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A la rencontre de Forrester, Ecrire pour exister : le trope du « Professeur Sauveur Blanc »

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Dans la sphère critique cinématographique anglo-saxonne, le trope du Sauveur Blanc est bien connu : les productions d’Hollywood qui illustrent ce trope consistant à raconter l’histoire d’un-e héroïn-e blanc-he venant au secours d’un groupe minoréi (les noirs, les latinos, les Indiens d’Amérique, les Japonais…) pour le sauver de la pauvreté/esclavage/extermination, sont légionsii. Certains de ces films ont déjà fait l’objet d’analyses sur notre site : Avatar, Django Unchained, Atlantide l’Empire perdu ou encore Twelve Years A Slave. Et on peut en citer bien d’autres : Gran Torino, La Couleur des Sentiments (The Help), Danse avec les Loups, Lincoln, Le Dernier des Samuraïs. En fait, ces films sont même particulièrement choyés à Hollywood comme l’attestent les nombreux films ayant reçu un Oscar : David Sirota remarquait dans un article écrit en 2013 sur Saloniii que dix de ces films avaient été récompensés ces vingt-cinq dernières années, dont la moitié entre 2007 et 2012. L’année 2013 a vu Django Unchained et Lincoln récolter respectivement les Oscars du meilleur acteur et du meilleur scénario original. Et cette année encore n’a pas dérogé à la tradition puisque Twelve Years A Slave a raflé trois Oscars dont celui convoité de meilleur film. En revanche, des films mettant en avant un ou une héroïne autonome non identifiée comme blanche participant à l’émancipation d’un groupe minoré se font nettement plus rares et discrets (pour ne pas dire complètement absents des grands palmarès).

Une sous-catégorie a même été créée pour l’un des dérivés de ce trope : celui du Professeur Sauveur Blanc, White Teacher Savior en anglais. Ce principe consiste à catapulter un ou une professseur-e dans un quartier populaire pour éduquer et remettre sur le droit chemin des jeunes noir-e-s, latinos/as ou asiatiques “paumés”, violents et “sans avenir”. Les films Esprits Rebelles (Dangerous Minds), Le Proviseur (The Principal), Ecrire pour exister (Freedom Writers) et A la rencontre de Forrester (Finding Forrester) mettent en scène ce trope de manière centrale dans leur intrigue respective. Dans cet article, je me concentrerai sur les deux derniers films cités. Dans Ecrire pour exister, la jeune professeure d’anglais Erin Gruwell incarnée par Hillary Swank est nommée pour son premier poste dans le quartier de Eastside Long Beach sur la côte californienne et doit faire face à une classe de délinquants et d’échecs scolaires. Dans A la rencontre de Forrester, Sean Connery est un écrivain célèbre reclu qui donne des cours particuliers d’écriture à Jamal Wallace, un jeune noir du Bronx à New York.

Stéréotypes autour des “minorités de couleur”iv et des ghettos

Le blog feministfilmv synthétise efficacement les multiples aspects problématiques du trope du Sauveur Blanc et en propose la définition suivante :

A White Savior Film (WSF) is a movie that features a white person coming into the lives of a person or people of color (POCs) who are often low-income, troubled, and/or severely oppressed. The troubled times that the people of color are in can be a product of oppression from other white folks, or their own doing. Either way, the White Savior comes in, quickly sympathizes with the problems of the people of color, learning what needs to happen to solve their problems, and in doing so, wins their favor and becomes their hero.

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Un film de Sauveur Blanc est un film qui présente une personne blanche entrant dans les vies d’une ou de plusieurs personnes de couleur qui ont souvent de faibles revenus, des ennuis, et/ou sont sérieusement opprimées. Les temps difficiles que les gens de couleur traversent peuvent être le résultat d’une oppression de la part d’autres personnes blanches, ou de leurs propres actions. Quel que soit le cas, le Sauveur Blanc arrive, compatit rapidement avec les problèmes des personnes de couleur en comprenant ce qui est doit être fait pour résoudre leurs problèmes, et ce faisant gagne leurs faveurs et devient leur héros.

Le film Ecrire pour exister est tellement représentatif de ce trope que MadTV a réalisé une satire mettant en avant les caractéristiques fondamentales du “Professeur Sauveur Blanc”.

En particulier, on retrouve le mythe du “fardeau de l’homme blanc”vi qui aurait pour charge d’éduquer les minorités (en continuité directe avec la soit-disant mission civilisatrice des puissances blanches colonialistes envers les peuples “non-blancs” et non occidentaux). Le Professeur Sauveur Blanc comprend très vite comment résoudre rapidement et efficacement les problèmes des minorités.

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D’abord, il n’y a pas que les groupes minorés qui ont des problèmes. Tout le monde a des problèmes. Et les personnes blanches éduquées de classe aisée savent exactement ce que c’est que d’être des personnes noires de classe pauvre vivant dans un ghetto.”

Il suffit pour cela que les minorités se laissent éduquer : la source de leurs problèmes et de leur situation sociale serait le résultat de leur refus d’apprendre (ce que les blanc-he-s ont à leur enseigner). Si les jeunes noir-e-s, asiatiques, latinos/as étaient de bon-ne-s élèves à l’école, alors illes ne dealeraient pas, ne voleraient pas, ne tueraient pas, sortiraient de leur ghetto.

Ce type de raisonnement néglige en général de considérer les véritables causes profondes de la situation de ces jeunes et pour commencer, les mécanismes en jeu dans la création des ghettos, dont l’évolution a varié entre 1890 et 1990 aux États-Unisvii. Jusqu’en 1970, une frange de la population noire migre vers les zones urbaines et se regroupe dans les mêmes quartiers : ce processus s’observe pour toute population migrante partageant la même langue et la même culture car il facilite l’acclimatation à un nouvel environnement culturel pas forcément accueillant. En effet, jusqu’en 1960, en particulier dans le cas des ghettos noirs, le racisme collectif – restrictions immobilières, plan d’urbanisme racisé, menaces de violence – a joué un rôle dans la création de quartiers urbains séparés (l’utilisation des restrictions immobilières était en effet plus élevée dans les villes les plus ségréguées). Aujourd’hui, le facteur essentiel contribuant à la ségrégation spatiale serait que les blancs paieraient davantage pour pouvoir vivre dans des quartiers sans noirs ou autre groupe racisé. On retrouve ce phénomène lié à la classe sociale et aux ressources financières en constatant les effets des politiques de discrimination positiveviii (affirmative action) visant à réduire les inégalités entre groupes : si celles-ci ont permis aux familles noires de classe moyenne d’améliorer leur niveau d’études et de revenus, elles ont aussi contribué à paupériser encore plus certains quartiers en les vidant de ces familles plus aisées qui gagnaient les moyens de déménager.

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Choisir entre un stylo et une arme à feu : super-simplification d’une situation sociale complexe. (parodie de Ecrire pour exister par MadTV)

Les horizons de carrière ou d’ascension sociale sont aussi restreints. A ce titre, les exemples montrés dans A la rencontre de Forrester sont représentatifs à la fois d’une certaine réalité sociale et des clichés racistes qui s’y entremêlent pour l’expliquer et/ou l’alimenter. Comme beaucoup de jeunes noirs, le grand frère de Jamal rêve de s’en sortir non pas grâce aux études mais grâce au basketball professionnel. Devant les difficultés à percer dans un domaine très compétitif, il se retrouve surveillant de parking (videur aurait pu être une alternativeix) et pense désormais à percer dans le rap. Les modèles de succès considérés par les jeunes sont assez typiquement liés à des domaines dans lesquels les noirs sont valorisés comme le sport (en particulier le basketball, l’athlétisme) et la musique (le hip-hop et le jazz). Par exemple, 76.3% des joueurs de NBA sont noirs et des super-stars du ballon telles que Michael Jordan sont médiatisées et servent d’image pour de grandes marques (Nike, Reebook…). Mais leur succès est expliqué en retour par des stéréotypes racistes biologisant et réducteurs : “les noirs courent naturellement vite (comme dans la savane…)”, “les noirs ont naturellement le sens du rythme (pour jouer du tam-tam…)”, etc. L’historien et sociologue français Pap Ndiaye décortique le jeu subtil entre les modèles de réussite de personnalités noires et les stéréotypes qui s’y associent dans La Condition Noirex :

« Les Noirs sont “bons en sport”, entend-on couramment, manière à justifier par un argument de nature leur présence notable dans un certain nombre de sports de premier plan comme le football, le basket ou l’athlétisme. Il serait absurde de nier leur forte présence dans ces sports en vue, mais elle est le fruit d’une histoire qui aurait pu être différente et qui n’est pas liée à des facteurs intrinsèques au groupe des “Noirs”. »

Il est assez clair que le sport peut constituer un moyen d’ascension sociale pour les groupes dominés” : leur proportion dans les catégories modestes étant plus importante, il n’est pas déraisonnable de retrouver une plus forte présence dans des sports historiquement liés aux classes populaires (football, boxe…).

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les noirs étaient considérés comme étant plus faibles que les blancs sur le plan physique et mental : faiblesse musculaire, propension à la fatigue, “manque de solidité nerveuse et de courage”, inaptitude aux efforts militaires ou sportifs conséquents, etc. Ce discours sur les corps noirs, soutenus par un racisme “scientifique” qui se développe au XIXe siècle, était un puissant instrument politique de contrôle.

Mais au début du XXe siècle, des exploits sportifs réalisés par les noirs viennent contredire ces conceptions :

La science fut alors sollicitée, non plus pour expliquer les déficiences de la race noire et son extinction prévisible, mais pour naturaliser certaines supériorités physiques.

[…]

Il est clair que la tentation d’explication biologisante à propos de la forte présence de sportifs noirs dans un nombre notable de sports est toujours présente, tapie dans un recoin, prête à surgir dans la bouche d’un commentateur. On pourrait considérer cela de manière indulgente si ces considérations n’allaient pas, souvent, de pair avec une disqualification des Noirs dans d’autres domaines (ceux de l’intellect et de la haute création), comme si les talents sportifs naturalisés valaient comme une compensation des déficiences intellectuelles implicites.

[…]

Aux États-Unis, jusqu’à aujourd’hui, des considérations racialisantes ont accompagné les succès des athlètes noirs, “comme si nous étions sortis en dribblant du ventre de notre mère” disait Michael Jordan.

[…]

Au sein d’un sport comme le football américain, les quaterbacks (meneurs de jeu qui orientent l’attaque) sont rarement noirs, tandis que les joueurs qui courent le plus (running back et free safety) le sont presque toujours : dans le premier cas, les qualités de stratège sont valorisées; dans le second, ce sont les qualités athlétiques qui priment, et qui ont induit une forte racialisation de ce sport. Les entraîneurs de football américain orientent les jeunes joueurs selon leurs qualités propres, mais aussi selon une grille raciale qui attribue aux uns et aux autres des qualités physiques et intellectuelles naturalisées. »

On doit enfin considérer “les choix des Noirs eux-mêmes qui investissent dans des sports précisément choisis parce qu’un grand nombre de Noirs les exercent de manière visible et à haut niveau, de telle sorte que ces sports apparaissent comme des lieux sans discrimination raciale et où les talents peuvent s’exprimer et les efforts sont justement récompensés. À elle seule, l’influence d’un grand champion peut suffire à susciter des vocations et faire apparaître par la suite un groupe substantiel de jeunes sportifs qui se sont identifiés ethniquement, racialement ou régionalement à lui.”

Trop opprimé-e-s pour savoir comment se sauver soi-même

Dans les films avec Sauveur Blanc les groupes minorés sont opprimés, discriminés, pauvres, sans avenir bien glorieux. Mais surtout tellement englués dans leur problème qu’ils ne sont pas capables de s’en sortir eux-mêmes. Le ou la Sauveur/se Blanc-he intervient alors pour les aider.

Dans A la rencontre de Forrester, Jamal est un adolescent fan de basketball qui a aussi une passion secrète pour l’écriture. Elève très moyen, ses résultats à des tests nationaux révèlent son don au grand jour et attirent l’attention de l’une des meilleures écoles privées de New York, Mailor-Callow, qui lui offre une bourse d’étude et l’opportunité de jouer dans leur équipe de basketball de haut niveau. Il s’agit ici du premier mécanisme de type “Sauveur Blanc” : l’école du fin fond du Bronx avec sa professeure d’anglais noire n’étant pas en mesure de développer le potentiel de Jamal (qu’illes n’avaient même pas soupçonné d’ailleurs), le directeur (blanc) de Mailor-Callow arrive tel le père Noël en sortant de sa hotte une place tout frais payés dans son école.

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Quand les classes supérieures blanches décident généreusement d’offrir une place dans leur système éducatif privé à un jeune noir du Bronx, c’est sur fond de drapeau états-unien.

Le film soutient sans le questionner une réalité très élitiste : pour avoir une chance de réussir dans ses études et dans la vie, il faut faire partie des meilleures, des plus chères (et des plus blanches) écoles privées des États-Unis. Un jeune noir, aussi doué soit-il, n’a pas beaucoup de chance d’intégrer les meilleures universités depuis son lycée du Bronx : il s’agit de l’une des injustices d’un système scolaire à double vitesse.

Jamal, lui, ne sait pas quoi faire : sortir du Bronx et affronter un nouvel environnement social semble lui faire peur, ce qui est bien compréhensible. C’est donc grâce à la sagesse et à la perspicacité de Forrester, le Professeur Sauveur Blanc du film, que Jamal va pouvoir prendre la bonne décision et accepter d’aller à Mailor-Callow. En effet, grâce à la simple lecture des carnets d’écriture de Jamal et l’observation à travers ses jumelles du jeune homme à la sortie de son école, Forrester sait comment répondre aux questions de l’adolescent :

-Pourquoi vous m’avez parlé comme ça l’autre fois ? Vous avez un problème avec les Blacksxi ?

– Cela n’avait rien à avoir avec le fait que tu sois Black, cela avait seulement à voir avec moi qui voulait savoir quelle dose de foutaises abjectes tu étais prêt à supporter.

– Donc vous saviez que je reviendrai ?

– Oui comme je sais que tu iras dans cette nouvelle école.

– Vous savez ça ?

– Oui je le sais ! Parce que dans tout ce que tu écris, on sent que tu t’interroges sur ce que tu feras de ta vie. Et à cette question, je pense que ton école ne peut pas répondre pour toi. ”

Dans Ecrire pour exister, la situation est encore plus explicite : pour les pires cas d’échecs sociaux et scolaires du lycée (membres de gang, jeunes criminel-les, sans-abri…), les cours n’ont strictement aucun intérêt. Ignorant de leurs propres besoins, aucun-e n’est assez lucide pour envisager une seule seconde que les études puissent être la clé d’une ascencion sociale plus que nécessaire pour sortir de leurs ghettos. Heureusement, la Professeure Blanche va pouvoir leur montrer la Voie en créant un havre de paix non-raciste dans l’enceinte de l’école.

Car si le film semble admettre que leur situation est en partie la conséquence d’un monde raciste et discriminant, il s’agit quand même de la faute des élèves s’illes restent coincées dans la spirale violence-pauvreté-prison, parce qu’illes ne font pas assez d’efforts ou n’ont pas assez confiance en eux. Ce discours occulte totalement le fait que l’école fait partie intégrante d’un système qui les excluent et les rabaissent, ce dont les élèves ont parfaitement conscience grâce à leurs propres expériences ou celles de leurs proches. En faisant le portrait d’élèves en échec par manque de travail/courage ou par mauvais choix au lieu de jeunes gens raisonnés qui ont décidé en connaissance de cause d’investir leur énergie ailleurs qu’à l’école pour s’en sortir (deals, protection de la famille et du “territoire”…), le film ressort la bonne recette du “illes n’ont qu’à travailler/étudier” comme solution miracle à tous les maux, faisant fi des déterminisnes sociaux à l’oeuvre (milieu, situation économique et familiale notamment).

Continuant sur la lancée culpabilisatrice du film envers les élèves, le “vrai” problème de fond auquel s’attaque la Professeure n’est pas le racisme des blancs envers les non-blancs (“blanc” au sens “perçu socialement comme blanc” et non d’une prétendue couleur de peau de référence “blanche”) mais le fait que ces jeunes « sans repères ni culture » soient eux-mêmes racistes entre eux (les noir-e-s contre les latinos/as contre les Cambodgien-ne-s).

Les donneurs de leçon

Les deux films ont en commun que le héros et l’héroïne blanc-he-s font la morale aux groupes discriminés à propos du racisme comme s’illes en connaissaient bien plus en la matière grâce à leur savoir que les gens directement concernés. Forrester conseille à Jamal de ne pas trop accepter de remarques racistes, tandis que Grunwell apprend à ses élèves que le racisme c’est mal en leur faisant découvrir les dérives de l’antisémitisme avec l’Holocauste. Dans le premier cas, le Professeur Blanc explique à un noir du Bronx comment réagir face au racisme, dans le deuxième cas, la Professeure Blanche explique à des jeunes qui subissent tous les jours les conséquences du système de discrimination raciale bénéficiant aux blanc-he-s qu’il ne faut pas être raciste, sinon ils risquent de finir comme les nazis…

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La Professeure Blanche apprend aux groupes minorés que les dessins racistes, c’est mal.

Ceci permet de poser une frontière entre les “bons blancs” et les “mauvais blancs” racistes, chacun étant clairement identifié dans chaque film. Dans Ecrire pour exister, Gruwell entreprend un bras de fer avec l’administration de son école, et en particulier la responsable de département Margaret Campbell pour qui les jeunes des quartiers ne veulent pas apprendre. Campbell est véritablement le double de Gruwell. Toutes deux bénéficient de privilèges semblables : elles sont des femmes blanches et de classe relativement aisée. Leurs tailleurs de bonne facture et leurs bijoux en attestent. Ce qui les départage, c’est que Campbell considère qu’il n’y a rien à tirer de ces élèves alors que Gruwell est persuadée qu’elle peut leur apprendre des choses.

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Saurez- vous reconnaître le Bon Professeur Sauveur du Mauvais Professeur Raciste ?

Dans A la rencontre de Forrester, le Professeur Sauveur Blanc trouve aussi son alter ego raciste en la personne du Professeur Crawford : celui-ci, écrivain raté et aigri, n’arrive pas à concevoir qu’un jeune noir du Bronx comme Jamal puisse avoir un tel talent d’écriture. En revanche, lorsque Forrester fait des remarques racistes à Jamal, c’est pour tester ses limites et “savoir quelle dose de foutaises abjectes [il est] prêt à supporter”. Lorsque l’on est un “bon blanc”, il semble donc que l’on puisse se permettre de faire des remarques racistes en restant ambigü pour vérifier que le jeune noir réagit de la “bonne” manière. Le paternalisme de Forrester dans cette scène est flagrant :

– Comment tu t’appelles ?

– Jamal Wallace.

– On dirait le nom d’un restaurant marocain… Quel âge as-tu ?

– J’ai seize ans.

– Seize ans… mais tu es black ! C’est remarquable.

– Remarquable ?! C’est remarquable que je sois black ? Que je sois black ou pas, qu’est-ce que ça change putain ?

– Tu ne sais plus quoi faire maintenant, n’est-ce pas ? Si tu me dis ce que tu as vraiment envie de me dire, je pourrais ne plus vouloir en lire davantage. Mais si tu me laisses t’insulter avec ces conneries racistes (Jamal baisse les yeux), tu auras l’air de quoi, toi ?

– Je… je vais pas jouer à ce jeu là, man.

– Et pourtant tu y joues, moi je te le dis. Un regard vaut mieux que mille mots. Ou peut-être dans ton cas en vaut-il un gros !

La mise en scène d’un Professeur Sauveur Blanc permet d’exempter les blanc-he-s de toute responsabilité en tant que classe : certes, certain-e-s sont racistes, mais ce sont bien d’autres blanc-he-s qui apportent des solutions aux groupes minorés pour se sortir de leurs problèmes. Ce dispositif permet ainsi aux spectateurs/trices blanc-he-s de s’identifier automatiquement au “bon” professeur altruiste sans jamais avoir à s’interroger sur leurs propres privilèges et leur participation passive et/ou active à un système discriminant envers les groupes de population de couleur.

En fait, il y a pour chaque film quelques passages dans lequel l’un des jeunes semble prendre à parti son professeur-e pour le ou la remettre à sa place. Dans Ecrire pour exister, il s’agit d’Eva proférant devant Gruwell sa haine des blanc-he-s qui profitent et alimentent le système du ghetto : il s’agit de l’unique tirade qui semble inclure Gruwell dans un groupe privilégié blanc. Mais la tentative de dénoncer un racisme systémique conférant de facto des privilèges aux blancs tombe totalement à côté car Gruwell se désolidarise complètement des deux professeurs profondément racistes : le discours d’Eva apparaît au mieux comme de la colère ciblant injustement Gruwell, au pire comme de la haine contre les blancs, voire comme du racisme inversé. Quant à la police qui arrête volontiers des individus des groupes minorés, elle semble surtout faire le jeu des gangs qui se dénoncent les uns les autres. Les groupes minorés, enfermés dans leurs quartiers dont les blancs sont complètement absents, reproduisent entre eux un système raciste et jouent la carte du “communautarisme” (latinos contre noirs contre asiatiques… les blancs étant au-dessus du jeu). Ainsi ne sont-ils pas meilleurs que les “mauvais” blancs racistes et il est du devoir des “bons” blancs de leur montrer comment s’en sortir. Ceci revient à dire que ce sont les groupes discriminés qui produisent eux-mêmes le racisme (qui, tel qu’il est montré dans le film, ne bénéficie en pratique à personne puisqu’ils subissent tous les conséquences des violences, meurtres, luttes d’influence et de gangs de manière similaire). La classe de Gruwell reproduit la même répartition des forces : une classe bigarrée déchirée par la guerre des gangs avec au-dessus la Professeure Blanche, et en prime un unique garçon blanc qui a bien trop peur de ses camarades pour pouvoir jouer le rôle de privilégié (il serait même plutôt une victime injustement placée dans la mauvaise classe)xii.

Dans A la rencontre de Forrester, Jamal et son frère poussent quelques coups de gueule : par exemple, Jamal explique amèrement que si les policiers ont peur de venir dans le Bronx et si les voleurs les laissent tranquilles, c’est qu’ils savent qu’ils n’ont rien. Ces deux passages ne visent en rien Forrester. Mais vers la fin du film, Jamal ouvre enfin la bouche pour dire à Forrester qu’il en a marre de “recevoir des leçons”, surtout venant de la part de quelqu’un qui n’est pas irréprochable (il ne sort jamais, fait faire ses courses par quelqu’un d’autres, lui cache des informations et ne lui vient pas en aide…). Son frère vient aussi parler à l’écrivain pour lui dire : “C’est bizarre non ? On nous laisse tout juste prouver ce qu’on vaut. Et après ça on nous enlève tout, absolument tout ?”. S’il serait possible de tisser un lien entre l’attitude paternaliste de Forrester et sa position sociale de blanc dominant, la dimension raciale des reproches de Jamal et de son frère vis-à-vis de Forrester et du “système” est totalement implicite, pour ne pas dire inexistante.

En fait, dans le film, les références directes au racisme sont finalement assez peu nombreuses, et certaines sont même problématiques. Jamal quitte rapidemment son ghetto noir pour plonger dans l’univers des blancs riches à Mailor-Callow, au coeur de Manhattan.

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Pas beaucoup de personnes de couleur et de femmes dans le métro vers Manhattan…

Assez étrangement, à l’exception de Crawford, Jamal n’est que très peu confronté au racisme de son entourage. En fait, c’est même plutôt lui qui se poserait “tout seul” des limites dûes à la couleur de sa peau en refusant par exemple de s’engager avec Claire, la fille à papa blanche et riche quand celle-ci lui fait remarquer qu’avec lui, tout est toujours “blanc ou noir”. Les interactions entre la bande de Jamal et l’homme qui vient apporter les courses à Forrester illustrent cette même perception prétendumement “biaisée”, “trop sensible” de la réalité de la part des jeunes noirs. Ceux-ci se sentiraient (à tort) personnellement visés par certaines actions manifestement innocentes, par exemple en voyant homme blanc vérouiller systématiquement sa voiture en partant comme s’il avait peur que des noir-e-s du quartier ne la lui volent :

– Pas de panique man, je vais pas y toucher à votre bagnole !

– Pardon ?

– A vous voir, on dirait que vous avez peur que j’y touche à votre caisse.

– Non, je mets toujours l’alarme où elle se trouve, alors faut surtout pas vous sentir visé.

Juste après, Jamal interprète à nouveau “de travers” ce que son interlocuteur lui dit :

– Toute personne qui a entendu parler [de BMW] sait que c’est plus qu’une voiture.

– Oh, toute personne qui a entendu parler de cette marque ? Et moi bien sûr, je n’en ai jamais entendu parler ?

– Non, c’est pas ce que je voulais dire.

Ces trois épisodes font écho à un certain type de stéréotype raciste et classiste selon lequel les Noir-e-s eux-mêmes seraient plus “racistes” car illes verraient des différences là où les blanc-he-s n’en voient pasxiii. En réalité, c’est qu’illes sont tout simplement plus attentifs à certains comportements préjudiciables envers elleux que les blanc-he-s, non directement impacté-e-s, ne remarquent pas.

L’ascension sociale de Jamal s’accompagne de deux éléments clés : il s’éloigne de ses anciens amis noirs du Bronx avec qui il jouait au basket, et il s’éprend d’une jeune fille blanche. On peut ainsi y lire un processus de blanchiment social illustré mais jamais remis en question par le film : plus la couleur de peau est claire, plus cela est socialement valorisé. Il convient de rappeler que la perception de la couleur de la peau n’a de sens que dans des rapports de domination, il ne s’agit pas d’une donnée universelle naturelle. Ainsi, “dans un essai de 1751, Benjamin Franklin ne considérait comme blancs que les Anglais et les Saxons, excluant les Espagnols, les Italiens, les Français, les Russes et… les Suédois, vus comme “basanés”. Les plus dominés ne sont jamais tout à fait blancs.xiv Les distinctions entre les différentes teintes de couleur de la peau (colorisme) des personnes socialement identifiées comme noires trouvent leurs origines dans le système de hiérarchies sociales de l’esclavage.

Ainsi, se marier ou sortir avec quelqu’un dont la couleur de peau est plus claire que la sienne est un signe de réussite sociale (et inversement). Plus la couleur de la peau est socialement perçue comme étant “claire”, plus les chances d’occuper une position sociale privilégiée augmentent (ainsi, certaines personnes cherchent-elles à se blanchir la peau pour gagner quelques teintes afin de réduire l’impact des discriminations, par exemple pour faciliter un petit peu une promotion). Dans ce contexte, il est intéressant de remarquer que la seule autre personne visiblement métissée de l’école est Hartwell (on entraperçoit de loin ses parents noirs à la réception de l’école), qui appartient à une classe bien plus aisée et a une couleur de peau plus claire : on pourrait d’ailleurs admettre qu’il est perçu socialement comme “blanc” étant donné qu’il n’est jamais fait une quelconque allusion ou rapprochement à la “couleur” de sa peau ou autre marqueur social racial. Coïncidence ou volonté consciente de la part des réalisateurs du film, ce détail fait en tout cas parfaitement écho à une certaine réalité sociale. Ces deux garçons isolés dans un monde dominé par les blancs mais éloignés de par leur classe, s’affrontent sur le terrain de basketball, à mille lieues de nouer une quelconque relation amicale ou d’entraide. Que deux personnes minorées ne deviennent pas alliées n’est pas forcément irréaliste (d’autres facteurs tels que la classe sociale ou le genre peuvent expliquer le clivage), mais du point de vue des représentations, il peut être aussi problématique que le seul autre Noir de l’école soit d’emblée l’un des ennemis directs de Jamal.

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Affrontement (physique) des deux seuls noirs de l’équipe

***

Malgré les difficultés du terrain et les reproches “injustes” de leurs élèves, le Professeur Sauveur Blanc s’accroche et persévère. A l’issue de l’aventure, le Sauveur ou la Sauveuse est même devenu-e plus qu’un-e professeur-e : c’est un père ou une mère de substitution pour les jeunes. L’investissement de Gruwell auprès de sa classe prend des goûts de sacrifice : elle prend deux boulots complémentaires pour financer leurs sorties et son mari délaissé la quitte. Les jeunes deviennent véritablement sa nouvelle famille, dont elle est la maman en charge. La relation entre Jamal et Forrester est plus équilibrée : si le vieil écrivain lui sert de mentor (et même de père adoptif étant donné que celui de Jamal a quitté sa famille), l’adolescent lui apprend en retour à surmonter son agoraphobie et à retrouver le goût de l’écriture.

Une autre différence entre les deux films est le point de vue : dans Ecrire pour exister, c’est à travers les yeux de Gruwell que l’on voit défiler l’intrigue, retrouvant ainsi l’une des caractéristiques du trope du Sauveur Blanc : c’est bien son point de vue qui prime. On notera cependant que dans certains passages du film, les narrateurs ou narratrices sont les élèves eux-mêmes en train de lire ou d’écrire les textes racontant leur vie, exposant directement leur perspective aux spectateurs/trices. A ce titre, des points de vue féminins sont clairement mis en avant (amitiés féminines, violences) contrairement au film de Forrester dans lequel les femmes sont cantonnées à des seconds rôles de mère, petite amie et professeure impuissante. Dans A la rencontre de Forrester, le protagoniste principal est Jamal, un jeune homme noir. Mais ceci ne vient pas remettre en cause le noeud central des deux films : si les jeunes de Eastside Long Beach ont l’occasion de s’exprimer, si Jamal a la possibilité de vivre tout ce qu’il vit, c’est bien grâce à leur professeur-e blanc-he. Et c’est précisément là où le bât blesse avec le trope du Professeur Sauveur Blanc.

PS: Pour dépasser ce trope du Sauveur Blanc, le site Black Home School Academy propose une liste alternative répertoriant des films tels que John Q, Akeelah and the Bee et Kirikou et la sorcière :

http://blackhomeschoolacademy.com/movies/

Arroway

Edit 1 du 13/01/2105 : Initialement, j’avais utilisé dans un certain nombre de phrase l’expression « Noir-e » avec une majuscule. Or, cet emploi de la majuscule s’avère problématique comme l’explique cet article du site Une autre histoire :

« […] la majuscule n’est de règle que lorsqu’un adjectif substantivé désigne une personne en fonction de sa nation (un Français, un Japonais), de son continent (un Africain), de sa ville (un Lyonnais, un Londonien).

Il va de soi que l’adjectif noir employé substantivement ne désigne pas une personne en fonction de sa nation, de son continent ou de sa ville, mais de la couleur de sa peau et que, -dès lors- la minuscule serait préférable, sauf à considérer que la couleur de la peau d’un individu le ferait d’emblée appartenir à un groupe.

Dire qu’un individu appartient à un groupe par la seule couleur de sa peau, c’est la définition même du racisme.

[…]

Toutefois, les mêmes journaux Le Monde ou Libération prennent bien garde de ne pas mettre de majuscule à l’adjectif « juif » employé substantivement. Un « juif » est toujours écrit avec une minuscule.

Et il faut s’en réjouir.  Le fait de considérer que les juifs formeraient une « race » ramènerait à l’idéologie nazie.

En fait, tout se passe comme si la presse française considérait implicitement qu’un juif est une personne ayant peut être quelque chose à voir avec la religion juive mais que, cette personne appartenant à la « race » blanche, il serait raciste de faire des distinctions au sein d’une même « race » tandis qu’un « noir » – de toute évidence- appartient à la « race » noire et qu’il n’y a rien de raciste à le désigner ainsi. D’où la majuscule. »

J’ai donc corrigé mon texte en n’espérant ne pas avoir fait d’oubli. J’ai en revanche laissé les majuscules dans les citations des textes écrits par d’autres. De la même manière, j’ai enlevé les majuscules aux noms « blanc », « latino ». J’ai laissé les majuscules dans l’expression « Professeur Sauveur Blanc », en calque de l’expression anglaise.

Notes

i “Groupe minoré” : je reprends ici l’expression proposée par Louis-Georges Tin, employée et justifiée par Pap Ndiaye dans La Condition Noire pour désigner un groupe de personnes qui ont subi des discriminations liées à leur physique (sexe, pigmentation de la peau…), classe sociale, origine réelle ou supposée, sexualité… Le terme “minorité” peut être perçu par les groupes qu’il désigne comme un terme les plaçant dans une situation d’infériorité ou infantilisante (“être mineur-e”) ; ces groupes sociaux pouvant très bien ne pas être en “minorité” démographique. Ndiaye rapporte d’ailleurs que la revendication “We are not a minority” est très présente chez un certain nombre d’Africains-Américain-e-s et de latinos/as aux Etats-Unis.

ii Plusieurs listes sont publiées sur http://feministfilm.tumblr.com/post/6608112156/a-brief-list-and-analysis-of-white-savior-films, http://blackhomeschoolacademy.com/movies/ et https://pdjeliclark.wordpress.com/2013/02/26/oh-come-all-ye-white-saviors/

iii http://www.salon.com/2013/02/21/oscar_loves_a_white_savior/

iv “De couleur” renvoyant à un marqueur social subjectivement perçu et construit à partir d’une prétendue “blancheur” de référence, et non à une réalité particulière, des personnes ayant un taux de mélanine importante pouvant par exemple être perçues comme “blanches à l’intérieur” de part leurs attributs sociaux (culture, langue, position sociale, etc).

v FeministFilm: http://feministfilm.tumblr.com/post/6608112156/a-brief-list-and-analysis-of-white-savior-films

vi L’expression “Fardeau de l’homme blanc” est une expression de Rudyard Kipling : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Fardeau_de_l%27homme_blanc

vii “The Rise and Decline of the American Ghetto”, David M. Cutler, Edward L. Glaeser, Jacob L. Vigdor, janvier 1997 : http://www.nber.org/papers/w5881.pdf

viii Les politiques de discrimination positive (ou “action positive” pour éviter la connotation négative du mot discrimination) consistent par exemple à avoir des quotas dans les universités réservés pour la catégorie “noire”, “latina”, etc. Variant selon les états, elles peuvent constituer par exemple à réserver des places dans les universités pour 10% des meilleurs élèves des lycées défavorisés d’une certaine zone ou à instaurer un pourcentage minimal de recrutements et/ou postes occupés par les membres de tel ou tel groupe discriminé dans une entreprise.

ix « La fonction racialisée de l’emploi de vigile » : http://negreinverti.wordpress.com/2014/06/07/la-fonction-racialisee-de-lemploi-de-vigile/

x Pap Ndiaye, “La condition noire, Essai sur une minorité française”, chapite IV “Le tirailleur et le sauvageon : les répertoires du racisme anti-noir” : le racisme et le sport.

xi Ici, j’ai gardé le terme “Black” choisi par le doublage du film. Un article sur Je Wanda Mag (http://www.jewanda-magazine.com/2013/09/chronique-pour-une-utilisation-decomplexee-du-mot-noir/) appelle à une “utilisation décomplexée du mot Noir”. Un autre article publié sur slate.fr rappelle également en quoi l’usage du mot black est problématique et pourquoi il est employé (http://www.slate.fr/story/52115/noir).

xii On remarquera aussi l’absence de toute figure de délinquant qui serait blanche… Les gangs et la petite délinquance semblent être monopolisés par les groupes de couleurs.

xiii On retrouve le même raisonnement douteux au sujet des féministes qui seraient plus sexistes en voyant des différences entre hommes et femmes là où il n’y en aurait pas.

xiv Pap Ndiaye, “La condition noire, Essai sur une minorité française”, chapite II “Gens de couleur. Histoire, idéologie et pratiques du colorisme”, p.88

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14 réponses à A la rencontre de Forrester, Ecrire pour exister : le trope du « Professeur Sauveur Blanc »

  1. Je voudrais bien savoir ce que vous pensez des films dont le schéma actanciel est le même, mais avec «sauveur» noir, comme dans Coach Carter. Est-ce que le racisme y est toujours aussi présent? Car il s’agit toujours de l’histoire d’une classe de jeunes délinquants d’un quartier pauvre sauvé par un professeur qui leur apprend l’importance des études.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Coach_Carter

    • Merci pour le lien vers le film, je ne l’avais pas vu !
      (C’est d’ailleurs marrant parce que l’un des basketteurs dans le film est joué par le même acteur qui avait interprété Jamal Wallace.)

      Premier point positif : ben comme tu dis, le prof est noir. Et en fait, je crois qu’on ne voit qu’un ou deux profs blancs sur les 7-8 membres du corps enseignant qu’on voit (la directrice d’école, l’ancien coach de basket, les profs, etc). Donc déjà c’est un peu plus crédible comme école de « quartier ». Et on sort complètement du trope du professeur sauveur blanc.

      Et surtout, Coach Carter vient du même coin, de la même école, donc il a une légitimité. Au début, je me suis demandé s’il n’y avait pas un petit côté classiste avec ce Noir qui a réussi, qui appelle tout le monde « monsieur », qui demande à ce que tout le monde mette une cravate, etc. Mais quand Carter fait son speech à la bibliothèque, il parle du fait qu’un Noir sur trois va être interpelé par la police, que l’école alimente un système fait pour les exclure puisque seulement 50% des élèves auront leur diplôme, et 6 élèves auront une bourse tandis que la plupart des parents et des profs se disent qu’au moins, pendant ces quelques années à jouer au basket, les jeunes se font leurs meilleurs souvenirs parce que c’est tout ce qu’ils peuvent bien espérer de la vie. Donc le film propose un discours conscient de la réalité du terrain.

      Je sais pas trop quoi penser des méthodes du coach, mais ce que je trouve positif c’est qu’il est conscient du système, qu’il n’attend pas à ce que tout se résolve facilement mais qu’il veut que les jeunes arrivent à s’en sortir : on le voit à sa dureté, son intransigeance. Et le fait que le film se termine officiellement sur une défaite est significatif : il ne ment pas sur le difficulté de la tâche. La porte de sortie est la même que celle proposée dans Freedom Writer (l’université), mais le chemin pour y arriver, les motivations qui sont derrières ne sont pas les mêmes. Ici, ce qu’on a mis en scène, c’est un Noir du quartier qui a réussi à s’en sortir et qui veut faire profiter son expérience à des jeunes qui sont dans la même situation que lui l’a été. Du point de vue des représentations, c’est doublement valorisant : cela donne un modèle noir de réussite ; et il y un côté « empowerement » pour les Noir-e-s dans le sens où ce ce n’est pas un Blanc qui va venir leur expliquer gentiment comment faire pour s’en sortir.
      Un autre détail au sujet des études qui rejoint cette dynamique d' »empowerement »: au final, les jeunes s’en sortent en s’entraidant (et non pas grâce à des renforts en professeurs, par exemple). Ceux qui ont de meilleures notes aident ceux qui ont plus de mal. Perso j’ai trouvé ça bien, parce que même si on reste dans un cadre académique inchangé, au moins ça casse un peu le côté compétitif « que le meilleur gagne » à cause des classements et ça met aussi en valeur les élèves qui, « bien que noirs », se débrouillent très bien.
      Un autre détail qui me revient : le discours du coach sur l’emploi du mot « nègre » (j’ai vu le film en français, mais j’imagine que dans la version originale c’était « nigger »). Ca aussi j’ai trouvé ça positif parce qu’ici un Noir apprend aux plus jeunes à ne pas tomber dans le piège de reproduire ou de s’approprier faute de mieux les schémas de domination et leurs insultes.

      Voilà à peu près ma réaction à chaud, à partir des éléments qui m’ont le plus frappé au premier visionnage.
      Ah oui, par contre, c’est pas le film le plus féministe que j’ai vu… (euphémisme).

  2. Écrire pour exister est inspiré d’une histoire vraie, A la rencontre de Forrester non.
    Vous auriez pu le préciser.
    Pour analyser un film inspiré d’une histoire vraie il faudrait déjà savoir le déroulement de l’histoire vraie si le film a pris des libertés avec la réalité savoir l’avis des vrais protagonistes sur le film.
    Je ne dis pas qu’un film tiré d’une histoire vraie ne peut pas être analysé mais il ne peut l’être qu’en lumière avec les faits réels.

    • Je ne dis pas qu’un film tiré d’une histoire vraie ne peut pas être analysé mais il ne peut l’être qu’en lumière avec les faits réels.

      Je ne suis pas vraiment d’accord avec le fait qu’un film adapté d’une histoire vraie ne peut être analysé « que » en rapport à sa fidélité aux « faits ». Ici, le film est analysé en fonction des représentations qu’il montre et le discours qui est construit autour.
      Au sujet de la fidélité aux « faits » : déjà, on n’a aucun moyen de savoir comme se sont passés les faits réels à part les souvenirs et les récits des personnes qui y étaient. J’avais analysé le film Twelve Years A Slave en comparant l’adaptation cinématographique au livre. Mais cela n’était pas suffisant : parce que le narrateur aussi avait des biais, parce qu’il convenait de remettre ce récit dans un contexte que les historiens tâchent de reconstituer – toujours avec des biais, certes, mais en croisant les sources, en multipliant les points de vue, etc. Donc quoi qu’il arrive, on a deux filtres : le premier, ce sont les déformations liées au narrateur lui-même. Le deuxième, ce sont les choix d’adaptations au cinéma. Les deux peuvent être analysés, les deux vont avoir une incidence sur le résultat final.

      Pour en revenir à Freedom Writers : du point de vue de l’adaptation, pour autant que l’on puisse juger des faits, elle semble être fidèle au récit (cet article recense pas mal de points : http://www.chasingthefrog.com/reelfaces/freedomwriters.php) à l’exception de l’histoire des 2 boulots en plus que Gruwell aurait pris pour financer ses projets avec les élèves (en fait, elle était pas payée pour son boulot de prof et devait rembourser ses propres frais de scolarité).

      Ce qui amène à l’idée suivante : il y a une manière de porter l’histoire à l’écran, de mettre l’accent sur certains aspects et pas d’autres qui donne une cohérence à un certain discours biaisé ou pas, et qui s’inscrit dans un contexte. Par exemple :
      « In the movie, we see Hilary Swank wearing valuable pearls into her classroom. She is advised to rethink this accessory to her wardrobe. In her book, « Teach with Your Heart », Erin Gruwell talks about how she fidgeted with the pearls on her first day as a student teacher. » On voit bien que sur les faits « Erin portait des perles », le bouquin comme le filml sont d’accord. Par contre la manière de le présenter est tout à fait différente : dans le livre, les perles sont mentionnées comme un détail comme ça, au passage, alors qu’elles prennent une toute autre dimension dans le film.
      Dans cet article, je n’ai pas voulu me concentrer sur ce genre de détails. On peut le faire bien sûr, c’est tout à fait intéressant. Mais je ne l’ai pas fait parce que je me suis intéressée à la place d’autres « faits » tout aussi en lien avec le film, mais plus orientés sur le thème des représentations.

      D’abord, le choix même d’avoir porté à l’écran cette histoire des Freedom Writers, plutôt que celle d’un-e autre prof non-blanc-he qui aurait pu tout autant mériter l’attention de producteurs. Ensuite, le choix d’avoir pris comme point de vue principal celui de Gruwell. On constate que le film reproduit un trope cinématographique. Une fois cela établi, il faut analyser le package dans lequel est enrobé ce trope, parce que peut-être qu’en fait, le film déconstruit certains types de représentations plutôt que de les alimenter. Sauf que lorsque l’on analyse Ecrire pour exister, on trouve ce discours pas terrible terrible, et c’est ce que j’ai détaillé dans l’article. Et la comparaison avec le récit ne remettra pas en cause la valeur politique de ce discours : parce qu’à ce moment-là, c’est le récit initial que l’on va analyser sur ses biais, ses manières de contextualiser, de raconter etc (et le film n’aura alors pas pris de distance avec ce film, chose tout à fait envisageable). Donc de mon point de vue, c’est tout aussi intéressant d’un point de vue politique à analyser.

    • Que le film soit tiré d’une histoire vraie ou pas, ce que les spectateurs vont intégrer comme message, ce qu’ils vont en retenir en terme de « leçon » n’a pas grand-chose à voir avec ça. (et la majorité des spectateur n’en a pas grand-chose à faire)
      Et pire encore, le caractère « fidèle » de l’œuvre vis à vis des-dits faits réels a un poids encore moindre, d’autant plus qu’en général, à part quelques passionnés qui iront gratter là où il faut pour le savoir, personne n’en aura conscience.
      Quand on observe qu’aujourd’hui les fictions partcipent apparemment bien plus à façonner les rapports sociaux que les bouquins d’histoire (dont les responsables de leurs contenus font des coupes franches pour faire disparaitre ce qui dérange), il me semble plus qu’évident que le caractère réellement « véridique » d’une histoire ne représente pas une condition pour imprimer des tropes et des stéréotype relationnels dans les esprits.
      Ceci-dit la mention (abusive ou factuelle) « tiré de faits réels » ou « inspiré de… » peut rendre le mensonge encore plus appétant. (suffit de voir les semi-fictions inspirées par la conquête de l’ouest et le génocide amérindien…)

  3. comme dans le fait divers le fantasme naturalisé est plutôt blanche/non blanc , dans l’autre sens , impensable : blanc/non blanche , ce qui introduit d’autres perspectives que l’esprit bon enfant de l’article ; dans la continuité de la pénalisation homme mur/éphèbe f , jamais pénalisation femme mure/éphèbe male , en histoire visuelle répertoriez dans la pqr le visuel des interventions associatives féminines en milieu jeune en afrique , imaginez le visuel d’interventions associatives males en milieu jeune en afrique , non vous ne pouvez pas bien entendu donc
    retour au fantasme de la blanche etc…

    • Je n’ai personnellement rien compris à ce message.
      Il est plutôt courant de voir bien accepté qu’un homme blanc (dominant donc) s’autorise à user de sa position pour s’octroyer les faveurs d’une femme « minorée » (disons une femme noire) sans que cela ne choque, quand ce n’est carrément pas considéré comme un gout exotique enviable…
      En revanche, qu’un homme noir (d’une ethnie minorée, donc dominée) puisse poser ses mains sur le corps d’une femme blanche (de « race » dominante donc), ça, c’est franchement moins accepté et plus souvent sujet à critiques et montré du doigt.
      Le stéréotype du père qui sur-protège sa fille est déjà suffisamment ancré et reproduit, alors si en plus cette fille risque d’être la proie de « racailles » pas blanches, mais vous n’y pensez pas ma bonne dame ! L’invasion arabe en Europe, tout ça… Les femmes blanches doivent pondre du bébé blanc non-métissé par pleines palettes, sinon le monde est foutu ! (toute ressemblance avec des messages politiques implicites est absolument faite exprès !)

      Ceci-dit, et même si, sans l’avoir analysé, je pense qu’il y a des choses franchement discutables dans un film pareil, l’inversion de point de vue critique comme dans « Lakeview Terrace » (harcelés en français) montre à quel point les questions sur le racisme et le sexisme sont probablement plus imbriquées et liées qu’il n’y parait.

  4. Le film High School High, bien qu’ayant reçu de mauvaises critiques, m’a toujours semblé être une parodie de ce trope du sauveur blanc. Réalisé dans les années ’90, il met en scène un jeune professeur blanc ULTRA naïf dans un ghetto dont la violence a été poussée à l’extrême de l’absurde (ex. tous les enseignants se font voler leur voiture la première journée). On y retrouve tous les clichés : la directrice qui a abandonné tout espoir, les jeunes qui sont sauvés par l’entraide et l’effort, l’élève enceinte, le jeune leader noir dans la classe, la guerre entre noir et latino, etc. Sauf que dans le cas de ce film, je perçois — et ce n’est que mon impression — une moquerie de ces clichés. Par exemple, non seulement ces ados ne veulent pas étudier, mais ils n’ont en plus jamais ouvert littéralement un livre de leur vie! On suit le parcours du sauveur blanc naïf et privilégié, mais on le trouve ridicule avec sa maladresse. Bon, il faudrait que je revois le film pour m’en refaire une idée, surtout de la fin. En tout cas, je n’ai malheureusement pas le souvenir d’un film féministe… Pensez-vous qu’une telle parodie peut combatte le trope en montrant ses travers ou ne fait-il que les renforcer?

    Sinon, il y a un film que j’ai toujours adoré, encore une fois en dépit des mauvaises critiques, Music of the Heart de Wes Craven avec Meryl Streep. Déjà, ici, l’enseignante blanche ne m’a jamais semblé être une « sauveuse ». Le film montre clairement qu’elle enseigne dans cette école pour avoir une source de revenue parce qu’elle est une mère célibataire de deux fils — et non pas pour tenter de sauver quelconque enfant. Une mère lui reprochera d’ailleurs de jouer les héroïnes blanches. La protagoniste prend le temps de réfléchir à cela au lieu de le nier. Puis, elle retourne voir la mère pour lui expliquer qu’elle même a besoin d’un job pour se sortir de la pauvreté. Elle ne veut sauver personne, mais utilise son seul et unique talent pour gagner sa vie : enseigner le violon.
    Le film montre aussi le système : la protagoniste sent qu’elle est privilégiée par rapport aux autres. En effet, elle provient d’un milieu aisé, mais a abandonné ses études pour se marier. Les privilèges de classes et de couleur ne sont donc pas niés. Le système est aussi montré pour ce qu’il est : la société empêche ces enfants de se développer. Les parents deviennent même des complices de ce système, inconsciemment. La mère dont je parlais plus tôt refusait que son fils suive des cours de violon, car il s’agit selon elle d’une activité de « blancs ». La protagoniste réplique à cela que c’est limiter les choix de son enfant (car lui l’avait choisi), en plus de l’empêcher de s’amuser et d’apprendre quelque chose dont il pourrait être fier. Cela fera aussi réfléchir la mère qui permettra à son enfant d’apprendre le violon, et d’être elle-même fière de lui par la suite. La façon dont je le voix, c’est qu’il ne s’agit pas sa « sauver » un enfant en lui apprenant le violon, mais plutôt de lui permettre de s’épanouir en agrandissant ses choix, en plus de lui enseigner la discipline stricte que requiert le violon — un apprentissage que l’enfant peur reporter sur plusieurs domaines de sa vie par la suite. Les enfants ne sont pas sauver par le violon, car le système peut les briser à tout moment. Ainsi, une jeune prodige de violon voit son avenir compromis par la violence conjugale de son père. Un autre enfant du ghetto meurt dans une fusillade contre la maison de ses parents. Ces situations individuelles reflètent des situations collectives. La violence brise les enfants.
    Heureusement, le film est positif… d’où, peut-être, les critiques négatives à son encontre. Lorsque, dix ans après la création des cours de violon, le programme est menacé, tous les enseignants, directrice (noire) et parents se réunissent pour tenter de sauver la situation. L’institutrice n’est pas seule pour sauver « le tout ». Tous se servent de leurs ressources pour organiser un concert permettant de récolter des fonds. Les enfants doivent redoubler d’effort, les parents doivent s’impliquer, l’école doit soutenir sans pour autant se compromettre.
    Je ne sais pas si mon point de vue est valable, mais je pense que ce film montre que l’on peut suivre le parcours d’un-e enseignant-e blanc-he dans un milieu défavorisé sans tomber dans les travers de ce trope. Qu’en pensez-vous?
    PS : en plus, ce film a de nombreux aspects féministes.

    • J’ai regardé High School High, dont je n’avais jamais entendu parler. Merci du conseil, ça m’a bien fait rire par moment, c’est vraiment débile… Mais en ce qui concerne la déconstruction du trope du sauveur blanc, je suis comme vous assez dubitatif. J’ai l’impression qu’on peut effectivement le regarder « au second degré », mais je me demande si les clichés sont vraiment déconstruits par le film lui-même. Il me semble qu’ils sont plutôt la base sur laquelle se développe l’humour du film, au sens où on rigole parce qu’on reconnaît les clichés dans une version poussée à l’extrême. Mais à mon avis, ça ne veut pas dire que ces clichés sont remis en question.

      C’est assez difficile je trouve de savoir de quoi on rigole quand on regarde ce genre de film (en tout cas moi je me demande parfois). Quand on rigole devant les clichés d’un film de sauveur blanc « sérieux », on est sûr qu’on rigole du cliché. Mais là c’est plus compliqué. Parfois je savais pas trop si je rigolais du cliché ou avec le cliché. Au final, j’aurais plutôt tendance à penser que ce film ne remet pas grand-chose en question. Il me semble plutôt être un film de sauveur blanc typique mais dans une version comique.

      Je me dis que c’est comme les blagues sexistes qui abondent dans le film : ce n’est pas parce que c’est conscient et exagéré que ce n’est pas encore du sexisme, et qu’on ne nous invite pas à rigoler de la blague sexiste.

      Mais bon, c’est vrai que c’est compliqué cette question de savoir quand l’humour est politiquement progressiste et quand il est au contraire réactionnaire. Il y a des fois c’est clair que c’est l’un ou l’autre, mais il y a beaucoup de cas où c’est difficile à trancher je trouve (peut-être parce que l’humour est alors ambivalent/ambigu, je sais pas…).

    • Y a pas longtemps, je suis tombée sur un film du même genre (Not another teen movie, attention grosse daube) dans lequel le traditionnel « pote noir » d’un des premiers rôles avait quelques répliques du genre : « héé! c’est moi qui suit censé être le seul Noir de la fête et m’occuper de la tireuse », ou « hé, c’est pas parce que je suis le seul Noir qu’on doit toujours attendre de moi d’arriver à l’improviste en disant « c’est quoi ce bins? » », avant d’être strictement cantonné à ce rôle tout le long du film sans qu’il s’en plaigne. Donc d’un côté on a attiré l’attention du spectateur sur ce type de stéréotypes pour rire, mais jamais le perso noir ne pourra en sortir pendant le film.

      Du coup c’est encore pire : de la part des auteurs du scénario, ça fait « on est conscient qu’on reproduit des clichés et on vous les montre mais juste pour s’en moquer en tant que *clichés*, sans aucun volonté de faire un effort pour montrer une alternative ».

  5. Un nouveau candidat sérieux dans la catégorie : les Héritiers (bande-annonce http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19548608&cfilm=224589.html)

  6. Intéressant!
    Je me retrouve dans ce trope, non pas en tant que personne « raciée.e » ( je suis blanche), mais en tant que personne neuroatypique/en situation de handicap.

    En effet, je pense qu’ils peut y avoir des situations similaires si on remplace les profs par les aidants.es et le milieu scolaire par le milieu médicale, comme le paternalisme (la 2ème capture d’écran me rappelle le comportement d’AVS (même pas formée.s, je précise.) lorsque je differais d’elleux.) ou le coté « savior » (dans ce cas, « neurotypical/abled savior ») (  » Je sais que tu as vécue des choses dures, mais moi le-super-aidant-qui-se-pensent-plus fort-que-les-autres, je vais t’aider… » <= Sans rire, j'ai connu un aidant qui avait ce genre de discours. (Le ton qu'il avait était tellement niais : il a sûrement du l'apprendre devant un mélodrame animalier . Du coup, j'avais envie de mordre.)

    Et quand on adapte ces histoires au cinoche, on se retrouve avec presque le même schéma : les pauvres petits handicapés, ils sont malheureux et ne peuvent pas s'en sortir tout seuls! Mais qui voilà ? L'aidant valide qui va les aider en leurs redonnant le sourire! Merci aidant valide!
    On pourrait appeler ça "le trope du sauveur valide".

    Je ne dis pas que c'est pire que les clichés sur-cités, c'est juste une comparaison. ^^'

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