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2014, l’année du patriarche (I) : qu’est-ce qu’on ferait sans papa ?

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A l’heure du bilan, 2014 apparaît comme une année particulièrement réactionnaire pour le cinéma français. A côté du racisme décomplexé de la comédie Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, les films virilistes et masculinistes[1] ont déferlé sur nos écrans d’une manière qui me semble très alarmante. Pour donner une idée de cette intensification des discours réactionnaires sur les rapports de genre, je vais passer en revue dans cet article trois des nombreux films français sortis l’année dernière qui mettent en scène des figures paternelles d’une manière que je trouve extrêmement problématique d’un point de vue politique, à savoir Fiston, Mea Culpa, et De toutes nos forces (deux articles à venir seront consacrés à d’autres films à la gloire des papas sortis la même année : les Avis de Mistral, Salaud, on t’aime, Casse-tête chinois, Vie Sauvage, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, etc.).

Les trois films dont je vais parler ici racontent l’histoire d’un père « en crise » qui finit par retrouver sa place de patriarche en (re)nouant une relation virile avec son fils. Comme on va le voir, ces films versent abondamment dans le masculinisme, avec leurs portraits d’hommes en souffrance qui ne parviennent à reprendre le contrôle de leur vie qu’en retrouvant leur virilité et leur place de dominant : Franck Dubosc qui retrouve son inspiration d’écrivain génial après avoir joué le rôle de « maître en séduction » pour Kev Adams dans Fiston, Vincent Lindon qui retrouve sa place de patriarche en protégeant femme et enfant à coup d’ultra-violence dans Mea Culpa, et Jacques Gamblin qui devient un papa parfait pour son fils et reconquiert sa femme en réalisant un exploit sportif dans De toutes nos forces.

Comme on le verra dans les articles qui vont suivre, ces films sont loin d’être les seuls à avoir chanté la gloire des patriarches pendant cette année 2014. A mon avis, l’intensification des discours masculinistes et virilistes que l’on observe entre autres dans ces films est une réaction directe aux quelques avancées égalitaires que furent par exemple le projet de programme d’enseignement « ABCD de l’égalité » proposé par Najat Vallaud-Belkacem ou la « loi de 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ». Loin de n’être que de purs divertissements, ces films réaffirment les valeurs patriarcales et hétérosexistes, et contribuent au climat masculiniste qui règne aujourd’hui en France (dont témoignent par exemple la médiatisation sans précédent d’un Eric Zemmour ou d’une association telle que SOS Papa, ou encore l’existence paisible de revues telles que Lui[2], Causeur[3] ou Beef[4]).

Fiston : « si j’avais eu un fils, j’aurais aimé qu’il te ressemble »

Fiston, c’est avant tout une belle histoire d’amitié masculine (c’est vrai qu’on en manquait…). Alex (Kev Adams) et Antoine (Franck Dubosc) n’étaient pas vraiment voués à se rencontrer et encore moins à s’entendre, notamment en raison du fossé générationnel qui les sépare. Mais les circonstances vont les rapprocher et faire d’eux les meilleurs potes du monde. Comme l’indique le titre du film, cette amitié prend la forme d’une relation père/fils, dans laquelle le père et le fils apprennent chacun l’un de l’autre et parviennent ainsi à résoudre leurs problèmes existentiels (c’est-à-dire leurs problèmes avec les femmes, car les problèmes des hommes ils viennent au fond tous un peu de là, n’est-ce pas…).

C’est qu’ils souffrent ces pauvres hommes au début du film. Le jeune Alex parce qu’il est obsédé depuis l’âge de 5 ans par une fille « trop belle pour lui » qu’il ne trouve pas le courage d’aborder. Et le vieux Antoine parce qu’il a perdu son inspiration d’écrivain génial depuis que l’amour de sa vie l’a plaqué il y a 20 ans de cela. Mais en unissant leurs forces, les deux hommes vont enfin réussir à reprendre le contrôle de leurs vies.

papa01Faire équipe pour combattre l’emprise que les femmes ont sur nous et reprendre le contrôle de nos vies

Commençons par Alex. Celui-ci cherche à rencontrer Antoine au début du film parce qu’il espère apprendre de lui des techniques qui lui permettront de séduire la fille de ses rêves, Sandra Valenti. Et si Antoine est l’homme le plus qualifié en la matière, c’est parce qu’il avait jadis réussi à séduire la mère de Sandra, qui « était à l’époque aussi belle que sa fille » nous dit-on (car, à la différence des hommes, les femmes commencent à faner à partir d’un certain âge…). Apparaît d’ores et déjà un présupposé hautement progressiste de ce scénario écrit, ô surprise, par un homme (sans aucun doute au sommet de son génie), à savoir l’idée selon laquelle les femmes auraient un peu toutes la même psychologie, en particulier lorsqu’elles ont un patrimoine génétique en commun (celui qui a tombé la mère sait comment tomber la fille).

Parce qu’effectivement, Alex va bel et bien réussir à séduire Sandra en suivant les conseils de son maître en séduction. Celui-ci apprend d’abord à son disciple les fondements de la mécanique sur sa vieille Alpha Romeo, parce que les hommes qui s’y connaissent en voiture, ça a toujours fait tomber les femmes (y a des choses comme ça qui semble presque intemporelles, comme gravées dans l’ADN féminin…). Et en effet, les conseils de papa porteront leurs fruits, puisque Sandra sera absolument fascinée par les compétences de notre jeune héros.

papa02papa03Mmmm, comme c’est sexy un homme qui répare un moteur

En même temps qu’il l’initie aux secrets de la mécanique, Antoine lui apprend également à se durcir un peu. Parce qu’on ne séduit les femmes que quand on est un homme, et un homme c’est pas une chiffe molle qui se décourage à la première résistance qu’il rencontre. Cette éducation à la virilité se fera à coup d’humiliations, qui vont du saut de pisse balancé sur la figure aux multiples baffes infligées au jeune héros tout au long du film. Bien évidemment, ces humiliations répétées sont censées être drôles… c’est tellement hilarant de voir quelqu’un user de son autorité pour violenter et rabaisser les autres. Après tout c’est bien normal, il est un peu comme son père, et la violence des pères ça n’a jamais tué personne… euh, wait !…[5]

papa04Je vais te dresser à être un dominant moi, tu vas voir

Sous le patronage d’Antoine, Alex va apprendre à persévérer et à vaincre sa timidité en s’entrainant sur d’autres filles. Parce que c’est pas facile de séduire une fille de nos jours, maintenant que les femmes ont pris le pouvoir à cause des féministes. Le pauvre Alex se retrouve ainsi la tête écrasée dans une barquette de frites parce qu’il a dragué trop lourdement des filles dans un restaurant. La dure condition de l’homme moderne…

papa05Les déboires du mâle contemporain[6]

En plus de verser dans le masculinisme en présentant les hommes dominés par des femmes toutes puissantes, le film légitime des comportements absolument intolérables en les présentant comme amusants, voire même séduisants. En effet, Alex passe son temps à « stalker[7] » les femmes qu’il veut séduire, et va même jusqu’à s’introduire dans la chambre de Sandra pendant son sommeil pour se prendre en photos avec elle et lui couper une mèche de cheveux. Or, comme la jeune fille de la banque qui craque pour Alex parce que c’est si trognon un mec qui vient te « stalker » sur ton lieu de travail, Sandra pardonnera elle-aussi immédiatement à Alex d’être ainsi entré dans sa chambre sans son consentement. Et cette agression est même excitante à ses yeux, puisqu’elle « s’offre à lui » (selon les mots du film) juste après avoir découvert l’identité de son mystérieux agresseur.

papa06C’est quoi tout ça ? Non seulement tu me stalkes depuis 10 ans, mais en plus c’est toi qui t’es introduit dans ma chambre pendant mon sommeil pour me couper les cheveux ??!!

papa07Mais t’es un mec trop cool alors ! Allez vas-y couche avec moi tout de suite !

Finalement, au moment où Sandra « s’offre à lui », Alex se rend compte qu’il ne veut pas coucher avec elle car il était « moins amoureux d’elle que de l’idée qu’il se faisait d’elle ». En comprenant qu’il ne poursuivait qu’un fantasme, une « chimère », Alex se libère ainsi de l’emprise de Sandra, et peut aller retrouver celle dont il était vraiment amoureux (la jeune fille de la banque). Pointer du doigt les fantasmes dans lesquels les hommes enferment les femmes aurait pu être intéressant si le but avait été de montrer les souffrances qui en découlent pour les femmes (qui sont tout de même, rappelons-le, les premières à en pâtir). Sauf que le film n’en a strictement rien à faire des femmes, et ne s’intéresse qu’aux « souffrances des hommes » sans jamais sortir de son point de vue androcentré. Par conséquent, le film reconduit ce qu’il critique chez son personnage principal en réduisant les femmes à des fantasmes masculins (en effet, Sandra comme la fille de la banque sont toutes les deux folles d’Alex et de ses comportements oppressifs…).

Si Alex restait ainsi enfermé dans ses fantasmes enfantins, nous explique le film, c’est parce qu’il n’avait pas de papa. Son père est en effet parti de la maison quand il avait 5 ans, âge à partir duquel il a commencé à développer son obsession maladive pour Sandra. Le film insiste bien sur le manque de père dont souffre le jeune homme dans toutes les scènes où on le voit subir les blagues et allusions sexuelles de sa mère, qui l’élève seule. Ce n’est que lorsqu’il trouvera dans chez Antoine une figure paternelle et un modèle masculin qu’Alex pourra enfin devenir un homme. « Je te trouve vachement mature pour quelqu’un qui n’a pas connu son père », lui confie Sandra à la fin, ignorant qu’il doit cette maturité à son père de substitution. Le film verse ainsi dans les poncifs masculinistes affirmant la nécessité d’une présence paternelle pour assurer le bon développement des garçons (rhétorique qui stigmatise les familles s’écartant de la norme hétéroparentale, et qui sert concrètement à justifier en autres l’imposition systématique d’une garde alternée lors d’un divorce ou d’une séparation, comme cherche par exemple à le faire l’association masculiniste SOS Papa[8]).

A la fin du film, Alex est enfin devenu un homme grâce à son papa de substitution. Maître de son destin et libéré de l’emprise des femmes, il domine au volant de son Alpha Romeo, sa jolie conquête sagement appuyée sur son épaule. Le monde merveilleux du patriarcat quoi.

papa08Elle est pas belle la vie de phallocrate ?

De son côté, Antoine retrouve lui-aussi le bonheur grâce à cette relation père/fils. Au début du film, le pauvre homme était vraiment mal en point, isolé du monde au fin fond de sa campagne. Très rapidement, on comprend que la source de sa souffrance est une femme, et plus précisément Monica Valenti (la mère de Sandra). Comme il le dit à Alex, « elle m’a démoli, elle m’a mis en miettes ». Cette égoïste l’avait en effet cruellement abandonné, juste parce qu’il l’avait trompé une ou deux fois. Comme s’il méritait ça le pauvre… Heureusement, maintenant qu’elle a muri, elle se rend bien compte de son erreur. Ben oui, s’il l’a trompé c’était juste « pour se prouver qu’il était toujours libre ou que rien ne pouvait l’atteindre », nous dit-elle. Ben voyons…

Si le film veut bien pardonner à Monica d’avoir quitté Antoine parce qu’il la trompait, il y a quelque chose qu’il ne peut pas lui pardonner : lui avoir caché l’existence de « sa fille »[9]. Parce que ce qui unit un père et un enfant, c’est le lien biologique, les gènes[10]. C’est ça la seule chose importante. Même si un homme n’a fait que contribuer par sa semence à la fécondation entre un gamète mâle et un gamète femelle, même s’il n’a jamais connu l’enfant qui en est finalement résulté (et qu’il n’a pas a fortiori participé à l’éducation de cet enfant), il en est « le père » et possède des droits sur lui. Voilà en résumé les conceptions hautement progressistes que le film véhicule au sujet de la paternité.

On nous montre ainsi la jeune Sandra souffrir de « n’avoir jamais connu son père », et Antoine souffrir de ne l’avoir pas été. Mais heureusement, en devenant le père symbolique d’Alex, Antoine va connaître ce bonheur que les femmes lui ont confisqué. A la fin du film, on le voit retrouver enfin l’inspiration, et commencer un nouveau livre intitulé « Fiston », qui lui a été inspiré par sa relation avec Alex (« si j’avais eu un fils, j’aurais aimé qu’il te ressemble », déclarait Antoine à Alex un peu plus tôt). Mais comme le plus important (avec la solidarité masculine), ça reste le lien biologique, le film se termine tout de même sur la « reconstitution » de cette « famille brisée », pour la plus grande joie de Sandra qui va enfin faire la connaissance de son « papa »…

papa09Coucou ma chérie, c’est moi, papa

papa10Oh maman c’est trop d’émotion, rencontrer un type qui a des gènes en commun avec moi, je crois que c’est le plus beau jour de ma vie

Je ne cherche pas du tout à minimiser ici l’impact psychologique que peut avoir le fait de grandir sans père. Si certaines personnes ayant grandi sans père ne ressentent aucun manque, d’autres si. Mais ce sentiment de manque a une origine purement sociale : c’est parce qu’on nous répète depuis le plus jeune âge que « tous les enfants ont besoin d’un papa et une maman » que certain-e-s peuvent souffrir d’une configuration qui s’écarte de ce modèle. C’est en cela que  Fiston est critiquable : parce qu’il contribue à faire de l’hétéroparentalité, et plus précisément de la présence d’un père, la condition de l’épanouissement pour un enfant.

Finalement, on comprend que si Antoine était si méchant au début, c’était pas de sa faute le pauvre. C’est pas du tout parce que c’était un gros phallocrate qui méprisait les femmes. C’est juste parce qu’il souffrait (d’avoir été quitté par une femme), juste parce qu’il avait peur (d’affronter la femme qui le fait souffrir).

papa11Écrasé par la peur, seul dans sa douleur, l’homme souffre

Heureusement, Alex lui permettra de comprendre l’origine de sa souffrance, et lui donnera le courage de reprendre le contrôle de sa vie. Le fils sauve ainsi le père comme le père a sauvé le fils. Seule la solidarité masculine peut sauver le sacro-saint patriarcat menacé de toutes parts. Amen[11].

Mea Culpa : « on va se les faire, comme au bon vieux temps »

On retrouve une histoire de rédemption similaire (au cours duquel un père abimé regagne sa place de patriarche) dans Mea Culpa, d’un genre bien différent de la comédie qu’était Fiston, puisqu’il s’agit d’un polar très sombre et violent. Le film est centré sur le personnage de Simon (Vincent Lindon), un ancien policier devenu convoyeur de fond suite à un accident aux conséquences tragiques : alors qu’il rentrait du travail avec son collègue et pote Franck (Gilles Lellouche) et quelques grammes d’alcool de trop dans le sang, Simon a percuté une voiture, tuant une femme et un enfant. Après avoir été radié de la police et avoir purgé ses 2 ans de prison, Simon ne parvient pas à reprendre sa vie d’avant. Rongé par la culpabilité, il reste à l’écart de son fils Théo et de son ex-femme Alice, qui tente quant à elle de se reconstruire dans une nouvelle relation. Les choses vont basculer lorsque Théo va être témoin d’un meurtre commis par une mafia particulièrement dangereuse (et pas très française). Simon va alors reprendre les armes pour protéger son fils avec l’aide de son pote Franck. Après plusieurs affrontements ultra-violents avec des membres de la mafia chargés de tuer Théo, Simon neutralise totalement la menace qui pesait sur sa famille, et retrouve par ce moyen sa place de père et de mari.

Le film met donc en scène la réhabilitation d’une figure masculine abimée qui finit par regagner son statut de patriarche à coup d’exploits virils. Simon est au début du film un homme complètement détruit, enfermé dans une spirale de souffrance et d’auto-culpabilisation (que souligne le titre du film). Or, au lieu de nous montrer le père renouer les liens brisés avec sa famille par le dialogue et/ou un travail thérapeutique sur soi-même (donc par des méthodes qui pourraient amorcer une critique de sa virilité et des comportements qui lui sont liés : violence, mutisme, non-expression des émotions, impassibilité, etc.), Mea Culpa préfère montrer l’ultra-violence et l’ultra-virilité comme des moyens pour le héros de reconstruire une relation saine avec ses proches et avec lui-même.

Non seulement ce scénario se montre incapable de percevoir ce que la masculinité ultra-virile du héros peut avoir de nocif pour lui, mais il évacue complètement le lien entre virilité et domination masculine. En effet, si la violence masculine s’exerce sur d’autres hommes, elle a aussi et surtout pour victime les femmes et les enfants (notamment au sein du foyer). En présentant le père ultra-violent comme une figure protectrice et bienveillante, le film tient un discours mystificateur qui occulte les violences intrafamiliales et leurs raisons. En effet, celles-ci tiennent en grande partie à cette conception de la masculinité, hégémonique dans notre société patriarcale, qui donne aux hommes le privilège de la violence et légitime l’usage de cette violence, notamment sur celleux qu’il apprend à percevoir comme des êtres inférieurs à lui (les femmes et les enfants).

Significativement, c’est à partir du moment où il s’impose comme le protecteur de sa femme et de son fils que Simon réussit à regagner leur amour. Au début du film, il peinait à instaurer une relation de complicité avec Théo. Et pour cause, Simon avait déserté le foyer familial à son retour de prison, laissant sa femme s’occuper seule de leur enfant. S’il le voyait parfois, il était incapable de jouer le rôle de père que son fils et sa femme attendent de lui. Il arrive par exemple en retard à la compétition de judo de Théo, à la grande déception de ce dernier. Lorsqu’ils mangent ensemble à la cantine, la mise en scène insiste sur la distance qui existe entre eux, en les isolants dans des gros plans successifs alors qu’ils sont assis côte à côte.

papa12papa13papa14Dur dur de communiquer avec son fils…

Or ce n’est pas en faisant preuve d’affection ou en étant plus présent que Simon regagne l’estime de son fils, mais en le protégeant héroïquement d’un mafieux lors d’un corps à corps particulièrement violent. Témoin de l’affrontement entre son père et l’agresseur, l’enfant exprime le soir même le désir de voir son père avant de se coucher. Quand celui-ci s’apprête à repartir de la chambre, il lui demande : « Papa ? Toi aussi t’as fait du judo ? », puis sourit quand Simon lui répond par l’affirmative. Ainsi, ce qui manque au fils ce n’est pas de l’amour et de l’affection, mais un modèle masculin pour se construire en tant que garçon et devenir lui aussi un homme viril et violent comme papa quand il sera plus grand.

Au même moment, Alice fera comprendre à son nouveau petit copain que celui-ci est hors-jeu et qu’il peut donc partir maintenant que papa viril et revenu pour veiller sur elle et sur son fils. Là encore, ce que le film montre comme désirable aux yeux du personnage féminin, ce n’est pas un mari présent, attentionné et doux, mais un patriarche violent et mutique dont la fonction est avant tout d’être le protecteur de la famille.

papa15Écoute, t’es super gentil et présent, mais moi ce que je veux c’est un mec ultra-violent, mutique et distant, donc je crois qu’on ferait mieux de ne plus se voir, ça sera mieux pour moi…

Ce virilisme exacerbé s’entremêle avec un propos profondément masculiniste. Comme on l’a vu, Simon est au début un homme blessé. Ce film s’inscrit ainsi dans une tendance qui connaît aujourd’hui regain inquiétant, et qui consiste à mettre en scène des hommes en souffrance  parce qu’ils sont des hommes, en invitant le public à éprouver de l’empathie envers eux de manière insistante. Ces représentations relèvent de ces « discours de la plainte » qu’affectionnent tant les masculinistes, et qui consistent à présenter les hommes comme « prisonniers de leur rôle social », souffrant comme les femmes du « carcan du genre », ou bien, dans une version plus explicitement antiféministe, victimes des excès des mouvements d’émancipation des femmes[12].

papa16Moi homme, moi souffrir

Dans Mea Culpa, ce discours masculiniste se décline selon quatre axes au moins. Le premier consiste à excuser le père négligent, en expliquant que si celui-ci n’est jamais présent pour ses enfants, ce n’est vraiment pas de sa faute. On nous montre ainsi le personnage de Franck chagriné de ne pas pouvoir être avec sa fille parce qu’il doit faire son travail de policier, qui consiste concrètement à assassiner des dealers ou autres criminels (une pratique que le film considère d’ailleurs comme totalement légitime, j’y reviendrai). On retrouve ce procédé de manière récurrente dans des films hollywoodiens tels que Die Hard 4, White House Down, ou les Taken, sommets du genre. Dans tous ces films, si papa n’est pas présent, c’est parce qu’il a un travail important à accomplir pour le bien de la société (et qui consiste bien souvent de nos jours à buter des « méchants arabes », ou autres racisés). En plus de présenter les pères tiraillés entre une vie professionnelle et vie familiale posées comme inconciliables, ces films entourent l’investissement de ces derniers dans leur travail d’une aura d’altruisme (qui prend même parfois des airs de sacrifice héroïque de leur vie privée pour le bien de la communauté). Ils excluent ainsi l’idée que les pères puissent tout simplement préférer penser à eux de manière égoïste, et mener ainsi une carrière valorisante plutôt que de s’occuper de leurs gosses, tâche ingrate qu’ils laissent aux femmes. Le discours final prononcé par le chef de la police à l’enterrement de Franck est on ne peut plus explicite :

« Franck Vasseur vient remplir la liste déjà trop longue des policiers tués en service. Des hommes qui, comme vous, comme moi, ont fait le choix de protéger nos concitoyens, et cela sans jamais se soucier des risques encourus. On ne devient jamais policier par hasard mais par conviction. C’est pourquoi aujourd’hui, nous honorons l’homme, le collègue, mais surtout l’ami. Tous ceux qui l’ont connu diront à sa fille Manon le policier de grande valeur, l’homme de conviction et d’engagement, et surtout le père exemplaire qu’il a été. Adieu Franck. »

Mais c’est surtout Simon qui est mille fois excusé pour la négligence dont il fait preuve vis-à-vis de son fils. Le film insiste en effet lourdement sur son traumatisme et son incapacité à sortir de sa spirale de souffrance et d’auto-culpabilisation. Et il innocente même le héros du crime qui est en à l’origine, puisque Franck lui révèle à la fin que c’est lui qui conduisait à ce moment-là, et qu’il l’a placé sur le siège du conducteur après l’accident parce qu’il le croyait mort. Le pauvre vieux n’y était donc vraiment pour rien. A l’image de son ex-femme et de son fils qui lui pardonnent à la fin tout ce qu’il leur a fait subir, nous sommes nous aussi invité-e-s à lui pardonner son comportement. Pauvres papas, ce n’est vraiment pas de leur faute s’ils sont comme ça…

Le deuxième axe du discours masculiniste tenu par Mea Culpa concerne la souffrance de l’homme viril au sein d’une institution policière menacée de « dévirilisation ». Une des premières scènes du film montre Frank neutraliser deux dealers dans un parking souterrain à l’aide de méthodes pour le moins violentes. Le policier devra ensuite subir les réprimandes de son chef, mécontent d’essuyer à cause de lui une plainte pour coups et blessures. En nous mettant du côté des flics ultra-violents brimés par une institution contraignante, Mea Culpa s’inscrit dans la lignée d’un grand nombre de polars français des années 2000, qui expriment une nostalgie pour les méthodes « à l’ancienne » proches de la Loi du Talion (voir par exemple 36 Quai des orfèvres ou MR 73 d’Olivier Marchal[13]). Ce plaidoyer pour une police plus virile parcourt tout le film. Les scènes les plus exemplaires à ce niveau sont notamment celles où Simon annonce qu’il préfère assurer lui-même la protection de sa famille, convaincu que la police ne sera pas à la hauteur de cette mission, ou encore la scène en flash-back dans laquelle on comprend que si Simon avait bu le jour de son accident, c’était parce que son chef s’était approprié tout le mérite d’une affaire qu’il avait résolue avec son pote Franck.  Dépeint par le film comme un bouffon incompétent, le chef de la police sert à valoriser par contraste les méthodes efficaces et couillues des deux héros, ces « flics comme on n’en fait plus ».

papa17« Je vais te dire moi ce que c’est que du vrai boulot de flic »

papa18« Nan nan nan moi je t’écoute pas parce que je suis juste là pour passer pour un bouffon, histoire que ton personnage soit glorifié dans ses idées et ses pratiques réactionnaires »

Le troisième axe masculiniste concerne le rapport des hommes à leur propre violence. Comme je l’ai dit, le film est rempli de scènes d’ultra-violence masculine. Contrairement à ce que l’on pourrait penser,  il n’y a pas grand-chose de critique dans la manière « brutale » et « réaliste » par laquelle le réalisateur met en scène cette violence extrême. Certes, on n’a pas ici affaire à des représentations qui gomment les conséquences réelles de la violence pour la glamouriser, et le personnage de Simon n’est pas non plus très glamour lorsqu’il massacre les mafieux. La première fois qu’il sauve son fils sous les yeux de celui-ci, il ne peut pas s’arrêter de taper sur l’agresseur alors que celui-ci ne présente plus aucun signe de vie. Cette scène fait directement écho à la scène de l’ascenseur dans Drive (que le réalisateur avait à mon avis en tête, lui qui a engagé le même compositeur que Nicolas Winding Refn, Cliff Martinez, pour écrire la musique de son film). On retrouve exactement la même représentation d’un homme qui semble basculer dans la folie, et révéler ainsi le côté obscur de sa virilité.

A mon avis, ce type de représentation reste profondément viriliste et masculiniste. Premièrement parce qu’on nous laisse entendre que si l’homme devient fou, c’est parce que la vie de sa famille est en jeu, comme si l’homme agissait alors sous l’emprise de son « instinct » de mâle dominant et protecteur. Et deuxièmement parce qu’on nous le montre prisonnier de sa propre violence (l’homme est méconnaissable aux yeux des autres et à ses propres yeux, car il agit sous l’influence d’une force qu’il ne contrôle pas). Ainsi, ces représentations naturalisent (et légitiment donc) la violence masculine, en dédouanant en plus les hommes des actes qu’ils commettent (puisque ceux-ci sont victimes de la « violence animale » qu’ils ont au fond d’eux).

papa19papa20Fallait pas réveiller la bête en moi !

Enfin, le quatrième axe de ce discours masculiniste (qui rejoint en partie le deuxième) réside dans la représentation que donne le film d’une « masculinité en crise ». Ce qui est « en crise », c’est d’abord la relation entre les deux potes que sont Franck et Simon. Le film commence en effet par nous montrer leur relation déchirée par le tragique accident, avant de mettre en scène leur réconciliation autour des bonnes vieilles valeurs viriles (« on va se les faire, comme au bon vieux temps »).

papa21« T’es plus mon copain… »

papa22« … mais si ça te dit, on peut aller buter de l’étranger ensemble, y a rien de tel pour renouer des liens entre hommes blancs »

papa23« Tu vois, je te l’avais dit, qu’est-ce que c’était bon, dommage que ça s’arrête… Je t’aime mon pote »

Mais malgré ce regain viril, la fin reste tout de même pessimiste quant à la possibilité pour les hommes d’aujourd’hui de vivre leurs amitiés masculines. En effet, Franck meurt héroïquement au combat aux côtés de son pote, et le film se termine une image de bonheur entre hommes qui a des airs de paradis perdu. La nostalgie du film pour le bon vieux temps de la loi du Talion et de la virilité traditionnelle et donc indissociablement nostalgie d’un compagnonnage viril entre patriarches.

papa24Les patriarches contents d’eux… c’était le bon temps…

Cette « crise des relations homosociales masculines » est intimement liée à la « crise de la masculinité » que traverse le héros. A son retour de prison, il se montre incapable de reprendre sa place de patriarche au sein de la famille, et le film insiste sur le sentiment de culpabilité qui le ronge (« Mea Culpa »). Or ce genre de discours fait écho au poncif masculiniste selon lequel les féministes chercheraient à émasculer les hommes en les faisant culpabiliser d’être des dominants[14]. Certes, les femmes ne sont pas présentées explicitement dans le film comme les responsables de cette « crise de la masculinité », mais on n’en est pas passé loin. En effet, les deux seuls personnages féminins du film sont littéralement une « maman » et une « putain ». Avec d’un côté la mère et épouse qui reconnait la légitimité du patriarche dès que celui-ci pose les couilles sur la table, et de l’autre, la prostituée au service des méchants mafieux, qui met sérieusement en danger la vie des héros à deux reprises. Dichotomie misogyne et putophobe que l’on retrouve d’ailleurs dans Drive, dont le réalisateur de Mea Culpa a décidément su garder le meilleur…

papa25La « maman », pure et fidèle

papa26La « putain », sexuelle et traitre

Dans une interview, le réalisateur a déclaré avoir pensé Mea Culpa avant tout comme un « film de rédemption[15] ». Comme on l’a vu, cette rédemption est donc avant tout celle d’un homme blessé, qui réussit à retrouver son statut de patriarche à la force du poing dans un monde où il est devenu une espèce en voie de disparition.

De toutes nos forces : « J’veux faire l’Iron Man avec toi »

Comme Mea Culpa, De toutes nos forces est aussi l’histoire de la rédemption d’un père qui se réconcilie avec son fils sur fond d’exploits virils. Ici, cette virilité ne s’exprime pas dans le cadre d’affrontements ultra-violents mais dans celui de la performance sportive.

Au début du film, Paul est un père distant vis-à-vis de son fils paraplégique, Julien. Claire, la mère, explique à sa collègue comment les choses en sont arrivées là : « Il était tellement content d’avoir un garçon. Et puis quand il a vu les autres bébés marcher et pas le sien, il a commencé à se renfermer, il a arrêté la compétition. En fait ça fait des années qu’il s’éloigne de lui. Et maintenant qu’il est au chômage, il s’en occupe toujours pas. En fait il tient quand il est pas là. Mais parfois j’aimerais bien que ça s’arrête ». Lorsque Paul tente de justifier son absence auprès de Julien l’après-midi en invoquant une intervention avec les sapeurs-pompiers, Claire lui rétorque : « Arrête avec tes pompiers ! Arrête ! Tu commences à me gonfler. Tu ferais mieux de t’occuper de ton fils au lieu de sauver le monde. Il a besoin d’un père, tu comprends ça ? Moi je m’en occupe tous les jours depuis 17 ans. Matin, midi et soir. T’es où toi ? ».

Contrairement à Mea Culpa, De toutes nos forces donne donc réellement la parole à son personnage féminin, mais d’une manière qui reste assez ambivalente. D’un côté, la négligence du père est explicitement condamnée du point de vue de la femme qui en subit les conséquences (« Moi je m’en occupe tous les jours depuis 17 ans. Matin, midi et soir. T’es où toi ? »), et ses mauvaises excuses, qui font d’ailleurs écho aux discours des films masculinistes à la Taken, sont clairement ridiculisées (« tu ferais mieux de t’occuper de ton fils au lieu de sauver le monde »). Mais d’un autre côté, le film utilise ce point de vue féminin pour nous inviter à adopter vis-à-vis du père une attitude compréhensive, voire compatissante (« il a commencé à se renfermer, il a arrêté la compétition », etc.). Si le père fait souffrir sa femme et son fils, il ne faut surtout pas oublier que, lui aussi, il souffre. Comme on le verra, cette complaisance vis-à-vis du personnage masculin et de son point de vue prépare le terrain à la réhabilitation-glorification du père qui constitue le cœur du film.

papa27La souffrance de papa, la nuit, sur le balcon

Le film aurait pu essayer de mettre en évidence le lien entre le comportement du père et la conception dominante de la masculinité dans notre société. Et il aurait pu critiquer cette idée de la masculinité qui participe à l’oppression-subordination des femmes (surtout qu’il avait posé quelques bases en montrant les conséquences de la négligence du père sur la mère, obligée de s’occuper seule de leur fils). Mais, comme Mea Culpa, De toutes nos forces préfère au contraire réaffirmer les bonnes vieilles valeurs viriles. Paul ne se réconcilie pas en s’excusant auprès de sa femme et de son fils et en s’occupant de ce dernier[16], mais en accomplissant un exploit viril : réussir avec lui l’« Iron Man », un triathlon exigeant une condition physique exceptionnelle.

papa28papa29papa30Pfiou, ça déconstruit la virilité par ici…

Si le père parvient à nouer une relation avec son fils, c’est dans une ambiance viriliste où l’on ne se fait pas trop de câlins et où on ne parle pas trop de soi et de ses sentiments, de ses erreurs, ses regrets ou ses souffrances. Au contraire, les deux hommes se réconcilient principalement autour de la mécanique et du sport. Et le soir, on regarde Rocky à la télé…

papa31Un peu de bricole sur le vélo…

papa32… et le soir on mange des chips devant Rocky en attendant que maman rentre du boulot pour nous faire la bouffe.

Progressivement, la mère est mise à l’écart, et le film signifie clairement que cette exclusion est nécessaire à l’épanouissement de la relation père/fils. Les bases de ce programme misogyne sont posées par Paul au début du film. Quand Claire lui reproche de n’avoir jamais assumé son fils (« Moi je m’en occupe tous les jours depuis 17 ans. Matin, midi et soir. T’es où toi ? »), il lui répond : « Justement, laisse lui un peu d’air, il ira peut-être mieux ». A partir du moment où Julien a convaincu son père de faire l’Iron Man avec lui, la mère se retrouve cantonnée au rôle de la rabat-joie castratrice et étouffante. Lorsqu’elle s’oppose au projet des deux hommes sous prétexte que Julien est « trop fragile », Paul lui rétorque : « Mais arrête avec ça, il est pas « fragile », comme tu dis. Lâche-lui la bride ! Merde ! ». Alors que le film nous invitait adopter réellement le point de vue de la mère au début, celle-ci nous apparaît de plus en plus à travers le regard que portent sur elle les deux personnages masculins, c’est-à-dire au mieux comme une mère un peu trop inquiète et surprotectrice, au pire comme une emmerdeuse[17].

papa33« C’est quoi cette inscription à l’Iron Man ?», demande maman-rabat-joie qui exige sur le champ une explication

L’idée qui sous-tend cette violente exclusion du personnage féminin est que, pour devenir un homme, le garçon doit se détacher de l’influence infantilisante et féminisante de maman pour apprendre les secrets de la virilité avec papa. Lorsqu’il s’agit d’élever les enfants (c’est-à-dire leur faire à manger, les laver, les habiller, etc.), c’est maman qui s’y colle. Mais lorsqu’il s’agit d’apprendre à devenir un homme et de prendre conscience de sa place de dominant, personne n’est plus qualifié que papa. On retrouve cette répartition profondément sexiste des rôles dans la plupart des récits masculins de « passage à l’âge adulte » (cf. par exemple les classiques du genre que sont Bambi ou Le Roi Lion des studios Disney).

Non seulement la complicité entre le père et le fils se noue tout « naturellement » autour de la performance sportive, mais c’est la mère qui se retrouve à devoir changer pour que son fils puisse s’épanouir. Contrairement au propos tenu au début par le film, le vrai problème de Julien, ce n’est plus le comportement de son père, mais celui de sa mère. Le père devient même celui qui a tout compris. Il lui explique ainsi qu’elle doit le laisser vivre sa vie (« il est assez grand pour décider tout seul ce qu’il veut faire ») et arrêter de le couver (« il en a juste un peu marre que tu l’appelles « mon  poussin »). Mais comme maman a dû mal à relâcher l’emprise qu’elle a sur son fils, il faut encore l’intervention d’un autre personnage, la sœur de Julien (qui travaille dans une crèche, parce que les femmes elles sont faites pour s’occuper des enfants). Celle-ci explique gentiment à sa mère qu’elle ne peut pas toujours « tout contrôler » et qu’il est temps de « faire confiance à Julien ». Claire finira par comprendre, même si son « instinct maternel » reprendra encore le dessus à plusieurs reprises, comme lorsque Julien se retrouvera à l’hôpital après une chute lors d’un entrainement (« il va falloir arrêter cette course, c’est trop dangereux ») ou pendant la course elle-même. Cette dernière scène est d’ailleurs très forte symboliquement puisqu’elle met en scène l’exclusion violente mais nécessaire de la mère hors de l’univers masculin de l’Iron Man.

papa34« Oh mon dieu mon poussin a failli tomber ! »

papa35« Bon, je t’explique, femme : ici c’est pas un endroit pour toi, ça s’appelle pas l’ « Iron Woman » que je sache. Alors tu dégages. »

En accomplissant son exploit sportif hors du commun, le père se réconcilie définitivement avec son fils, mais aussi avec sa femme. Celle-ci lui fait comprendre à un moment que ce qu’elle aimait chez lui, c’était son courage et sa persévérance (« l’homme que j’ai connu il y a 25 ans n’aurait jamais baissé les bras »). De voir ainsi son homme retrouver sa virilité d’antan réveille visiblement la femme en elle, puisqu’elle sort une robe moulante pour l’anniversaire de Julien, sous les yeux ébahis de Paul (et la mise en scène nous indique bien que c’est pour ses hommes que Claire « s’est fait belle »).

papa36« Ah là là, ça me fait plaisir de voir que tu as encore des couilles…

papa37… et pour te récompenser, je vais m’habiller sexy pour que tu puisses de rincer l’œil. »

papa38« Mmmm, j’avais oublié qu’elle avait un corps aussi appétissant. »

En accomplissant ensemble l’Iron Man, le père et le fils ne font pas que construire une relation de complicité, ils réalisent également leur « essence d’homme ». Non seulement Paul retrouve sa virilité perdue (comme le souligne bien sa femme, à nouveau amoureuse de lui), mais Julien retire lui-aussi des bénéfices de cet exploit sportif : alors que la jeune fille sur laquelle il avait des vues au début du film ne lui prêtait aucune attention, elle vient l’applaudir chaleureusement à l’Iron Man, preuve qu’il aura lui-aussi droit à sa « récompense »…

papa39La femme indifférente lorsqu’un inconnu l’aborde dans la rue (parce que les mecs ils abordent les meufs même quand elles ont pas envie, il n’y a rien de mal à cela, n’est-ce pas ?…[18])

papa40… puis séduite par la performance virile de l’homme

Les 20 minutes de triathlon qui concluent le film parachèvent tout ce discours misogyne, masculiniste et viriliste : les femmes sont réduites au rôle de spectatrices admiratives, tandis que les deux hommes accomplissent l’exploit héroïque qui leur permet de (re)gagner leur virilité et de nouer la relation père/fils qu’ils n’ont jamais eue. C’est quand même chouette quand les hommes sont des hommes et que les femmes ne prennent pas trop de place…

papa41We are the champions !

papa42And we are not…

Ces trois films français ne furent sûrement pas les seuls à mettre ainsi des pères retrouver du prestige aux yeux de leurs fils dans une ambiance viriliste et masculiniste. Je pense par exemple à un film comme Bodybuilder de Roschdy Zem[19], dans lequel on retrouve également une réconciliation père/fils dans une ambiance ultra-virile, une déresponsabilisation du père, et l’idée masculiniste selon laquelle un fils a nécessairement besoin d’un père pour se construire (une bonne baffe de papa musclé dans la gueule, ça fait pas de mal, et ça fait même du bien, parce que la violence du patriarche y a rien de tel pour remettre les fils égarés dans le droit chemin…).

C’est surtout en cela que tous ces films sont très inquiétants : parce qu’ils participent d’une tendance lourde qui domine très clairement le paysage cinématographique français (comme en témoignent tous les autres films à la gloire des patriarches et/ou profondément masculinistes qui sont sortis la même année (Avis de Mistral, Salaud, on t’aime, Casse-tête chinois, Vie Sauvage, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, etc.), et que j’examinerai dans des articles à venir.

Paul Rigouste

[1] Par le terme de « viriliste », je désigne les représentations qui valorisent tout ce qui est rattaché à la virilité dans notre société (par exemple, dans les films qui m’intéressent ici : la drague agressive, la violence, le mutisme, l’exploit sportif, etc.). Et par le terme de « masculinisme », je désigne en gros les représentations d’hommes en souffrance parce qu’ils sont des hommes, avec en filigrane l’idée qu’ils sont victimes de l’émancipation des femmes (sur le masculinisme, voir http://stop-masculinisme.org/ ou http://lagitation.free.fr/spip.php?article16). Les deux peuvent se cumuler, mais ce n’est pas nécessaire. Par exemple, un film comme Her est pour moi extrêmement masculiniste (voir http://www.lecinemaestpolitique.fr/her-un-film-qui-ne-parle-que-de-lui/), mais pas vraiment viriliste dans la mesure où son héros est aux antipodes de la virilité traditionnelle (doux, attentionné, timide, etc.). Et inversement, un film comme Jack Reacher est extrêmement viriliste, mais pas vraiment masculiniste, car l’homme viril n’est pas du tout menacé par les femmes et affirme sans problème sa domination sur celleux qui l’entourent (voir    http://www.lecinemaestpolitique.fr/jack-reacher-2013-plus-phallocrate-que-moi-tu-meurs/)

[2] Voir par exemple http://melange-instable.blogspot.com.es/2013_09_01_archive.html ou http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1280553-le-magazine-lui-explique-comment-se-debarrasser-d-un-bebe-des-cliches-masculinistes.html

[3] Cf. par exemple la publication dans ce magazine du tristement célèbre « manifeste des 343 salauds » : http://www.liberation.fr/societe/2013/10/29/343-salauds-clament-leur-droit-a-leur-pute_943288

[4] Voir par exemple http://m-e-u-f-s.tumblr.com/post/79174914848/moi-homme-moi-manger-viande-et-moi-aimer-gras, ou http://www.acrimed.org/article4287.html

[5] Sur les violences masculines intrafamiliales et leur occultation, voir par exemple le livre de Patrizia Romito, Un Silence de mortes.

[6] http://lmsi.net/Deboires-du-male-contemporain

[7] http://www.slate.fr/story/49729/FRANCE-stalking-harcelement

[8] « SOS Papa revendique la résidence alternée comme principe de base suite à la séparation des parents. Le motif du divorce ou de la séparation, ainsi que les procédures, ne doivent pas influencer le juge dans sa décision pour la fixation de la résidence de l’enfant » (SOS Papa, 17 propositions, mars 2007). Pour une analyse des enjeux de pouvoir autour de cette question de la résidence alternée, voir le livre Contre le masculinisme, guide d’autodéfense intellectuelle écrit par le collectif « Stop masculinisme ».

[9] « C’était pas une raison pour lui cacher l’existence de sa fille », déclare Alex à Monica lorsqu’elle lui explique pourquoi elle a quitté Antoine.

[10] A propos de la « mystique du gène », voir l’analyse de Starbuck sur ce site : http://www.lecinemaestpolitique.fr/starbuck-les-genes-ya-que-ca-de-vrai/

[11] Je résume ici l’intrigue principale du film, mais beaucoup d’autres scènes mériteraient d’être critiquées… toutes à vrai dire, tellement ce film est une succession d’horreurs. Je pense par exemple au passage chez Gigi la prostituée (dans lequel ces dernières sont non seulement instrumentalisées dans le cadre de la transmission de la virilité de père en fils, mais qui verse également dans l’âgisme le plus gras, puisque l’on nous invite à adopter le point de vue du héros qui trouve absolument dégoutant le fait de « coucher avec une vieille »), ou encore aux blagues plus que douteuses que multiplie Alex (notamment lorsqu’il séduit Elie, la fille de la banque), ou au discours d’Antoine sur « la moche », ainsi qu’aux métaphores virilisto-sportives que les hommes utilisent entre eux pour parler de la drague, etc. etc. etc.

[12] Voir le livre Boys don’t cry, Les coûts de la domination masculine, dans lequel on trouve des articles très intéressants sur le masculinisme comme celui de Francis Dupuis-Déri ou de Michael Messner (qui côtoient malheureusement d’autres textes parfois beaucoup plus douteux …)

[13] A propos de ces films et de la tendance masculiniste du polar français dont il relève, voir l’analyse de Thomas Pillard « Between Tradition and Innovation : French Crime Films During the 2000s » (publié dans le livre  A Companion to Contemporary French Cinema)

[14] On retrouve d’ailleurs des variantes de cet argument réactionnaire dans la bouche d’opposants à d’autres mouvements égalitaristes (cf. par exemple les discours qui enjoignent les Blancs à « arrêter de s’auto-flageller à propos de leur passé colonial », discours qui ont pour fonction d’empêcher toute réflexion sur la reconfiguration de ce rapport de domination post/néo-colonial aujourd’hui).

[15] http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18630365.html. Sur ce thème de la rédemption dans les polars masculinistes dans années 2000, voir également l’analyse de Thomas Pillard citée plus haut.

[16] Significativement, la seule fois où Paul s’occupe de Julien dans le registre du « care », c’est pour lui raser la barbe (acte qui symbolise le devenir homme du fils et la transmission de l’héritage viril de père en fils).

[17] Une autre scène misogyne montre Julien se faire harceler dans la rue par une cliente de sa mère. Après lui avoir foncé dessus pour qu’elle le laisse passer, il s’en va en lui faisant un « fuck ». « Bien fait pour sa gueule à cette emmerdeuse », est-on alors invité à se dire.

[18] http://projetcrocodiles.tumblr.com/

[19] http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19547324&cfilm=224096.html

Autres articles en lien :

14 réponses à 2014, l’année du patriarche (I) : qu’est-ce qu’on ferait sans papa ?

  1. Marc-Olivier Pelletier

    Moi je trouve qu’ils ne vont pas assez loin dans le délire. Fesons un film sur un policier faible physiquement et pleurnicheu dont sa femme là quitté pour un vrai dur à cuire parce qu’il a du mal a protèger les enfants et ¸so fils le traite de lâche et que ses amis l’intimide parce qu’il est une mauviète parce que son père l’à élevé comme une mauviette. Un jour, des noirs et des arabes kidnappe sa famille et sa femme même s’il est avec un autre homme( l’homme est tué) et le héro prend son courage pour sauver sa famille. La police est incompétent donc il doit faire tout tous seul, c’est à dire tuer des arabes et les torturer pour qu’ils disent où ils ont séquestré sa famille. L’homme qui cherche sa famille depuis un 1 a pris de la musculature à force de se battre contre les méchants, à réveillé la bête en lui et est devenu un vrai guerrier à la rambo capable de résister à de grosse douleur durant longtemps et qui n’a plus peur de la mort. Il tue tous les méchant, sauve sa famille, sa femme redevient amoureux, son fils aime maintenant son père et cela lui donne du courage pour affronter les intimidateur, la famille redevienne heureux fin. Maintenant, fesont une suite qui dit que le masculiniste ça peut être mal, la femme s’excuse d’avoir été égoiste et de l,avoir quitté avant de renouer avec lui, le garçon est renvoyé de l’école parce qu’ils s’est battu avec les intimidateurs pour se défendre parce que l’école n’est pas capable de régler le problème, un jeune de 18 ans qui est le fils d’un des (méchant que le héro a tué) tente de le venger et torturer sa famille pour avoir torturé son père ( le héro a torturé le père du jeune homme pour trouver sa famille) le jeune homme a pitié du garçon et est incapable de s’en prendre à lui. Le jeune homme affronte le héro qui le bat a plein de couture, mais avec style parce qu’il a appris à contrôler sa colère parce qu’ils se sent mal depuis qu’il est trop agressif. On apprend que le monsieur muscle dont la femme du héro a sortie avec a battue sa femme, on apprend que ça existe de gentille femme et que les féministes frustré comme l’a été la femme du héro son rare. On apprend que de gentils arabe et des gentils noir combatte un groupe terroriste de blanc. Le héro et sa famille apprend que c,est l’amour et pas vraiment la vérilité retrouvé du héro qui les ont sauvé, et le héro a appris a trouver un autre moyen que la violence et la torture pour sauver d’autre famille. Bref, une série de film qui va tellement loins dans le machisme que ça finit par tous décrédibilisé pour ensuite faire une suite qui retourne complètement sa veste pour jouer un tour aux téléspectateur.

  2. Je suis un jeune homme qui soutien le combat féministe mais j’espère bien que, plus tard, si je dois divorcer ou me séparer d’une femme avec qui j’ai des enfants, je pourrais me battre pour les voir sans me faire traiter d’immonde phallocrate. Cela me sidère qu’un échec de couple puisse empêcher des hommes de voir leurs enfants.
    La relation entre conjoints est une chose, la relation parent/enfant en est une autre et un mauvais mari ou une mauvaise femme peut tout à fait être un parent aimant et attentionné dont il serait criminel de priver l’enfant. Ce n’est pas la relation avec l’ancien conjoint mais seulement la relation avec l’enfant qui doit, selon moi, être prise en compte par le juge au moment du divorce.
    Les droits des femmes et mères doivent être respectés mais il ne s’agit pas non plus de laisser de côté les hommes. Mesdames, ne soyez pas aussi bête que nous l’avons été pendant des siècles.

    • Vous semblez un peu trop influencé par la rhétorique SOS Papa (qui ne donne que la version des pères, jamais la version adverse, c’est très pratique), dans votre vision du divorce et de la garde d’enfants.

      De mon expérience d’avocate, ayant défendu aussi bien des hommes que des femmes dans des histoires de divorce, j’ai retenu ceci : les pères demandent bien moins souvent la garde des enfants que les mères, quand ils demandent la garde alternée et qu’ils justifient de pouvoir s’occuper correctement de leurs enfants ils l’obtiennent sans trop de problèmes (mais ils sont minoritaires), quand les pères n’obtiennent pas la garde ou la résidence alternée demandée c’est souvent parce qu’ils ne justifient pas pouvoir s’occuper correctement de leurs enfants alors que les mères en face si.

      Les cas « d’injustice » envers les pères à ce niveau sont hyper minoritaires.

      Simplement, sachez ceci : si vous travaillez 50 heures par semaine ou que vous êtes souvent en déplacement, bref que vous faites passer votre boulot avant vos enfants (je caricature un peu pour les besoins de l’exemple, désolée), que vous vous êtes peu investi dans l’éducation des vos enfants et que madame s’est tapé la majeure partie du boulot (en ce compris les horaires de travail adapté), le Juge considèrera le plus souvent que vous n’êtes pas le meilleur choix pour l’enfant et qu’un droit de visite sera suffisant.
      C’est aussi basique que ça.
      La relation entre les conjoints n’est pas ce qui compte le plus, loin de là (sauf si vous battez votre femme, là, par contre…)

    • Je vais dire quelque chose qui pourra vous (M. Gottesmann) paraître violent, mais votre demande de séparer vie conjugale et vie parentale, c’est la porte ouverte à un raisonnement type « c’est pas parce que je tabasse ma femme que je suis un mauvais père ». En substance et même si ce n’est pas votre intention, c’est une justification des violences conjugales. C’est aussi faire croire que les relations entre les parents n’ont pas d’influence sur l’épanouissement des enfants (alors que justement le bien-être de la première est fondamentale à la réalisation du second).

      Il y a en fait une manière très simple pour ne pas vous faire « flouer » de votre droit à voir vos potentiels enfants, après votre potentiel divorce : soyez présent pour eux avant le divorce. Votre prose ressemble incroyablement à de la déresponsabilisation.

      Et si je puis me permettre, appeler à l’indulgence des opprimées après des siècles de domination (qui continue) est particulièrement abject. C’est à nous de nous racheter en tant que classe, pas aux femmes de montrer de la pitié, ne renversons pas les rôles.

      Une petite lecture pour ne pas se penser féministe et finir masculiniste (comme votre prose tend malheureusement à le sous-tendre) :
      http://www.rcentres.qc.ca/files/guide-masculinisme.pdf

      • Je comprend vos points de vue et suis parfaitement d’accord pour dire que si le père délaisse l’éducation de ses enfants le juge puisse accorder la garde à la mère. Mais le droit de visite doit quand même, sauf faute grave ou personnalité visiblement toxique, être la règle.
        De l’autre côté, jugeriez vous adéquat que l’enfant d’une businesswoman qui fait ses 70 h par semaine en oubliant sa famille et d’un homme au foyer soit confié à la garde de son père. Moi si (toujours avec droit de visite et garde pendant une partie des vacances scolaires).
        Sinon, si le féminisme est la reconnaissance de l’égalité complète entre hommes et femmes et l’acceptation qu’une femme puisse être supérieure aux hommes et accéder aux plus hautes fonctions, oui je suis féministe et considère la misogynie comme un racisme scandaleux envers plus de la moitié de la population mondiale.
        Ma dernière phrase n’est pas un appel à l’indulgence des opprimés mais plutôt un constat effaré devant les comportements que des individus avaient et ont encore. Je me dis souvent « Suis je vraiment du même sexe que ces cons? » Malheureusement si.

        • Mais le droit de visite et d’hébergement est bien la règle, rassurez-vous. Il faut vraiment des circonstances graves pour qu’il soit refusé.

          Quant à l’exemple de la businesswoman et de l’homme au foyer, qui est un modèle quand même très rare ^^, j’ai eu un cas qui s’en rapprochait. Mon client était professeur des écoles, son épouse commerciale toujours sur les routes avec des horaires pas possibles (et un peu démissionnaire aussi, soyons honnêtes), c’est Monsieur qui a obtenu la garde sans problème.
          Donc, oui, c’est tout à fait possible d’obtenir la garde alternée ou la garde tout court quand on est le père.

          Si ça reste rare, c’est surtout parce que les demandes le restent aussi.

          Ne vous laissez pas influencer par la vision d’associations type SOS Papa, qui regroupent beaucoup d’hommes aigris, qui ne présentent que leur version des faits, jamais celle de Madame ou la vision du Juge. Ces gens-là se présentent comme de bons pères, mais était-ce vraiment le cas ? On ne le sait pas.
          Il y a des pères qui se pensent sincèrement de bons parents et qui n’acceptent pas la réalité des choses quand on leur pointe qu’en fait, ils se contentent d’emmener les gosses au sport le samedi et basta, tandis que Madame se tapait tout le boulot (je caricature à peine, j’en ai eu des comme ça).

          Dans une demande de garde, il y a toujours deux points de vue (voire trois ou quatre si on compte le Juge et l’expert social). Méfiez-vous de ceux qui ne présentent qu’une seule version des faits.

          Je trouve d’ailleurs ce type d’associations en partie toxiques pour les futurs pères séparés, parce qu’en les écoutant, même d’une oreille distraite, ils assimilent l’idée que les Juges vont d’office les descendre et les priver de leurs enfants, beaucoup s’imaginent le pire et ça devient parfois compliqué de leur expliquer calmement les choses une fois la séparation en cours.

  3. Je me permets, de signaler, dans les séries françaises actuelles, également la série « chefs », qui brandit la virilité blanche de manière assez spectaculaire (ce qui en fait un nanar pas possible, en dépit de ce qu’en disent le critiques diverses et variées), aux dépends de tou-te-s les autrEs bien sûr.

  4. Je viens de voir « Foxcatcher » de Bennett Miller et il me semble que le film s’inscrit bien, côté américain, dans la thématique que tu proposes.

    J’ai trouvé plein de critiques, depuis, qui ne tarissent pas d’éloges sur le film, ses qualités esthétiques, le jeu incroyablement subtil et inattendu des acteurs, la virtuosité de la mise en scène, son message subversif même (hah!), en occultant (à ma connaissance) un aspect qui m’a paru essentiel : j’ai l’impression que Foxcatcher semble ne vouloir que nous montrer l’étendue du désastre et l’inéluctable tragédie que représente le fait d’avoir grandi sans père (avec, en prime, une bonne grosse cuillerée de racisme social à tous les étages dedans).

    Je ne sais pas si quelqu’un à déjà parlé du film ici, ou si quelqu’un projette d’écrire une critique ? En tout cas je serais contente d’échanger là-dessus quelque part.

    Merci, enfin, pour ce triptyque critique Paul Rigouste. Je n’ose me réjouir qu’à moitié des prochains volets dont la lecture promet d’être une fois de plus aussi déprimante que juste; Trop dur la déconstruction!

  5. Je me faisais une réflexion l’autre jour, je ne sais pas ce que ça vaut exactement mais je la mets ici.

    Je me disais que dans notre société, où le père est souvent absent (soit littéralement absent, soit s’occupe peu de ses enfants, et ne leur exprime pas ou peu ses sentiments), dans notre société qui érige l’amour paternel (ou plutôt la validation paternelle ?) à la fois comme quelque chose d’important (donc on finit par manquer de quelque chose de construit comme important) et comme quelque chose de fortement lié à la masculinité…est-ce qu’on ne se retrouve pas avec une sorte de manque d’amour masculin qu’on va chercher à combler, et finir par être plus indulgent.e avec les hommes, pardonner plus de choses par manque émotionnel ? (Enfin de toute manière, je pense que si c’est vrai, ça n’explique pas tout, loin de là !)
    D’ailleurs on pourrait aussi dire que ça participe à plus idéaliser les hommes.
    ‘Fin bref, je ne suis vraiment pas trop sûre de moi 🙂

    • Cette remarque me semble juste. Je crois que l’on voit souvent dans la fiction l’amour maternel comme devant être complet et sans accroches (et lorsqu’il ne l’est pas, le ressentiment et la psychologie de comptoir sont de mise), alors que la relation père-enfant est jugée avec une plus grande indulgence.

      Une mère « dysfonctionnelle » est haïssable, un père « dysfonctionnelle » est à pardonner. Après tout, il suffit d’un geste pour qu’on se rende compte que son amour est sincère.

  6. Je remarque surtout que 2014 a été l’année des comédies françaises avec en tête d’affiche Qu’est ce qu’on a fait…, la famille bélier, supercondriaque… Ce sont des comédies bankable, familiale qui montre que les studios ont peurs. Pas le moment de faire de grosses innovations niveau scénario (la comédie sociale Samba (qui n’est pas non plus pro-féministe mais dont le propos est moins « réacs ») a été une relative déception par rapport à la promos qui en a été fait).
    Si on regarde les sorties US, on voit la suite de la planète des singes traitant de politique en période post-révolution, Dragons 2, certes moins évolué que le premier volet mais pas le dessin animé le plus réacs qui soit, et x-men soit une série traitant de l’acceptation de la différence (à l’origine, le comics x-men était une parabole sur les noirs américains, et a depuis évolué sur la lutte de toutes les minorités). Et si on va un peu plus loin, on retrouve Hunger Games et Maléfique.

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