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American Nightmare (2013) et American Nightmare 2 : Anarchy (2014) : Quand les riches tuent les pauvres

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American Nightmare, The Purge en version originale, et sa suite, sont deux films d’horreur/anticipation/action ayant pour point de départ le postulat suivant : une nuit par an, aux États-Unis, lors de la “Purge” annuelle, tout crime devient légal et les services de police et de secours sont indisponibles, afin que les citoyens puissent se débarrasser de toutes les émotions négatives qu’ils ont accumulées. Grâce à la purge, les taux de chômage et de pauvreté ont grandement baissé et l’économie est florissante…

Le premier film est un “Home invasion movie” dans lequel une famille riche, les Sandin, se retrouve attaquée par un groupe de jeunes gens s’adonnant à la purge car elle a donné refuge au sans-abri qui était leur cible. Le deuxième film est un “survival” dans lequel un groupe de personnes constitué un jeune couple de classe moyenne et une mère accompagnée de sa fille se retrouve coincé dehors lors la purge et tente de survivre sous la protection d’un homme mystérieux.

Bien que ces deux films aient été largement méprisés par la critique, très probablement car il s’agit de films d’horreur et de divertissement, ils proposent une réflexion intéressante sur les dérives du capitalisme et l’exploitation des pauvres par les riches.

 

Les pauvres, victimes des riches

Contrairement à Daybreakers, déjà analysé sur ce site, qui proposait une critique du système capitaliste par la métaphore (les vampires représentant les exploiteurs), le propos politique de The purge est très explicite. Dans les deux films, on retrouve l’idée que la purge n’existe pas pour que les américains puissent exprimer leurs frustrations et leur violence (comme le prétend le discours officiel), mais simplement pour éliminer les populations pauvres qui n’ont pas les moyens de se protéger. Cette idée est exprimée très clairement dans les deux films soit via des gens qui s’expriment dans les médias, soit dans la bouche des personnages eux-mêmes.

Dans le premier opus, le fils de la famille Sandin, Charlie décide de laisser entrer un sans-abri poursuivi par une bande de jeunes. Agacé que leur proie leur ai échappé, le chef de la bande pose un ultimatum à la famille Sandin : ceux-ci doivent leur livrer le sans-abri, sinon ils forceront l’entrée de la maison pour les massacrer. Dans le deuxième opus, le père et grand-père des deux héroïnes se sacrifie pour qu’elles aient une vie meilleure en devenant le “martyr” d’une famille riche qui pourra le torturer et de le tuer en échange d’une somme d’argent versée à sa famille. Également dans le deuxième opus, le groupe de héros est kidnappé pour servir de proies dans une chasse à l’homme organisée pour le divertissement d’un club de riches. Dans les deux films on constate que les riches ont une forte conscience de classe et de leur supériorité sur les “pauvres” qui transparaît fortement dans leur discours.

vlcsnap-2015-01-28-14h49m13s231La purge selon les riches…

 Les Sandin sont d’ailleurs attaqués par leur voisins car ils ont eux l’audace de s’enrichir sur le dos des gens du quartier (en leur vendant des système de protection) plutôt que sur le dos des pauvres comme tout riche qui se respecte.

 vlcsnap-2015-01-14-22h40m29s23La vérité c’est que vous êtes à nous, pas à eux.

 Malheureusement dans l’opus 1, la critique de classe est affaiblie par le fait que les jeunes agresseurs soient présentés comme fous ou malades mentaux : le leader tue son ami car il est agacé, les autres membres du groupes se comportent comme des forcenés… La violence ne serait donc pas due à une domination de classe mais plutôt à la santé mentale défaillante des protagonistes. Dans l’opus 2 au contraire, le club de purgeur est présenté comme constitué d’individus tout à fait civilisés considérant que l’argent leur donne la légitimité de massacrer plus pauvre qu’eux.

vlcsnap-2015-01-14-22h38m24s60Mais non je ne suis pas un psychopathe…

Ceux-ci se sentent tellement supérieurs aux pauvres qu’ils manifestent de la surprise et de l’indignation lorsque ces derniers osent se rebeller contre eux, alors même qu’ils n’essaient que de sauver leur propre vie.

Ainsi le chef du gang est scandalisé que le sans-abri ait osé se révolter alors qu’ils s’apprêtaient à le massacrer pour le plaisir, et la femme qui a vendu le groupe de héros aux enchères pour qu’ils servent de proies dans une chasse à l’homme est outrée lorsque l’homme mystérieux commence à se battre contre les chasseurs. Ces situations rappellent fortement les cris d’orfraie de la classe dominante lorsque les personnes discriminées (celles qui subissent le racisme, le sexisme, l’homophobie, la transphobie, la pauvreté…) osent réclamer des droits.

vlcsnap-2015-01-28-14h56m32s9 vlcsnap-2015-01-28-14h56m41s93Les gens « civilisés »…

Dans le deuxième opus, les protagonistes comprennent que non seulement la purge sert à éliminer les populations pauvres, mais qu’en plus le gouvernement y participe en envoyant des soldats massacrer les plus pauvres dans des immeubles ciblés.

On retrouve ici l’idée clairement exprimée que le gouvernement se situe du côté des riches aux dépends des pauvres, ce qui tranche assez radicalement avec l’image du pays où tout le monde peut réussir qui est généralement développée par le cinéma hollywoodien. Il est d’ailleurs dommage que le film ne développe pas plus cette idée de la collaboration du gouvernement avec les riches pour écraser les pauvres.

Une des idées centrales de la saga pourrait s’exprimer de cette façon : « les riches sont plus libres que les pauvres ». En effet, la saga montre bien que si en théorie la purge est faite pour tout le monde, les seuls à pouvoir affronter la purge en toute tranquillité (ou du moins avec un semblant de tranquillité) sont les riches car eux-seuls ont les moyens de se défendre, de se protéger ou d’aller purger sans danger. Comme dans Hunger Games, déjà chroniqué sur ce site, on peut y voir une analogie du monde actuel ou la liberté formelle (tout le monde peut devenir riche et réussir) s’oppose très fortement à la liberté réelle (les personnes ayant de l’argent ont la possibilité de faire des études et donc plus facilement la possibilité de réussir).

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En plus de dénoncer les liens du pouvoir et de la richesse avec le gouvernement, la saga, avec le deuxième opus, prône une révolte active des pauvres au travers du mouvement anti-purge dirigé par Carmelo. En effet, la résistance anti-purge qui prône une rébellion active est valorisée dans le film à la fois par le crédit que lui accorde l’un des personnages principaux (Cali), la façon dont ils sont mis en scène et leur arrivée héroïque qui sauve le groupe de protagonistes d’une mort certaine.

Il est également dommage que la résistance anti-purge soit elle aussi très peu développée, on ne saura pas pourquoi les révolutionnaires attendent la purge avant de faire leurs actions (pour la portée symbolique ? parce que la police mettra plus de temps ?) Et surtout, on ne saura pas si l’action des révolutionnaires aura servi à quelque chose, s’ils vont réussir à renverser le gouvernement.

La fin est également ambiguë puisque l’alarme sonore semble indiquer un « retour à la normale » et à la sécurité. Or il a clairement été montré que le gouvernement était dangereux pour une certaine catégorie de la population. La révolution est-elle pertinente une fois le calme revenu ? Ou n’a-t-elle sa place que dans le cadre de la purge ?

La dimension ethnique de la pauvreté

La saga The purge est non seulement un des rares films de genre à s’intéresser à la question de la pauvreté, mais c’est également l’un des rares films à s’intéresser à la dimension raciale et ethnique de la pauvreté et des inégalités de classe. Dans le premier film, le sans-abri est un homme noir poursuivi par une bande de jeunes riches et blancs dans une banlieue quasiment intégralement blanche (l’une des voisines des Sandin est également noire).

Dans le deuxième film, l’un des personnages principaux, Eva est latino-américaine. Elle est serveuse dans un diner et lutte financièrement, au point que son père se sacrifie pour lui assurer une vie meilleure ainsi qu’à sa fille Cali. Le leader de la résistance anti-purge, Carmelo Jones, est noir américain, ainsi que la bande de jeunes qui kidnappent le groupe de héros pour se faire de l’argent. A l’inverse, les membres du club de Purgeurs ultra-riches participants à la vente aux enchères et les membres du gouvernement sont tous blancs.

vlcsnap-2015-01-28-14h52m32s171 vlcsnap-2015-01-28-15h02m52s233Carmelo Jones et la résistance anti-purge

 

Il est intéressant de montrer que les personnes racisées sont soit des victimes de la purge, soit des gens tentant de survivre à leurs difficultés financières. Alors que la bande de jeunes aux visages peints était présentée comme une menace majeure au début du film, il s’avère que finalement qu’il ne s’agit que de personnes tentant de survivre quitte à obtenir de l’argent par des moyens illégaux et d’intermédiaires pour une menace bien plus importante : celle du club des purgeurs.

Même si le film prend un parti pris intéressant en montrant les personnes racisées comme des victimes de la pauvreté, il n’empêche qu’il préfère s’attarder sur la riche et blanche famille Sandin plutôt que sur le sans-abri noir qui échappe à ses agresseurs. Dans l’opus 2, si deux personnages principaux sont latino-américains, aucun personnage noir n’est un personnage principal. Et on préfère s’attarder sur la rédemption de l’homme blanc plutôt que sur la révolution menée par les noirs.

Il est intéressant de noter que le leader de la résistance anti-purge évoque le défenseur des droits des afro-américains Malcolm X, insistant sur le lien entre origine ethnique et pauvreté.

Malgré une réflexion intéressante sur les liens entre classe sociale et origine ethnique, la saga perpétue allègrement le trope raciste du sauveur blanc : Dans l’opus 1, le sans-abris noir est sauvé d’abord par le fils puis par le reste de la famille. C’est d’ailleurs ce sauvetage qui permettra à James Sandin d’accéder à une prise de conscience (il se rend compte que la purge est une chose atroce) qui le mènera à la rédemption. Le personnage du sans-abri n’est jamais développé en tant que personnage, il ne sert que de prétexte scénaristique pour la prise de conscience et la rédemption de la famille Sandin.

Le refus de la vengeance

La vengeance est souvent glorifiée dans les médias de masse. De nombreux films s’articulent même partiellement ou entièrement sur la vengeance d’un personnage, à tel point qu’il existe même des genres cinématographiques comme le Rape and Revenge ou le Revenge Movie.

Les deux opus de The purge sont assez intéressants par leur condamnation quasi-systématique de la vengeance. Si, comme on le verra plus bas, le discours de la saga est assez ambigu sur le thème de la violence, il est relativement clair sur celui de la vengeance.

Dans le premier opus, alors que Mary a la possibilité de tuer ses voisins qui étaient venus l’exécuter, elle et ses enfants, elle décide de les épargner en disant “enough killing for tonight”.

 vlcsnap-2015-01-14-22h42m11s28N’as-tu pas entendu ce que j’ai dis ? Plus de meurtre ce soir !

 

Dans le deuxième opus, lorsque l’homme mystérieux croise la femme qui les a vendus aux enchères avec délectation, il décide de l’épargner. Et surtout, durant l’intégralité du film, l’homme mystérieux a pour projet de tuer l’homme qui a tué son fils dans un accident de voiture alors qu’il conduisait en état d’ivresse. Mais finalement, grâce à l’influence de Cali et Eva, l’homme mystérieux renonce à son projet de vengeance, et l’homme qu’il a épargné finit par le sauver lorsqu’il est agressé par “Big Daddy”. Les deux films semblent ainsi condamner fermement la vengeance. Cependant, lorsque son mari meurt dans une fusillade, Liz décide de rejoindre la résistance anti-purge. La phrase “I wanna purge” montre bien qu’elle veut se venger et venger la mort de son mari. Malheureusement le film ne s’attarde pas sur les raisons de ce choix. On ne sait pas si cette décision est motivée par la colère et la vengeance personnelle ou par une volontée de lutte contre l’injustice, ou les deux.

Globalement la saga condamne donc la vengeance la montrant comme une quête stérile et un mauvais choix.

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Un discours paradoxal sur la violence et les armes à feu

Si le discours du film est très clair sur son aspect social et anticapitaliste, il est beaucoup plus ambigu sur la violence. On se retrouve, comme avec Battle Royale, avec un film qui dénonce la violence dans ses paroles tout en la glorifiant dans ses images.

Paradoxalement, le film semble tour à tour valoriser une attitude violente et une attitude non-violente. La violence gratuite de la purge est explicitement condamnée mais les moyens utilisés pour lutter contre la purge sont exactement les mêmes que ceux des purgeurs : lorsque les Sandin se battent contre ceux qui attaquent leur maison, ils se défendent grâce à des armes à feu. A plusieurs reprises, des personnages en situation critique sont sauvés par un autre qui tire sur l’ennemi. Dans le 2, ce qui permet à l’homme mystérieux de protéger le groupe c’est le fait qu’il soit équipé avec des armes à feu (justement parce qu’il était parti pour aller purger) et la résistance armée de Carmelo contre l’oppresseur est valorisée.

Dans le film, ce ne sont pas tant les méthodes violentes qui sont critiquées mais les raisons d’utiliser ces méthodes. Ainsi le film distingue 2 usages de la violence : il condamne la violence des riches et de l’État sur les pauvres (ainsi que la violence vengeresse), et valorise la légitime défense et la violence révolutionnaire/contre l’oppresseur.

On retrouve le même discours ambivalent dans la représentation des armes à feu, au début du film, James et Eva sortent un revolver avec la même phrase ambiguë : “Just in case” (juste au cas où), sous-entendu “on n’aime pas se servir de ça mais on pourrait en avoir besoin”. De la même façon, ce qui permet à la famille Sandin de se défendre et à l’homme mystérieux de protéger le groupe, c’est une impressionnante collection d’arme à feu. Quand on sait que l’un des arguments les plus utilisé pour défendre le port d’armes aux États-Unis est l’autodéfense et le droit de se protéger, on est en droit de trouver cela douteux.

Un autre argument très utilisé pour défendre le port d’armes aux États-Unis est la référence au deuxième amendement, qui stipule que chaque citoyen américain a le droit de posséder et de porter des armes à feu. Or l’un des postulats du film est que la purge à justement mise en place par les “Nouveaux Pères fondateurs”. Cela est précisé au début du film, et à plusieurs reprises dans les deux films on voit des personnages négatifs se réunir pour faire une sorte de prière aux nouveaux pères fondateurs. Ainsi le deuxième amendement semble ainsi être critiqué et ceux qui le défendent assimilés à des fanatiques de la violence. Ce qui n’est pas hyper-cohérent avec la représentation des armes à feu qui est faite dans le film.

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Le culte de la violence…

On peut aussi voir dans cette représentation de culte un critique de la politique hyper-religieuse des États-Unis ainsi que de la violence que cette politique engendre.

La femme passive et l’homme actif

Les deux films fonctionnent selon le même schéma ou c’est l’homme qui protège le groupe et prend les décisions. Dans le premier film, James prend toutes les décisions, qu’il s’agisse de livrer le sans-abri ou au contraire de se battre contre le groupe de jeunes. Certes, il prend les décisions sous l’influence du reste de sa famille, mais il n’empêche que celle-ci s’y soumet. De plus, James Sandin organise tout seul la défense de la maison en donnant des ordres à sa famille et notamment à sa femme, alors qu’il n’a aucune compétence particulière pour cela (du moins aucune qui soit justifiée par le scénario). Alors que sa femme est dominée quasiment immédiatement en combat singulier, James est montré durant une longue séquence en train de combattre les intrus avant de mourir héroïquement. Les seuls personnages s’opposant au patriarche sont les autres personnages masculins : le fils de la famille, Charlie et le petit ami de la fille, Henry. Le premier décide de laisser entrer le sans-abri, puis de l’aider à se cacher, le deuxième tente de tuer James car ce dernier désapprouve la relation qu’entretien Henry avec sa fille. On notera d’ailleurs que la domination patriarcale de James est déjà présente avant que la crise ne démarre : lorsque celui-ci rentre lui, sa femme lui dit qu’il devra faire quelque chose à propos de la relation entre Henry et leur fille, visiblement elle-même n’a pas voix au chapitre…

Dans le deuxième film, une femme et sa fille adolescente ainsi qu’un couple se retrouvent par un concours de circonstances sous la protection et les ordres d’un homme mystérieux. Contrairement à James Sandin, l’homme mystérieux a visiblement reçu un entraînement professionnel qui lui permet de se battre, de tirer et de survivre en milieu hostile, justifiant son rôle de protecteur du groupe (on apprendra tout à la fin du film qu’il est en fait sergent dans l’armée). On reste dans le trope de l’homme fort et viril qui protège tout le monde. Il a en cela le même genre de statut que James Sandin, celui du patriarche fort qui protège sa famille.

L’autre homme du groupe, Shane agit avec sa femme exactement comme James Sandin avec la sienne : en prenant toutes les décisions et en lui donnant des instructions. Cependant, contrairement au précédent opus où ce comportement était valorisé puisqu’il permettait à James de protéger sa famille, il est ici caricaturé, Shane se retrouvant pris dans un piège, puis sévèrement blessé alors qu’il tentait de jouer les héros sans avoir les compétences nécessaires.

Le premier opus, en plus de montrer les personnages masculins prendre toutes les décisions, se révèle assez décevant dans sa représentation des femmes. Alors que James Sandin, le mari et père est caractérisé par son métier, métier qui possède une réelle importance dans l’intrigue, on ne saura jamais ce que fait sa femme, Mary, ou même si elle exerce un métier tout court. De la même façon, le fils de la famille, Charlie, est un passionné d’électronique qui invente des machines élaborées tandis que ça sœur est uniquement caractérisée par le fait qu’elle entretient une relation que son père désapprouve avec un jeune homme plus âgé. Sans oublier la sexualisation de Zoey qui est pourtant supposée n’avoir que 15 ans…

vlcsnap-2015-01-14-22h36m07s226La fille…

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… et le fils de la famille

Les personnages sont moins caricaturaux dans le deuxième opus. Cali, la fille adolescente d’Eva, visionne des vidéos contestataires sur le web et développe une conscience politique tandis que sa mère fait preuve d’astuce et de courage pour survivre.

On notera également que les personnages les plus odieux de la classe bourgeoise sont des femmes : l’ignoble voisine jalouse (ce défaut tellement typique des femmes) qui est le leader du groupe qui vient assassiner les Sandin ainsi que la directrice des enchères qui vend les héros lors de la purge privée. Même dans ses antagonistes la saga reste caricaturale…

Rédemption du patriarche et glorification de la famille

Les deux films présentent une structure similaire ou un patriarche protège sa famille et obtient ainsi la rédemption pour ses actes passés.

Au début du premier film, James Sandin est présenté comme un individu odieux, égoïste, obsédé par sa réussite et par l’argent : le « raconte-moi ta journée » du repas est une tentative assez pathétique de renouer avec ses enfants et un prétexte pour se mettre lui-même en valeur. Lorsqu’il est sommé de livrer le sans-abri à la bande de jeunes, sa première réaction est d’accepter et de tout faire pour retrouver l’homme et le faire sortir de la maison. Il va jusqu’à demander à sa femme de torturer l’homme avec un coupe papier lorsque celui-ci se débat. Au milieu du film, sous l’influence de sa famille et notamment de sa femme, James amorce un virage moral puisqu’il décide de combattre la bande de jeunes plutôt que d’abandonner l’homme à une mort certaine. Le reste du film le montre en train de se battre afin de protéger héroïquement sa famille.

De la même façon, dans le deuxième film, l’homme mystérieux, au début obsédé par un projet destructeur et égoïste de vengeance parvient à la rédemption sous l’influence d’une famille symbolique qui prend la forme d’un groupe à protéger, et plus particulièrement grâce à l’influence d’une femme (Eva) qui l’amène à faire ce qui est juste. De manière assez symptomatique, le film éjecte à la fin Liz et Shane (l’une rejoint la résistance lors de la mort de l’autre) afin de laisser la place à une famille recomposée composée d’Eva, de sa fille et de l’homme mystérieux qui prend la place du père.

Les deux films ont donc pour personnage principal un héros qui entame une trajectoire rédemptrice en protégeant sa famille (réelle ou symbolique) et en devenant un martyr (James est tué, l’homme mystérieux est blessé ). Alors que le film remet en question l’idéologie patriarcale à un niveau étatique à travers la critique de la glorification de la violence et la figure caricaturale des « nouveaux pères fondateurs », il la valide à un niveau interpersonnel : la vision traditionnelle de la famille avec son attribution des rôles ultra genrée (le père protecteur, la mère douce et garante de la moralité) est valorisée.

L’influence de « LA » femme

Dans les deux films, ce sont les femmes qui poussent l’homme à faire ce qui est juste. Dans le premier film, James décide de ne pas livrer le sans-abri sous l’influence de sa femme et de sa fille. Contrairement au fils qui s’opposait radicalement à son père en contrant directement ses projets (il aide le sans-abri à sa cacher alors que son père le cherche pour le livrer aux assaillants), les femmes de la famille se contentent de manifester leur désapprobation, de préférence en pleurant mais sans s’opposer en actes ou en paroles au père, notamment Mary qui continue de suivre les instructions de son mari alors qu’elle n’est visiblement pas d’accord.

Dans le deuxième film, lorsqu’Eva et sa fille Cali comprennent que l’homme mystérieux a décidé de profiter de la purge afin de venger la mort de son fils, elles tentent de l’en dissuader, utilisant divers arguments et en continuant d’insister malgré l’hostilité de l’homme. De la même façon, au début du film, l’ex-compagne de l’homme mystérieux était venue tenter de le raisonner. Finalement, l’influence des femmes finira par fonctionner puisque l’homme mystérieux finira par épargner le chauffard responsable de la mort de son fils.

Ce schéma narratif est problématique pour deux raisons : d’une part parce qu’il cantonne les femmes à un rôle passif, elles n’ont pas le pouvoir d’agir directement sur les évènements, leur seul moyen d’action étant de passer par un homme, d’autre part parce qu’il corrobore l’idée essentialiste selon laquelle les femmes seraient “naturellement” moins violentes que les hommes. Ce point de vue peut paraître positif, considérer que les femmes sont plus raisonnables et moins enclines à la violence que les hommes, surtout dans le cadre du film ou d’une certaine façon le point de vue non-violent est valorisé, mais il est profondément essentialiste.

Cet essentialisme est, d’une part, extrêmement réducteur (réduisant les individus à des généralités qu’il présente comme naturelles et innées alors qu’il s’agit de normes imposées socialement : les hommes sont comme-ci, les femmes sont comme ça), d’autre part souvent utilisé pour justifier la violence masculine (les hommes ne peuvent pas s’empêcher d’être violents, c’est dans leur nature). En réalité, si les hommes ont des comportements violents, c’est parce que la société les autorise et même les encourage à avoir des comportements violents. Il est cependant important de noter que dans le deuxième film cette image de la femme non-violente qui raisonne l’homme violent est contrebalancée par le personnage de Liz qui après la mort de son mari décide de rejoindre la résistance anti-purge et de se battre. La phrase “I wanna purge” montre bien la dimension vengeresse de cet acte.

Finalement, la saga se montre très progressiste, voire révolutionnaire, sur certains sujets comme celui de l’exploitation des riches par les pauvres, et très réactionnaire sur d’autres comme la place des femmes.

Julie G.

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3 réponses à American Nightmare (2013) et American Nightmare 2 : Anarchy (2014) : Quand les riches tuent les pauvres

  1. Votre critique est pertinente. Toutefois je trouve que vous oubliez le voisin Eva et Cali qui profite de la purge pour tenter de les violer. Son discourt à ce moment là est très révélateur d’une certaine attitude se résumant à « je suis gentil avec elle donc elle doit m’ouvrir les cuisses en échange »

    Et puis je vois James Sandin différemment. Pour moi dès le début il n’approuve pas la purge. Mais il s’y soumet par concrainte et conformisme.

  2. Bonjour,
    J’ai hésité à parler de la menace de viol qui existe dans les deux opus (dans le 1, le chef de la bande demande à se qu’on lui garde la fille Sandins de côté…). Comme je ne savais pas trop comment l’aborder, j’avoue que je l’ai laissé de côté…

    Les deux parents Sandins sont assez tièdes au début du film quand ils défendent la purge devant leur fils, d’un autre côté James utilise clairement la purge pour s’enrichir, même s’il reprouve la purge au niveau moral.

  3. Je n’ai vu aucun des deux films, mais d’après les résumés que j’ai lus, il me semble partir d’un présupposé assez dérangeant et, il me semble, jamais remis en question, qui serait que massacrer les classes sociales défavorisées puisse donner un boost a l’économie.