Posts Taggés par psychanalyse

Jimmy P., Psychothérapie d’un Indien des plaines (2013) : guérir des femmes entre hommes

Jimmy a des gros soucis. Depuis qu’il est revenu de la guerre, tout se détraque dans sa tête : ouïe défectueuse, migraines, et crises imprévisibles où il est aveuglé par des tâches de lumières et respire très difficilement. Sa sœur, chez qui il vit et qui s’occupe de lui, l’amène à l’Hôpital de Topeka où plein […]

Harry, un ami qui vous veut du bien : SOS Vrai Mec, conseils d’amis pour retrouver sa virilité

Sorti sur les grands écrans en 2000, Harry, un ami qui vous veut du bien est un thriller psychologique réalisé par Dominik Moll. Le film narre l’intrusion envahissante d’Harold Balestoro (Harry), un jeune rentier hédoniste, dans la vie de Michel, ancien camarade de lycée rencontré par hasard sur une aire d’autoroute. Michel, sa compagne Claire […]

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Conseils d’ami entre mecs : « Claire t’empêche de t’épanouir. Elle veut que tu reste dans l’ombre. Claire et tes enfants te sucent la moelle. Tu dois trancher ».

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Avec sa « forme d’intelligence animale qu’[Harry] apprécie beaucoup », Prune est sans aucun doute une bien meilleure Muse que Claire, la « femme de tête ».

Le Michel génial est lui dans un rapport de domination des femmes comme objets sexuels. Cette possession du corps des femmes est présentée comme un mode d’Inspiration pour le Créateur.
La créativité s’alimente de sexualité : Harry rappelle ainsi les exploits sexuels du Michel adolescent auteur du Poignard en Peau de Nuit. De même, c’est après avoir embrassé Prune de force, (sans doute dans un de ces élans mystiques que ne connaissent guère que les Génies), que Michel retrouve l’Inspiration et engage l’écriture de son second roman, Les Singes Volants.

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Le génie masculin en pleine Inspiration

Prune est le personnage sur lequel le film exerce sa misogynie avec le plus de violence. Femme objet, à la fois pour Harry et Michel, Prune n’est à leurs yeux qu’une blondasse cruche aux gros seins, dont le rôle de potiche est apprécié, mais qui en tant qu’être humain a une valeur à peu près nulle.

Ainsi, après que Michel se soit moqué du fait que Prune ait « un pois chiche dans la tête » et l’ait embrassé de force, c’est tout naturellement que Harry assassine Prune, assisté en cela de Michel qui l’aide à se débarrasser du cadavre. Le propos du film est ici éloquent : idiote et superficielle, Prune a bien mérité sa soumission à Harry et Michel, puis son assassinat. Un pois chiche dans le cerveau, une plastique de poupée : voilà des indices tout à faits probants de l’infériorité naturelle des femmes !

Le dénouement : Retour à la norme patriarcale

A la fin du film, Harry propose à Michel de tuer Claire et ses enfants. Michel choisit alors de retourner l’arme contre Harry, puis se débarrasse du corps en le jetant dans le puisard.

L’assassinat de Harry marque un retour « à la normale » : le personnage perturbateur a été éliminé, Michel, Claire et les petites peuvent reprendre tranquillement le cours de leur vacances. On pourrait  interpréter à première vue que l’assassinat de Harry par Michel marque le refus par ce dernier du modèle de virilité prôné par Harry. Michel aurait ainsi pris conscience de la folie de Harry, et dans un sursaut salutaire aurait fait le choix de la raison et du retour à la vie familiale. De même, le fait que Harry soit présenté comme un psychopathe semble indiquer de façon superficielle la dangerosité de cet idéal de virilité triomphante. La fin du film peut laisser un sentiment d’ambivalence, d’autant plus que les scènes suivant l’assassinat de Harry ne durent que quelques minutes à peine.

Néanmoins, la conclusion du film ne laisse à mon sens que peu d’ambiguïté.  Les dernières séquences du film font ainsi écho au début du film, qui présentait un Michel à bout de nerfs sur la route des vacances. Sur le retour des vacances, Michel conduit le 4*4 offert par Harry, et regarde Claire dormir avec exactement la même délectation que présentait Harry lorsqu’il contemplait Prune… Il semble que les leçons prodiguées par feu son coach de virilité aient porté leurs fruits : Michel parait guéri, revirilisé au volant de son 4*4, et l’on devine qu’en contemplant Claire dormir, il songe à l’œuf cru dégusté la veille…

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Capture28Maman dort, Papa conduit et les filles la ferment : Michel a enfin retrouvé sa place de patriarche

La fin du film marque ainsi le retour aux normes patriarcales : Michel a retrouvé sa virilité ainsi que sa place de patriarche au sein de la famille. Claire cesse d’être une menace pour Michel en l’admirant en tant qu’écrivain (elle encourage Michel à poursuivre l’écriture), et en le libérant de la charge de l’éducation des filles. Dans l’une des dernières scènes du film, Claire s’occupe en effet des petites et les enjoint à « laisser papa se reposer ».

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Claire admire le talent d’écrivain de Michel « C’est vachement bien ce que tu écris, tu devrais continuer »

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Maman s’occupe des enfants pendant que papa se repose

En mettant en scène la revirilisation de Michel, le film avalise donc totalement le discours de Harry. Le personnage de Harry est là pour aider Michel à retrouver ses instincts de mâle endormis par un trop long étouffement féminin. Ainsi, le personnage de Harry peut être interprété comme une personnification d’une « essence masculine » : il représente le symbole de la virilité refoulée de Michel, que celui-ci à été obligé de brimer dans sa vie de couple et de famille. Harry incarne donc un « retour du refoulé », tout droit sorti de l’inconscient de Michel. Cette virilité refoulée resurgit sous forme de pulsion, d’où l’impulsivité et la folie de Harry.

Grâce à Harry, les désirs inconscients de Michel de virilité et de domination masculine refont surface : ce dernier reprend de l’ascendant sur Claire et embrasse Prune de force. Cette pulsion de virilité commence cependant à devenir immaîtrisable (Harry entreprend d’assassiner tout l’entourage de Michel) : c’est alors que Michel choisit de la refouler à nouveau dans son inconscient, en tuant Harry.

Les multiples références à une imagerie psychanalytique contribuent à naturaliser la virilité, représentée comme une pulsion inhérente à l’inconscient masculin. Michel enterre par exemple Harry au fond du puisard, comme un névrosé enterre ses pulsions dans son inconscient. Cette interprétation psychanalytique est assumée par le réalisateur, je cite : « Le film peut se lire à un niveau psychanalytique, Harry étant un peu le « ça » de Michel. Ce qui m’est apparu pendant l’écriture, et qui n’était pas vraiment conscient au début, c’est la possibilité de voir Harry comme une projection de Michel. Comme si Harry était quelqu’un qu’il avait créé, parce qu’il en avait besoin à ce moment là, pour extérioriser ses pulsions et ces frustrations ».[1]

Le message du film est donc le suivant : l’homme est naturellement habité par une pulsion de virilité, que celui doit laisser s’exprimer. Si l’homme refoule constamment ses désirs naturels de virilité, il devient un homme frustré, castré par les femmes, à l’instar du Michel du début du film. Trop étouffée, la virilité refoulée peut alors resurgir au galop, et déborder sous une forme monstrueuse (à l’instar du Harry psychopathe). L’homme doit laisser sa virilité s’exprimer et s’épanouir, tout en refoulant ses éventuels débordements, sous peine de devenir fou.

Michel est ainsi totalement épanoui à la fin du film car il a réussi à être à nouveau à l’écoute de sa virilité : il a repris l’écriture, est puissant au volant de son 4*4 où règne enfin le silence, et s’est débarrassé des tâches ingrates de la paternité. Il a réussi à intégrer harmonieusement en son être la virilité jusque là refoulée, sans que celle-ci ne l’envahisse trop.

En cela, le film relaie à plein l’idéologie patriarcale, en s’appuyant sur ses deux piliers, à savoir l’essentialisme et le masculinisme.

Essentialisme, parce que le film présente la virilité comme une valeur essentielle pour l’épanouissement du mâle, comme une pulsion naturelle inscrite dans l’inconscient masculin. L’homme doit cultiver sa virilité, tout en la maîtrisant. Cette virilité s’exprime par une vigueur physique et sexuelle, et par la domination des femmes.

Masculinisme, puisque le film présente des hommes victimes (Michel et son père), dont la virilité a été brimée par un trop grand pouvoir accaparé par leur femme. Frustré, castré, Michel doit reconquérir sa virilité et reprendre son ascendant sur les femmes.

La totalité du film, y compris sa conclusion, entretient donc une fascination pour un Homme Viril, dont la Créativité, la Vigueur Sexuelle et la Puissance se nourrissent de la domination de femmes soumises à l’incontestable supériorité du Mâle.

Remettre les femmes à leur place, se débarrasser des occupations castratrices du foyer et considérer les femmes comme des objets sexuels à contrôler … masculinistes de tous bords, réjouissez vous : voilà un film qui vous veut du bien.

Sigob