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Les Enfants loups, Ame et Yuki (2012)

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Ce dessin animé japonais sorti en 2012 m’a assez fasciné d’un point de vue esthétique, et certaines scènes m’ont vraiment beaucoup ému. Du coup, j’ai trouvé d’autant plus regrettable qu’il soit structuré autour d’une opposition radicale entre masculin et féminin, et qu’il reconduise donc par là même un schéma de pensée contribuant grandement à la reproduction de la domination masculine.

Cette différenciation nette entre masculin et féminin (que le film pose à mon avis comme étant fondée en nature) constitue vraiment le cœur de l’histoire. En effet, on suit les aventures d’une mère qui doit élever seule ses deux enfants, une fille et un garçon, Yuki et Ame. Pour les deux, la mère devra accepter la séparation quand ils deviendront des adultes, mais le trajet que chacun des deux enfants emprunte diffère très nettement en fonction de son sexe : le fils marche très explicitement sur les traces de son père, et la fille sur celles de sa mère. Tout va bien, la « différence naturelle » homme/femme se reproduit ainsi le plus « naturellement » du monde…

Tout repose en fait dans l’opposition binaire entre loups et humains, dont on s’aperçoit très rapidement qu’elle correspond à l’opposition entre hommes et femmes. L’histoire commence par la rencontre à l’université entre une jeune étudiante un peu timide et un beau brun ténébreux. Les deux tombent amoureux, et le jeune homme révèle alors à son amante son lourd secret : il est un homme-loup. Contrairement à elle, il est silencieux, mystérieux et sauvage. Il part régulièrement pour aller chasser des animaux et ramener de la viande à la maison, où la femme reste pour préparer à manger. Le couple donne naissance à deux enfants moitié humains moitié loups, Yuki et Ame. A la naissance du deuxième enfant, le père disparaît brutalement (la famille retrouvera peu de temps après son cadavre de loup mort dans la ville). La mère est ainsi obligée de s’occuper seule des enfants. Les rôles sont donc d’emblée bien répartis entre les deux parents : papa est absent lorsqu’il s’agit de s’occuper des enfants, et c’est maman qui s’y colle toute seule.

Le fait que l’homme soit un loup et la femme une humaine n’est évidemment pas innocent. On retrouve dans cette opposition des qualités que notre société assigne respectivement aux hommes et aux femmes (les premiers ne parlent pas mais agissent, ce sont des aventuriers/chasseurs dans l’âme, ils ont de la violence en eux, etc., les secondes sont bien chez elles, elles ne sont pas solitaires mais au contraire des « êtres pour autrui » et dépendants des autres, elles ne sont pas sauvages mais savent se tenir, bien s’habiller, etc.).

Si la suite de l’histoire avait eu pour objet de remettre en question cette dichotomie en « brouillant » un peu ces identités de genre (par exemple en nous montrant les enfants s’éloigner de ce schéma), le film aurait pu être intéressant à ce niveau. Sauf que c’est précisément l’inverse qui se produit. Lorsque les deux enfants hybrides auront à choisir leur voie, Yuki la fille décidera qu’elle veut devenir pleinement humaine (c’est-à-dire femme) comme sa mère, et Ame le garçon choisira de suivre le chemin de son père en devenant un loup (c’est-à-dire un homme).

Tout l’itinéraire de Yuki pendant le film consiste à réprimer le loup qui est en elle pour pouvoir devenir une vraie femme. Alors qu’elle est au départ celle des deux enfants qui semble jouir le plus de sa transformation en animal sauvage, le passage par l’école lui permettra de se rendre compte que ce qu’elle désire plus que tout au monde, c’est de bien s’intégrer dans la société en se conformant à ses normes. Le moment clé est celui où elle est exclue de son groupe de copines parce que ses hobbies ne correspondent pas aux canons de la féminité (au lieu de collectionner les bijoux, elle collectionne les squelettes d’animaux morts, et une de ses activités préférées consiste à attraper des serpents et les enrouler autour de son bras). Souffrant de la distance entre elle et ses amies, elle sollicite l’aide de sa mère qui lui permet de se réintégrer au groupe en lui confectionnant une « robe de fille » qui suscite l’admiration de ses copines. Dans le même ordre d’idées, alors qu’elle fuit au début un de ses camarades masculins parce que celui-ci est tout prêt de deviner son secret et qu’elle le griffe violemment à l’oreille lorsqu’il s’approche d’elle, elle finit par devenir beaucoup plus docile avec lui. Apprivoisée par un homme, l’animal sauvage qu’elle était est devenu à la fin une véritable femme.

De son côté, Ame le garçon fuit la société à laquelle il préfère de loin la nature sauvage. Il devient le disciple de « Maître », un renard qui assure le bon ordre de la nature. On comprend très rapidement que son destin à lui sera de prendre la relève du renard en devenant rien moins que le chef suprême de la nature ! (certainement pas un rôle de fille ça…). Solitaire, sauvage et mystérieux comme son père, il sauvera sa mère de la mort pour ensuite partir seul accomplir sa destinée de « maître ». Un homme un vrai quoi…

Dommage donc que cet accès à l’âge adulte soit présenté comme un choix entre deux essences : homme ou femme (loup ou humain). Et que les deux enfants suivent exactement et tout naturellement la voie à laquelle leur sexe les destine. Il me semble qu’on est typiquement là dans un discours qui pose une origine biologique du genre dans le sexe.

Certes, il y a des éléments dans le film qui semblent plus tendre vers l’idée d’une construction sociale du genre, comme par exemple la pression sociale que subit la fille et qui l’encourage à se conformer aux canons de féminité. Mais j’ai tout de même l’impression que le film insiste bien sur cette idée de deux natures incompatibles (loup OU humain, homme OU femme) que les deux enfants ont au départ toutes les deux en eux car elles leur ont été transmises génétiquement par leurs parents, et entre lesquels ils doivent nécessairement choisir (sans vraiment choisir justement puisque chacun-e semble mystérieusement poussé vers l’un des deux pôles).

Après, je ne connais pas du tout non plus la culture japonaise (même si je suis bien conscient qu’il est idiot de parler de « la » culture japonaise, de manière aussi abstraite et anhistorique, alors qu’elle est évidemment multiforme et changeante comme toutes les cultures), et peut-être que je lis le film avec mes lunettes d’occidental. Mais j’ai tout de même l’impression que le schéma sexiste que l’on trouve ici n’a rien à envier à ceux que l’on trouve dans bon nombre de « nos » productions culturelles. Non ?

Paul Rigouste

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36 réponses à Les Enfants loups, Ame et Yuki (2012)

  1. Je dois vous dire tout d’abord que je suis un grand amateur d’animation japonaise, au contraire je les adore. La critique du film que vous avez fait est très bien structuré, moi même je n’aurai pas été capable de faire mieux sur le sujet. Certes, il a été élu meilleur film de l’année 2012 et a été choisi parmi les 16 films diffusés du 16 au 22 janvier. La manière dont vous commentez ce film est remarquable. Je me souviens que j’ai exprimé beaucoup de tristesse à la fin du film et que pour moi, c’est la meilleure animation japonaise qui soit. Si j’avais pu noter ce film, je lui aurai mis 5/5 sans hésiter. Je vous souhaite bonne continuation pour votre site et j’en espère que je puisse vous aider; à bientôt.

    • Bonjour et merci pour votre soutien !!!!! Et si vous voulez contribuer au site ce serais avec plaisir, d’autant plus si vous connaissez bien l’animation japonaise, c’est une compétence qui « manque » un peu sur le site !

      • Ah eh bien moi qui demandait sur l’article Mulan si quelqu’un ferait pas un article sur Ghibli… je veux bien contribuer aussi, éventuellement.

        • Bonjour,

          Tout le monde est libre de nous envoyer une contribution (voir l’onglet Contribuer/nous contacter en haut) et si elles sont pertinentes et correspondent à la ligne théorico-politique du site, vous serez publié.
          Nous serions ravis d’avoir de nouveaux contributeurs sur le site. Et ravis d’avoir des analyses sur les productions Ghibli !!

  2. J’avoue que, même si je suis agréablement surprise de voir un article sur ce magnifique film, votre focalisation sur la dichotomie homme/femme pour loup/humain me déçoit un peu.
    Dans Ame et Yuki, j’ai bien plus vu une nouvelle fois le rapport souvent abordé par une certaine branche de l’animation japonaise entre l’humain et la nature.
    Entre une ville déshumanisante et meurtrière (le père loup meurt assassiné par des hommes au coeur de la ville), qui réprime l’essence animale et une campagne hostile, dangereuse, mais où la créativité s’épanouit dans la joie, et où les humains même paraissent plus humains (l’entraide entre voisins qui sauve la mère et ses enfants), on a toujours cette tension entre ce qui est sauvage/civilisé, et ce qui est sauvage dans la civilisation et ce qui est civilisé dans la sauvagerie.

    Après, je trouve qu’au contraire, il y a quelque chose de réjouissant, d’optimiste à voir les enfants choisir leur voie. Et là, c’est plutôt en tant qu’éducatrice que j’ai vu cet aspect. Ame et Yuki choisissent : l’une sera humain, l’autre sera loup. Leur route se séparent et surtout, ils quittent le cadre familial où les deux voies (loup et humain) leur étaient également proposée. J’aurais été déçue d’une fin où ils restent gentiment chez maman en alternant humain le jour, loup la nuit (cette hypothèse de domestication de l’animalité intérieure n’est pas non plus en accord avec certaines traditions spirituelles japonaises animistes comme le shinto).
    J’imagine que c’est le cheminement de tout enfant qui va d’abord tenter de se conformer au modèle que ses parents montrent avant de choisir, en retenant telle ou telle chose de leur éducation, sans que ce soit forcément la voie que d’autres voulaient pour eux. On voit d’ailleurs les deux enfants s’opposer à l’éducation que dispense leur mère : la fillette se plaint de la « sauvagerie » de leur mode de vie, et le garçon fuit la vie collective que la maman tente de lui imposer.

    C’est pour ces deux raisons que j’ai beaucoup de mal à adhérer à une lecture genrée de ce genre de film. J’aimerais bien avoir l’avis de quelqu’un qui s’y connaît en légendes et mythes japonais.

    • Bonjour,

      Mon but ici n’était pas de faire une analyse exhaustive de ce dessin animé, que j’ai par ailleurs beaucoup aimé. Mais juste de réfléchir sur un de ses aspects. Bien évidemment, le film ne se réduit pas pour moi à cela, et peut en plus se lire de plein de manières différentes. Et j’aimerais bien moi aussi avoir l’avis de quelqu’un-e qui connaît bien la culture japonaise :-).

      Après, ma lecture me semble tout de même assez fondée, non ? C’est quand même frappant je trouve que le fils ne puisse que suivre la voie de son père et la fille la voie de sa mère.

      Quelque chose qui m’a marqué, et dont je n’ai pas parlé dans la brève, c’est le fait que la mère est posée comme insuffisante pour élever son fils. Si je me souviens bien (mais ça fait longtemps, alors peut-être que ma mémoire me trompe), la mère s’inquiète parce qu’elle a peur de ne pas savoir comment élever le loup en eux une fois que le père est mort. Et effectivement, le fils ressent un manque (contrairement à la fille) et va chercher un référent masculin. D’abord au zoo, mais c’est un échec, puis dans la forêt auprès du Maître.

      Il y a à mon avis ici l’idée sous-jacente qu’il faut nécessairement un père et une mère pour qu’un enfant puisse bien grandir, le premier étant un peu le détenteur du « principe masculin » et la deuxième du « principe féminin ». Le fils est malheureux lorsqu’il est élevé seulement par sa mère, on voit qu’il lui manque quelque chose. Alors que la fille non, puisque sa mère est là pour lui apporter la féminité dont elle a besoin pour se socialiser (cf. les scènes que je cite à ce sujet).

      J’ai l’impression que le film mobilise du coup à fond des schémas sexistes et hétérosexistes.

      Encore une fois cela n’enlève rien à toutes les autres qualités de ce dessin animé qui a beaucoup d’autres dimensions et qui ne peut se comprendre pleinement qu’en le replaçant dans la culture japonaise, ce que je suis incapable de faire. Mais il se peut aussi que la culture japonaise soit patriarcale et hétérosexiste elle aussi non ?

    • Oui je suis totalement d’accord, et puis pour Nico qui dit que les enfants font leurs propres choix, et que le résultat normal, je ne comprend pas…C’est bien Yuki qui préférait être louve, avec la nature, plutôt qu’Ame assez réservé. Je ne dis pas qu’Ame devait resté humain, mais plutôt que Yuki aurait dû aussi être louve. La raison pour laquelle elle est restée humaine est pour l’homme, elle doit rester avec lui, ce qui est à mon goût sexiste.

  3. Oui, je comprends bien que vous n’aviez aucune prétention à l’exhaustivité. En fait, voir avant tout dans ce film la relation humanité/animalité est presque un réflexe quand on est habitué à l’animation japonaise à la « Ghibli », tellement cet axe de lecture est prégnant ! (Miyazaki est un maître en la matière, il a lui-même beaucoup commenté son soucis de présenter l’homme et la nature dans ses films).

    Après, c’est vrai qu’il y a cette idée du manque. Comme vous le dites « la mère est posée comme insuffisante ». Mais pour élever les deux enfants (chacun ayant sa part loup à dissimuler au monde). Mais j’ai du mal à en avoir une perception seulement genrée. On peut penser aux enfants bi-nationaux qui vivent entre deux cultures, quand il manque les référents dans l’une ou l’autre, il se produit une rupture dans son développement. Il me semble que ce schéma fonctionne ici. Nature humaine / culture loup > ils doivent choisir. D’ailleurs, on peut dire que leur père avait choisi la nature humaine (vivant en ville, au milieu des humains, il ne sort que la nuit pour chasser…) en réprimant sa nature loup, sans quoi il n’aurait pu rencontrer la mère.
    Pour choisir à quelle nature on veut répondre, on passe par l’instinct (l’élan premier de Yuki vers sa nature loup), puis par l’apprentissage : on ne peut pas adhérer à ce qu’on ne connaît pas (et de là, la connaissance de la fillette du monde humain).

    Je vois ce qui vous chiffonne dans ce schéma : la fille suit un chemin « féminin / humain », comme sa maman. Et le garçon suit un chemin « loup/masculin » comme son papa. A cela je vois deux nuances.
    D’abord, comme je l’ai écrit plus haut, il me semble que le père était plutôt dans le refoulement de sa nature loup, de son animalité, de sa sauvagerie, notamment par sa propension à vivre au milieu des humains.
    Ensuite, le cheminement des deux enfants est assez original :
    – en premier lieu Yuki est tirée par sa nature loup alors que Ame est timide, renfermé, limite peureux.
    – au fil du temps, Yuki découvre l’autre versant de sa nature (le versant humain), alors que Ame comprend que le loup en lui n’est pas un ennemi (il apprivoise symboliquement son animalité).
    On passe de la nature instinctive à une nature plus murie, réfléchie.

    L’idée des deux parents, n’est pas forcément évidente. Il faut un/des modèles. Pour Ame, ce sera le loup du zoo, puis le Renard (des modèles masculins, me direz-vous, des modèles animaux, je vous répondrai ^^). Pour Yuki, les modèles seront ses amis de l’école, d’abord les filles de sa classe qui l’attirent dans la nature humaine, et ensuite le garçon dont elle est plus ou moins amoureuse, et qui va conforter son penchant pour cette nature.
    Après, qu’il faille un équilibre dans les modèles présentés aux enfants tout au long de leur développement ne me paraît pas aberrant : des modèles masculins, féminins, des modèles jeunes, vieux, des modèles de vie « conforme » et de vie anti-conformiste. La diversité de ces modèles va structurer leur vision du monde, s’il manque l’un ou l’autre des modèles, cette structuration va être déséquilibrée.

    Là encore, on ne peut pas ne pas voir le rapport avec deux représentations assez courantes dans l’imaginaire japonais :
    – l’intégration au groupe (longtemps vu comme une vertu indispensable à l’équilibre social, elle est sérieusement remise en cause par la littérature pour jeunes). C’est Yuki qui l’expérimente, en refoulant sa nature loup pour faire comme les autres. Et elle va dépasser ce stade de l’intégration et l’uniformité à travers le garçon dont elle est amoureuse qui accepte sa nature loup.
    – la quête du maître. Le « sensei », le mentor, est une figure type du cheminement personnel, beaucoup plus que dans l’imaginaire occidental où l’accomplissement de soi par soi-même est bien plus valorisé. C’est Ame qui trouve le maître et en reçoit les enseignements, jusqu’à ce qu’il soit considéré comme digne (par le sauvetage de sa mère lors de l’orage) de devenir le maître à son tour.
    A ces deux titres, les enfants ressentent un manque :
    – Yuki ressent un manque de civilisation (objets manufacturés, discussion… ) du fait de leur vie dans une campagne reculée.
    – Ame ressent le manque d’animalité : les paysans de la campagne considèrent les animaux comme des nuisibles, et il n’a pas d’autres animaux avec qui partager les questionnements propres à sa nature loup.

    Après bien sûr, vous pouvez toujours apposer une lecture genrée sur ces deux thèmes, mais je n’aurais pas assez de mes dix doigts pour lister tous les contre exemples qui fleurissent dans l’animation japonaise.

    La lecture genrée me semble pertinente notamment au niveau du personnage de la mère et de la représentation de la famille qui est donnée. Il y a cette image typique de la femme au foyer et son mari, salary man, qui est absent du foyer (démissionnaire ou exclu), qui ne voit pas ses enfants grandir et peine à leur transmettre ses valeurs (difficulté des enfants à gérer leur nature loup).
    Et bien sûr, la culture japonaise est ultra patriarcale (mais j’ai du mal à voir ce que vous entendez par « hétérosexiste », donc je ne me prononcerais pas à ce sujet).

    A la relecture, c’est un peu brouillon, j’espère que j’ai tout de même été assez claire !

    • Merci d’avoir pris le temps de développer vos idées.

      J’entends par « hétérosexisme » le système qui pose l’hétérosexualité comme la seule sexualité normale (pour plus de précision vous pouvez voir par exemple la page wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9t%C3%A9rosexisme). Il y a à mon avis hétérosexisme dans « Les Enfants-loups Ame et Yuki » dans la mesure où l’hétéroparentalité est sous-entendue comme étant la seule forme de parentalité équilibrante pour un enfant. Au début, pas de problème tant que papa est là, mais dès qu’il meurt, maman a peur de ne pas pouvoir « élever le loup en eux ».
      Après, on peut voir la fin du film comme une victoire de la mère, donc comme une preuve de la viabilité d’une famille homoparentale. Mais moi j’ai tendance à voir plutôt l’insistance du film sur le possible problème que constitue l’absence de « référent masculin ». Ce qui m’embête, c’est que la famille monoparentale est posée comme intrinsèquement problématique et pas juste de manière contingente, comme dans une configuration où les enfants souffriraient du jugement de la société par exemple. Non ici, le problème s’enracine dans la nature humaine (dans cette « donnée naturelle de la différence des sexes »), et il est donc interne au développement de l’enfant.
      Je suis d’accord avec vous qu’il faille un équilibre dans les modèles présentés aux enfants, mais j’ai l’impression que le film ne multiplie pas les modèles et n’en présente que deux: le référent masculin/père et référent féminin/mère. Le Maître joue clairement le rôle de père symbolique/de substitution pour Ame. Et le garçon dont Yuki tombe amoureuse est lui aussi l’homme qui lui manque, mais cette fois dans la figure du mari/amant, parce que la fille pour grandir doit passer de son père à son mari (sexisme et hétérosexisme vont ici, comme bien souvent, main dans la main).

      Après je trouve intéressantes toutes les autres perspectives que vous avez sur le film. Mais j’ai l’impression que vous avez tendance à les « dégenrées » (à en oublier/ignorer la dimension genrée). Vous semblez penser qu’une lecture en terme genrée ne peut être qu’ « aposée » (comme vous dites) sur le film. Comme si elle était nécessairement plaquée dessus sans y être.
      Mais elle y ait à mon avis tout autant que les autres dimensions que vous mettez en évidence. Et je dirais même plus, elle y est à mon avis primo-structurante (au sens où les autres dimensions me semble souvent s’y ancrer, où elle détermine la forme qu’elles prennent concrètement). Mais sur ce point je crois comprendre qu’on ne sera pas d’accord ;-).

      Merci en tout cas pour les pistes de lectures que vous m’avez ouvertes.

      • Je me permets d’intervenir dans ce débat sur un film qui m’avais beaucoup plu (plutôt aux côtés de Nico, j’en ai bien peur) parce que je trouve vos arguments intéressants.

        A mon avis, Paul Rigouste, ce que vous dites sur les schémas de la famille présentée dans le film est assez vrai (sur le questionnement de la famille homoparentale) mais vous oubliez (ou vous le minorez) que dans cette perspective on assiste plutôt à une reconfiguration d’une famille hétéroparentale vers une famille homoparentale après un évènement traumatique qui est la mort du père. Donc le manque de repère paternel n’est pas présenté comme un mal en soi mais plutôt comme l’absence de ce qui a été. D’où les difficultés à s’adapter pour la mère (et pour les enfants) d’autant plus qu’elle fait le choix de les éloigner de leur environnement primaire (la ville qui est présentée comme dangereuse). Le dénouement du film ne sanctionne pas tellement l’échec ou le succès de la reconfiguration, mais le fait que les enfants aient pu faire leurs choix, si! Je ne suis pas certain qu’on puisse présenter la relation naissante représentée entre des enfants de 13 ans (certes, un garçon et une fille) comme la recherche d’un référent masculin et encore moins comme la recherche d’une figure paternelle.

        Il y a effectivement une lecture genrée possible, (en histoire on appelle ça les « lunette genrée », pour signifier le fait que ça fait apparaître quelque chose qui était déjà dans l’objet, mais que ça polarise TOUJOURS le regard.) mais je ne crois pas qu’elle fasse autant système que vous le dites. Dans la représentation du couple japonais, sans aucun doute, oui, mais vous l’utilisez aussi en lieu et place du clivage nature/société qui reste quand même le sujet du film (« Les enfants loups ») et donc à mon avis le plus pertinent. Le point le plus problématique de votre analyse (intéressante, puisqu’elle porte à débat) et du coup l’association du masculin à la nature et du féminin à la société, alors que le père loup est lui même présenté comme un être binaire. En faisant cela vous mélangez deux clivages qui sont irréductibles puisque la nature exclue la société et donc la dimension genrée. (En tout cas rien dans le film n’autorise une grille de lecture anthropomorphique de la nature). Sans exhaustivité, évidemment, j’aimerais bien que vous me rappeliez les scènes qui vous font dire que le Maître est « clairement une figure paternelle » plutôt qu’une figure naturelle?

        Je suis probablement déjà en train de répéter les arguments de Nico, je vais donc en rester là (pour l’instant).

        • Je suis tout à fait d’accord avec vous sur le fait que la fin du film entérine le succès de la reconfiguration. Ce qui me titille, c’est juste le fait que la monoparentalité soit posée comme un problème pour des raisons « intrinsèques » comme je l’ai dit plus haut. Je comprends ce que vous voulez dire que « le manque de repère paternel n’est pas présenté comme un mal en soi mais plutôt comme l’absence de ce qui a été ». Je suis assez d’accord avec vous. Ce qui m’embête c’est le fait que le substitut au père ne puisse être que masculin.

          En effet, les trois personnages sont tous aidés par un personnage masculin : pour Ame le Maître, pour Yuki son camarade de classe, et pour la mère le vieil homme rustre et autoritaire (personnage qui m’a au passage assez énervé, mais passons). Au-delà de l’individu concret qu’était le père, ce qui manque est aussi (et j’ai envie de dire avant tout) un référent masculin. La donne aurait été différente si au moins l’un des trois personnages arrivait à se construire grâce à un personnage féminin, mais ce n’est pas le cas.

          Après, je n’ai pas dit que le garçon dont Yuki est amoureuse est une figure paternelle. Je dis juste que pour elle, grandir signifie devenir une vraie femme 1/ en correspondant aux canons de la féminité (cf. la scène de la robe de fille), et 2/ en tombant amoureuse d’un garçon. Je ne me souviens plus de la relation que les deux enfants/adolescents ont ensembles, il faudrait que je revois le film. Mais il me semble me souvenir qu’il y a un côté apprivoisement du loup qui est en elle par le garçon, non ? Elle n’a pas besoin d’un homme dans le même sens qu’Ame, mais elle a besoin d’un homme quand même.

          Plus généralement, en ce qui concerne votre idée de la « lunette genrée ». Pourquoi ma lecture serait plus une « lunette » que la vôtre ? Pourquoi, en vous concentrant sur l’opposition nature/société, vous ne « polariseriez » pas vous aussi le regard ? Est-ce que le sens d’un film se réduit à une seule dimension qui exclurait les autres ? Je ne crois pas. Comme je l’ai dit, je pense qu’ici, les oppositions nature/société et homme/femme se recoupent, elles fonctionnent ensemble dans ce film à mon avis. Évidemment que l’opposition humain/animal (ou société/nature comme vous préférez) est la plus visible, mais ce que je voulais faire avec cette brève, c’était justement faire apparaître à quelle autre opposition cette première était associée (et qui est pour moi tout aussi visible), vous comprenez ?

          Je pense que le film est riche parce qu’il nous parle à plusieurs niveaux, parce qu’il travaille plusieurs oppositions en même temps (qui parlent sûrement différemment aux individus en fonction de leur histoire personnelle, leurs problématique, etc. ). Et à mon avis, ce film parle à beaucoup de gens par sa dimension genrée (que ce soit de manière plus ou moins consciente). Vous ne pensez pas ?

          Sinon je ne comprends pas bien ce que vous voulez dire quand vous affirmez que « En faisant cela vous mélangez deux clivages qui sont irréductibles puisque la nature exclue la société et donc la dimension genrée. » Pourriez-vous expliciter ?

          Et pour le Maître, il est à mon avis à la fois une figure naturelle et paternelle. C’est une figure paternelle car c’est lui qui apprend à Ame à s’accomplir en tant qu’homme en devenant un chef (ça me fait penser, dans une tout autre culture, à des rapports père/fils tels qu’on les trouve dans Bambi ou le Roi Lion). Vous voyez ce que je veux dire ?

          • Mais je ne pense pas que ça soit la cas du tout! Vous posez une équivalence qui est purement basée sur le sexe des personnages (même pas sur le genre) entre des fonctions qui sont très différentes.
            Pour le vieil homme, je suis d’accord avec vous, il a un rôle d’initiateur pour la mère qui correspond aussi à son acceptation dans la communauté rurale. Mais d’une part elle en a besoin, en tant que novice (Je peux comprendre que les scènes où on la voit travailler pour dix et où il lui donne deux trois indications comme ça vous dérangent) mais de plus, elle finit par être considérée comme membre de la communauté (à égalité avec tous les autres fermier, il me semble que ce monde est représenté comme étant majoritairement masculin). Il ne fait que lui faire acquérir les moyens de nourrir sa famille (elle reprend la fonction du père) et de s’intégrer à la communauté. Elle finit d’ailleurs même par exercer ce rôle pour tous (puisque ses enfants éloignent les animaux qui mangent les cultures.

            J’ai déjà dit émis un doute sur le fait de considérer le petit garçon comme un « substitut masculin » au père alors qu’il n’occupe aucune des fonctions de père et est le premier à être attiré par Yuki. La relation est présentée comme mi-amicale et mi-amoureuse, mais plutôt équilibrée. (Les enfants sont ils plus équilibrés que leurs parents?). Je veux bien en revanche, le placer du côté des « pressions » qui fonctionnent pour Yuki comme une incitation à se socialiser. (C’est d’ailleurs une représentation critique de la fonction de la société dans son opposition à la nature)

            Le Maître a effectivement une fonction d’initiation à la nature pour Ame. Mais il a une fonction de « gardien » et non de chef. Il se rapproche à mon avis plutôt des animaux mythiques qui ont une fonction quasiment « spirituelle » (le mot est faux mais je n’arrive pas à définir. Vous voyez les esprits de forêt et le cerf dans Princesse Mononoké?). Vous citez Bambi et le Roi Lion, mais ce sont justement des contre-exemples. Chez Disney, la nature est quasi-systématiquement anthropomorphe. C’est à dire qu’on la montre sous la forme de société humaine, hiérarchisée et représentée (UN Lion « roi des animaux », règne sur une savane où tous ont intériorisés sont pouvoir). La nature devient métaphoriquement une monarchie.

            Dans ce film, la nature est présentée comme un « autre chose » que la société. Presque son inverse. Dans les scènes où l’on voit le renard initier Ame, il ne domine pas quoi que ce soit. Il est sur un plan horizontal avec les autres animaux. Il n’y a pas de relations d’ordre social montrée dans ce film entre les animaux. C’est un monde intrinsèquement naturel (j’entends par là une relation basée sur des représentations sociales) Quand je dis que le social et la nature s’excluent mutuellement, c’est parce que la mort du père est présentée comme le résultat de son hybridité. C’est la critique sociale des réactions « naturelles » (la collection d’os, le réflexe défensif qui fait que Yuki blesse le gamin…) Qui pousse les deux enfants à faire un choix entre leurs deux appartenances. Et ce choix n’est pas donné d’avance, puisqu’il ne correspond pas au caractère originel de chacun.

            Le clivage du genre ne peut s’appliquer que dans ce qui est présenté comme étant l’ordre social. Je n’ai pas dit que le clivage genré n’était pas pertinent (je l’ai même reconnu dans mon précédent message). Je pense simplement qu’il ne fait pas autant système que vous le soutenez dans l’article. Et que le dénouement n’est donc pas le résultat de « deux essences ». Je pense au contraire que les réactions différentes des enfants face à la société désessencialisent le film. Ils sont bien plus le fruit de leur sociabilité primaire (Yuki, réussie à dépasser sa peur dès sles premiers rapports sociaux à l’école tandis qu’Ame n’y parvient pas). Et ils ont pourtant eu la même enfance.

          • Désolé pour le temps de réponse, mais je suis assez débordé en ce moment. Et comme je suis en plus assez fatigué, je n’arrive pas à bien comprendre tout ce que vous me dites (j’essaierai d’y revenir plus tard…).

            Ce qui m’intéresse beaucoup dans ce que vous dites, c’est la distinction qui existe selon vous entre des figures comme Le Roi Lion ou Bambi d’un côté, et le Maître de Ame et Yuki de l’autre. Peut-être que vous avez raison, je ne sais pas (il faudrait que je revois le film, ainsi que Princesse Mononoké & autres, et aussi avoir quelque connaissance de la « culture japonaise » sur ces questions).

            Ce que j’aimerais bien savoir aussi, c’est si le nom du renard dans la version original signifie bien « Maître » en japonais, et si ce mot a le même sens dans ce contexte. Car je me dis qu’il est fort possible que la version française ait occidentalisé un peu le personnage rien qu’en le nommant ainsi.

            Après, peut-être que Le Roi Lion et le Maître ne sont pas non plus si éloignés que ce que vous dites. Rappelez-vous tout le discours que sort Mufasa à Simba selon lequel le rôle du roi est juste de comprendre l’équilibre de la nature, qui obéit à des lois qui dépassent le souverain et que celui-ci ne fait que préserver. Je ne me souviens plus très bien ce qui se dit dans Ame et Yuki, mais j’ai l’impression que c’est un peu du même genre. Dans les deux cas, il y a un individu qui se détache parce qu’il sait plus que les autres, ce qui lui confère un rôle plus important (ce qui est différent pour moi d’un « esprit » qui ne fait qu’incarner symboliquement la nature, mais sans avoir un rôle actif à y jouer). Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire.

            En tout cas c’est un point très intéressant je trouve, qui me donne envie de revoir le film, ainsi que les Miyasaki.
            Merci en tout cas, et désolé pour la brièveté de la réponse.

          • Après vérification, oui, le terme sensei est employé (avec le terme Kitsune = renard), qu’on traduit par « professeur » (les élèves à l’école s’adressent ainsi à leurs profs) mais aussi par « maître » au sens de mentor, aîné dans la connaissance d’un domaine particulier, mais aussi comme marque de respect (un journaliste interrogeant un écrivain célèbre s’adressera à lui avec ce terme).
            La différence qui me semble primordiale entre Mufasa et le Maître d’Ame, c’est que ce dernier ne revendique ni n’exerce de pouvoir sur les autres animaux ou sur la nature (ou du moins, ce n’est pas dit ni montré dans le film), contrairement à Mufasa qui avant d’être un maître est un roi, un souverain.
            La différence est également que le Maître initie Ame à la nature (les cycles, les saisons, les relations entre animaux) parce qu’il y est extérieur/étranger a priori. Alors que Mufasa apprend les règles de son monde à Simba qui en fait partie a priori, comme un éducateur apprend les règles de vie en société à l’enfant qui lui est confié (sincèrement, j’ai pas osé écrire « comme un père apprend les règles de vie en société à son fils », de peur que cela soit mal interprété).
            Il est clair que le Maître n’est pas « pur esprit » simplement représentatif de la nature. On peut le voir comme une figure tutélaire qui introduit Ame à son nouvel univers.
            Quant à dire qu’il y a un individu qui se détacha parce qu’il en sait plus qu’un autre, je ne le conteste absolument pas : dans un cas un parent en sait plus que l’enfant, de l’autre un maître (donc on peut le supposer, plus âgé) qui vit déjà dans le monde auquel un individu plus jeune veut s’intégrer.

            C’est anecdotique, mais j’ai vu récemment le précédent film de ce réalisteur, Summer Wars. Et là encore, le rapport nature-animalité vs. culture-humanité-civilisation moderne est hyper pregnant. Si vous avez le temps (je dis ça avec naïveté, personne n’a le temps…) je vous le conseille, car, entre autre, la lecture genrée m’y paraît bien plus pertinente que dans Ame et Yuki (les personnages féminins y sont bien plus caricaturaux et, pour l’une d’elle, bien plus dépendante des protagonistes masculins qui dominent l’action).

        • Merci beaucoup pour ces précisions très intéressantes.

          Je suis d’accord à propos de votre première différence : dans le Roi Lion on voit clairement Mufasa et Simba donner des ordres à tout le monde, et il y a bien sûr cette horrible scène d’introduction où tout le monde vient s’incliner devant le nouveau roi, alors que dans Ame et Yuki il me semble qu’effectivement le Maître Renard n’est pas montré comme ayant un tel pouvoir. Il faudrait que je le revoie, mais il me semble plus veiller sur la forêt sans vraiment y intervenir. Mais bon, encore une fois, il faut que je le revois.

          Après je ne sais pas si votre deuxième distinction tient vraiment. Parce qu’en un sens Simba non plus n’appartient pas à l’univers dans lequel Mufasa l’introduit, comme tout « nouveau né ». Dans les deux cas il me semble y avoir une même initiation, celle d’un nouveau venu dans l’univers par un « maître » qui sait. Dans les deux cas, il s’agit pour le jeune personnage masculin d’être initié par le vieux personnage masculin à une responsabilité, qui est aussi une position de pouvoir dans la mesure où elle rend l’individu supérieur (au moins de par son savoir) au reste de la nature. Donc j’ai du mal à ne pas voir là-dedans une reproduction patriarcale, une passation de pouvoir/savoir père-fils, malgré effectivement toutes les différences qui séparent Ame et Yuki du Roi Lion par exemple.

          Et j’essaierai de regarder Summer Wars (même si The Girl Who Leapt Through Time, du même réalisateur, m’avait laissé assez dubitatif), car les film d’un-e même réalisateur/trice peuvent s’éclairer les uns les autres, surtout quand ille signent aussi l’histoire, comme c’est le cas avec Hosoda.

  4. Décidément, le débat fait rage XD
    Merci pour votre intervention, Bloch, je ne peux qu’acquiescer à la lecture de votre premier paragraphe, et d’autant plus après avoir appris le sens de l' »hétérosexisme ». Comme vous l’expliquez bien, là où il y a un couple hétérosexuel à l’origine, c’est une évolution de cette configuration hétérosexuelle qu’il faut chercher.
    Dans cette perspective-là, je ne trouve pas ça complètement incohérent de voir les trois membres de la famille chercher une autre figure masculine (avec plus ou moins de succès, comme par exemple l’échec de Ame avec le loup du zoo). ça me semble particulièrement humain de vouloir remplacer ce qu’on a perdu par quelque chose de quasi semblable (c’est valable pour les personnes qui meurent, pour les objets que l’on perd, pour les lieux qu’on quitte). La réalité se charge ensuite de nous ramener à la raison (personne ne remplace un père mort), et au lieu de « remplacer » ou « substituer », on cherche quelque chose de différent de nouveau. C’est ce qui permet de passer à autre chose en cas de décès.

    Pour la prédominance de figures masculine, je trouve que vous évacuer trop vite le rôle des femmes auprès de la maman et de Yuki : les copines d’écoles et l’instit de Yuki, et les voisines de la maman qui proposent leur aide et passent leur temps à la conseiller. Les rôles assignés aux deux ensembles ne sont pas les mêmes mais ils ont cette mission d’accompagner l’adaptation de la famille à leur nouvel environnement.
    Quant au renard, le côté « sensei » interdit d’interpréter son rôle comme celui du chef. Le sensei est le maître (sagesse, conseil, connaissance) qui conserve et transmet les savoirs, il n’a pas de rôle de leader. Si je devais le comparer à un personnage de dessin animé, je penserais plutôt à Rafiki du Roi Lion, ou à la mère Arbre de Pocahontas.

    Au sujet de la phrase de Bloch :
    « En faisant cela vous mélangez deux clivages qui sont irréductibles puisque la nature exclue la société et donc la dimension genrée. »
    Corrigez-moi si je me trompe, mais il me semble que par là, on peut entendre que la nature n’est pas genrée. Il n’y a pas d’hommes ou de femmes, de norme sexuelle, d’hétérosexisme dans la nature. Il ne peut pas y avoir de réflexion sur le genre, sur les rôles sociaux dans la nature, à partir du moment où elle est le domaine de l’instinctif, qui échappe aux constructions sociales. La nature n’est un univers ni masculin, ni féminin, (il suffit de voir à quel point la nature est représentée tour à tour par des figures féminines et masculines).

    Pour Yuki, elle passe par deux stades :
    – la reconnaissance par les pairs (reconnaissance qu’elle est comme les autres : les filles de sa classe avec elle veux nouer des liens). Mais pour cette reconnaissance, elle dissimule une partie de sa nature (la chanson de sa maman pour se contrôler, la robe comme un « déguisement » civilisé pour cacher son corps potentiellement loup). C’est une reconnaissance partielle et une intégration superficielle.
    – la reconnaissance par l’autre (le garçon qui au début la « persécute », et contre lequel elle commence par s’opposer violemment : la reconnaissance qu’elle est quelque chose de différent mais que cette différence est acceptable et acceptée). Et cette reconnaissance est doublement celle de l’autre : ce garçon découvre et accepte la nature loup de Yuki. La reconnaissance est alors complète.
    C’est exactement le genre de processus que connaissent un grand nombre d’enfants, passant d’ado à adulte = s’intégrer à tout prix au risque de gommer ses différences

    Ensuite, pour conforter ce qu’écrit Bloch, la lecture genrée ne me paraît pas ici évidente, parce que le film a un objectif avoué : parler de la manière dont les enfants grandissent. Le cadre n’est pas choisi par hasard (famille monoparentale, difficultés financières, déménagement… des situations certainement plus familière à une grande partie du public japonais que la famille papa-maman-enfants-maison, trop caricaturale). Alors bien sûr, il est tout à fait légitime de repérer les éléments de ce film qui répondent à cette dimension genrée. Mais je n’en ferai pas un éléments principal (ce qui n’engage que moi).
    Cela dit, comme vous le dites, chacun va y voir sa grille de lecture selon les thèmes, selon les références qu’on possède. La tendance à « dégenrer » ma lecture de cette histoire provient, à mon avis, du fait que deux autres dimensions (éducation des enfants et relation humain/nature) me tiennent particulièrement à coeur, ce qui a tendance à éclipser le reste, et relativiser l’importance de la lecture genrée par rapport au discours global du film.

    • Coucou,

      J’arrive des mois après la bataille je sais, mais je n’ai que récemment vu le film! 🙂

      Je voulais juste revenir sur un truc dans un des commentaires de Nico, qui sont très intéressants! Au passage j’ai beaucoup aimé le film, et je partage globalement l’analyse que Paul en fait au niveau de l’évolution des personnages, ce qui m’a d’ailleurs frustré car je trouvais que la première partie du film était assez intéressante à ce niveau, et puis le retour de bâton m’a chagriné. Mais bref passons, ptet que je développerais plus tard là dessus.

      « « En faisant cela vous mélangez deux clivages qui sont irréductibles puisque la nature exclue la société et donc la dimension genrée. »
      Corrigez-moi si je me trompe, mais il me semble que par là, on peut entendre que la nature n’est pas genrée. Il n’y a pas d’hommes ou de femmes, de norme sexuelle, d’hétérosexisme dans la nature. Il ne peut pas y avoir de réflexion sur le genre, sur les rôles sociaux dans la nature, à partir du moment où elle est le domaine de l’instinctif, qui échappe aux constructions sociales. La nature n’est un univers ni masculin, ni féminin, (il suffit de voir à quel point la nature est représentée tour à tour par des figures féminines et masculines). »

      Ce que je trouve extrêmement problématique avec ce paragraphe, c’est qu’il présuppose qu’il existerait une chose qui s’appellerait « nature », dont nous êtres humains pourrions avoir une idée « objective », « vrai », « absolu », et surtout non-influencé par nos représentations (forcément sociales, vu que l’être humain se définit par sa sociabilité).
      Perso, je trouve les réflexions de quelqu’une comme Christine Delphy les plus intéressantes à ce sujet, à savoir (pour faire très vite) que la nature n’existe pas, n’existe que l’idée que se font les êtres humains de ce qui est naturel.
      Autrement dit, il n’existe pas une chose appelé nature que les êtres humains appréhenderait, mais c’est plutôt les êtres humains qui construisent l’idée qu’illes se font de la nature, et qui relève très souvent de pré-supposés qui trouvent leur sources non pas « dans la nature », mais bien plutôt dans la société humaine.

      Je vais copier-coller un bout d’une réponse que j’avais mis ailleurs pour rendre le truc plus clair:

      « Déjà, Darwin, en homme de son temps et en bon phallocrate, avait affirmé dans « L’Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle » que « l’homme est doté de plus de courage, de pugnacité, d’énergie que la femme et possède un plus vaste esprit inventif ». Alors, cela n’invalide pas en soi la théorie de l’évolution tel qu’il l’a formulé (et qui a été reformulée depuis), qui reste le meilleur outil théorique, fascinant et complexe, pour comprendre l’évolution des espèces. Mais y aurait-il un biais andro-centré dans nos « observations » de « la nature »? Comme le dit Patrizia Romito, « le langage anthropomorphisant auquel [Maeterlinck] (dans son livre « La vie des abeilles ») recourt pour décrire les abeilles est celui de tout observateur humain étudiant le monde des autres animaux: le faisant invariablement à l’aune de sa propre expérience et de sa propre culture, utilisant des concepts et un langage qui n’ont été créés que pour de décrire lui-même, lui et ses semblables ». Et elle continue en écrivant « En somme, observer et décrire les animaux pour ensuite en conclure que les êtres humains se comportent « tout à fait comme eux », et la considérer le comportement humain comme naturel et en quelque sorte immuable, est un procédé en boucle fort peu convaincant; il s’est d’ailleurs avéré usé jusqu’à la corde lorsque les femmes scientifiques ont commencé à travailler sur le terrain, jusqu’alors occupé uniquement par des chercheurs de sexe masculin. »
      Elle cite la primatologie comme un exemple particulièrement éclairant. Là où les chercheurs hommes n’avaient vu que des mâles plein d’ardeur, dominateurs, agressifs, et des femelles timides et farouches, les primatologues femmes ont observé des femelles également actives, initiant souvent l’acte sexuel, même avec des mâles d’un autre groupe et même si elles avaient déjà été fécondées. Tout ça a permis de montrer à quel point le langage utilisé auparavant était biaisé, et en disait beaucoup plus long sur le travail d’approche d’un mâle dominant socialement (genre un prof d’université, par exemple) à l’intention d’une femelle de statut inférieur (étudiante? secrétaire?) qu’elle ne disait sur la copulation entre singes. Le travail de référence là dessus est Blaffer Hrdy, 1999.
      Du coup, impossible de nier que l’arrivée des chercheuses ici a contribué à rendre le cadre plus complet et la science plus objective, en incorporant dans les travaux de recherches des points de vue différents (ici, en occurrence, ceux des femmes), et du même mouvement permettant de révéler les présupposés sexistes à l’œuvre dans beaucoup de travaux antérieurs. »

      Je ne sais pas si vous comprenez un peu plus pourquoi votre paragraphe me gène, ou du moins que la trouve discutable?

      Je ne dis pas que la nature est genrée, ou quoi que ce soit de la sorte, je dis qu’à partir du moment où le concept de « nature » a été développé au sein d’une société humaine patriarcale (et pour moi c’est très largement le cas, encore aujourd’hui, malheureusement), cette conception-là sera genrée, ou du moins sera vu au moins en partie à travers le prisme du genre, vu que, comme le dit Geneviève Sellier, celui-ci est « primo-structurant » dans notre société.

      Également, je pense qu’il y a matière à discuter lorsque vous dites que « la nature, à partir du moment où elle est le domaine de l’instinctif, qui échappe aux constructions sociales ». Pour moi, cette opposition radicale entre « nature » et « constructions sociales » oublie ou mystifie le fait que les animaux (je parle des animaux parce que c’est ce que t’entende la plupart des gens par « la nature ») ne sont pas uniquement régis par « un instinct », mais ont aussi des complexités sociales qui font que leur comportement n’est pas homogène ou « prédéterminé » en avance par « un instinct ».
      Les chats, par exemple (un exemple parmi beaucoup d’autres, mais qui a l’avantage d’être un « lieu commun »). Les êtres humains se plaisent à dire « les chats chassent les souris, c’est leur instinct de chasseur ». Mais c’est faux. Il y a des chats qui ne chassent pas de souris, des chats qui chassent les souris mais ne font que jouer avec eux sans les tuer, d’autres qui jouent avec eux et les tuent sans les manger, et des chats qui chassent des souris et les mangent sans jouer avec, et ce suivant comment leur(s) parent(s) leur ont appris. Mais cette conception-là ne rentre pas dans le cadre rigide de ce que l’on entend par « nature », donc on dit « les chats chassent les souris, c’est leur instinct de chasseur », et on fait des espèces animales des entités monolithiques, régit par « un instinct » qui serait propre à l’espèce, et qui créerait non pas des individus, mais des sortes de machines à se reproduire et « perpétuer l’espèce ».
      Cette conception de « la nature » et des animaux n’est à mon avis pas un hasard, et s’est crée et se perpétue au sein d’une société spéciste, qui se considère surtout en opposition à cette « nature » et au-dessus d’elle. Cette conception à, entre autre, pour but de légitimer et justifier l’exploitation et l’utilisation que nous faisons des animaux, qui, ainsi « naturalisés », en perde toute individualité et donc toute valeur (aux yeux des humains, j’entends).

      Alors je ne dis pas bien sûr que vous êtes pour l’exploitation et la torture des animaux, je ne cherche pas à vous faire un procès d’intention, surtout à partir d’un petit paragraphe, qui plus est où vous reprenez des propos de quelqu’un d’autre :-). Je cherche juste à vous expliquer là où à mon avis ce discours mène, et même d’ailleurs pourquoi elle est aussi courante dans notre société (spéciste).

  5. Bonsoir,

    je n’adhère pas à l’axe de lecture du film que vous proposez. Je crois que mon point de vue ne diffère pas fondamentalement de ceux (fort bien) exposés par Nico et Bloch, auxquels je me contenterai d’ajouter des éléments qui me semblent importants.

    Le fait que la monoparentalité soit insuffisante ne me semble pas du tout intrinsèque ; vous ne pas tenez pas compte de la précarité financière de la famille : si je me souviens bien, on voit le père sortir des cartons d’un camion, et la mère travaille dans un supermarché, et ensuite dans la structure qui s’occupe de préserver l’environnement (et le recruteur souligne que le salaire est très bas). Ces emplois me rappellent le fléau du travail intérimaire dans la jeunesse japonaise. On verra plus tard la mère accepter de vivre dans la maison complètement insalubre… Bref, je pense que plus que monoparentalité, il fallait y voir pauvroparentalité.

    Vous dites aussi que le film véhicule l’idée que société et nature sont incompatibles, et par là vous insinuez qu’il véhicule aussi l’idée de l’incompatibilité masculin/féminin.
    Il me semble que là aussi, vous négligez tout un pan du film. A mes yeux, l’incompatibilité société/nature est présente, mais dénoncée, car imposée par la société. Quand la mère doit soigner ses enfants, elle doit choisir entre une clinique pédiatrique et une clinique vétérinaire, qui se trouvent sur des côtés différents de la rue.
    De plus, le père est un personnage foncièrement indécis : il n’est pas inscrit à la fac mais y suit des cours, il s’absente pendant de longues durées, se transforme à plusieurs reprises… Et c’est la société qui lui fait tragiquement payer le prix de son ambiguïté. Si les enfants seront poussés à choisir, c’est aussi pour cela.
    Enfin, il me semble qu’au sujet du désir qu’éprouve Yuki à être reconnue en tant que fille, le film prend le parti de montrer la grande souffrance qui en découle, par exemple dans la violence dispute entre les enfants à la fin du film.

    Voilà pour Ame et Yuki.

    Je vous reproche essentiellement d’avoir analysé le film à travers le prisme d’une thématique qui vous tient à coeur et qui ne me semble pas tant présente dans le film, et à ce propos, j’aimerais que vous me donniez plus de détails sur cette affaire « d’origine biologique du genre dans le sexe ». Vous (Nico et Bloch aussi) êtes visiblement familiers avec le concept de « genre » à propos duquel je ne sais pas grand chose. Est-ce que l’un de vous pourrait me dire où je pourrais en savoir plus ? Ce n’est sûrement pas l’endroit pour demander ce genre de choses, mais si je n’avais pas pris ce temps de parler d’un film que j’aime beaucoup, je n’aurais jamais eu l’occasion d’avoir plus d’informations à ce sujet. Je vous tiens en bonne estime, et sais que vous ne m’orienterez pas vers un article de wikipédia, mais vers une source fiable.

    Je vous remercie de m’avoir lu, pour votre aide, et pour votre texte que j’ai eu de l’intérêt à lire (sinon je n’aurais pas répondu :D).

    • Bonsoir,

      Comme vous l’écrivez, nous avons globalement la même analyse du film. Vous avez raison à propos du désir de reconnaissance de Yuki. J’ajouterais que l’affrontement et la séparation à la fin du film vient du fait qu’Ame lui-même refuse d’être un garçon.

      Sur la question du sexe et du genre, je ne sais pas si je suis le mieux placé pour vous répondre sur le plan politique, je connais un peu la question pour l’avoir croisée en licence d’histoire.
      Elle recoupe notre discussion sur nature et société. Le sexe,correspond à une variable naturelle et biologique (la génétique) tandis que le genre (concept qui se crée dans les années 60) concerne les attributions sociales qui ont été, au cours de l’histoire, associées aux individus en fonction de leur sexe et les représentations qui en ont découlées(par exemple, l’exercice du pouvoir politique à Athènes, rôle masculin est justifié dans des mythes, comme celui de la fondation d’Athènes. Les femmes obtiennent qu’Athéna soit la divinité protectrice de la ville mais Poséidon lance un Raz-de-marée sur l’Attique et les hommes leur retirent le droit de vote).
      Les questions du genre concernent des domaines tels que la division sociale du travail, la reproduction et l’éducation des enfants, la sexualité ou l’érotisme. (Source: Hommes et femmes dans l’antiquité grecque et romaine. Le genre: méthode et documents, sous la direction de Sandra BOEHRINGER et Violaine SEBILLOTTE, reformulé et simplifié à partir de souvenirs du cours associé)

      Par rapport au film qui nous occupe, ce que Paul Rigouste veut dire (si je comprends bien) c’est que pour lui, la détermination des enfants dans leur genre (le choix qu’ils font au contact de la société) est déterminée par leur sexe. C’est à dire que le garçon devient protecteur de la forêt (ce qu’il associe à un rôle masculin) tandis que la fille fait le choix de s’intégrer à la société. Le point qui fait débat est que l’auteur de l’article associe le rôle de protecteur de la forêt à une fonction masculine (tandis que pour moi elle est simplement « naturelle ») et « l’apprivoisement » de la fille à un signe féminin.

      Je ne suis pas certain d’avoir été très clair… J’espère que quelqu’un de plus familiarisé avec la notion vous répondra, pour moi elle est extrêmement problématique pour parler des représentations contemporaines, notamment dans le cadre de la fiction.

      • @ Bloch

        « J’espère que quelqu’un de plus familiarisé avec la notion [de genre] vous répondra, pour moi elle est extrêmement problématique pour parler des représentations contemporaines, notamment dans le cadre de la fiction. »

        Ah mais il aurait fallu commencer par ça ! Parce que si c’est l’analyse genrée EN GENERAL qui vous pose problème (et pas l’analyse de tel ou tel film), ce qui nous sépare concerne avant tout nos présupposés théorico-politiques, et pas l’analyse de ce film en particulier. Car moi depuis le début je réponds à vos objections sur l’analyse genrée de Ame et Yuki en partant du principe que vous êtes d’accord avec l’idée d’une analyse genrée et que vous critiquez juste l’analyse que je fais de ce film en particulier. Vous voyez ce que je veux dire ?

        Donc reprenons au commencement (de là où on aurait dû partir visiblement) : qu’est-ce qui vous gène dans l’idée d’une analyse genrée des oeuvres exactement ?

        Personnellement, je trouve cet angle d’approche éminemment légitime dans la mesure où absolument TOUS les films présentent des personnages masculins et/ou féminins, et véhiculent donc une certaine représentation de la masculinité et/ou de la féminité (et de leur rapport). Le genre étant une construction sociale, les films/série/dessins animés/etc. participent donc à la « fabrique du genre » propre à notre société (d’autant plus que le cinéma est un « art de masse », qui touche donc un très grand nombre de gens).

        Avez-vous donc déjà un problème avec ce présupposé théorico-politique de base ?

        • Ha non, je n’ai aucun problème de principe avec l’analyse genrée des oeuvre cinématographiques. Elle permet pour chaque époque de mettre en lumière des éléments qui restent cachés dans les traces. Il n’y a qu’à voir les résultats très intéressants qui sont produits en histoire à l’aide de cette perspective (sur le travail des femmes ou leur place dans la production culturelle par exemple).

          Je souscris d’ailleurs à certaines parties des analyses qui sont produites ici (En particulier pour Disney, même si je trouve que les films sont souvent plus contradictoires que ce que les auteurs des articles ne le laissent entendre).

          Ce que je voulais exprimer à travers « problématique », c’était MA propre difficulté à cerner la notion dans le contemporain. D’où l’appel à un complément de la définition ci-dessus (qui doit vous convenir apparemment puisque vous n’y revenez pas)
          Et là, on retrouve en fait le point du débat (des débats?) où nous en sommes restés sur Killer Joe, qui est qu’un film est certes un consommable pour un public très large mais qu’il est aussi une oeuvre, reflet pour une part de la société dans laquelle il est créé (Et là évidemment, la question du genre a toute sa place, de même que la variable historique, c’est pourquoi il importe aussi de contextualiser précisément une oeuvre). Mais en tant qu’oeuvre, un film est aussi le produit de choix narratifs, esthétiques et politiques de son créateur. Bref, les films de cinéma proposent aussi des discours et des visions du monde (Il me semble que j’avais réussi à mieux exprimer tout cela précisément dans les commentaires de Killer Joe, désolé de vous y renvoyer mais les mots y étaient plus pesés je crois. Et j’oublierais des points en tentant de le refaire)

          En ce qui concerne Ame et Yuki, je ne sais pas si cela vaut la peine d’y revenir (puisque vous ne le faites pas. ce qui est un peu frustrant, d’ailleurs), mais je pense que si certains indices vont dans le sens d’une conception traditionnelle du Japon (les images du couple ou la valorisation de la ruralité face à la ville par exemple), le film n’est pas schématiquement genré. La mère reprend en charge un rôle d’avitaillement qui est présenté (dans le film) comme masculin (le père-loup chassait, les agriculteurs -même si on voit leurs femmes travailler- en tant que « travailleurs de la terre » sont tous des hommes dans le film).

          • Ouf, vous me rassurez, j’ai eu à un moment que vous ne partagiez pas les présupposés de base de l’analyse genrée et que notre discussion était du coup un peu vaine.
            Sinon, je n’ai pas oublié la discussion sur Ame et Yuki, sur la définition du genre, ni sur votre conception du cinéma (que vous explicitez sous Killer Joe), c’est juste que je manque cruellement de temps en ce moment, alors je ne réponds que petit à petit (j’ai déjà essayé de vous répondre par rapport à la critique française sur Killer Joe, mais je n’ai pas eu le temps encore pour le reste, désolé).

  6. J’ai trouvé cette critique vraiment intéressante! De plus, je ne parvenais pas à me calmer devant toutes les émotions que ce film nous transmet; entre la mort du père (j’ai été vraiment frustrée par ce qu’à décidé l’auteur) et des passages frissonnants (je pense notamment à celui de la course dans la neige). Je dois dire qu’avoir lu cette critique m’a « défrustrée ».
    Cependant, je reste quand même dans une optique différente face à cette animation. Je regarde beaucoup d’animation japonaise, et bien que je ne connaisse pas la culture japonaise en elle-même, il me semble que la femme est très souvent une source d’inspiration, davantage que l’homme. On la représente comme la force, la résistance et la sagesse dans le cas de la mère, malgré le fait qu’elle soit souvent la bien intégrée dans la société et la personne qui attend tout le monde à la maison et qui s’en occupe. Cette vision là me paraît plutôt « avantageuse » pour la femme, au contraire. Elle ne me paraît pas inférieur. En occident, on rejette de plus en plus cette illustration de la femme au foyer, mais ici je pense vraiment qu’il n’est pas question de place pour les deux sexes. Je pense plutôt que c’est une représentation des difficultés que la femme célibataire éprouve.
    Déjà, la mère est « veuve », ce qui blesse aussi le spectateur. Et faut avouer qu’il n’y est pas allé de main morte quant à la mort du père… Le chien dans la benne, j’ai eu du mal à le digérer. Et je pense que c’est précisément la sensation que l’artiste voulait nous montrer. Sauf idée d’un animal égal à l’être humain, qui est aussi à représenté selon mon interprétation personnelle, et qui ne me déplaît pas du tout.
    Si je pense à la mère célibataire, c’est parce que depuis cet animé, je ne parviens plus à regarder ces femmes là de la même manière. Ca m’a profondément touché, car je pense que c’est très fidèle à la vérité dans la difficulté qu’elle éprouve (avec les voisins par exemple, ou avec l’assistance à l’enfance, la fatigue, les cours d’éducation qu’elle se prépare d’elle-même, les décisions difficiles…) et tout ça avec la mort de son mari qui est brutale, je me répète. C’était vraiment bien calculé cette succession d’émotion. D’ailleurs, pour ma part, je ne me remets pas de la perte du père, tout comme la mère. Elle ne tourne retrouve jamais d’homme, et personne capable de la comprendre.
    Bon je me suis bien attardé sur la mort du père et les difficultés de la mère, maintenant pour les enfants, je pense que le choix d’Ame n’est décidé que dans l’absence d’un père dans son éducation. Il grandit au milieu du sexe opposé, et de plus soeur et mère sont plus charismatiques, plus courageuses et surtout, ne se laissent pas dévorées par leur sensibilité. Le garçon au départ est extrêmement frustrée par un sentiment d’infériorité et nécessite de retrouver la virilité « populaire » de l’homme japonais; j’entends par là le côté puissant, sage, ou encore altruiste qu’on retrouve dans son choix (je ne suis pas certaine de cette interprétation cependant). C’est le renard qui lui offre ce que son père n’a pas pu lui transmettre. J’ai trouvé intéressant qu’Ame se serve de sa sensibilité pour être plus fort.
    Yuki se force de son côté à ressembler au stéréotype de la femme dans une société, là-dessus je suis d’accord. J’y vois aussi une sorte de passage à la maturité dans le sens où tout enfant se force à se dégager de ses divertissements d’antan. Comme une fillette avec ses poupées ou sa dînette. Dans son cas, c’est plutôt son côté « garçonne », si on regarde. Ce n’est peut-être qu’une représentation du garçon manqué à cause de son caractère inné. Mais je dois aussi admettre que je ne me suis pas vraiment attardé sur l’histoire de Yuki. Je me disais que la petite histoire d’amour n’était qu’une façon de nous éloigner un peu des émotions les plus dures, afin qu’on ne quitte pas le film sur une sensation de tristesse face à l’histoire des parents et du petit frère.

    En tout cas des animés comme celui-ci, pour ma part y’a pas photo, les japonais sont plus fort que nous les occidentaux. Quand on voit les oeuvres splendides de Miyazaki, et même les animés arabes et africains, les morales et moralités sont beaucoup plus touchantes et leurs impacts plus efficace que ce que font les studios en occident à notre époque. (Cela reste un avis personnel bien entendu.) Je doute qu’on retrouve la puissance de nos bons vieux Disney, et encore ils étaient inspirés de contes de fée en général.

    Voilà pour ma critique 🙂

  7. Bon, eh bien moi je dois dire que j’adhère totalement à cette critique. Même si par ailleurs les enfants loups possède beaucoup de charmes et de qualité, je dois dire que le coté franchement stéréotypé et clichés des rôles masculins et féminins m’a un peu, voire carrément agacé.
    On nous explique que les petites filles doivent renoncer à leur liberté, leur indépendance, leur sauvagerie, leur originalité, leurs envies (les squelettes d’animaux pourquoi pas, j’ai moi même fait cela…) pour mettre des petites robes et êtres apprivoisées par un amoureux collant et intrusif. Je regrette, mais un mec qui vous poursuit pour vous coincer dans un coin afin de vous obliger à lui parler, vous justifier etc. cela ne m’évoque rien de très agréable, et même cela m’évoque des situations connues et désagréables.
    Le petit garçon de 12 ans qui sauve sa mère de la mort en la portant O_o et qui tel le cowboy solitaire abandonne les femmes coincées à la maison à pleurer son départ…
    Enfin, pourquoi TOUS les personnages qui disposent de connaissances et de sagesse, d’influence sont-ils des hommes ?
    Pourquoi il n’y a pas de paysannes pour transmettre des savoirs à la mère, pourquoi le maître renard n’est-il pas une renarde ? Pourquoi la petite fille ou la mère ne préfèrent-elles pas les filles ? Pourquoi le garçon ne devient pas ami/amoureux d’un autre renard de son âge ?
    Je veux dire, les possibilités sont infinies, on en revient toujours aux éternels même schémas. Il faut arrêter de dire que cela est le fruit du hasard.

    Tout cela n’est pas le fruit de coïncidences malencontreuses qui s’accumulent, c’est le simple reflet des présupposés culturels de nos sociétés. Et la société japonaise n’est pas moins sexiste que la nôtre.

    Cela n’énerve de voir des mecs qui n’ont aucune idée de ce qu’est le sexisme du coté de celui qui subit, parce que c’est eux qui nous noient sous leur propre sexisme venir expliquer que les analyses genrées c’est du délire et qu’on a rien compris en fait, mais qu’heureusement, ils sont là pour rectifier le tir.
    Comment pourrir une analyse féministe en se commentant entre mecs et en s’auto-congratulant sur le thème « oh comme ce que vous dites est intéressant, et je n’avais pas vu ça sous cet angle, parce que les choses sont beaucoup plus complexes que ça et il est vraiment très incomplet de s’arrêter au genre, alors que votre apport, quelle transcendance de la pensé, de l’analyse critique… »

    « Je vous reproche essentiellement d’avoir analysé le film à travers le prisme d’une thématique qui vous tient à coeur et qui ne me semble pas tant présente dans le film, »

    On croit rêver, venir poster sous une analyse genrée d’un film, sur un site qui se propose de décrypté le discours politique implicite ou explicite des productions artistiques afin de recadrer le débat sur des sujets plus important et des thématiques moins étriquées que celle du genre!!!!

    Moi je vais faire ça sous les analyses sur le racisme pour expliquer que se focaliser sur les rapports entre les protagonistes ne doivent pas se focaliser sur cet aspect. Non parce qu’on sait bien que si les noirs jouent plus souvent les méchants c’est parce que l’éclairage des scènes avec des méchants sont plus sombres et que sur une peau blanche, l’esthétique ne serait pas aussi efficace. Nul racisme là-dedans, juste un choix esthétique.

    Pareil pour le sexisme éhonté de 99% de la production artistique, des choix esthétiques sans rapport aucun avec une quelconque misogynie assumée ou larvée.

  8. il est passé sur arte ce soir, je l’ai donc vu avec mes louveteaux personnels…
    je suis surprise de ne trouver ici aucun décryptage concernant le rôle des mères dans cet anime, notamment celui des mères isolées (dont je suis, et ce n’est pas parce que j’ai l’habitude -douloureuse- de passer à la trappe de l’oubli que je cesserai un jour de le faire remarquer^^).
    il y a seulement deux mères isolées dans ce film et elles sont très représentatives de l’opinion générale qu’en a la société et des jugements de valeur qui en découlent.

    la première est Hana, la mère des louveteaux, archétype de la veuve inconsolable totalement dévouée à ses enfants, ne faisant au long de l’histoire absolument RIEN pour elle-même à aucun moment, se tuant le dos au champ quand elle n’accepte pas le premier boulot sous payé qui passe pour subvenir aux besoins de ses enfants et finissant ô apothéose, par risquer sa vie pour sauver un des deux, évidemment le mâle, en prime.
    elle est le bon objet-social-mère-isolée. la bonne maman, celle qui est juste morte à titre personnel à la naissance de ses gamins, mort confirmée par son veuvage,en voilà une qui n’aura même plus autre chose à aimer que ses enfants. elle est le bon objet servile et aimant qui va même jusqu’à avoir cette qualité bien connue des mères courage (bonjour cliché): le sourire jusque dans les pires chagrins (et pas un mot plus haut que l’autre, jamais une engueulade ni une punition envers ses gamins, tu penses).

    la seconde mère isolée est celle du garçon dont Yuki se rapproche. Celle là au contraire c’est le mauvais objet social par excellence. On ne la voit qu’au moment de la confrontation parentale après l’accident entre les enfants, sa tenue laisse deviner une working woman de type cadre dynamique et elle porte un collier très ostensible qui marque sa différence de classe sociale avec l’autre maman présente (elle insiste d’ailleurs sur le préjudice financier que l’accident aurait pu lui causer si des fois c’était pas assez clair comme ça). celle là sent fort la divorcée combative (toutes les divorcées sont des salopes combatives, allons, c’est de notoriété publique, ce sont même des quasi-hommes, tavu, elles bossent et elles parlent de fric^^). en dehors de cette affaire d’oreille amochée qui aurait pu coûter bonbon, elle ne semble bien entendu accorder aucun intérêt à son enfant. parfait mauvais objet, parfaite mère indigne…
    elle se remarie et tous les élèves de l’école sont au courant avant son fils, voilà un grand classique des mères isolées qui ont le malheur d’avoir une vie en dehors de leurs vocation génitrice: on fait des choses de cochonnes avec des gens qui-sont-pas-ton-papa dans le dos de nos enfants, bien entendu. toujours. hem.
    à la fin du film, le fils de cette femme nous apprend que non contente d’avoir ainsi « trompé » son enfant (coucou freud, ça a imbibé jusqu’au Japon? la vache!) elle lui a annoncé une nouvelle grossesse et demandé de partir de la maison, le garçon formule cela de manière encore plus limpide si besoin était (je trouve que non, mais bon, je suis pas l’auteur, si il veut insister lourdement, hein…de toute manière on peut toujours taper fort sur les mères personne ne les défend) en disant à Yuki que « elle veut me remplacer par un autre bébé »…un peu comme elle a remplacé papa je suppose? *toussote*

    Bref à mon avis la critique genrée de cet anime était facile à faire sans se planter sur le côté nature/civilisation qui me paraît justement là pour semer une confusion de bon aloi pour sauver le tout, en regardant du côté des rôles des mères, tout simplement,au lieu de regarder ce qu’on veut qu’on voie, cad les enfants…
    mais comme personne ne le fait jamais nulle part et qu’en devenant mères, noyées sous le travail reproductif elles disparaissent de la sphère sociale comme de la sphère féministe militante, c’est excusable (une fois. corrigez vous que diable^^).

    rendons au moins à ce film d’avoir su montrer le travail reproductif et même le mettre en mots à un moment puisqu’un des vieux paysans du coin nous gratifie de cette belle réplique jamais entendue ni dans aucune fiction ni dans la vraie vie et qui a fait ma soirée:
    « comment pourrait-elle travailler si elles élève deux enfants seule? »
    s’ils sont tout aussi imbibés de machisme que les français, au moins les japonais ont-ils noté qu’élever des gosses était un full time job. à tel point que les autres mères de l’anime n’apparaissent qu’une fois ou deux, les bras chargés d’enfants, pour parler d’enfants, et de crèche, avant que de redisparaître dans les limbes de leurs cuisines, je présume. j’ajoute que ce n’est qu’au bout de quasi dix ans de cet esclavage domestique entre cuisine et champ que la mère des louveteaux arrive péniblement à reprendre une pseudo vie sociale avec un sous boulot de merde sous payé ou ça ira?
    ça ira je pense.
    🙂

  9. Bonjour,

    J’ai pu enfin voir ce film, remarqué il y a longtemps. J’y voyais un lien avec les « furries », ces humains bien réels amateurs/trices d’animaux anthropomorphiques, et certain-e-s se déguisent ou affichent leur spiritualité animale sous la forme de costume en forme d’animaux (les « fursuits »). Aucun rapport en fait.

    J’ai rarement des films d’animation japonais (celui-ci en VF), le précédent fut Captain Harlock (en VOST Anglais cette-fois).

    Sinon, je partage globalement votre analyse et votre avis. Très joli film, touchant et émouvant, mais les stéréotypes genrés gâchent l’ensemble.

    Qui est triste, au deumeurant. Déjà les bambins sont orphelins… de leur père. Qui exerce un métier très masculin (déménageur/livreur). Sur ce point, j’y vois une incohérence scénaristique : quand on est un échalas (grand et maigre sans être musclé), on nee fait pas ce métier, et le jeune étudiant semblait bien cultivé : il prenait des notes, collectionnait les livres…
    Et la mère n’a que peu travaillé, passant presque directement de l’étudiante à la mère au foyer débordé et épuisé.

    Et à la fin, le moment déchirant du louveteaux devenu adulte qui part définitivement sans que sa mère ait pu le serrer dans ses bras, lui dire Au revoir une dernière fois, sous sa forme humaine du moins. A la place d’Hana (la mère), je luis aurais au moins supplié de le revoir une fois par an, sous la forme de son choix, et aussi pour sa soeur… Même à sa mère il refuse cela.

    Je me demande par ailleurs si la bagarre Yuri-louve/Ame-loup à la fim n’est pas une sorte de revanche du second sur la première. Lui le cadet si frèle, si réservé, le portrait craché de son père… parvient enfin à appréhender son identité animale et à « vaincre » sa soeur, qui était très aventurière, qui aime des animaux de sale réputation (les serpents). Peut-être même un message masculiniste ? ! ?

    Je vois dans ce film aussi un côté anti-spéciste, sur le rapport d’harmonie humain/animal ou humain/nature, et le respect qui leur est du, y compris pas le loup lui-même sur les autres animaux (Hana insiste bien sur ce point à un moment, lorsque Yuki lui raconte qu’elle marque son territoire en urinant à certains endroits). Par contre, les protagonistes adorent les brochettes de viande, ils ne sont donc pas végétarien·ne·s, « normal », ce sont des animaux… ? Ou pas!?

    (Je précise que je n’ai pas lu tous les commentaires, et de loin, pas le temps de tout lire, désolé.)

    Bonne continuation

    De maière générale, ce site vous fait sérieusement réfléchir sur les films que vous avez vus, des tas de choses que l’on ne perçoit pas spontanément ou consciemment au moment de la projection ou visionnage.
    Hélas, trop peu d’articles ici préviennent que celui-ci dévoile des élements de l’intrigue, et qu’il est donc FORTEMENT déconseillé de lire l’article AVANT de voir le film.

  10. J’ai lu beaucoup d’autres commentaires et je crois que le principal a déjà été dit. Je me pose tout de même encore quelques questions.

    – Peut-on dire qu’il est possible que le maître-renard est une maîtresse-renarde ? J’ai peu de connaissances en japonais, mais je sais que les noms et pronoms ne sont pas genrés. « Sensei », ce peut donc être « maître/instituteur » ou « maîtresse/institutrice ». Je sais aussi qu’au Japon, les hommes ont (malheureusement, je trouve) une manière de parler différente des femmes, car moins polie. Mais en l’occurrence, le renard ne parle pas. Un Japanophone ici connaîtrait-il un moyen de genrer le renard ? Pensez-vous que les traducteurs français ont reçu des consignes explicites disant qu’il est masculin ? Je sais bien qu’il n’y a rien de féministe à laisser un flou sur ce sujet (du genre; « Nous, scénaristes, avons laissé une figure maternelle forte et qui détient le savoir, mais on l’invisibilise »), mais j’aime à penser que ce.tte renard.e puisse être neutre et non pas masculin forcément.

    – Il est très reproché ici que le garçon soit orienté vers sa bestialité et la fille vers la société. Je me demande juste : Qu’en est-il de l’inverse ? J’ai vu pas mal d’autres critiques sur ce même site détaillant à quel point il est toxique de faire des assimilations femme-nature et homme-culture. Si Yuki avait choisi d’être maîtresse de la nature et Ame un diplômé, n’aurions-nous pas été exposés à cet écueil ? Il y a probablement quelque chose que je n’ai pas compris dans l’art des représentations saines.

    • J’ai pas vu le film alors je ne peu pas répondre sur les questions de renards. Par contre pour cette idée d’un art aux représentations saines je peu dire deux ou trois choses.
      Je pense qu’ici Il ne s’agit pas de faire un manuel d’écriture de film politiquement sain, il s’agit de montré que dans un monde patriarcale les histoires qu’on nous racontent reflètent la pensé patriarcale.
      Le sexisme c’est pas seulement différencier les sexes et les genres c’est les hiérarchisés. Dans une culture patriarcale les deux sexes et les deux genres subissent des règles. La différence est que pour les hommes cis, si ils se plient à ces regles, ils en tirerons des bénéfices et des avantages (pouvoir, argent, prestige…). Ce qui n’est pas le cas des femmes qui seront discriminées et dévalorisés quelque soit leurs actions et leurs choix. Les mères sont par exemple dévalorisées (des pondeuses qui vivent des allocations et soumises à leur instincts animaux) mais les femmes nullipares aussi ( des égoïstes qui ne serons jamais de vrai femmes). L’autre particularité du patriarcat c’est la dévalorisation de tout ce qui est associé au feminin. Par exemple la couture et la cuisine ne deviennent « grande » et « haute » que lorsque ces activités sont faites par des hommes. A l’inverse les macho se désintéressent du foot lorsqu’il est feminin. Ce qui fait la valeur n’est pas l’activité en soi mais le fait qu’elle soit réalisé par des hommes.

      Pour votre question sur le cas d’une inversion entre nature/féminine vs culture/masculine vous l’avez par exemple dans l’article de Paul Rigouste sur James Bond qui présente ce cas de figure. Dans ce cas c’est un homme qui incarne la nature qui est valorisé et une femme qui représente la culture comme une dégénérescence, une faiblesse, une atteinte à la virilité sauvage. C’est à dire qu’on ne peut pas séparé le film de son contexte et le contexte actuel c’est le renforcement du patriarcat. donc l’inversion c’est pas une recette magique pour supprimer le sexisme. Ca ne veut pourtant pas dire qu’on ne peu absolument pas échappé a ces scénarios discriminants, mais pour espérer le faire à mon avis il faut etre tres attentif à cela lors de l’écriture et s’être bien creusé la tête sur le sujet pour sortir de nos habitudes culturelles. Si on n’y fait pas attention on tombe automatiquement dans le sexisme vu que c’est dans quoi nous baignons toutes et tous depuis pas mal de millénaires. Pour des exemple de films politiquement progressistes je vous conseil le forum qui comporte des listes de films feministes, antiracistes, antihomophobie, antispecistes… Qui pourront peut être vous aider dans cette réflexion. Et c’est très rare qu’un film progressiste sur un sujet ne véhicule pas de clichés sur un autre. La perfection ca n’existe pas.

      Désolé pour la présentation, l’orthographe et tout, j’écris d’une tablette mal pratique.
      Bonne journée.

    • @ Groumpf

      « Il est très reproché ici que le garçon soit orienté vers sa bestialité et la fille vers la société. Je me demande juste : Qu’en est-il de l’inverse ? J’ai vu pas mal d’autres critiques sur ce même site détaillant à quel point il est toxique de faire des assimilations femme-nature et homme-culture. Si Yuki avait choisi d’être maîtresse de la nature et Ame un diplômé, n’aurions-nous pas été exposés à cet écueil ? Il y a probablement quelque chose que je n’ai pas compris dans l’art des représentations saines. »

      Premièrement, je pense qu’il ne faut pas en rester à quelque chose d’aussi abstrait que « l’assimilation des femmes/hommes à la nature/culture » (ou inversement). A mon avis, il faut regarder comment ces associations fonctionnent concrètement pour légitimer (ou pas) des rapports de domination.

      En ce qui concerne l’association des hommes à la nature ou à la culture par exemple, tout dépend dans quel sens c’est fait. Souvent, les hommes sont associés à la culture, en opposition aux femmes (associées à la nature), dans le but de légitimer une supériorité/domination des hommes sur les femmes, au motif que les hommes se distingueraient des femmes car ils ont émergé de la nature, là où les femmes y sont restées immergées (les hommes sont ainsi censés être plus intelligents et cultivés (là où les femmes sont plus associées à la sensibilité et aux émotions, ou encore à leur corps comme objet de désir pour les hommes), plus à même de s’occuper des choses politiques, de créer et produire (là où les femmes procréent et reproduisent, du fait de leur corps destiné à enfanter) (etc.)

      Mais les hommes peuvent AUSSI être associés à la nature quand cela peut servir à justifier leur domination. C’est par exemple le cas dans les discours qui affirment que les hommes ont des pulsions sexuelles qu’ils doivent assouvir (culture du viol), ou qu’ils sont violents par nature (des prédateurs, des mâles alphas, etc.). Dans ce cas là, l’association des hommes à la nature sert concrètement à justifier les violences masculines et la domination masculine.

      Du coup, effectivement, ce genre de discours sexistes/masculinistes/virilistes peuvent sembler se contredirent entre eux (vu que parfois ils associent les hommes à la nature et parfois à la culture). Mais il ne faut pas en rester à ce niveau d’abstraction à mon avis, et plutôt regarder ce que ces associations justifient concrètement. Vous comprenez ce que je veux dire ?

      Deuxièmement, votre phrase me semble se rapprocher du classique « vous-critiquez-un-truc-mais-si-ça-avait-été-l’inverse-vous-auriez-aussi-critiqué », aussi connu sous la forme « de-toute-façon-vous-n’êtes-jamais-content ». Mais il est pourtant simple de produire des représentations progressistes à ce niveau : il suffit d’arrêter d’essentialiser. Dans ce film, le père est un loup, donc le fils choisit d’être un loup, et la mère est humaine, donc la fille choisit d’être humaine. L’identité de ces personnages semble donc découler de leur sexe, puisqu’à chacun des deux sexes sont associées les mêmes caractéristiques. Si le film avait montré les enfants lutter contre les assignations genrées pour vivre selon leurs désirs, il aurait été pour moi beaucoup plus intéressant politiquement. Vous voyez ce que je veux dire ?

      Troisièmement, comme le dit Meg, on ne cherche pas ici à faire un manuel des « représentations saines ». Les adjectifs de ce genre me semblent assez problématiques, dans la mesure où ils sont souvent utilisés pour décrédibiliser celleux qui réfléchissent politiquement aux films en les faisant passer pour des « puritains », des « censeurs » qui veulent « assainir » les films et les esprits… Nous sommes juste des gens qui cherchons à susciter l’esprit critique face à des films qui reconduisent bien souvent des stéréotypes et légitiment des rapports de domination. Nous nous posons juste comme des gens parmi d’autres qui veulent réfléchir collectivement, pas comme des docteurs qui ont pour mission de déterminer de ce qui relève du sain et du malsain.

    • Merci pour vos réponses. Meg, je jetterai un coup d’oeil à ce forum.

      Je voudrais rétablir un peu mes intentions :
      – Il ne s’agissait pas de tomber dans le « de toute façon vous n’êtes jamais contents ». J’avais juste besoin d’aide pour comprendre pourquoi, depuis votre fenêtre, ce n’est pas un paradoxe. 🙂
      – Quand au mot « sain », je ne le pensais pas comme un concept absolu. Peut-être voulais-je plutôt dire « plus sain », ou « moins problématique ». Et je prenais le mot « sain » dans le sens de « respectueux », c’est à dire avec moins de stéréotypes qui perpétue une souffrance ou une domination infligée à une frange de population. Mais j’arrêterai d’utiliser ce mot s’il vous dérange.

      C’est juste que, si jamais je (ou un.e de mes ami.e.s) crée quelque chose un jour, que ce quelque chose comporte des personnages, je voudrais échapper tant que possible à ces pièges de représentation. Et quand je « me creuse la tête » pour le faire (et le faire bien, ce n’est pas évident pour moi), j’arrive à des conclusions fausses, comme « Faisons une inversion des stéréotypes habituels ! ». Parce que j’ai vu des vidéos, des photos, des dessins (The Hawkey initiative) basés sur les inversions qui marchent à merveille pour dénoncer les différences de traitement entre les catégories de personnes. Ou parce que je pensais qu’il n’y avait qu’un seul stéréotype (composé d’un jeu de caractéristiques compatibles entre elles) par catégorie. Donc, j’ai entretenu la croyance que les inversions, c’est magique, ça marche. D’où mon incompréhension, parce que le duo nature/culture et homme/femme conserve les enjeux de dominations en s’inversant, semble-t-il.

      Votre rôle sur ce site est de susciter des réflexions à propos de représentations de personnages dans les films. Je suppose que vous désireriez que cela mène à des attentes différentes de la part du public, et en conséquence à des créations moins concentrées autour des systèmes de domination, non ? Donc, certes, sans prétendre savoir tout, sans vouloir censurer quiconque, sans vouloir imposer une pensée, vous avez une idée personnelle des représentations qui sont plus respectueuses, et moins liées au système (ce que j’entendais par « saines » 🙂 ). Je sais que ce site n’est pas un manuel, mais je glane des avis, des conseils.

      « Montrer qu’on peut lutter contre les assignations » en est un qui me satisfait. « Arrêter d’essentialiser » aussi. « Regarder ce que tel ou tel film apporte » aussi.

      Pour le premier, je voyais un peu l’inversion des rôles comme la manière royale de le faire, c’était là mon erreur.
      Pour le second, je me demande juste si cela « suffit », comme vous le dites. Pour moi, ça ne couvre pas les problèmes d’invisibilisation auxquels font face les femmes ou les non-blancs dans certains produits culturels .(Il y a des films ou des jeux vidéo composés que d’hommes, ou que de blancs, ce qui complète les dominations par l’appui d’une norme, pour moi.). Est-ce que vous considérez ça aussi comme un problème ? J’avoue ne pas trancher complètement, puisque, à l’opposé, vouloir représenter toutes les catégories de population est aussi impossible que ridicule dans certains contextes.

      • Hello Groumpf,
        Permet que je te tutoie.
        Sur le forum il y a un sujet sur les inversions je te met le lien pour que tu le trouve facilement.
        http://www.lecinemaestpolitique.fr/forums/topic/linversion-de-roles-est-elle-pertinantes/

        En fait le paradoxe il n’est pas à mon niveaux ou à celui de Paul. Le paradoxe, c’est un des moyens par lequel la hiérarchisation sociale ce fait. C’est entre autre par des injonctions contradictoires qu’on crée la confusion chez les personnes discriminés. En leur donnant des ordres irréalisables qui mettent toujours en tord, en faute, en echec. Par exemple pour les femmes :
        avoir une tenue ni trop longue, ni trop courte,
        être maquillé mais sans en avoir l’aire,
        être filiforme mais être bonne vivante,
        suivre les canons de beauté et se faire traité de superficielle après
        s’occuper de la contraception et se faire accusé de faire des enfants dans le dos,
        faire des études pour être sous payé et dévalorisé sur le marché de l’emploi (les femmes ont en moyenne un niveau d’étude supérieur aux hommes et sont pourtant en moyenne moins payés),
        avoir le droit à l’IVG et se faire reproché chaque fois d’utiliser ce droit (voire les articles récurrents dans la presse sur l’augmentation des IVG en France)….

        du coup les inversions ne peuvent pas marché vu que si on se contente d’inversé on se trouve avec l’autre face d’une pièce qui est de toute façon « perdante/perdante ».

        Les inversions sont aussi souvent faite dans une intention masculiniste/raciste/spéciste… et c’est bien le signe que l’inversion ne suffit pas à faire un discours féministe.
        Il n’y a pas de recettes scénaristique magique à base d’inversion, mais j’imagine qu’il n’est pas impossible de l’utilisé dans un sens interessant politiquement. Je pense par exemple à « Harold et Maude » qui est une histoire d’amour entre une femme agée et un jeune homme, ce qui me semble une inversion du couple classique au cinéma qui fonctionne bien.

        Pour ta demande de conseils, je ne me sent pas capable de te conseillé mais tu peu utilisé le forum, ca peut être l’occasion de discussions intéressantes.
        Bonne nuit

  11. Personnellement, je ne trouve pas que le film a une position sexiste. Pour moi, le problème posé est celui de la violence. Il y a un loup dans chaque homme. Il faut l’accepter pour rendre fructueuse et dépasser cette violence qui est constitutive de l’homme. Un des personnages importants est le vieil homme, sorte de figure du grand père. C’est le grand éducateur qui aide la mère à intégrer la violence dans la culture du sol elle-même, en creusant et en séparant les plants. Il y a une symbolisation qui permet, en même temps, de se défendre contre la violence de l’autre (les sangliers) et d’opérer ainsi une sorte de multiplication des récoltes, permettant de nourrir toute la communauté…

  12. Bonjour à toutes et à tous.

    je trouve qu’il y a une contradiction entre ce qui est dit dans cet article sur la classification « genrée » des attitudes :
    « Le fait que l’homme soit un loup et la femme une humaine n’est évidemment pas innocent. On retrouve dans cette opposition des qualités que notre société assigne respectivement aux hommes et aux femmes (les premiers ne parlent pas mais agissent, ce sont des aventuriers/chasseurs dans l’âme, ils ont de la violence en eux, etc., les secondes sont bien chez elles, elles ne sont pas solitaires mais au contraire des « êtres pour autrui » et dépendants des autres, elles ne sont pas sauvages mais savent se tenir, bien s’habiller, etc.). »

    et ce qui écrit dans la critique du films « Les Croods » :

    « On retrouve ici un classique de l’idéologie patriarcale qui consiste à placer les hommes du côté de la pensée et de la culture, et les femmes du côté du corps et de la nature. »

    qu’est ce que l’idéologie patriarcale exprime alors en vérité? que la femme par essence n’est pas sauvage? ou au contraire qu’elle est par essence proche de la nature? Ca ne peut pas être les deux.

    • Bonjour,
      je n’aurai pas le temps de répondre à votre commentaire ces jours-ci, mais je le ferai en septembre..
      bonne journée

    • On retrouve des contradictions dans plusieurs articles, un coup l’homme est associé à la culture et au progrès et la femme à la nature et à la spiritualité, un autre c’est la femme qui représente une société civilisée et dévirilisante et l’homme n’est bien chez lui que dans la nature sauvage qui lui permet d’exprimer toute sa masculinité.
      La contradiction n’est pas nécessairement dans la lecture les auteurs des articles de leur film, mais peut simplement venir du fait qu’il existe plusieurs visions essentialistes des genres qui s’opposent, souvent (mais pas systématiquement) au profit des hommes.

    • Bonjour,

      Je lirai avec intérêt la réponse de Paul Rigouste quand il aura le temps, et je propose la mienne en attendant. Déjà, comme dit Skratsch, la contradiction se trouve dans l’idéologie patriarcale et non dans les analyses du site, à mon avis.

      Dans une large mesure, l’idéologie patriarcale puisse sa source dans la justification d’un rapport d’exploitation qui existe concrètement. C’est-à-dire que le but premier de cette idéologie n’est pas d’être un joli ensemble d’idées cohérentes, élégamment ajustées pour le plaisir de la théorie. C’est de justifier et d’entretenir une domination, et peu importe son absurdité ou ses (très nombreuses) contradictions.

      L’appel à la nature, notamment, est une façon d’éviter de se confronter au fait que le sexisme est un rapport social (c’est-à-dire qu’il existe dans une société à un certain moment de l’histoire, par opposition à des lois naturelles immuables). C’est une manière de ne pas toucher aux inégalités existantes, et de ne pas nommer les responsables : si la source des inégalités se trouve dans la nature, alors il est vain d’essayer de changer la société.

      Mais la nature, évidemment, a bon dos, et on peut lui faire dire n’importe quoi. On va justifier les viols en invoquant la « bestialité sexuelle » des hommes, ce qui excuserait les comportements d’agresseur sexuel pour les hommes et ferait porter aux femmes la responsabilité de ne pas les « provoquer » en s’habillant de telle ou telle façon, en ne sortant pas seule la nuit, etc. Dans ce genre de cas, on va excuser des violences masculines au nom d’une nature qui exonère les hommes de toute responsabilité.

      Et puis pour justifier le fait que les femmes soient surreprésentées dans les emplois précaires à temps partiel, on va encore invoquer la nature (« les femmes ont un instinct naturel qui justifie qu’elles restent à la maison s’occuper des gamins pendant que les hommes font carrière », « elles sont moins matheuses, moins brillantes, moins compétitives, etc »). Dans ce cas-là, comme par hasard, on ne considère pas que la « nature moins compétitive » des femmes exige que les hommes désertent les postes haut placés pour leur faire de la place, de la façon dont on considère que les femmes devraient déserter la rue à cause de la bestialité sexuelle masculine !

      Bref, l’appel à la nature peut se faire de plein de façons différentes, souvent on oppose le masculin civilisé/rationnel au féminin instinctif/émotionnel, ce qui n’empêche pas d’excuser les violences masculines à grand coup de nature violente des hommes par ailleurs.

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