusement, je ne connais pas assez ce genre de films. Je n’ai vu que le premier Matrix, et qu’une fois, il y a longtemps, au moment de sa sortie. Il faudrait que je le revois.

          Après je crois que je comprends ce que vous voulez dire dans la distinction que vous faites entre les films « qui ont quelque chose à dire, et à tout le monde », et ceux qui se contentent « d’agencer des éléments hétérogènes » en « ménageant la chèvre et le chou ». Je ne sais pas si je suis totalement d’accord, je crois qu’il y a quelque chose qui me dérange dans cette manière de présenter les choses, mais sans arriver à savoir quoi précisément. Il faut que j’y réfléchisse.

          J’essaierai de regarder Spring Breakers du coup, mais j’ai du mal à voir (vu ce que j’en ai vu, lu et entendu) comment ça peut être plus qu’un film méga-sexiste qui se donne des airs intelligents-cyniques-lucides (ou un truc dans le genre) pour paraître plus qu’il est et cacher tout ce qu’il peut avoir de réactionnaire. Bon, après, je ne l’ai pas vu, donc j’arrête d’en parler jusqu’à l’avoir fait… 🙂

  9. @ Norman

    Je vais essayer de faire une réponse synthétique à tout ce que vous avez dis, même si je vais probablement oublier des choses.

    Alors déjà, n’oublions pas le contexte de sortie de Spring Breakers, grosse campagne de pub et surtout critiques dithyrambiques de magazines qui se veulent/se prétendent pointus en matière de cinéma (Les inrocks, télérama, chronic’art et la couv des cahiers du cinéma…)

    J’étais donc assez curieuse de savoir s’il y avait plus dans ce film qu’un clip géant et de Rap/RnB avec tout ce que ça implique de bêtises et de sexisme…

    Personnellement, j’ai trouvé que non. Je pense qu’il n’y a dans ce film que de la pseudo-philosophie, de la pseudo-rebellion, aucune dénonciation (contrairement à Guerrière par exemple)…

    Je pense qu’on trouve dans ce film le même problème que chez Gaspard Noé, Bret Eston Ellis ou Beigbeder (ça marche aussi pour les écrivains) ça parait rebelle et original mais au fond c’est juste racoleur et réactionnaire. Soyons honnêtes, le sexe et la violence (surtout le sexe hétéro avec soumission ou violence pour la femme, ça n’a strictement rien de novateur et ça ne contribue qu’a renforcer une idéologie sexiste.

    En plus je trouve ça fondamentalement nul sur le plan artistique (mais ça n’a strictement rien à voir sur le plan politique).

    Je pense qu’il y a une espèce d' »alibi artistique » pour se justifier d’aller voir des trucs comme du sexe et de la violence on fait passer le truc pour un truc « intello » et profondément artistique.

    Vous parlez de la scène de la fin, et bien en tant que spectatrice je ne l’ai pas comprise… Tout simplement parce que les héroïnes n’ont aucune personnalité, aucun développement, elles sont même interchangeables. Pour que le film puisse développer un embryon de critique ou de réflexion, il aurait fallu un minimum de psychologie pour les personnages, mais apparemment Korine était trop occupé à filmer des seins et des fesses pour s’intéresser à ce que ressentent les héroïnes…

    De plus personnellement la fin ne remet pas du tout en question ce qui est développé dans le film et dans la scène de la fellation-pistolet. On est toujours sur le pouvoir c’est le substitut phallique (le pistolet).

    On voit bien que les héroïnes sont désespérées d’aller en Spring Break mais pourquoi? Pourquoi ce désespoir ? De la même façon leur fascination pour la violence n’est jamais développée.

    Ce que j’avais envie de dénoncer dans cet article (et apparemment je me suis vautrée mais c’est pas grave on apprend de ses erreurs) ce sont les films qui se prétendent novateurs et rebelles mais au fond sont ultra-réactionnaires et l’accueil chaleureux que leur font les critiques…

    Sinon ici se trouve un résumé de ce que je ressens par rapport à ce film : http://cestlagene.com/2013/03/28/debout-les-connasses/

    « « Mais lors de l’assaut final, ce bouffon de James se fait dézinguer en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, tandis que nos héroïnes massacrent tout le monde comme des grosses badass ! » Certes. Des grosses badass en bikini et cagoules, réduites à l’état de corps grotesquement fétichisés et curieusement privés de tête. Girl Power indeed.  » Citation de c’est la gène.

    Après sur l’article lui-même, il est peut-être trop court, mal écrit, mal argumenté… Écrit trop vite par une fille fatiguée qui voulait poster vite pour rester dans l’actualité et qui surtout ne voulait pas avoir vu Spring Breakers et le mal de tête qui va avec pour rien…

  10. Bonjour à toutes

    Je n’ai pas lu tout le fil des commentaires, je me suis arrêté à la longue réponse de Paul sur l’argument du « petit malin » et au delà de ce qui relève pour moi à l’évidence d’un mépris très élitistement consensuel à l’égard des gens plus simples qui ne sauraient voir ce qu’ils ne devraient pas accepter de voir sans tordre le nez, une autre vision plus simple me saute aux yeux à l’instar d’une série très prisée des geek de tout crin : Game of Thrones.

    Dans cette série tout comme à mon avis dans Starship Troopes (que j’ai adoré, parfois avec honte) et Spring Breakers (pas vu et ne m’intéresse pas 2 secondes), c’est cette idée de déculpabiliser ceusses qui regarderaient entre autre (pour ne pas dire principalement) cette série pour les seins à l’air, les scènes de cul et la violence stylisée, en fournissant un ptit garde-fou confortable mâtiné tantôt de fais vaguement historique et d’intrigue super politique, tantôt de critique acerbe ou de dénonciation à tous vents.

    Etant encore à disons 1/4 dans une communauté de gamers en ligne (environ 150 actifs) et dont les âge oscillent entre 15 et 45 ans, je peux certifier à la façon dont les critiques de ce qui est regardé sont exprimés, les tons, les rires et les boutades, je peux certifier que l’excuse de la part « intelligente » (supposée ou avérée) d’un film très graphique (n’oublions jamais la puissance scopique humaine, dont les professionnels abusent) est souvent la justification à peine assumée pour se rincer l’oeil abondamment.

  11. @ v3nom : voilà on est d’accord. Donc on est en présence de pures productions sexistes.
    Ces gamines (on oublie de dire que ce ne sont pas des adultes) sont des culs, des cuisses, des nichons, des jambes, des bouches, bref des parties de corps servant à fabriquer de jeunes et de vieux voyeurs mâles (on n’est jamais trop jeune pour faire un bon voyeur) en toute tranquillité/légalité.
    Imaginons qu’ils s’agissent de jeunes ados noirs….j’ai bien peur que la ligue des droits de l’homme et celle contre le racisme et l’antisémitisme feraient du foin sans parler de la ligue pour la protection de l’enfance.
    Mais ce sont des fillettes blanches.

    • Bah le film creuse clairement le sillon, se jetant dans l’abondance du corps jusqu’à la saturation (les ralentis du début). Je ne trouve pour ma part aucun contentement dans tous ces corps qui se ressemblent et qui provoquent un malaise. Les scènes de piscine matérialisent aussi l’espèce de fracture qu’il existe entre le corps et la tête.

      Vous voulez voir un film qui se croit rebelle quand il ne se veut pas l’être. Vous avez tendance à confondre marketing et approche cinématographique (profondément ambivalente et problématique chez Korine, comme dans Gummo). Ca devait cependant faire jubiler Korine que son film soit vendu comme un nouveau Projet X quand il est justement dans une démarche bien plus interrogatrice.

      Le grand problème, c’est que pour comprendre ce film, il faut un peu connaître ce qu’est le cinéma de Harmony Korine (et aussi de Herzog). (je fais mon « petit malin »)

      Pour ce qui est du « petit malin », cette théorie me semble un peu biaisée. Par exemple, pour ce qui est de Starship Troopers, je pense que Verhoeven aurait justement préféré transformer tous ces spectateurs en petits malins. L’intérêt du film est justement de se servir de genres (la science-fiction et le film de guerre), et les travailler de sorte à faire émerger les aspects problématiques de ce qui est montré. Il a l’air heureux de proposer du spectacle, mais je ne suis absolument pas convaincu que son film se veuille élitiste/ambivalent (alors que justement la société dans le film est une société de castes et de classe et qu’il la critique).

      M’enfin, peut-être que je m’abuse.

  12. …alors pas de problème !
    Bon OK, ce ne sont pas des fillettes, je viens de lire leur âge : 21, 23, 24, 25 au moment du tournage. Mais vu comment elles sont coiffées et habillées, elles ont absolument le look de filles de 15 ans et ce n’est pas plus un hasard ni innocents que si on leur faisait porter des uniformes de collégiennes trop petits.

  13. Sans parler de la tyrannie lolita et des attributs féminins glabres et infantilisés tout en les sur-sexualisant.

  14. J’ai trouvé la discussion intéressante sous certains points, notamment la dernière intervention de Julie. Je relève que Norman s’est « magiquement » arrêté de répondre (depuis plus d’un mois) lorsque c’est Julie qui intervient. Paul, je pense que le monde des « happy few » et des « petits malins » que tu décris (notamment dans cette conversation et concernant ce genre de film, plus généralement sur la question du sexisme) est celui des hommes. Et la seule véritable erreur que tu fais, c’est en lui répondant longuement alors que comme tu le relèves toi même son propos est essentiellement rhétorique. Qu’il répond donc surtout à ce qui l’intéresse pour sous-entendre lourdement que Julie a de la graisse autour du cerveau parce qu’elle ne prend pas la peine d’analyser en quoi ce film est juste un gros navet misogyne. Ce d’ailleurs, est aussi sexiste (décidément, on s’en sort pas) : le cliché selon lequel une femme ne fait pas d’effort (qui me semble vraiment explicite dans l’insistance du propos de Norman) et donc n’est pas capable, à moins de rallier l’avis de son happy few masculin référant, de tout comprendre. Mais enfin, ce n’est pas une attaque contre toi (Paul), mais plutôt ce que je vois comme un piège qui t’as été tendue dans la discussion.

    En revanche, lorsque je lis Norman parler de « spectateur démocratique » (ce qui est effectivement très libéral comme concept) je ne peux m’empêcher de penser au « spectateur émancipé » de Rancière. Je pense que vous n’avez pas la même notion du terme « démocratique » d’ailleurs. Lui semble l’employer dans le sens où -précisément- un film puisse prétendre s’adresser à « tout le monde » (peu importe la classe, l’âge, les origines ou le sexe ou genre) sans offenser personne et apporte ainsi plusieurs nuances qui permette à tout le monde de s’y retrouver. C’est l’utopie d’un cinéma démocratique pour spectateur démocratique, et les plus malins comprennent donc bien qu’il ne faut pas se montrer si catégorique avec ces films si bien pensés. La même prétention vaut pour un film comme « Mohamed Dubois » : les paresseux/euses, et autres imbéciles n’y verront qu’un film raciste, et les autres (les blancs civilisés?) y verront une éloge à l’intégration, à la nuance et au second degrès, éloge donc : du « petit malin ».

    Le problème, c’est que cette utopie ne vaut précisément que pour un certain type de personnes qui (indépendamment ou non de leur origine, de leur classe ou de leur rang) s’identifient à cette « subjectivité démocratique » et donc aux valeurs dominantes de cette société. Notamment celle qui veut que toutes les idées se valent et qu’il faille accepter de rester toujours tout en nuance. Par exemple en disant que si un film est vécu comme dominant : c’est de la faute du spectateur.

    Et là, je repense à cette phrase de Debord dans « in girum immus nocte et consumimur igni » :

    « Le public de cinéma, qui n’a jamais été très bourgeois et qui n’est presque plus populaire, est désormais presque entièrement recruté dans une seule couche sociale, du reste devenue large: celle des petits agents spécialisés dans les divers emplois de ces «services» dont le système productif actuel a si impérieusement besoin: gestion, contrôle, entretien, recherche, enseignement, propagande, amusement et pseudo-critique. »

    Et c’est donc c’est à ce public-là, ici -je pense- aux plus jeunes mais pas seulement, que ce genre de film s’adresse.
    Qui est un public type, classe moyenne blanche avec valeurs plutôt traditionnelle et « démocratiques », donc, etc.

    je relève aussi la relative hypocrisie qui consiste à reprocher à Julie un article court rangé dans la catégorie brève sur un film où il n’y a, peut être, vraisemblablement pas matière à écrire quelque chose de plus épais que le scénario (à moins de vouloir se faire du mal).

    • @ Okapi

      Si je comprends bien, vous opposez Rancière et Debord : d’un côté, ce que vous appelez le « spectateur démocratique » qui serait proche du « spectateur émancipé » de Rancière, et qui serait en fait un discours idéologique adressé au « petit malin », soit un public ciblé, constitué de petits-bourgeois travaillant dans le tertiaire. De l’autre côté, Debord désignerait à juste titre cette « illusion démocratique ».

      Je ne sais pas si j’ai bien compris, mais ça m’intéresse, parce que je suis un partisan de la critique que Rancière fait de Debord. Selon Rancière, Debord se résume à une dichotomie entre les masses passives et aliénées,enfermées dans le spectacle, incapables de s’émanciper, et une avant-garde révolutionnaire, détachée des contingences de classe, forcément géniale et éclairée. En somme il s’agit de prendre en considération la démarche aristocratique de Debord : lui et ses deux camarades non-encore exclus de son Internationale Situationniste savent pour tous les autres, ce qui leur donne le droit à l’insulte. Mais en définitive leur discours se résume à : « les masses sont des veaux, à la différence des aristocrates que nous sommes. »

      Debord a une rhétorique entièrement guerrière, faite d’excommunications, de professions de mépris à l’encontre de la terre entière. Dans « in girum… », on le voit prêt à jeter le bébé avec l’eau du bain, à vomir sur l’ensemble des masses, hommes femmes et enfants réduits à l’état de crétins irrécupérables. Dans le même temps, ses films sont souvent des montages de films hollywoodiens, de charges de cavalerie de westerns. C’est là le « spectacle » dont il raille que les foules s’en délectent ; mais en même temps il ne propose pas autre chose, à part ses sermons lyriques en voix off.

      A l’inverse, quand Rancière étudie les archives ouvrières du XIXe siècle, il repère des discours d’ouvriers qui refusent la place où ils sont mis, qui décident de voir et de lire par eux-mêmes. Quand Debord se contente d’un pessimisme intégral, Rancière cherche à quelles conditions les dominés recommencent, d’eux-mêmes, à regarder là où il leur est interdit de regarder, à penser ce qui leur est interdit de penser.

      La notion de « spectateur émancipé » repose sur le refus de l’anathème jeté sur le spectacle, pour des raisons finalement réactionnaires et mille fois dites, et ce depuis Aristote et Rousseau, qui condamnaient l’un et l’autre la passivité du spectateur. Il est possible à l’inverse d’envisager que l’expérience esthétique est un moyen de déplacer les perceptions et les partages de classe.

      « Tout le monde », c’est bien le projet égalitaire par excellence ; je vois bien votre idée sur la « double lecture » ambiguë que proposeraient certaines oeuvres à la Verhoeven ; si une oeuvre se propose de prendre la moitié de son public pour des imbéciles, c’est évidemment une oeuvre vicieuse et déplorable ; mais la tentative de viser l’universalité, soit en quelque sorte de superposer le mythe (degré de lecture « primaire », inconscient) et la contemporanéité, ne semble pas nécessairement une démarche néfaste.

      La « démocratie », selon Rancière, n’est certes pas encore advenue ; c’est le scandale rejeté haineusement depuis toujours par les dominants, d’une souveraineté politique qui appartiendrait à ceux qui n’ont aucun titre, de richesse ou de rang, à l’exercer. Il ne s’associe aucunement, en revanche, à la « démocratie molle », en vérité oligarchique, dans laquelle nous sommes. C’est pourquoi son « spectateur émancipé » est à mille lieues du « petit malin » qui ricane devant Springbreakers, il me semble.

      C’est à peu près l’idée, mais je ne suis pas clair. Je me demande donc comment on peut défendre Debord contre Rancière.

  15. Je ne défend pas Debord contre Rancière. Je prenais plutôt ce qui m’intéresse chez les deux pour faire ammener un propos. Je suis globalement d’accord avec votre analyse, même si à mon sens il ne faut pas non plus nier l’aspect « aliénant » de la société dans laquelle nous vivons. C’est à mon sens ce qui fait que tout n’est pas à jeter dans ce qui dit Debord, posture aristocratique mise à part : tout ne peut pas se résumer à ça dans son propos. Et d’ailleurs, Rancière est bien gentil, mais il est dans une autre posture d’autorité à bien des égards dans ses conférences et ses collocs : celle du prof, qui à mon sens ne vaut pas mieux… Et puis, soyons sérieux, même si je ne voue des louanges ni à l’un ni à l’autre, pas de Rancière sans Debord. Ils font parti d’un même corpus théorique et historique. Enfin, encore une fois, c’était simplement une manière de mobiliser quelques citations pour amener un propos. 🙂

  16. J’aurai sans doutes pu ou du en citer d’autres. Je n’ai pas cité d’auteure féministe par exemple.

  17. La première fois que je suis allée voir Spring Breakers au cinéma – c’est à dire le soir de sa sortie – les quinze premières minutes saturées de bière ne m’ont donner qu’une envie, c’est de foncer aux toilettes et d’écluser la mienne. Revenue, je demande à mon amie ce qu’il s’est passé et elle répond « rien ». Comme les filles sont là où je les avais laissées, c’est à dire dans la piscine, je ne trouve rien à redire.
    Et puis le lendemain, alors que je revenais le voir mais seule cette fois, j’ai découvert que j’avais bien fait de ne point me fier à mon amie : dans les cinq minutes que j’ai loupé, Rachel Korine, toute chevelure rose dehors, y règne telle une reine vêtue d’une couronne d’éthanol, en apparence ivre morte face à sa cour qu’elle exalte, et puis dévêtue, débordante de lucidité vautrée aux pieds d’un garçon, « you won’t get that pus, cul you’re a lill’ bitch »

    Etre une bitch, une chienne, splendide rapide parée à attaquer et fidèle à son maître : le fun. l’instant présent. Spring Breakers ne parle que de ça, une génération qui est la mienne, que je ne côtoie pas mais qui existe, et pas que sur les plages, pas qu’en maillots de bain. L’immédiat, car no future : la jeunesse matérialiste comme dernièrement illustrée dans The Bling Ring – hâte de vous lire dessus – est punk sans cracher sur le système, si je vais plus loin je pourrais dire qu’elle crache sur de gros pénis lustrés devant une foule d’autres, et puis elle en arrache désinvoltement le gland, et les autres se mettent au garde à vous à la queue le le. Car enfin, qui pourrait avoir peur d’une fille hyper sexualisée ?

    Tout ceci pour dire un peu confusément que Spring Breakers ne renforce aucune idée patriarcale. Viriarcale, je vous le concède, mais enfin bon sang, il n’y a aucun respect d’aucune forme de hiérarchie ou de pouvoir que ce soit : la police est vaincue par l’argent du dealer, tout en douceur. La seule tradition ici, c’est de se créer des souvenirs en, paradoxalement, se désintégrant la gueule. Le black out est un moment inoubliable, parce que les gens nous le racontent, plein de fois. Ce film se la raconte comme se racontent les jeunes. Répétition jusqu’à la nausée des mêmes mots, assemblés pareil, les filles qui une par une appellent leurs mères, pour les rassurer, qui parlent de communion à leurs grands mères, parce qu’elles sont heureuses, et que leurs grands mères seront heureuses de les savoir heureuses. Coke bière douilles ne sont que l’inévitable paquetage d’un truc en naufrage.
    Et quand à la fellation, je trouve ça dommage que vous n’ayez pas relevé que la scène du « vol » du pistolet ai lieu après une tirade, « look at my shit ! », le mec a l’attirail, et ces filles savent bien qu’elles en font partie (à ce propos, je pense que les scènes dans le couloir du début, ainsi que les baskets, soulignent à quel point s’habiller léger est d’abord conçu d’une manière pratique par ces demoiselles.), mais elles ne sont pas objets, les objets ce sont les uns et en s’en servant elles le démontrent simplement « you thought you could own us ? » et, bon, moi personnellement le regard de James Franco quand il commence à délicatement enfourner le flingue ça m’a fait comme un petit chatouillis là, et un autre ici.
    Je conçois personnellement la fellation comme un acte d’amour absolu. J’ai appris à mes dépends que ce n’était malheureusement pas la conception habituelle, conception que vous ne faites que renforcer dans cette article. Déjà il y a approcher son visage de la partie la plus tabou d’un corps, ses organes génitaux.
    C’est de la confiance.
    Et la confiance continue. On peut juger. On peut mordre. On peut tordre. On peut déchirer. Même durant une irrumation, on a encore un pouvoir (les mains, coucou les mains, coucou je me masturbe pendant que je taille une pipe à quelqu’un, comme ça on a pas à éternellement « choisir » ) comme chatouiller son partenaire où lui pincer les fesses ou lui arracher les testicules, mais on peut surtout, surtout, faire jouir comme jamais, être en complète maitrise des deux plaisirs, jouir de jouir et de faire jouir, double jouissance, du coup tu mérite une clope avec deux feuilles : bonheur.
    Et James Franco, manifestement, la puissance du flingue et de la folie, ça l’excite à mort. Elles étaient déjà des filles superbes qu’avaient manqué la tôle pour avoir fait la fête avec ses acolytes, mais là elles deviennent…à son niveau. Il leur fait confiance. Une confiance absolue. Il redécouvre l’émerveillement. Et sa mort grotesque n’en est que la preuve : dans un monde normal, voir deux filles en bikini flou armées et cagoules auraient de quoi créer la surprise, comme il l’escompte, sauf que coucou le monde réel, le garde il voit des flingues il voit des flingues.
    Non, la fellation n’est pas un acte de soumission/humiliation, ou alors peut-être que si mais comme un jeu, enfin c’que je veux dire c’est que parfois on se soumet volontairement à un être cher ou en passe de le devenir parce qu’on est lassé de tout faire de nous même, que cet être (ou ces êtres en l’occurrence, ces « mermaids ») nous a déjà surpris dans un sens tellement agréable qu’on veut se laisser surprendre encore. Quant à l’humiliation, bah, ouais, enfin, ça dépend avec qui et dans quel contexte. J’ai tendance à penser que le piv est carrément plus sale parce que y’a vraiment moyen de faire très mal et que les cris de douleur sont assimilés à des cris de jouissance, mais j’ai jamais été jusqu’à dire à toutes les amies que tout acte de pénétration était un viol. Toute fellation est un jeu, un don, sauf forcée mais là, quoique ce soit, c’est du viol. Le pouvoir se rapporte pas au pénis. Il les aime vêtues de pouvoir, il veut leur montrer qu’il les aime, il est pas bête, plutôt comique même, si vous trouvez qu’il a l’air humilié ou soumis comme contraint, bah je trouve ça triste, parce que pour moi il a l’air amoureux. Amoureux de la même chose qu’elles. Le pistolet n »est pas un substitut : il est le coeur du film. Dans une société hyper sexualisée, la sexualité ne suffit plus. Parfois on la redécouvre au détour d’une rencontre fortuite et placée sous le signe du délit.
    Les uns les transcendent, sauf quand ils en transpercent une.
    À propos de la première à partir, celle qui n’a jamais touché de gun, Selena Gomes égérie Disney, je dirais juste qu’elle part car « That’s not what I signed for ! »
    Eh non poupée, tu ne savais pas, que tout le monde allait t’effleurer en passant, faire comme si tu leur été due, car tu es fille, et en maillot, dans un bar d’hommes, et tes amies s’amusent… car tu es adolescente, et sous contrat, dans un monde qui te scrute, et tes « fans » s’amusent… L’écurie Disney c’est pile ou face, et à fortiori pour les filles c’est encore plus dur…

    Tout cela pour dire, Spring Breakers m’a enchantée, et la seule autre personne que je connaisse à qui ça a fait cet effet c’est mon prof de civilisation américaine, qui nous en a parlé pour illustrer le coup de l’entrée à l’université aux USA.
    Je voulais le voir depuis juin dernier, les photos m’ayant survoltée, couleurs trash et pastel, une subtile odeur de mort autour, un éclairage allumeur.
    Et puis en février, par hasard, j’ai regarder Gumno, dont on me parlait depuis des années mais qui m’avait l’air d’être un truc un peu trop lent et conceptuel.
    Ce qu’il retrace, c’est dégueulasse, et beau, et cynique, et intemporel, et après je n’avais qu’une envie, foncer découvrir Casseuses de Printemps.
    Enfin, notez qu’à aucun moment les filles ne parlent de mecs entre elles (en tout cas, ceux dont elles parlent elles veulent leur mort ou les ont braqués). Bechdel : it’s over 9000

  18. En fait, j’ai moi aussi du mal avec cette critique que je juge assez insuffisante…

    Je vois dans ce texte qu’il y a trois niveaux de spectateurs:
    – les débiles qui prennent au premier degré
    – Les « petits malins » qui disent qu’ils comprennent que c’est une critique
    – Ce texte en question qui lui a tout mieux compris

    C’est une façon comme une autre de dire que le spectateur est un décérébré.
    Qu’il soit dans sa version numéro un (Gnéééé y’a des filles en bikini c’est trop sex ça m’excite) ou alors la version deux qu’on transforme en une sorte de hipster qui se la joue en mec évolué… alors qu’en fait il a pas compris qu’il était manipulé et qu’Harmony Korine est au mieux ambigu, au pire un gros sexiste de base hypocrite…

    On est pas dans l’analyse mais le jugement de valeurs.

    Utiliser le biais de l’antisexisme pour analyser les films et les séries est correct et même nécessaire, vu que le cinéma comme toute la culture de masse transmet toujours un certain nombre de normes et valeurs, qui sont souvent peu progressistes…

    Mais là j’ai juste l’impression que l’auteure n’a simplement pas aimé le film et cherche une justification à posteriori. Mais même ad hoc, son argumentation n’en est pas une. Elle évoque vite fait le graphisme, la façon de filmer, les scènes, et elle conclue en trois lignes.

    Je découvre ce site. La critique sur huit femmes ou la chasse c’est magistral, mais là, désolé, je trouve que c’est un peu de la paresse intellectuelle, c’est expédié en quelques paragraphes à coup de « faites moi confiance » et ben moi je ne marche pas comme ça… Mais je ne demande qu’à être convaincu…

    Moi non plus je ne crois pas qu’il faille forcément faire un pamphlet brulant ou un truc avec de la grosse ironie bien lourde pour dénoncer quelque chose. Pour prendre un exemple extrême et pulvériser le point godwin au passage, je dirais que pour dénoncer le nazisme, on peut certes projeter six heures des images des camps de concntraion, mais on peut aussi faire dans le plus léger voire le complètement ambigu (notamment à travers un héros/antihéros à la lisière entre collaboration et résistance qui fait s’interroger chacunchacune sur ce qu’il elle aurait fait c’est tout aussi intéressant)…

    J’ai aussi déjà croisé sur Youtube des antisémites pathologiques qui prenaient le sketch de Desproges sur les juifs au premier degré. Faut il dénoncer Desproges comme ambigu ? Pour moi non.

    J’ai aimé Spring Breakers, je ne le cache pas. Déjà, au niveau de la transformation de bébés Disney en personnages beaucoup plus troubles et ambigues. La façon dont c’est tourné, genre clip délirant et coloré. Et enfin, parce que ça me parle en partie. L’angoisse des villes moyennes, des études suivies sans conviction aucune, la grisaille des vies ordinaires recolorée à coup de comportements autodestructeurs (sexe, alcool, drogue, violence), un avenir qui sera au mieux celui d’un ou une employé-e de bureau ordinaire… La tentative d’évasion de ce monde, de leur monde; vers un ailleurs assez interlope qui n’est pas plus une solution… Ces deux mondes qui tuent, plus ou moins à petit feu…

    Et des jeunes filles qui se la jouent fan de « bites », où est le scandale ? Je suis pas vraiment fan du courant féministe pro-porno, d’un certain libéralisme où on vendrait son corps comme s force de travail ou des discours du genre « libération sexuelle – si tu veux pas c’est que t’es une bourgeoise coincée »; mais il n’empêche que des jeunes filles comme ça, qui annoncent aimer le sexe, en vouloir plus encore, toujours; ben il y en a pas mal. Je me doute que c’est pas un argument ce que j’écris, mais il faut pas faire non plus dans la pudibonderie du genre « une fille bien ne se comporte pas comme ça, c’est un mauvais exemple pour les autres »… Un petit coté slut shaming…
    Je suis bien content de ne pas être une femme avec ce double bind permanent, ces injonctions contradictoires qui peuvent venir et du pouvoir patriarcal (et ses déclinaisons comme Elle, Grazia, Cosmo…) et de certaines féministes: » – Pratique à fond le sexe, décoince toi / Attention à pas te comporter comme une pute, à pas donner une mauvaise image des femmes » ou alors « Tu aimes pas le sexe => tu fais le jeu du patriarcat en étant l’archétype de la vierge ou de la mère » ou « tu aimes le sexe => tu fais le jeu du patriarcat en étant l’archétype de la putain »…

    Enfin bon, c’est un peu décousu ce que j’écris, je suis pas sûr que ça soit très clair…

    • Je réponds juste sur un point à propos duquel je ne suis pas d’accord avec vous (ce n’est pas le seul, mais je n’ai pas le temps tout de suite).

      Je ne pense pas que le propos de Julie consiste à dire ici « une fille bien ne se comporte pas comme ça, c’est un mauvais exemple pour les autres », et du coup je pense que son texte n’a rien à voir avec du « slut-shaming ». Pour moi (mais peut-être que je me trompe, je ne sais pas), le « slut-shaming » consiste à critiquer les femmes à propos de leur comportement, tenue vestimentaire, etc. Or Julie ne critique pas les femmes ici, elle critique un certain regard masculin sur des femmes, ce qui est à mon avis tout différent.

      J’ai l’impression qu’en assimilant le propos de Julie à du « slut-shaming », vous oubliez peut-être au passage qu’il ne s’agit pas là de « femmes réelles », mais de la vision que se fait un certain homme (Harmony Korine, le réalisateur du film) de ces femmes. Or personnellement je ne vois pas quel mal il y a à critiquer cette éternelle projection sur les femmes de fantasmes masculins. En résumé : il ne s’agit pas de critiquer des femmes ici, mais des hommes (et la représentation qu’ils véhiculent des femmes).

      Vous voyez quelle distinction je veux faire ? Et vous seriez d’accord avec moi ?

      • Oui et non.

        Peut être que le terme de slut shaming arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, je suis en cas, prêt à le retirer.

        En fait, j’ai surtout voulu insister sur ce coté double bind et injonction contradictoire. Je ne sais pas si ce n’est en fait qu’une question de regard masculin…

        En fait je ne sais pas du tout si je suis capable d’exprimer ce que j’ai en tête… Donc je risque de partir loin…

        Mais un truc qui est certain, c’est que c’est pas une invention d’harmony Korine ou un simple fantasme masculin « les-filles-qui-disent-aimer-le-sexe-et-la-bite »… Quand aux origines patriarcales de ce phénomène, il doit y en avoir c’est certain…
        Bon, c’est juste un exemple purement localisé et individuel, donc qui n’a pas forcément de valeur: moi et mon ex petite amie. Ben comment dire… Elle elle était « vas y pilonne moi » pour simplifier et elle me disait en permanence qu’elle comprenait pas pourquoi je lui sautais pas dessus en permanence (oui on peut dire qu’elle avait intériorisé un certain nombre de rôles sexués), tandis que moi j’ai toujours été plus branché caresses, préliminaires, recherches des zones érogènes; sans être trop attiré par la pénétration (m’enfin je dis pas que c’est nul non plus, c’est quand même agréable)… Donc bon… C’est aussi ce qui a fait se désagréger notre relation (et aussi s’installer et prendre un appart à vingt ans, sérieusement, le faites pas les gens, la routine ca flingue tout)

        Ca existe ce genre de filles. Qu’il y ait une intériorisation de normes, c’est possible, mais pour moi on peut pas se cantonner à dire qu’elles font le jeu du patriarcat… Et surtout ce comportement ne se limite pas au regard ou aux fantasmes d’un homme sur la sexualité féminine…

        Je sais pas si je suis très clair là…

        Mais j’ai surtout voulu donc parler sur le quoique tu fasses t’es au service du fantasme de l’homme, fantasme de la maman ou de la putain. Et qu’il y a cette instance de censure aussi au sein du mouvement féministe. Mais je crois pas non plus à un certain libéralisme dont je parle plus haut.

        Après je vais pas présenter Korine comme simplement un mec gentil qui est victime des féministes qui comprennent de travers alors qu’il est de bonne volonté, alors qu’autant, je le connais, c’est un sexiste ordinaire…
        D’ailleurs ce genre de discours pleurnichard de mecs proféministes incompris ca m’emmerde. Dans le cadre de mon militantisme, j’ai fait une fois un caucus non mixte hommes (avec surtout hétéros), ca m’a pas convaincu, ça ressemblait trop à « ouin ouin je veux pas être un dominant, je fais des efforts et les filles ne le voient pas »…
        J’ai parfaitement conscience d’avoir eu une éducation masculine et clairement genrée (culture méditerranéenne, et même si le patriarcat ne se limite pas aux rôles des mères, clairement une mère corse en ce qui concerne l’amour du fils c’est pire que les mères juives dans les comédies newyorkaises), je sais que j’ai encore des réflexes de penser et d’agir de dominant. Je tire pas une gloire d’en être conscient, mais j’essaye de la mettre en veilleuse et d’agir-mieux.
        Mais bon je pars un peu en digression là…

        Mais pour moi c’est insuffisant de dire (oui je schématise) « C’est un mec qui filme des filles en bikini donc il projette ses fantasmes qui sont tous les fantasmes masculins et patriarcaux ».

        Y’a aussi en pornographie une niche de porno féministe et lesbien, intellectuel; ça n’empêche pas des mecs hétéros et cisgenres de fantasmer dessus quand on voit le culte qui entoure Sasha Grey (ou autres stars de l’Alt Porn). Bref comme je le disais je suis bien content de mes privilèges de mâle quand on voit comment n’importe quel rapport au sexe d’une fille est jugé et par l’hétéropatriarcat, et par ceuzécelles qui luttent contre (même si on peut pas les comparer, et on ne doit surtout pas les comparer). J’ai l’impression que quoi qu’elles fassent, elles sont limites complices du systême hétéropatriarcal.

        Oui je suis parti très loin je sais… (et je suis peut être complètement hors sujet ou alors même j’ai rien compris rien aux concepts que j’emploie et je les utilise à tort et à travers)

        • déjà l’article est une brève donc si vous voulez des choses plus argumentées construites il faut plutôt aller voir du côté des articles…

          Ensuite, cet article à été écrit et publié un peu rapidement, et je pense que j’aurais effectivement pu l’écrire différemment.

          Effectivement, je n’ai pas aimé le film, j’ai même été le voir pour en faire une critique car on nous l’avait signalé comme sexiste.

          Je suis capable d’aimer un film sexiste par exemple Drive critiqué par Paul qui est pour moi un chef d’œuvre de mise en scène, de cadrage, de montage, de jeu d’acteur, bref de cinéma…

          Je suis aussi capable de ne pas apprécier à titre personnel un film « positif » politiquement par exemple Princess Arete, aussi critiqué sur le site ne m’a pas passionnée.

          Pour Spring Breakers il y a trois niveaux que je n’ai pas aimé :

          -le niveau purement artistique (niveau perso)
          -le niveau politique et surtout sexiste
          -et surtout le niveau « j’essaye de vous faire croire que je suis subversif alors que je vous sers la même daube sexiste que tous les autres »

          Je suis à fond pour la libération sexuelle féminine, les femmes doivent avoir le droit de s’habiller comme elles veulent et de coucher avec qui elles veulent…

          Sauf que dans Spring Breakers cette fameuse libération se fait entièrement autour de deux choses :

          -la bite

          http://www.crepegeorgette.com/2013/08/07/lheterocentrisme-ou-lobligation-du-rapport-penetratif/

          -le regard masculin

          http://cafaitgenre.org/2013/07/15/le-male-gaze-regard-masculin/

          Je ne dis pas que les filles qui aiment la bite et la pénétration n’existent pas… Elles sont justes minoritaires et surreprésentées dans les médias…

          Ensuite il y la relation problématique envers leur « gourou » et oui, filmer des seins qui ballotent en gros plan, c’est sexiste et ça réduit la femme à une simple partie de son corps…

          • Je ne suis personnellement toujours pas convaincu…

            Pour moi les images sont polysémiques…

            Je ne vois pas pourquoi si c’est un mec qui filme des « famapoil », on bascule forcément dans le sexisme… Je ne connais pas Korine, donc autant c’est un mec qui raisonne comme ce *censuré* de Polanski… Et je ne nie pas que souvent il y a aussi intention sexiste avec la présence/la mise en avant des « famapoil », comme dans Blurred Lines ou la pub.

            Mais pourquoi est ce qu’on ne serait plus dans le sexisme si c’est l’oeuvre de réalisatrice, notamment donc dans l’AltPorn, et donc dans cette niche spécifique du porno féministe et lesbien ? Parce qu’il peut y avoir aussi l’intention de toucher les mâles… ou parce que de fait ça plait aux mâles…

            Donc « famapoil » = forcément sexisme, vu qu’il y aura le regard du mâle en dernière instance pour jouir visuellement ? Attention, je suis peut être confus, mais je veux pas dire « rendez nous les famapoil… »

            Bre pour moi, il est possible que ce film soit sexiste ou utilise des ressorts sexistes, mais les arguments que j’ai lu ne m’ont pas convaincu… Parce que c’est en partie surtout une histoire de visuels… Mais dans Carnage par exemple, on voit bien la construction ordurière des personnages féminins, de leurs personnalités, de leur façon d’agir…

            C’est quoi cette histoire de gourou, j’ai pas tout suivi ?

          • Bonsoir JBJames (désolé de ne pas avoir eu le temps de vous répondre plus tôt)

            Je vais essayer de dire ce que je pense à propos de la question que vous soulevez plus haut, et tenter ainsi de rebondir sur ce que dit Julie. Sachant je n’ai pas du tout de positions arrêtées sur le sujet et que je risque fort de ne pas être clair ou de dire des bêtises…

            Vous semblez avancer le fait qu’il existe des filles qui « aiment la bite » ou qui « aiment se faire piloner » comme quelque chose d’incompatible avec une critique féministe de ce genre de représentations. Or pour moi, vous confondez encore les femmes réelles avec les représentations véhiculées dans les « médias ».

            Vous parlez d’une « instance de censure » qui existerait « au sein du féminisme » et qui, si je vous comprends bien, consisterait à critiquer certaines femmes parce qu’elles auraient certains désirs (comme « aimer la bite » ou « se faire piloner »). Je suis bien d’accord sur le caractère douteux d’une telle pratique du « féminisme », mais à mon avis il ne s’agit pas là de féminisme, mais plutôt d’une caricature de féminisme avancée par certain-e-s pour décrédibiliser le féminisme. Personnellement, je n’ai jamais vu ou lu de féministes qui tiennent un tel discours (après ça existe sûrement, mais mettre ce genre de discours minoritaires en avant a à mon avis pour but de critiquer le « vrai » féminisme, celui que je trouve pertinent en tout cas :-)).

            Donc oui, je suis bien d’accord que ce serait débile et complètement horrible politiquement de tenir des discours à base de « vraiment vous êtes trop connes les femmes qui aimez la bite et la pénétration ». Mais je pense que ce n’est pas du tout le propos ici, et que le sous-entendre peut avoir pour effet (je ne dis pas que c’est votre intention, juste un effet) d’empêcher un discours critique sur l’hégémonie des normes patriarcales dans les médias.

            Pour moi, il y a une différence entre les choix et désirs des individus d’un côté, et les normes qu’on nous martèle à longueur de journée de l’autre. Les femmes réelles font les choix qu’elles veulent et ont les désirs qu’elles veulent, et je pense personnellement que personne n’a une quelconque légitimité à venir leur dire qu’elles devraient se comporter différemment ou désirer d’autre chose. Mais par ailleurs, je trouve absolument essentiel de critiquer les le matraquage quasi-uniforme qui nous est imposé dans les médias (et surtout aux femmes) à propos de comment il faudrait se comporter et ce qu’il faudrait désirer. Et pour moi, il n’y a rien de contradictoire là-dedans, au contraire.

            En effet, à mon avis, les gens ne construisent pas leurs désirs librement, selon leur propre volonté et sans être contraint par rien. Nous ne sommes pas libres car nous sommes bombardé-e-s en permanence des mêmes normes qui forgent nos fantasmes et nos désirs. Du coup, je pense que si l’on veut qu’il y ait un peu plus de liberté à ce niveau, il est nécessaire de lutter contre l’hégémonie des normes hétéro-patriarcales.

            Il ne s’agit donc en aucune façon de tenir un discours normatif à qui que ce soit (et en particulier aux femmes qui « aiment la bite »). Il s’agit juste de critiquer l’omniprésence de certaines normes, pour essayer de faire que d’autres fantasmes , désirs, pratiques, etc. soient visibles. Pour qu’une diversité de choix soit possible, car personnellement je ne vois pas trop de diversité à ce niveau…

            C’est dans cet esprit je pense que Julie critique Springbreakers. Comme elle le dit, ces représentations ne sont pas « subversives », elles sont au contraire en plein dans la norme (le porno ou les clips vidéos en sont sursaturés, ainsi que tous les autres médias). Etes-vous d’accord avec ça ?

            Après il y a peut-être d’autres choses dans ce film (comme ce qui vous y a plu : « L’angoisse des villes moyennes, des études suivies sans conviction aucune, la grisaille des vies ordinaires recolorée à coup de comportements autodestructeurs (sexe, alcool, drogue, violence), un avenir qui sera au mieux celui d’un ou une employé-e de bureau ordinaire… », etc.). Je ne dis pas qu’il n’y a pas ça dans Springbreakers (je ne sais pas je ne l’ai pas vu :-)). Mais en ce qui concerne la représentation qu’il donne des femmes et de leurs fantasmes, n’êtes-vous pas d’accord avec l’analyse de Julie ?

            Voyez-vous où je veux en venir ? (ce qui ne doit pas être facile, vu comme j’ai du mal à être clair et concis :-))

  19. « ce genre de discours pleurnichard »

    Totalement abject comme mot. La culture néo-libérale, capitaliste et patriarcale a décidément ravagé les esprits qu’on en est rendu a quotidiennement nous maltraiter les uns/unes les autres plutôt que s’en prendre au système capitaliste-misogyne-raciste. Cette manière péremptoire de hiérarchiser les souffrances et ine fine les luttes est cependant et semble-t-il nécessaire à ceux et celles qui « luttent » contre autre chose que leur(s) maladie(s) mentales. Soit, admettons. Mais des maladies mentales, on va en constater de plus en plus, quand bien même la psychopathie sera retirée du dsm parce que être psychopathe sera la norme dans nos occidents ultra-libéraux soit. On est déjà bien touchés quand on lit et entends des expressions telles que, « pleurnichards »(manière plus subtile, plus vicieuse et surtout plus perverse pour conditionner les gens à l’acceptation de saloperies, c’est le pendant néo-libéral du « oh arrête tu vas pas faire ta gonzesse et pleurer comme une fille!! » ni plus ni moins). Et on parlera pas non plus des termes tels que « victimisation » qui étaient auparavant davantage des éléments de langage de la droite la plus rance(de type UMP)mais qui deviennent maintenant tout à fait courant dans divers courants d’extrême-gauche. Avec la notion de « privilégié » dans le féminisme, absolument catastrophique pour qui n’a pas le recul nécessaire, allez dire à un semi-clochard-rmiste-handicapé qu’il est privilégié(comme le fait la droite depuis des décennies en le traitant d’assisté, de bon à rien, de fainéant, de gros gland, de PROFITEUR, la liste est non exhaustive mais nombre de « porteur de pénis » se font traiter de ce type de termes en permanence et par absolument tout le monde, parfois même de manière presque affectueuse et donc encore plus manipulatrice, le bon paternalisme/maternalisme de la société !)vous pouvez en sortir vivant et fier, avec le sentiment du devoir-militant accompli mais vous pouvez aussi disparaître car un accident est vite arrivé et c’est pas moi qui vais vous pleurer, parce que « ca suffit n’est-ce pas les pleurnicheries ». A un moment donné il faut bien se poser aussi la question de la culture de la personne en face, quand bien même elle peut être conscientisé à pas mal d’écrits féministes et même être « plus féministes » que bien des féministes, notamment par le fait que cette personne puisse tomber presque d’accord avec certains propos de Dworkin par exemple.

    Bref. Votre site, ses « analyses »(si on peut appeler ca des analyses ceci dit)peuvent-être intéressants mais le reste ma foi, bien qu’encore instructif(notamment pour observer comment se porte la misandrie), est plus inquiétant qu’autre chose…

    • La misandrie… Ultra lol…
      Je vais même pas revenir dessus en fait…

      Pour revenir sur ce que j’entends quand je dis « pleurnicher » , juste ce vieil article de CQFD:
      http://cqfd-journal.org/Les-hommes-aussi-souffrent

      allez j’en fais un copier coller:
      « Les hommes souffrent. Et il n’y a pas qu’Éric Zemmour pour le dire. Alors comme Mademoiselle n’est pas méchante, chaque fois qu’un homme lui dit qu’elle exagère, qu’il n’est pas un dominant, lui, qu’il souffre, elle écoute toujours son témoignage poignant. Il faut alors ménager sa susceptibilité, avouer que « c’est plus compliqué », qu’il y a des femmes méchantes, vénales, manipulatrices, des femmes atroces dont la seule existence suffit à rendre tout propos féministe moins légitime. Il faut opiner, acquiescer, ne pas froisser celui qui fait le ménage chez lui, applaudir celui qui donne des bains à bébé, se pâmer devant sa science de la purée de carottes, bref, cajoler, calmer ce gros chagrin, et l’écouter parler de cette domination dont il n’est pas responsable… jusqu’à ce que le bruit de ses paroles d’homme-bien recouvre celles des dominées qu’il aime, dans le fond. Mais dans le fond, et sans le son. Mais dire cela, c’est déjà recommencer à exagérer. C’est recommencer à parler de petites choses ridicules, d’une petite voix qui insupporte. Alors le grand bonhomme cesse de pleurer à chaudes larmes, et s’indigne : « C’est n’importe quoi ! C’est exagéré ! Ce n’est pas la réalité ! » Ah, mais ne croyez pas qu’il soit simple d’exagérer : c’est un vrai boulot d’avoir l’outrecuidance de ne pas dire la même réalité. Car lorsque celle-ci n’est pas évacuée de prime abord – « Cela n’existe pas » ou « Cela n’est pas de mon fait » –, elle est souvent retournée contre les femmes (« Elles doivent bien y trouver un avantage »), ou sert de faire-valoir à une atroce douleur : « Je souffre d’être dominant ». Contre cette auto-flagellation bruyante, qui ne permet finalement que de parler d’un gros nombril poilu, Mademoiselle propose l’ouvrage de Léo Thiers-Vidal [1]. L’auteur pose deux questions fondamentales : « 1) Les hommes sont-ils conscients de dominer, d’être dans une position dominante ? 2) Dominent-ils les femmes de façon consciente ? » On voit alors émerger des hommes ayant à la fois une connaissance des privilèges qu’ils ont en tant qu’hommes, mais qui témoignent également d’une difficulté, ou d’un refus, de dire leur propre contribution à ce système oppressif. Quoi qu’il en soit, ils reconnaissent au moins avoir cette chance : celle de ne pas être des femmes. Ce serait là une bien pire souffrance.

      Notes

      [1] Léo Thiers-Vidal, De « L’Ennemi principal » aux principaux ennemis – Position vécue, subjectivité et conscience masculines de domination, L’Harmattan, 2010. »

      Mais bon là on est plus dans l’analyse du film, mais face à un mec qui « souffre » des « excès » des féministes…

      • Oui « ultra-lol », ca illustre exactement ce que je disais, se torcher avec les souffrances d’autrui, sortir l’article-qui-dit-qui-veut-un-cookie en mentionnant zeimour, mais en chaque homme qui tique se cache probablement un « Ariel Castro » qui s’ignore, tranquillou !! ^^

        Et c’est reparti pour la hiérarchisation des souffrances et forcément, si les hommes étaient des femmes ce serait pires et blablabla-bullshit de psychopathes-militants en série qui ressortent leurs liens leurs automatismes de psycho-kwak déshumanisés qui se prennent pour des machines-de guerre-a déconstruire tout ce que l’entre-sois militant encourage a « des-cons-truire » lolilol turbolol giga lol

        On peut mentionner d’autres couleurs de peaux, le handicap(celui qui t’empêche d’avoir un boulot, une vie professionnelle et sociale voir te condamne à moyen terme au suicide), et aux conditions bien chiadées de l’enfer néo-libéral actuel mais il s’agit toujours ine fine de montrer kika-la-plus-grosse (souffrance)en marquant bien son territoire et de rester à une échelle compatible avec le niveau d’humanité-locale du site où on s’exprime. (c’est a dire pas grand-chose dans le cas présent vu le niveau !).

        • L’accusation de misandrie accompagné de conseils paternalistes aux féministes, c’est sympa et c’est tellement rare et inédit que ça me/nous change (lol).

          Vous devriez lire sur l’intersectionnalité et vous verrez que ce n’est pas un concours de kika-la-plus-grosse-souffrance. Vous verrez qu’il est nécessaire « de rester à une échelle compatible avec le niveau d’humanité-locale du site où on s’exprime » et simultanément qu’il est nécessaire d’avoir une réflexion globale sur les différentes discriminations. Personnellement c’est ce que j’essaye de faire même si je ne parviens pas toujours a réussir ce grand écart.

          Vous parlez des privilèges des SDF, un homme SDF n’est pas privilégié par rapport à une femme bourgeoise mais par rapport à une femme SDF il l’est (moins de risques de subir des viols, plus de places en structures d’accueil par exemple). La manière que vous avez de ne pas comprendre cette notion montre que vous ne faites pas ces distinctions entre expériences individuelles et phénomènes collectifs. Il n’y a que vous qui faites ce concours de kika-la-plus-grosse-souffrance en comparant tout et n’importe quoi afin de caricaturer un mouvement politique qui vous déplait, privilégié que vous êtes.

          Enfin pour votre remarque sur « pleurnicheur » c’est vous ici qui ajoutez le « pleurer comme une fille » pour moi « pleurnicher » veut dire « simuler le chagrin a des fins manipulatoires » et ça n’a aucun rapport avec la forme de mes/vos gonades et le fait d’être garçon ou fille. Et oui vous pleurnichez et vous ajoutez l’insulte et la condescendance (j’ai compris que votre niveau est le-plus-gros que celui de ce site et que vous nous parlez du haut des stratosphères de votre la-plus-grosse intelligence de mansplanneur) et tout ceci rend vos messages totalement détestables.

          • Mais oui vous avez raison déformez mes propos et décidez de vous même qu’ils sont paternalistes alors qu’ils sont plus plutôt navrés et quelque peu navrants, il est vrai. Et c’est bien de ca qu’il s’agit, il s’agit toujours de kikalaplusgrosse, quand c’est pas la souffrance c’est l’argumentation ou plutôt la capacité a déformer les propos et encore une fois à nier subtilement les souffrances en hiérarchisant encore et toujours. Vous évacuez totalement l’exemple criant sur les propos de la droite comme par hasard. Tiens donc. Comme c’est surprenant.

            Puis alors le délire sur « pleurer comme une fille », c’était un exemple pour illustrer les conséquences désastreuses du sexisme sur les hommes aussi et pas que sur les femmes, et alors selon vous je « simule le chagrin à des fins manipulatoires », mais faut vraiment être la dernière des pourritures les plus faisandées pour oser sortir ca, bien planqué derrière votre écran mais quel fumier !! Vous m’inventez au fur et à mesure à l’aide de 2 ou 3 commentaires et me voilà rendu mansplanner mais quelle ordure !! Et à par ca ce sont mes messages qui sont détestables ah ben bravo ! Ca illustre encore mieux mes propos remarquez, « se torcher avec la souffrance d’autrui-et je rajouterais-en la niant et en faisant un bourreau », no limits.

          • La fumure et l’ordurisme c’est probablement votre dernière effort pour améliorer la convivialité de cet échange. C’est déjà bien que vous reconnaissiez que vous n’êtes pas humble, je me contenterai de cela.

            Pour la question de la victimisation c’est tellement compliqué et ce mot est tellement puant de ce qu’il sous entend à propos des victimes que personnellement je ne l’utilise presque jamais (tout comme Bobo, ou politiquement correcte ou droitdelhommiste & co). Nous sommes peut être d’accord sur ce point, mais je fait tout de même une nuance entre « pleurnicheurs » et « victimisation », justement à cause des connotations que vous évoquez. On en a parlé ici sur les commentaires de l’article sur « La chasse » et sur ceux sur les films « Taken » 1 et 2 et à propos du masculinisme. Ça parle d’ailleurs aussi de Zemmour puisqu’il est question de masculinisme et vous y trouverez peut être certaines des réponses aux questions que vous vous posez.
            Pour la notion de privilège je vous ai répondu sur l’intersectionnalité, savez vous de quoi il s’agit ? Pourquoi faites vous l’impasse sur ceci? Croyez vous qu’on puisse être femme et simplement femme et que les catégorisations sociales ne se superposent pas les unes les autres ?
            Si le sujet vous intéresse quand même vous avez de bonnes pistes ici http://cafaitgenre.org/2013/02/22/anti-homophobie-et-anti-racisme-la-question-de-lintersectionnalite/ n’oubliez pas les notes et conseils de lecture a la fin de l’article.

            Sinon pour avancer sur votre question de pleurnichage, je vous conseil les article au sujet du « poirisme » sur le blog « les questions composent » c’est ici http://lesquestionscomposent.fr/tag/poire/
            Il y a beaucoup de lecture et je vous conseille aussi la lecture des commentaires qui sont édifiants par leur quantité de « pleurnicheurs » qu’on y trouve et je dit « pleurnicheurs » dans le sens que j’ai défini plus haut.
            Bonne fin de journée et bonne lecture.

  20. (ceci dit je ne suis pas fier d’avoir un ton condescendant mais quand on se fout de ma gueule en jouant les donneurs de leçons je ne cherche pas a être humble, et c’est un tort malgré tout, j’avoue)

  21. @paul rigouste:

    « Vous semblez avancer le fait qu’il existe des filles qui « aiment la bite » ou qui « aiment se faire piloner » comme quelque chose d’incompatible avec une critique féministe de ce genre de représentations. Or pour moi, vous confondez encore les femmes réelles avec les représentations véhiculées dans les « médias ».  »
    Merci de me faire passer pour un gros sexiste :/
    Ce que je vous raconte, c’est que j’ai eu à rencontrer ce genre de filles qui le déclaraient, le clamaient haut et fort. Je ne suis pas là, en tant que mec, non plus qu’elles « ont tort » ou qu’elles « ne le pensent pas en fait ». Et elles sont militantes, et bon niveau féminisme entre autres, c’est pas trop ça vu qu’elles sont plutôt aux JC… (J’y suis pas moi je suis le vilain ptit canard trotskiste).
    Et je ne dis pas non plus que c’est incompatible avec le féminisme, des le début j’ai parlé d’un féminisme qui se dit prosexe, proporno, et que je ne me sens pas en mesure de vraiment caractériser.

    « Vous parlez d’une « instance de censure » qui existerait « au sein du féminisme » et qui, si je vous comprends bien, consisterait à critiquer certaines femmes parce qu’elles auraient certains désirs (comme « aimer la bite » ou « se faire piloner »). Je suis bien d’accord sur le caractère douteux d’une telle pratique du « féminisme », mais à mon avis il ne s’agit pas là de féminisme, mais plutôt d’une caricature de féminisme avancée par certain-e-s pour décrédibiliser le féminisme. Personnellement, je n’ai jamais vu ou lu de féministes qui tiennent un tel discours (après ça existe sûrement, mais mettre ce genre de discours minoritaires en avant a à mon avis pour but de critiquer le « vrai » féminisme, celui que je trouve pertinent en tout cas  »

    Non non, c’est pas une volonté de décrédibiliser le féminisme, vu que ça émane de femmes issues du milieu féministe radical. Oh c’est pas théorisé précisément, mais c’est plus dans les discussions, les attitudes, les regards qui disent « judging you »…

    « Pour moi, il y a une différence entre les choix et désirs des individus d’un côté, et les normes qu’on nous martèle à longueur de journée de l’autre. Les femmes réelles font les choix qu’elles veulent et ont les désirs qu’elles veulent, et je pense personnellement que personne n’a une quelconque légitimité à venir leur dire qu’elles devraient se comporter différemment ou désirer d’autre chose. Mais par ailleurs, je trouve absolument essentiel de critiquer les le matraquage quasi-uniforme qui nous est imposé dans les médias (et surtout aux femmes) à propos de comment il faudrait se comporter et ce qu’il faudrait désirer. Et pour moi, il n’y a rien de contradictoire là-dedans, au contraire.  »

    Là on est d’accord.

    « En effet, à mon avis, les gens ne construisent pas leurs désirs librement, selon leur propre volonté et sans être contraint par rien. Nous ne sommes pas libres car nous sommes bombardé-e-s en permanence des mêmes normes qui forgent nos fantasmes et nos désirs. Du coup, je pense que si l’on veut qu’il y ait un peu plus de liberté à ce niveau, il est nécessaire de lutter contre l’hégémonie des normes hétéro-patriarcales. »

    Ce qui ne veut pas dire qu’il faudrait dire à une fille d’arrêter de performer son genre et de se plier à tout prix aux normes, on est d’accord ?

    « C’est dans cet esprit je pense que Julie critique Springbreakers. Comme elle le dit, ces représentations ne sont pas « subversives », elles sont au contraire en plein dans la norme (le porno ou les clips vidéos en sont sursaturés, ainsi que tous les autres médias). Etes-vous d’accord avec ça ?  »

    Oui

    « Après il y a peut-être d’autres choses dans ce film (comme ce qui vous y a plu : « L’angoisse des villes moyennes, des études suivies sans conviction aucune, la grisaille des vies ordinaires recolorée à coup de comportements autodestructeurs (sexe, alcool, drogue, violence), un avenir qui sera au mieux celui d’un ou une employé-e de bureau ordinaire… », etc.). Je ne dis pas qu’il n’y a pas ça dans Springbreakers (je ne sais pas je ne l’ai pas vu 🙂 ). Mais en ce qui concerne la représentation qu’il donne des femmes et de leurs fantasmes, n’êtes-vous pas d’accord avec l’analyse de Julie ?  »

    Ben justement non.
    Mais c’est toute la question de représenter en grosso modo deux heures de film ce qui de fait existe, sans l’ériger en modèle, sans essentialiser l’éventuel groupe humain auquel se rattache les personnages représentés. En faisant dans les clichés là, le white trash complètement dégénéré du Mississipi ou du Missouri ou de je sais quel état américain, ça existe. Bon est ce que représenter ce type de gens, de leurs pratiques qu’on approuve pas forcément, sans faire ni l’apologie normative, ni la condamnation cliché, c’est possible ? Je pense que oui on peut y arriver, et pour moi l’exemple number one pour ça, c’est Cold Case avec Lily Rush.
    Maintenant, est ce que Korine ressort toutes les représentations habituelles sur les filles ? Pour moi non. Les images sont polysémiques, et c’est pas parce que « bikini-filmé-par-un-mec-hétéro » que c’est une autre de ces dites représentations.
    Dans le même sens, je me demande comment faire un film sur le viol (bon j’ai pas souvenir d’en avoir vu donc si vous avez des pistes) sans sombrer dans la rape culture ordinaire… Comment filmer la violence conjugale sans créer un archétype de la demoiselle en détresse, de la femme toute fragile qu’il faut plaindre ?

    Et enfin pour terminer sur une note plus légère. Ce film est bien parce que les personnages joués par Vanessa Hudgens et Ashley Benson sont des fans de My Little Pony – Friendship is magic (tiens une analyse politique de MLP-FIM ca pourrait être pas mal)…

    • Ok, j’ai l’impression qu’on est d’accord sur pas mal de choses. Je reviens juste sur les points où j’ai l’impression qu’on ne se comprend peut-être pas, ou sur lesquels on est peut-être pas d’accord :

      1/ Sur le féminisme

      J’ai l’impression que vous pensez (mais peut-être que je me trompe, car je n’arrive pas bien à comprendre exactement ce que vous pensez sur la question, dites-moi si c’est le cas) que la compatibilité entre « désirs de bites et de pilonnage » et féminisme ne peut exister que si on a des positions féministes « prosexe » ou « proporno » (j’y vais avec des guillemets car utiliser ce genre d’étiquettes est un peu casse gueule). Or, pour moi, on peut être « féministe radicale » (que j’oppose aux « pro-sexe » ou « pro-porno ») et avoir ce genre de désir, et sans que ce soit « contradictoire ». Au sens où nos désirs et nos fantasmes, à mon avis, on ne les choisit pas comme on choisit nos positions politiques. Il y a à mon avis une plus grande part qui nous échappe dans les désirs et les fantasmes, car on a tellement été exposé-e-s à des normes hétérosexistes/phallocentrées/patriarcales depuis notre enfance qu’il est à mon avis très difficile (voire peut-être impossible) de se dire : « ouais je vais changer de désirs et de fantasmes, parce que ceux-là ne me plaisent pas ».

      Du coup, personnellement, je pense qu’il vaut mieux distinguer au maximum les deux niveaux. Le niveau des désirs et des fantasmes, on y peut pas grand-chose, alors que le niveau des représentations/discours qui nous ont martelé que ces désirs et ces fantasmes étaient la panacée ça on peut y changer quelque chose (pour les générations futures notamment je veux dire).

      Donc pour moi il n’y a pas de nécessité à être féministe « pro-sexe » ou « pro-porno » pour dire que des femmes ont le droit d’avoir les désirs et les fantasmes qu’elles veulent (dont « aimer la bite ou le pilonnage ») et dire aussi à côté de ça qu’il faut combattre l’hégémonie de telles représentations. Est-ce que vous êtes d’accord ? Peut-être que je me répète, mais j’ai l’impression que j’étais pas clair ? (en même temps j’ai pas l’impression de l’être vraiment plus là :-))

      2/ Sur les films

      Personnellement, je pense que la question importante quand il s’agit des représentations qui véhiculent Springbreakers, ce n’est pas tant « est-ce que les femmes sont essentialisées dans ce film en particulier ?». Parce que j’ai l’impression que ça dépasse ce film. Je pense en effet que l’une des manières d’essentialiser ou de naturaliser un « groupe humain » c’est que ce groupe humain soit toujours associé aux mêmes désirs dans l’immense majorité des représentations qui circulent dans la société en général. Or j’ai l’impression que c’est le cas pour les représentations véhiculées par Springbreakers. Le problème pour moi, c’est pas juste Springbreakers, c’est l’immense entreprise de naturalisation et d’essentialisation de certains désirs et fantasmes féminins dans toutes les représentations qui circulent dans notre société. Springbreakers n’est problématique que parce qu’il apporte une pierre de plus à cela (une pierre d’un style apparemment un peu particulier, puisqu’elle essaie en même temps de se faire passer pour autre chose qu’elle n’est, pour une dénonciation de ces représentations sexistes (c’est ce que j’ai cru comprendre de ce que j’ai lu du film du moins)).

      Après, pour répondre à ça, vous dites : Korine ne ressort pas ces mêmes représentations sexistes, « parce que les images sont polysémiques ». Mais je ne comprends pas vraiment ce que ça change. Si elles sont polysémiques, c’est qu’elles ont plusieurs sens, dont le sens sexiste que Julie a parlé j’imagine. Du coup il y aurait par exemple un premier niveau de sens où ce sont juste des nymphettes en bikini qui disent aimer la bite. Mais quel est l’autre sens selon vous ? Et est-ce que ce second sens (s’il existe) annule le premier ?

      Merci beaucoup sinon pour le conseil sur les white trash (« Cold Rush », que je ne connais pas du tout). Et après pour la question sur le viol et la violence conjugale je vais y réfléchir pour essayer de dire le moins d’âneries possibles, mais ce sont des questions que je trouve aussi très intéressantes.

      Merci en tout cas pour vos commentaires qui sont toujours très intéressants.

  22. Pour le premier point:

    Non ce n’est pas ce que je veux dire. Je m’exprime vraiment mal. Ce que je souhaite vous faire comprendre (bon c’est purement empirique), c’est que j’ai l’impression qu’il y aussi une instance de censure au sein du mouvement féministe contre ces filles en partie accusées de faire le jeu du patriarcat.
    J’ai dit que je savais pas quoi penser d’un certain courant féministe prosexe et proporno. Dans le cas de la niche du porno féministe et lesbien, c’est toujours très souvent au final des mâles qui consomment ces films. Je peux aussi prendre l’exemple des Suicide Girls qui alors qu’à la base c’est sensé être des filles différentes des canons et des normes (punks, emos, goths…), au final dans les parties payantes c’est plus que du porno standard avec la fille qui se touche pour ceux qui materont les photos. J’ai aussi l’impression d’un coté très libéral genre « vendre son corps comme on l’entend » alors que malheureusement la prostitution c’est rarement un choix.
    Ou tiens pour parler des filles qui donc « aiment la bite », qui « jouissent du regard des hommes toussatoussa », j’ai aussi l’exemple d’un site comme Chive avec les filles qui toutes seules se prennent en photo dans des poses sexys et les balancent d’elles même sur internet…

    Sur le deuxième point:
    Ce que la polysémie change ? Ben tout en l’occurrence. L’image ne se limite pas à simplement la satisfaction du regard masculin. Moi j’y vois un certain groupe de filles qui performent leur genre. C’est bien, c’est pas bien, quelle part du libre arbitre dans un systeme de conditionnement social, c’est un long débat. Des filles qui, comme il y en a (sans pourtant constituer la majorité du genre) se repaissent du regard des hommes et jouent des « armes » physiques que la société leur demande d’utiliser; tout cela un peu dans l’optique des comportements à risque dont j’ai parlé plus haut. Ces comportements à risque sont la ligne de fuite qui permet d’oublier la grisaille quotidienne.

    C’est d’ailleurs aussi comme ça que ça marche les spring break (même si je pense qu’il y a des trucs bien glauques et horribles comme des viols dont on ne parle pas et qui se déroulent durant les SB)

    Sinon une simple précision, c’est Cold Case http://fr.wikipedia.org/wiki/Cold_Case_:_Affaires_class%C3%A9es .
    Et on est pas que dans le white trash, mais on visite aussi les basfonds des quartiers blacks, latinos, la classe moyenne, la haute bourgeoisie.
    J’aime parce qu’il y a pas ce fameux MAL absolu, les meurtres c’est souvent comme dans la vraie vie, des gens « normaux » dont la vie a basculé d’un coup. J’ai revérifié, il me semble que sur plus de 120 épisodes, y’a que 2 psychopathes… Et pas des Charles Manson hein, plus des Ted Bundy ou des Dahmer, des mecs invisibles….
    Les personnages féminins principaux (Lily Rush, blanche et blonde, « survivante », ex alcoolique et fille d’une mère alcoolique / Kate Miller black, mère célibataire divorcée d’un membre de gang; sont des battantes).
    Juste vite fait ce qu’en dit Wiki:

    Scotty Valens : natif de Spring Garden, l’un des quartiers de Philadelphie, il rejoint sur le tard l’unité de Lilly Rush au sein du bureau des homicides. Sagace instinctif, expert en ‘cuisinage’, un garçon bon mais complexe : il est le confident de Lilly et son partenaire le plus proche. Parfois arrogant, principalement en raison d’un sentiment de compétition exacerbé qu’il ressent en arrivant dans le service, sa susceptibilité est souvent porteuse de houle. Son personnage est hanté par de mauvais souvenirs, en effet son grand frère fut victime de viol et lui-même témoin de ce crime. Sa haine envers les pédophiles lui fait parfois perdre tout bon sens. Colérique et violent, tourmenté perpétuel, il a trouvé au sein de l’équipe plus d’une occasion de lever enfin le pied.Il est resté plusieurs années en couple avec Elisa, une amie d’enfance schizophrène. (portoricain)

    John Stillman : ancien Marine et vétéran de la guerre du Vietnam, lieutenant de police, mentor de Lilly et chef de l’équipe et de la brigade. Il est patient, compréhensif et dur quand il faut l’être. Il a des problèmes relationnels avec son ex-femme et sa fille et ne tolère pas qu’on attaque les valeurs militaires même s’il est conduit à enquêter en caserne. (Mais paradoxalement, c’est aussi quelqu’un de très attaché au droits des femmes et des LGBTI, c’est presque l’archétype de la Common Decency d’Orwell)

    Nick Vera : il joue ou plutôt tire profit d’un paradoxe : il a l’allure d’un ‘ gros bœuf ‘, il est en fait sensible et perspicace, peu ouvert à la fantaisie ni aux nuances faciles, il enquête plus volontiers avec sa logique et sa pugnacité qu’avec son flair ou ses coups de cœur. Son mariage a fait naufrage, il demeure blessé et endure mal les affaires où les couples se déchirent.

    Will Jeffries : le vétéran de la brigade et le lien de Lilly avec le passé. Il est sage, doux, diplomate. C’est la mémoire vivante du service. Démonté par la mort de sa femme percutée par un poids-lourd durant l’hiver 1995, il manque de recul si l’enquête met en scène un chauffard. Faux placide, volontiers (gentiment) moqueur, il est très estimé au sein de l’équipe et est le seul auquel John peut lâcher une confidence. Il découvre le corps d’un jeune noir en 1963 dans un parc donc il réussit à résoudre l’affaire, il aide aussi tous ses collègues afin que les enquêtes des meurtres soient résolues. Il devient plus tard le nouveau chef de police car l’ancien chef avait décidé de lui donner sa place.

    J’ajoute que ça suit a fond les évolutions de la société et qu’il y a toujours un message politique assez fort, avec un accent notamment sur le féminisme (avec des enquêtes sur les meurtres de suffragettes, de militants pour le droit à l’avortement , ou plus simplement de femmes qui voulaient s’émanciper de la tutelle masculine), sur les meurtres d’homos, de trans FTM et MTF… Sur le meurtre d’un sympathisant communiste en plein McCarthysme… pendant les luttes des blacks américains… Il y en a aussi un avec une critique luddite du systeme capitaliste (« La balade de John Henry ») etc etc

    Ca change vraiment des séries policières habituelles…

    Enfin bon voila de manière générale…

    • Merci beaucoup pour ces précisions sur Cold Case, vous me donnez envie. Mais je dois vous avouer que j’ai vraiment du mal avec les séries policières (ou films policiers) en général, ce n’est pas du tout le genre de trucs que j’aime regarder. Donc peut-être que je tenterai, mais pas sûr :-). Merci du conseil en tout cas.

      Sur le féminisme, peut-être qu’il existe une telle instance de censure au sein du mouvement féministe, je ne sais pas (comme je vous disais, je ne connais personnellement pas de féministes tenant ce genre de discours, mais ça peut effectivement exister). Je comprends que dans certains contextes il soit intéressant de le pointer, mais comme je vous le disais avant, je pense aussi que ce genre de remarque peut servir à décrédibiliser le féminisme en en mettant en avant ce qui n’en est pour moi qu’une caricature. Et en l’occurrence, ici, sur cette page concernant Springbreakers, j’ai l’impression que cette remarque ne peut avoir que ce deuxième effet. A savoir, sous-entendre : attention votre critique de Springbeakers est une certaine forme de « censure féministe ». Je vous ai déjà expliqué pourquoi je pensais que ce n’était pas du tout le cas. Mais bon, comme je crois qu’on tourne en rond sur ce sujet, j’arrête :-). (j’entends ce que vous dites sur le féminisme pro-porno et pro-sexe qui, de ce que j’en connais, me laisse très dubitatif aussi sur beaucoup de points, mais je ne connais pas assez exhaustivement le sujet pour en parler, donc je ne me prononce pas dessus non plus).

      Sur Springbreakers, vous dites que l’image « ne se limite pas à simplement la satisfaction du regard masculin ». Donc vous pensez qu’il y a autre chose, mais qu’il y a donc aussi, avant cet autre chose, un premier niveau un premier niveau de lecture absolument et indubitablement sexiste avec des nymphettes en bikini qui aiment la bite. Vous êtes d’accord qu’il existe ce niveau ?

      Vous y voyez quant à vous un second niveau où « des filles performent leur genre ». Mais est-ce que vous pensez que la majorité des gens lisent ce film ainsi. Est-ce que ce n’est pas plus une interprétation que vous feriez vous du fait de vos convictions proféministes ? Je ne dis pas que vous déformez le film, il y a sûrement des éléments dans le film qui permettent de faire une telle lecture (j’imagine en tout cas). Mais est-ce qu’on n’a pas là à faire du coup à un film qui tente de jouer sur deux tableaux ? Un film qui reste profondément ambivalence pour ramasser plusieurs publics différents. Et qui ne rechigne pas, pour cela, à faire jouer à fond (et donc à contribuer à reproduire) des représentations sexistes ? (je sais pas, j’ai pas vu le film, mais je vais finir par le regarder si ça continue pour arrêter de parler dans le vent… :-)). Etes-vous juste d’accord avec ça ?

      Et après, juste parce que je ne comprends pas bien ce que ça veut dire, qu’est-ce que vous entendez exactement par « des filles qui performent leur genre » ? Est-ce que vous diriez la même chose de filles qui tournent dans des pornos classiques ou dans des clips sexistes genre le dernier Robin Thicke. Est-ce que vous diriez en regardant ce genre de choses que ce sont « des filles qui performent leur genre » ? Et si non, quel différence alors avec les filles de Springbreakers ? (c’est pas du tout une question piège, mais juste pour essayer de mieux comprendre ce que vous voulez dire par là).

    • @Paul Je pense que Cold Case il y a moyen que ça te plaise. C’est effectivement une série policière très différente des autres. Les victimes sont souvent mises en avant avec une mise en contexte historique. Souvent les victimes sont des personnes qui subissent la discrimination et meurent pour cela et l’enquête les réinscrit dans histoire et leur rend un peu la vie symboliquement en exerçant la justice. C’est d’ailleurs une manière d’aborder la justice très intéressante, et très différente des séries policières qui sont plutôt dans le registre de la vengeance et pro peine de mort. Ça serait pas mal de faire une critique de cette série ici, car il me semble que ça permettrait de proposer une critique positive et d’aborder énormément de sujets politiques. Je met ça dans un coin de ma tête ; idée d’article pour plus tard.

      @JBJames, pour ta remarque sur la possibilité de faire un film sur le viol qui ne tombe pas dans le cliché ou sur la violence conjugale. Je te conseille « Te doy mis ojos » « Ne dis rien » en français. Un très beau film sur la violence conjugale de Icíar Bollaín. Ce film je pense ne tombe pas dans « l’archétype de la demoiselle en détresse », ni « de la femme toute fragile qu’il faut plaindre », et ne tombe pas non plus dans le cliché par rapport au personnage masculins du mari violent. Les deux protagonistes sont inscrits dans leur histoire familiale et la réalisatrice s’intéresse de manière assez équilibrée aussi bien à Pilar qu’à son époux Antonio.
      Pour le viol j’ai vu récemment sur les conseils de Liam et Paul, « Mysterious Skin » de Gregg Araki. Le film parle de deux enfants victimes et la manière dont Gregg Araki fait comprendre ce qui est en jeu est à mon avis très délicate et ne tombe pas dans les travers que tu cites. Ni dans aucune à mon avis, mais je ne suis peut être pas objective, j’ai vraiment été époustouflée par ce film.
      Je pense que ces deux films ont été fait par des réalisateurEs conscientEs de leur sujet et conscientEs de la portée politique de leur production. Je pense que ça se remarque qu’illes se sont documentéEs, et qu’illes se sont poséEs des questions sérieusement sur ce qu’illes faisaient.
      Pour Spring Breakers je ne peut pas vraiment en parler, j’ai essayé de le regarder, pas tenu plus de 30 minutes. Ça m’a ennuyée assez franchement, la manière de filmer ne me plait pas, et j’ai eu du mal à m’accrocher à une histoire dans ce chaos. J’avais aussi du mal à différencier ces filles les unes des autres et à y voire des personnes individualisées. C’est peut être cela qui caractérise le « Male Gaze » de Korine, le fait de ne pas personnifier assez ses personnages féminins, alors que le personnage masculin semble l’être.

  23. J’ai eu des soucis de connexion, je reviens juste aujourd’hui sur 2 ou 3 choses.

    « Sur Springbreakers, vous dites que l’image « ne se limite pas à simplement la satisfaction du regard masculin ». Donc vous pensez qu’il y a autre chose, mais qu’il y a donc aussi, avant cet autre chose, un premier niveau un premier niveau de lecture absolument et indubitablement sexiste avec des nymphettes en bikini qui aiment la bite. Vous êtes d’accord qu’il existe ce niveau ?  »

    Je n’ai jamais nié ce niveau. Mon seul léger désaccord avec vous et cette analyse, c’est qu’on ne peut pas réduire le film à ce premier niveau.

    « Vous y voyez quant à vous un second niveau où « des filles performent leur genre ». Mais est-ce que vous pensez que la majorité des gens lisent ce film ainsi. Est-ce que ce n’est pas plus une interprétation que vous feriez vous du fait de vos convictions proféministes ?  »

    Non, on s’est pas tout à fait compris. Je vois un film où « des filles performent leur genre », comme dans la réalité. Il y a un paquet de filles qui performent leur genre dans la réalité. On peut le regretter, le dénoncer. On peut aussi justifier leur comportement au nom des normes genrées (c’est pas mon cas si ça vous rassure)…
    C’est tout ce que je dis.

    Et je n’ai pas nié qu’il peut y avoir de l’ambivalence…

    A propos de la performation de genre. J’en parle ici parce que c’est un « vrai » film, avec des personnages, qui ont chacune leurs personnalités, un film qui raconte une histoire etc…
    Tandis que 99% du porno, c’est pardonnez moi l’expression de « l’abattage à la chaine », 0 dialogue, des scénarios navrants et des séquences convenues « la soubrette fait le ménage et quand elle se penche pour nettoyer par terre, le client de l’hotel voit sa culotte, ça l’excite et ils baisent »… Et la femme, même en cas de scène lesbienne (voire surtout en cas de scène lesbienne) est là pour servir de faire valoir à la grosse bite de monsieur le mâââââle.
    Chez Robin Thicke non plus il y a pas d’histoire, juste des filles qui dansent.

    Spring Breakers, c’est l’histoire de jeunes femmes qui utilisent les normes genrées et les injonctions contradictoires que leur inculquent la société, parce que mine de rien, ça apparait comme « normal »; qui jouent avec elles tout au long de leur descente aux enfers. Et puis bon dans SpringBreakers, au contraire des pornos ou de Thicke, y’a pas que soit des scenes de sexe conventionnelles (pornos), soit juste des filles qui dansent en bikini. C’est ca la différence.

    @Meg: merci pour les conseils de film.

    • J’ai finalement regardé ce Springbreakers, et comme je le pressentais, ce n’est vraiment pas un film pour moi… J’entrevois la dimension qui vous a « parlée » (« L’angoisse des villes moyennes, des études suivies sans conviction aucune, la grisaille des vies ordinaires recolorée à coup de comportements autodestructeurs (sexe, alcool, drogue, violence) » etc.). Ce sont des trucs qui ne me parlent pas du tout du fait de mon histoire personnelle, mais je me doute que ça peut parler à d’autres gens (même si j’ai l’impression, d’un point de vue extérieur, que c’est un film quand même assez pauvre à ce niveau).

      Après, pour ce qui est de la représentation des femmes, je vois beaucoup plus difficilement comment ce film peut être défendable à partir d’une position qui se veut un minimum féministe. Et je rejoins sur ce point ce que dit Julie dans sa brève.

      J’ai l’impression que la seule chose qui distinguerait ce film d’une pub pour le « Spring break », c’est la tonalité un peu désillusionnée de la mise en scène à certains moments. Pour moi, ce procédé s’apparente à une ambivalence typique d’un certain cinéma d’auteur, qui permet de ratisser large au niveau des publics en tenant en même temps des propos multiples, voire contradictoires. Ici j’ai l’impression qu’on peut soit jouir de l’ambiance Spring Break, de la sexualisation des femmes, du côté « expérience limite », etc., soit voir tout ça comme un symptôme d’une société malade, d’une génération paumée, ou je ne sais quoi d’autre (ce que ne se sont pas privés de faire certains critiques français prestigieux). On peut aussi faire les deux lectures en même temps bien sûr. Mais bon, je ne développe pas sur l’ambivalence, puisque vous m’avez dit que vous étiez d’accord sur l’idée.

      Par contre, j’ai encore un peu de mal à saisir votre vision du film comme « des filles qui performent leur genre ». Je ne comprends pas bien cette expression. J’ai l’impression que, pour vous, ce qui distingue une telle « performation » du simple fait d’incarner tout simplement les rôles genrés qu’on nous a inculqués, c’est le fait de «jouer avec » les normes genrées, de les « utiliser ». Mais je ne vois pas en quoi ces filles-là se distinguent de toutes les autres personnes que l’on voit s’amuser durant le Spring Break. Elleux-aussi performent leur genre alors, non ? Dans ce qu’on en voit dans le film, j’ai l’impression que tout ce monde s’amuse beaucoup, avec d’un côté les garçons qui surjouent à outrance leur virilité, et les filles qui surjouent leur féminité. Du coup j’ai un peu de mal à voir cette « performation » des héroïnes comme quelque chose de subversif ou d’intéressant (en tout cas de plus intéressant que toute cette immense manifestation qu’est le Spring Break). Est-ce que vous trouvez que ce que font tous ces ados pendant le Spring Break est de la « performation de genre » aussi ? Et si oui, en quoi trouvez-vous ça cool ? (je précise que je n’ai rien contre la « performation de genre » en soi, mais que je m’interroge juste sur la « performation de genre » dans ce film, sur le sens que vous donnez à cette expression ici).

      En plus, ce qui me gêne beaucoup là-dedans, mais que vous semblez vouloir évacuer, c’est le fait qu’on est pas là devant des filles qui se mettent elles-mêmes en scène, mais devant le film d’un type qui a mis des filles en scène de cette manière. Et pas n’importe quelles filles : des « bébés Disney » comme vous dites. A mon avis ce n’est pas anecdotique. Comme je l’ai déjà dit, j’ai l’impression qu’il y a une différence entre des filles réelles qui feraient ce genre de trucs, et le film d’un type qui montre des filles faire ce genre de trucs. Dans le premier cas, c’est la réalité, dans le deuxième c’est une représentation de la réalité, une représentation qui est diffusée à grande échelle et qui véhicule par là, qu’elle le veuille ou non, des normes (patriarcales). Je crois que je n’arrive pas bien à être clair. Mais est-ce que vous voyez ce que je veux dire ?

      Sinon, juste en passant, vous dites qu’il y a plus d’histoire ici que dans un porno et que les filles ont chacune leur personnalité. Mais l’histoire me semble résumable en deux lignes, et les filles complètement interchangeables, comme dans du porno (c’est flagrant pour les deux dernières, et les deux autres n’ont pas vraiment une personnalité très approfondie je trouve). En résumé, j’ai personnellement pas eu l’impression qu’on était beaucoup plus haut que du porno ou que le clip de Robin Thicke…

      • Il y a des moments où les rôles sont renversés, dans ce film: notamment lors de la scène du casse. Ce sont les filles qui mènent ici la danse, ce sont elles qui terrorisent. Et ce sont des noirs qui subissent, qui sont les victimes (alors que dans d’autres films, souvent, ils sont représentés comme des voyous).

        Je ne dis pas que ça enlève les aspects négatifs que vous citez, mais comme personne ici n’en a parlé…

  24.  »

    Par contre, j’ai encore un peu de mal à saisir votre vision du film comme « des filles qui performent leur genre ». Je ne comprends pas bien cette expression. J’ai l’impression que, pour vous, ce qui distingue une telle « performation » du simple fait d’incarner tout simplement les rôles genrés qu’on nous a inculqués, c’est le fait de «jouer avec » les normes genrées, de les « utiliser ». Mais je ne vois pas en quoi ces filles-là se distinguent de toutes les autres personnes que l’on voit s’amuser durant le Spring Break. Elleux-aussi performent leur genre alors, non ? Dans ce qu’on en voit dans le film, j’ai l’impression que tout ce monde s’amuse beaucoup, avec d’un côté les garçons qui surjouent à outrance leur virilité, et les filles qui surjouent leur féminité. Du coup j’ai un peu de mal à voir cette « performation » des héroïnes comme quelque chose de subversif ou d’intéressant (en tout cas de plus intéressant que toute cette immense manifestation qu’est le Spring Break). Est-ce que vous trouvez que ce que font tous ces ados pendant le Spring Break est de la « performation de genre » aussi ? Et si oui, en quoi trouvez-vous ça cool ? (je précise que je n’ai rien contre la « performation de genre » en soi, mais que je m’interroge juste sur la « performation de genre » dans ce film, sur le sens que vous donnez à cette expression ici).  »

    Qui a dit que « performer son genre » c’était « subversif », « cool » ou je sais pas quoi encore ? Tout ce que je dis, c’est que ça existe dans la vie, qu’il y a des filles ou des mecs qui font ça…
    Comme il y a des gens qui refusent de le faire…
    Et ce n’est pas parce que c’est pas forcément génial de performer son genre que du coup, on va pas filmer des personnes qui le font.

    Pour le reste, je ne suis pas d’accord, mais bon ce n’est pas grave.
    Je ne vois pas pourquoi la représentation de filles en bikini par un homme, serait obligatoirement du patriarcat. Je connais pas Korine, donc dans son cas c’est peut être vrai, mais pour moi, ça ne prouve rien.
    Je ne suis pas d’accord non plus pour résumer le film à deux lignes comme vous, ni considérer que les filles sont interchangeables. Mais bon je pense qu’on a pas forcément le même passé, qu’on ne sort pas du même milieu ou environnement social, et que d’ailleurs, on n’est pas dans le même monde. C’est pas un jugement de valeurs hein…

    Sinon rien à voir mais j’ai trouvé ça:
    http://www.huffingtonpost.fr/stefanie-williams/filles-salopes_b_3793624.html
    Quelqu’un connait cette série « Newsroom » ?

    • Oui, on n’est effectivement pas d’accord, mais c’est pas grave :-). J’essaie une dernière fois d’expliciter ma position (au risque d’être encore une fois à côté de la plaque quand j’essaie de comprendre la vôtre…).

      « Je ne vois pas pourquoi la représentation de filles en bikini par un homme, serait obligatoirement du patriarcat. Je connais pas Korine, donc dans son cas c’est peut être vrai, mais pour moi, ça ne prouve rien. »

      Pour moi, il n’y a pas besoin de connaître Korine pour faire une analyse politique des représentations véhiculées par Spring Breakers, le film suffit.

      Je ne cherchais pas à faire une généralisation du type « une représentation de filles en bikini par un homme est en soi sexiste », je cherchais juste à attirer l’attention sur le fait que ce film n’est pas un enregistrement neutre de la réalité mais, comme tout film, une construction. Je faisais cela parce que vous me semblez sans cesse refuser d’analyser Spring Breakers comme une représentation, mais que vous en parlez toujours comme s’il s’agissait de la réalité (en disant par exemple que des gens comme ça, ça existe », etc.). (Peut-être que la raison à cela est que ce film fait écho à des choses réelles de votre vie, qui vous parlent particulièrement, je ne sais pas…).

      Pour moi, ce genre de d’arguments est dépolitisant, au sens où ils réduisent les films à un « reflet » de la réalité, en minimisant le rôle normatif, politique, qu’ont les films, leur action sur nos imaginaires, etc. (je le dis mal car je suis fatigué, j’espère que vous voyez ce que je veux dire). Pour moi, c’est comme si vous répondiez à quelqu’un-e qui vous dit que La Chasse est un film masculiniste : « Mais des histoires comme ça, ça existe, il y a des hommes qui souffrent à cause de leur ex-femme qui les empêche de voir leur fils, et je ne vois pas du coup pourquoi il ne faudrait pas filmer des gens comme ça ». Vous voyez en quoi cette invocation de « la réalité » peut être dépolitisante ? Car pour moi, rien que le fait de choisir de filmer telle chose plutôt que telle autre est déjà un choix politique. Donc juste dire « pourquoi ne pas filmer ça vu que ça existe », c’est évacuer des questions du genre : qui décide de filmer ça ? pourquoi filmer ça plutôt qu’autre chose ? comment ces choses sont filmées, mises en scène ? à destination de quel(s) public(s) ? etc.

      Si l’on prend par exemple les scènes où les filles de Spring Breakers se roulent des patins ou se dénudent un peu dans le couloir en chantant « on se déshabille » et en remuant leurs fesses. Ce ne sont pas des vraies filles qui sont en train de faire ça, mais c’est un mec qui a demandé à des filles de faire ça, et qui les filme en train de faire ça, en faisant très souvent des gros plans qui morcellent leurs corps, etc. Et étant donnés les retours que j’ai pu avoir de ce film, j’ai l’impression que toutes ces images étaient avant tout destinées à un public masculin (en tout cas, la majorité de retour positifs que j’ai eu sur ce film venaient d’hommes).

      Après, comme je le disais, je pense qu’il faut aussi remettre ce film dans l’ensemble des représentations qu’on nous donne des femmes dans les médias en général, sous peine encore une fois de dépolitiser l’analyse du film. Or, pour moi, Spring Breakers mobilise le même genre de représentations sexistes que l’on trouve dans le porno, les clips, ou plein d’autres films. Qu’il y ait autre chose, c’est possible. Mais cela n’enlève pas le fait que Spring Breakers véhicule les mêmes normes que le porno classique.

      Mais bon, j’arrête, parce que j’ai l’impression qu’on ne sera pas d’accord. Ce qui n’est pas grave of course.

      Bonne soirée, et désolé encore si je déforme ce que vous dites parfois (ce n’est pas intentionnel, c’est juste que j’essaie de comprendre, car j’ai l’impression qu’on a pas mal de positions politiques communes, et du coup ce désaccord sur Spring Breakers m’intrigue…). Mais j’arrête avec ce film maintenant, promis 🙂

  25. Il n’y a pas de problèmes, c’est mieux s’il y a du débat et même « de l’affrontement », ça force à affiner ce qu’on veut dire, même si on sait qu’on ne tombera pas d’accord.

    Après je ne suis pas sûr que ca soit dépolitisant que ça. Le cinéma pour moi ne doit pas se limiter à un simple reflet sous le prétexte de l’existence de X ou Y représenté dans le film. Mais pour moi déjà, le film ne se résumant pas aux nymphettes qui ondulent en bikini… C’est presque accessoire pour moi… Il y a une histoire et une atmosphère à coté…

    Et c’est pas comparable à la chasse… L’histoire du mâle, du gentil mec lambda, opprimé par une société totalement féminisée… Ca pourrait me parler dans de la sf… Ou éventuellement dans certains pornos avec des dominatrices et des soumis… Mais sinon non… Ca existe pas, une société controlée par les femmes qui émasculent symboliquement les hommes… qu’il y ait des histoires de couples qui partent en quenouille, oui, que des mecs en souffrent oui, pas de problème. Qu’il puisse même y avoir des épouses mythomanes qui accusent le mari d’inceste pour garder les enfants, peut être… Mais ca ne fait pas systême comme dans le film la chasse…
    Et je vois aussi surtout dans ce film, venu de scandinavie, une attaque frontale contre les « gender studies » sur lesquelles les politiques publiques dans ces pays s’appuient bien plus que chez nous….

    Après peut être que ma position est incohérente et intenable, mais ce sera à moi de le découvrir, à plus ou moins long terme… Je suis aussi par moments très buté…

    Et ne vous inquiétez pas pour le dernier paragraphe: On trouve toujours plus de raison de s’engueuler, de polémiquer, de faire une montagne d’une virgule avec ceux dont on est les plus proches politiquement. C’est une règle, limite c’est gravé sur les Tables de la Loi de Moïse… ^^

  26. « La chasse » n’est pas seulement un film contre les théories du genre (dit aussi « GENDER », à prononcer « Jean Dair » ou « DJèïne Deur » selon le mauvais accent de circonstance soit vieux curé catholique, soit étudiant d’Assas avec t-shirt de la « manif pour tous » bleu ou rose) : c’est un violent réquisitoire masculiniste avec un message clair : « la figure de l’autorité paternelle est en danger », et pas n’importe laquelle : celle d’un instit qui plus est. Le sous-entendu est évident « aujourd’hui à cause du féminisme, la vie des hommes peut être détruites en les accusant à tord de pédophilie ». Les films de cet acabit sont d’ailleurs monnaie courante ces dernières années, du moins comparé aux films qui dénoncent explicitement la pédophilie ou la culture du viol par exemple (légèrement plus omniprésente que le risque d’être accusé à tord de pédophilie). Ah mince, on ne pas comparer vu qu’il n’y en a pas ou presque… Ce que j’entends par masculiniste personnellement, c’est le fait (pour reprendre à peu près la définition de léo thiers vidal) que tout le discours d’un film soit centré autour des inquiétudes, préocupations et souffrances masculines. Anecdote révélatrice du propos : le film a été primé à Cannes pour son interprétation masculine. Est-il besoin de préciser que la production n’est autre que Zentropa prod, appartenant à Lars Van Trier. Quoi d’étonnant en effet quand on connait un peu le personnage, ses films dont les portraits de femmes mortifiées et affligées relève des clichés les plus misogynes (Dogville, Dancer in the dark, Melancholia…), ainsi enfin ses frasques où il s’amuse à dire (pour rigoler biensur) qu’il est un peu nazi. C’est sans doutes de l’humour scandinave, n’est-ce pas ? J’en profite pour charger un peu Lars Von Trier, mais il me semble remarquablement emblématique de ce cinéma pseudo-révolutionnaire de soit disant « génie incompris » qui sombre au final dans le glauque, le morbide, la provocation romantique, le post-modernisme le plus baroque, etc… Tout ça sur un fond de trame finalement pas très claire mais qui fleure bon les discours réactionnaires de la petite bourgeoisie décadente qui dissèque ses états d’âme et ses angoisses de dominants. J’éprouve un profond malaise devant ce type de cinéma parce que j’ai l’impression qu’on joue avec mes ressentis et qu’on essaie de m’apitoyer sur des problèmes qui ne sont pas les miens (même si arg!, pourtant, je suis un mec blanc relativement angoissé). Même si après celà, blague à part, je n’ai rien contre le cinéma scandinave. J’ai d’ailleurs aimé « Millenium », que j’ai trouvé au contraire plutôt original vis à vis des représentations traditionnelles masculines et féminines. Contrairement au remake de Fincher qui en fait justement un navet post-moderne regorgeant de surenchère et de remise en ordre aux niveaux des codes de répartition sexiste des rôles traditionnels en feignant de les transgresser. Mais je ne sais pas trop comment on en est arrivé-e-s là à partir de la brève sur Spring Breakers.

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