Auteur: Zorglomme


Jurassic World (2/2) : sidekick noir, asiatique vicieux et puissantes voitures allemandes

Vous trouverez la première partie de cette critique sur cette page.

Jurassic World, un film raciste

Ceux qui espéraient que tourner dans une production américaine permettrait à Omar Sy d’interpréter autre chose que le bon noir de service, détrompez-vous. Sy, qui n’apparaît que quelques minutes à l’écran tout au long du film, incarne ici le side-kick noir du héros blanc dans toute sa splendeur (à l’exception des blagues nulles, heureusement). Son unique rôle dans le film consiste à soutenir et à approuver Owen Grady dans ses moindres dires, faits et gestes. Sa seule action dans le film consistera à sauver Owen de la menace d’un raptor en explosant ce dernier à l’aide d’un lance-roquette. L’homme blanc ne pouvant rester redevable de l’homme noir, Grady lui sauvera à son tour la mise quelques secondes plus tard, mais de manière non-violente, simplement en détournant l’attention du raptor. Ce qui a pour effet d’accentuer la violence avec laquelle Omar Sy a pulvérisé « dans le dos » le raptor. Ces noirs, tous des brutes.

Omar Sy vient payer ses factures dans le rôle éculé du side-kick noir qui approuve tout ce que dit son patron blanc.

Omar Sy vient payer ses factures dans le rôle éculé du side-kick noir qui approuve tout ce que dit son patron blanc.

Tout comme Omar Sy est le seul noir de Jurassic World, Simon Masrani est le seul personnage racisé de pouvoir (de nationalité et d’origine inconnues dans le film, mais l’acteur est indien) de cette superproduction. Alors qu’on le voit assez peu à l’écran, son personnage est, à mon sens, le plus fouillé, si l’on puis dire, du film : pas vraiment gentil (il n’exige pas l’arrêt des croisements génétiques pour créer de nouveaux dinosaures), pas vraiment méchant (il réprimande Claire comme un petite fille parce qu’elle a créé de nouveaux dinosaures dangereux), Simon Masrani est en revanche clairement présenté comme un enfant capricieux. Disposant d’un petit hélicoptère, il tient absolument à le piloter lui-même et répète plusieurs fois « je gère, je gère », expression jeune s’il en est (le personnage avoisine la quarantaine), sourire idiot aux lèvres. Évidemment, l’entêtement de ce grand enfant originaire d’un pays que le réalisateur de film serait probablement incapable de placer sur une carte, causera sa mort, puisqu’il insistera à nouveau pour prendre les commandes de son hélico à la place de son pilote et sera victime des ptérodactyles.

Derniers personnages racisés visibles à l’écran dans Jurassic World, les asiatiques. On retrouve le Dr. Wu, seul rescapé du casting du premier Jurassic Park dans ce nouveau film. Toujours dans le rôle du scientifique créateur de dinosaure, le réalisateur lui attribue cette fois-ci un rôle de méchant, ce qui n’était pas le cas dans le film de 1993. Évoquant un méchant sbire James Bondien des années 70, le Dr Wu est discrètement vendu au spectateur comme étant méchant : vêtements de méchant, musique de méchant lors de ses apparitions et rhétorique de méchant : « Mais qu’est-ce qu’un monstre finalement ? Pour une souris, un chat est un monstre. Nous sommes habitués à être le chat. » Pourtant, rien n’obligeait le réalisateur à diaboliser ce personnage, qui se contente d’exécuter les ordres de Simon Masrani comme il exécutait auparavant les ordres de John Hammond. De fait, le Dr Wu est exactement dans la même situation que Claire Dearing : il a interprété la consigne de Masrani de créer des dinosaures « plus cools » en « créer des dinosaures avec plus de dents. » Mais, alors que Claire emprunte la voie de la rédemption grâce à l’épaule virile d’Owen Grady, le Dr Wu tente de se justifier et apparaît comme diabolique puisque sa réplique concernant chat et souris semble montrer qu’il avait conscience de créer un monstre. De fichus roublards qui fuient leurs responsabilités, ces bridés !

Hinhinhin je suis habillé tout en noir et je sors d’une porte dérobée dans le mur avec une musique de méchant. Hinhinhin. Hinhin. Hin…

Hinhinhin je suis habillé tout en noir et je sors d’une porte dérobée dans le mur avec une musique de méchant. Hinhinhin. Hinhin. Hin…

L’autre personnage asiatique est un militaire nommé Hamada, qui intervient dans une scène faisant une allusion très claire à l’imagerie de la guerre du Vietnam (qu’on retrouve dans des films très typés « mâles » tels que Predator) : une escouade de soldats dans une jungle luxuriante, soudainement attaqués par un ennemi camouflé (l’Indominus), en traître. Il y a les flammes, la jungle, l’ennemi qui est camouflé et qu’on ne voit pas, la défaite des soldats américains. Pour moi, ce genre de scène sert à mobiliser un imaginaire associé pour les américains à la défaite militaire, pour ensuite l’exorciser avec la victoire de l’homme blanc, ancien de l’US Navy (Owen Grady). A l’époque de la guerre du Vietnam, des critiques reaganiens accusaient la bureaucratie de l’administration américaine d’être responsable de la défaite. On peut interpréter le discours de Jurassic World de cette même façon, comme nous allons le voir à présent.

En résumé, les personnages racisés dans Jurassic World, c’est :

  • Un noir aux ordres de l’Homme Blanc (Omar Sy).
  • Un indien dirigeant et capricieux… donc destiné à mourir (Simon Masrani).
  • Un asiatique présenté comme mauvais (Dr Henry Wu)
  • Un asiatique lui aussi aux ordres de l’Homme Blanc… qui meurt quand même parce que ces jaunes doivent payer pour le Vietnam (le soldat Hamada, un nom japonais en plus, autre ancien ennemi des USA).

 

 

Jurassic World, un film bourré de faux-semblants

Un propos anti-technologie, faussement anti-militariste et faussement anti-capitaliste.

S’il ne nous appartient pas ici de juger l’utilité, la dangerosité ou la mauvaise utilisation faite des nouvelles technologies, nous pouvons en revanche critiquer la critique qu’adresse Jurassic World à celles-ci pour de biens mauvaises raisons. Car outre l’Indominus Rex, le film comporte un second antagoniste en la personne de Vic Hoskins, barbouze d’une officine américaine tellement secrète qu’elle n’est même pas nommée. Celui-ci affiche son mépris pour les drones de guerre, arguant que « dès qu’un conflit éclatera, ils seront hackés », et prône un retour aux « armes naturelles. » En l’occurrence l’utilisation de raptors dressés sur les zones de conflit. Le film dans son entier véhicule lui-même un propos anti-technologie :

– ce sont des expériences sur les gènes qui ont permis la création de l’Indominus, ce qu’Owen Grady souligne comme étant un problème : « C’est un hybride génétique qui a grandi en labo. » L’Indominus sera d’ailleurs tué par le T-Rex, un dinosaure « pur ».

– Malgré toutes les précautions technologiques prises pour assurer la sécurité du parc rien ne fonctionne.

On comprend alors que le discours anti-technologique du film n’a pas pour but de questionner l’utilisation que l’on fait des nouvelles technologies mais bien de valoriser l’idée d’un nécessaire retour à la bonne virilité façon la Stallone-Schwarzie. Car qui va sauver tout le monde ? Owen Grady, grâce à sa bite, son couteau et son fusil old-school, en opposition aux soldats du film harnachés des pieds à la tête de protections, armés d’armes futuristes et suivis informatiquement. Une supposition validée à la fin du film lorsque, pour faire redevenir gentils les raptors afin qu’ils aillent botter les fesses de l’Indominus, Owen leur enlève le casque infrarouge accroché sur leur tête. Pas besoin de tous ces gadgets pour l’emporter dans une baston à la régulière ! Par ailleurs, il serait aisé de croire que le film véhicule une idéologie anti-militariste, car le héros n’aura de cesse de s’opposer à Vic Hoskins le va-t-en-guerre. Sauf que la violence gaillarde du film montre bien que ce n’est pas la guerre le problème, c’est l’utilisation de technologies pour mener celle-ci, car rien ne vaut un mâle doté d’un bon fusil se roulant dans la boue pour occire ses adversaires. Une idéologie fréquemment véhiculée par Hollywood.

Cette idée du retour à la virilité gaillarde passant par l’abandon des technologies est aussi véhiculée par le parcours des frères Mitchell : tandis que Zach, au début du film, est obnubilé par les filles (parce que « nous les mecs on peut pas se contrôler », c’est bien connu) et par son lecteur mp3 vissé en permanence sur ses oreilles, ce qui apparaît comme une faiblesse, Gray est absorbé par les projections holographiques. Par la suite, ils se retrouveront totalement démunis en pleine forêt, sans même un téléphone portable. C’est à ce moment que la virilité masculine fait son grand retour par le biais d’un dangereux saut depuis une falaise pour échapper à l’Indominus (une preuve de courage), suivi de la réparation du 4×4 déjà évoquée.

Enfin, passons rapidement sur le fait que le film véhicule vaguement une sorte d’anti-capitalisme simpliste, puisque c’est la poursuite du profit sans limite qui entraîne la catastrophe. Un discours qui pourrait paraître louable mais qui se révèle très hypocrite quand on sait que Jurassic World est lui-même un fervent représentant de ce capitalisme outrancier tant les placements de produits y sont nombreux (17 marques apparaissent ou sont citées). De plus, il s’agit là d’une illustration de l’argument utilisé par les plus ardents défenseurs du capitalisme : le capitalisme, des fois ça entraîne des problèmes, mais bon globalement ça marche. Vous voulez transformer Jurassic World en Corée du Nord, M. Mélenchon ? Hein ?! Hein ?! C’est ça que vous voulez pour nos enfants ?

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Mercedes a mis le paquet sur Jurassic World : affiches, clip promotionnel et même lancement du nouveau modèle GLE dans le film.

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Jurassic World, un film spéciste

Sous couvert de magnifier la beauté et la grandeur des dinosaures « qui nous rappellent à quel point nous sommes petits », d’enseigner le « respect » pour les animaux et d’apprendre aux humain-e-s « l’humilité », le film tient un discours totalement hypocrite, qui reproduit en fait un spécisme tout ce qu’il y a de plus basique.

De fait, tout le début du film ressemble beaucoup à une immense pub pour les zoos. On y voit des enfants monter sur les bébés dinos, jouer avec, ou les spectateurs regarder un gros monstre amphibien sauter dans sa piscine. Il y a aucun point de vue critique là, au contraire : on voit tout par les yeux de Gray, trop content d’être là. Et le film invite ainsi les enfants dans la salle et les adultes ayant « gardé leur âme d’enfant » à trouver ça trop génial, ne serait-ce que par la qualité des effets spéciaux.

On a ensuite tout le discours mystificateur autour du zoo. Masrani qui s’inquiète dans l’hélico de savoir si ses animaux sont heureux (alors qu’ils sont enfermés dans un zoo, derrière des barrières électrifiées et surveillés par des hommes armés !). Puis nous avons Owen qui expliquera à Claire Dearing qu’il ne cherche pas à contrôler les raptors mais à instaurer une « relation de respect mutuel ». Cette affirmation est pourtant contredite par la séquence qui l’a précède, durant laquelle Grady oblige les animaux à obéir à ses ordres afin de devenir leur maître. Plus spéciste, y’a pas.

Le deuxième type de discours de ce film décidément bien hypocrite concernant la fonction du parc est aussi tenu dans ces deux mêmes scènes par Masrani et Owen (qui expliquent au passage la vie à Claire, dans une ambiance bien paternaliste…) : Hammond a créé le parc pour rappeler aux humains « à quel point ils sont petits, et récents », ou encore « pour nous apprendre l’humilité ». Donc non seulement il y a l’idée selon laquelle les humains, en enfermant (et donc en dominant/séquestrant/violentant) des animaux, devraient apprendre qu’ils sont les « petites parties d’un grand tout » et qu’ils doivent respecter les autres êtres vivants. HA HA HA. Nous ne prenons pas beaucoup de risque en affirmant que ce n’est pas en exerçant une domination sur les autres espèces qu’on apprend à se considérer comme leurs égaux. Derrière toutes ces séquences se cache le discours classique sur la fonction pédagogique des zoos (un des grands arguments, et peut-être même LE grand argument pour justifier les zoos aujourd’hui). Or enfermer les animaux, ça n’apprend rien de plus (et même moins) que de les observer vivre libres. Ça apprend juste aux enfants qu’il est normal de traiter les animaux comme bon nous semble, de les enfermer, etc.

    Voilà ce qu’il se passe quand un animal n’est pas enfermé !

Voilà ce qu’il se passe quand un animal n’est pas enfermé !

La seule domination qui est critiquée dans le film à ce niveau, c’est celle du méchant militaire qui veut en faire des armes. Or, de manière révélatrice, ce qui est problématique là-dedans selon le film, ce n’est pas du tout le fait de traiter les animaux comme des instruments/moyens/objets/êtres à notre service (Owen ne dit pas non au principe d’ailleurs, puisqu’il laisse le méchant se servir des dinos). Non, le seul problème selon le film, c’est que c’est une arme qui risque d’être retournée contre nous (une des grandes peurs actuelles des américains d’ailleurs. Cf. tous les films où des espions sont soupçonnés d’avoir été « retournés », comme Salt ou Homeland). Donc le problème ce n’est pas de transformer les animaux en armes, mais juste que ces armes ne vont pas bien marcher !

Au final, le film prône un « rapport de domination naturel » sur les animaux, incarné par Owen. Ce n’est pas juste une blague quand il dit qu’il est leur « mâle alpha », cette réplique véhicule l’idée que ce qui est cool, c’est de réussir à imposer son respect aux animaux, et encore plus si ceux-ci sont dangereux. La scène finale est édifiante à ce niveau : Owen enlève la caméra que le méchant avait posée sur les raptors, et devient ainsi leur maître naturel. Il n’a alors plus qu’à siffler pour que les raptors lui obéissent et foncent sur le l’Indominus.

Cette histoire de domination naturelle (c’est-à-dire de l’homme comme animal qui domine naturellement les autres animaux) est à lier avec tout le discours anti-expérimentation génétique du film (une critique véhiculée depuis le 1er Jurassic Park, cf. une réplique qui revient sans cesse dans les films : « Voilà ce qui arrive quand on se prend pour Dieu. »). Cette critique de la génétique n’implique donc pas du tout une critique de l’exploitation des animaux, mais vient pour justifier une « bonne domination » (celle d’Owen) contre une « mauvaise domination » (celle de Claire qui enferme les dinosaures dans des enclos sans aucun contact extérieur).

 

 

Conclusion

Jurassic World est sans conteste l’un des films les plus sexistes que j’ai pu voir. Bien que certaines parts du discours viriliste du film soient « cachées », Jurassic World comporte de nombreuses scènes frontalement violentes envers la gent féminine, au point que son visionnage en devient insupportable, y compris pour des personnes non-sensibilisées à ce problème de société. Par ailleurs, outre le racisme commun à de nombreux blockbusters hollywoodiens, le film est terriblement hypocrite vis-à-vis de tous les sujets qu’il tente d’aborder de près ou de loin : anti-militarisme, technologie, capitalisme, respect des animaux… Un film de divertissement n’est certes pas là pour véhiculer de profonds messages (encore que), mais Jurassic World, sous couvert d’être un bon gros no-brainer pour les petits et les grands, camoufle des idéologies nauséabondes, ce qui est un comportement fort malhonnête de la part du réalisateur et des producteurs.

Zorglomme

« Auriez-vous l’amabilité de laisser la licence Jurassic Park morte et enterrée, s’il-vous-plaît ? »

« Auriez-vous l’amabilité de laisser la licence Jurassic Park morte et enterrée, s’il-vous-plaît ? »

Jurassic World (1/2) : le film qui fait mâle

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Jurassic World prend place 20 ans après la fin des évènements du premier film, sorti en 1993 et réalisé par Steven Spielberg. Le fameux parc à dinosaures rêvé par John Hammond, décédé, a enfin ouvert ses portes. Sa gestion est confiée à Claire Dearing par Simon Masrani, exécuteur testamentaire d’Hammond. Ce dernier souhaitait que le maximum de personnes, sans condition de revenus, puissent contempler de leurs yeux des dinosaures vivants. Si Masrani tente tant bien que mal de rester fidèle à la philosophie du créateur, Claire Dearing est quant à elle uniquement préoccupée par le profit. Sous sa direction, un dinosaure extrêmement dangereux va être créé, l’Indominus Rex. Évidemment, celui-ci va rapidement s’échapper de son enclot et semer la terreur dans le parc.

Le film propose au spectateur de suivre deux histoires parallèles qui s’interconnectent parfois : d’un côté, les péripéties de Claire Dearing et d’Owen Grady, dresseur de raptors, qui vont tenter d’endiguer le carnage; de l’autre les aventures de Zach et Gray Mitchell, les jeunes neveux de Claire, égarés dans le parc. Deux storylines si ouvertement virilistes et sexistes que ma copine, pourtant pas du tout sensibilisée au féminisme, a passé le film à s’insurger devant les insultes que le film lui crachait au visage en tant que « faible femme ». Qu’on se le dise, les dinos, c’est pas pour les femmelettes, et le film va s’attacher à nous le prouver en usant de tous les poncifs possibles et imaginables avec un premier degré confondant : femmes en pleurs, femmes hystériques, femmes désemparées, femme qui-n’a-pas-d’enfant-donc-forcément-c’est-louche, femme-sans-cœur-parce-qu’elle-fait-carrière et homme au regard d’acier qui n’a peur de rien. En avant pour le train fantôme.

Attention, toute l’intrigue du film est spoilée dans cet article.

 

 

Jurassic World, un film profondément sexiste

Le traitement des femmes dans Jurassic World – Claire Dearing

Claire Dearing, la dirigeante du parc, est une femme ayant privilégié sa carrière plutôt que sa vie familiale : comprenez par là qu’elle n’a pas d’enfant (ni même de mari, c’est louche !). Une entorse à son rôle de femme que le film va mettre à soin particulier à corriger, d’abord en présentant Claire comme un mauvais modèle de féminité en la faisant paraître :

– hésitante (elle ne sait quoi faire lorsque l’Indominus s’échappe),
– ignorante (il lui est reproché d’avoir maintenu l’Indominus isolée)
– désagréable (elle se montre dominatrice avec ses employés)
– peu affectueuse (elle est mal à l’aise lorsque son neveu Gray lui fait un câlin)
– irresponsable (elle ne s’occupe pas de ses neveux et s’est écartée du chemin désiré par Hammond)

Dearing est présentée d’emblée comme une femme antipathique et peu spontanée (en opposition avec la spontanéité d’une bonne vieille crise d’hystérie typiquement féminine, n’est-ce pas ?). Sa première apparition la met en scène en train de répéter un discours marketing dans un ascenseur, juste avant d’afficher un sourire de façade devant de potentiels investisseurs pour le parc, ce qui fait de Claire un personnage immédiatement désagréable. Lors de la scène suivante, Claire accueille ses neveux Zach et Gray en étant AU TÉLÉPHONE et manifeste à leur égard une certaine gêne : elle hésite à serrer Gray dans ses bras et ses premières paroles sont « oh ! Mais… euh… Dis dont tu es mignon comme tout. Et toi [Zach], la dernière fois que je t’ai vu tu étais… [petit]. Ça va faire quoi, 3,4 ans ? ». Le film montre ainsi que Claire est mal à l’aise avec les enfants, que cela fait fort longtemps qu’elle n’a pas vu ses neveux et donc qu’elle se fiche de les connaître. Deux points que Jurassic World présente comme des tares à corriger, ce que Zach s’empresse immédiatement de souligner en corrigeant sa tante… qui s’écrase : « 7 ans, tante Claire, ça fait 7 ans. Mais t’étais pas loin. » Cette scène a pour effet d’induire chez le spectateur le fait que Claire est égocentrique et carriériste au point de n’avoir que faire sa famille.

Claire s’empresse alors de les confier à Zara Young, son assistante. La scène s’achève sur une Claire à nouveau focalisée sur son téléphone et incapable de savoir à quelle heure se couchent de jeunes garçons, une méconnaissance présentée là encore par le film comme condamnable.

Il est intéressant de noter que Claire Dearing est un personnage similaire à John Hammond  (au sens où elle est la directrice du parc et que ses actions conduisent plus ou moins directement à la catastrophe) à ceci près :
1) qu’elle est vénale alors que lui se fiche du profit (voir plus bas)
2) qu’elle ne s’occupe pas de ses neveux alors que dans le premier film, Hammond est représenté comme très proche de ses petits-enfants et très affectueux dès leur première apparition.

Du coup, sur ce point aussi, on note la différence de traitement entre ces deux personnages : à situation égale (deux enfants livrés à eux-mêmes dont chacun était censé s’occuper), monsieur est tout de même un type sympathique et inquiet pour les enfants, un grand maladroit qui suscite de la compassion, alors que madame est d’emblée présentée comme détestable et irresponsable.

"Les enfants !"

« Les enfants ! »

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Par ailleurs, Claire est présentée comme vénale (encore un trait ordinairement attribué aux femmes !). En effet, l’exécuteur testamentaire de John Hammond, Simon Masrani, est présent dans le film pour « cadrer » Claire Dearing qui, en femme carriériste, oublie que « John Hammond n’a pas une fois parlé de profits » : « N’oubliez pas le principal Claire, Jurassic World existe pour nous rappeler combien nous sommes tout petit. Cela n’a pas de prix. » Avant de lui asséner, au cours d’un vol en hélicoptère : « Maintenant s’il-vous-plaît… Là on vole ! », un « ta gueule » à peine voilé. Une consigne que Claire n’a pas respectée car elle a créé l’Indominus pour augmenter les profits.

Durant toute la première moitié du film, Claire Dearing est donc présentée comme une femme carriériste et irresponsable, puisque c’est elle qui a supervisé la création de l’Indominus Rex, le dangereux dinosaure, sans même consulter Owen Grady qui, pour une raison mystérieuse (il n’est que dresseur de raptors et pas spécialiste en sécurité) semble être habilité à valider ou non la sécurisation d’un enclot. Probablement parce que ce type de compétence est inné chez l’Homme. Suite à l’évasion de l’Indominus, Claire passe son temps à donner des ordres au téléphone et garde plus ou moins son sang-froid, ce qui pourrait en faire un excellent personnage féminin. Mais ce n’est pas là l’objectif de Jurassic World. Car au milieu du film, en compagnie du viril Owen, Claire va enfin se décider à PLEURER comme toute femme digne de ce nom se doit de le faire en découvrant que l’Indominus a massacré tous les diplodocus du parc. Ce versement de larmes n’a rien d’anodin, car c’est le début du processus de « remise à sa place » de la femme. En effet, Claire, qui était jusque-là indépendante et détentrice de l’autorité, va se transformer en side-kick d’Owen Grady. Et c’est clairement annoncé par l’homme en question après une remarque sur les talons de la jeune femme : « t’es prévenue, ici c’est moi qui donne les ordres, tu fais tout c’que j’dis comme j’le dis. » Avec la petite précision nécessaire pour empêcher toute hystérie féminine : « on reste zens. »

Tu la sens ma grosse autorité, tu la sens ?

Tu la sens ma grosse autorité, tu la sens ?

Deux idées foncièrement sexistes sont à l’œuvre ici : premièrement, il s’agit de ramener la femme à ses émotions, à sa sensibilité, parce que c’est ça la « nature de la fâme » (l’homme c’est l’intelligence/la raison/la pensée/le cerveau, la femme c’est les sentiments/l’émotion/le cœur), et Claire s’en était coupée en étant trop carriériste. Deuxièmement, c’est à l’homme qu’il incombe de guider la femme, de la révéler à sa féminité. D’abord en lui montrant ce qui est censé faire pleurer une femme (des diplodocus morts), après en devenant son mâle alpha (leur union hétérosexuelle s’impose comme naturelle à la fin du film, car une « vraie femme », si elle est vraiment féminine, elle est attiré par l’homme viril et fini dans ses bras).

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Le début de la rédemption pour Claire-la-carriériste : se laisser aller à ses émotions. A moins qu’elle souffre d’une Jean-François-Copédite aigue et soit simplement profondément choquée.

Dès lors, Claire n’est plus bonne qu’à suivre Owen dans ses péripéties pour ramener l’ordre, et à s’inquiéter pour ses neveux (enfin une attitude sensée pour une fâme !). La perte de pouvoir de Claire est pourtant présentée comme positive en fin de film, car c’est elle qui va risquer sa vie pour libérer le T-Rex afin de celui-ci puisse détourner l’attention de l’Indominus, une attitude qu’elle n’a pas eu au début du film, lorsqu’elle était encore femme de pouvoir, se contentant alors d’aboyer au téléphone et sur ses employés. Autrement dit : n’aie pas peur de t’abandonner aux hommes, femme, ils te rendront émotive et secourable mais aussi forte et courageuse. C’est un bon deal non ? Non. Car :

1/ L’évolution du personnage de Claire prend d’abord la forme d’une féminisation. En effet, elle est clairement ramenée à sa féminité, d’abord dans la scène où elle verse une larme pour les diplodocus morts et s’ouvre ainsi à ses émotions, puis dans toutes les scènes où elle veille sur ses deux neveux (et retrouve ainsi un rôle maternel qu’elle fuyait au début du film). Parallèlement, elle passe sous la domination de l’homme viril, alors qu’elle était au départ sa supérieure hiérarchique.

2/ Le personnage peut sembler acquérir un rôle positif dans la deuxième partie en partageant l’action avec le personnage masculin principal (elle tue un dino volant qui attaquait Owen, conduit la voiture poursuivie par des raptors, libère le T-Rex à la fin du film, etc.). Or on peut tout de même avoir de gros doutes sur le potentiel féministe de ce personnage. En effet, la figure de la femme d’action n’a rien de féministe en soi, mais peut très bien correspondre avant tout à un fantasme masculin (surtout lorsqu’elles sont sexy et peu vêtues). Typiquement, le fait que Claire parviennent à courir presque aussi vite qu’un T-Rex avec des talons aiguilles est un indice parmi d’autres du fait que cette figure féminine qui est forte et sexy à la fois est un pur fantasme masculin qui nie la réalité de l’oppression féminine (la réduction de la liberté de mouvement qu’imposent les tenues imposées aux femmes, ici les talons). Le film l’objectifie d’ailleurs à plusieurs reprises, notamment lorsqu’elle se retrouve à terre, en position de vulnérabilité (cf image ci-dessous).

JW_Vulnerable

Une femme à quatre-patte, en sueur et bouche ouverte, ça ne peut qu’être un hasard. Un hasard très hétéro.

A noter que si Claire fait preuve d’un héroïsme que l’on pourrait penser typiquement masculin en libérant le T-Rex, il n’est est rien : alors qu’Owen affronte sans cesse les dinosaures face à face, voire en donnant des ordres à ses raptors, Claire ne sert que d’appât.

Bref, Claire Dearing est présentée comme un contre-modèle de féminité, un repoussoir que les personnages masculins vont tenter de remettre dans le droit chemin lors de la seconde moitié du film. Comment ? En la « féminisant » selon les critères de la société machiste (laisse couler tes larmes, femme), enfin en lui faisant suivre une sorte de rédemption visant à faire comprendre au spectateur que quand même, le rôle principal d’une femme, c’est de faire des enfants et d’avoir un mari (cf. la fin du film et les regards plein d’envie que Claire lance à ses neveux lorsqu’ils tombent dans les bras de leurs parents, avant de regarder Owen, son nouveau mâle. La dernière réplique du film est d’ailleurs :
Claire : « Et nous maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? »
Owen : « On se quitte plus. » Le mariage et les enfants ne sont pas loin, vu les valeurs réactionnaires véhiculées par le film, comme nous allons le voir tout au long de cet article.

Jurassic World s’acharne à rendre une femme de pouvoir plus féminine en lui attribuant les traits de caractère d’ordinaire dévolus au « sexe faible » : désintérêt pour la carrière professionnelle, intérêt pour les enfants, émotivité, besoin de se reposer sur un homme (le film est évidemment hétéro-centré au possible), etc…

 

Le traitement des femmes dans Jurassic World – Karen Mitchell

La mère de Zach et Gray, Karen Mitchell n’a qu’un tout petit rôle dans Jurassic World, mais il est extrêmement significatif car il représente en quelque sorte la mère de famille telle qu’elle devrait être : elle pense sans cesse à ses enfants, pleure à chacune de ses apparitions (au sujet de ses enfants, ce qui montre à quel point elle les aime) et travaille néanmoins. Au début du film, Karen fait la valise de son plus jeune fils (Gray) et accompagne ses enfants à l’aéroport avant de lâcher une larme devant eux, tandis que son mari ET Gray lèvent les yeux au ciel. Avant évidemment de s’inquiéter de voir sa progéniture s’envoler si loin. Heureusement, son homme lui assure que « c’est rien du tout. »

Par la suite, Karen n’apparaîtra qu’à deux reprises mais à chaque fois pour faire travailler ses glandes lacrymales :
– Une première fois en pleine réunion avec ses collègues masculins lorsqu’elle apprend que ses enfants chéris ne sont pas avec leur tante mais avec une nounou.
– Une seconde fois à la fin du film lorsqu’elle retrouve ses enfants sains et saufs, en se noyant dans la chevelure de Gray tandis que son mari enlace virilement Zach.

Karen Mitchell est donc un personnage féminin typique de fiction : elle est émotive et hystérique.

Mes enfants aux mains d’une nounou ? Enfer et damnation !

Mes enfants aux mains d’une nounou ? Enfer et damnation !

 

Le traitement des femmes dans Jurassic World – Zara Young

Zara Young est en charge de faire visiter le parc aux neveux de Claire, dont elle est pourtant l’assistante, car elle vient « du pays des nounous, ils sont doués pour ça ». On ne peut pas être plus clair.

Bien qu’étant un personnage tertiaire, le film réserve un traitement très particulier à Zara Young. En effet, celle-ci faillit clairement à sa mission de surveiller les enfants : elle passe son temps au téléphone entre conversations privées et professionnelles, au point que Zach et Gray parviennent à lui fausser compagnie. Zara sera donc punie à la hauteur de son crime de lèse-morveux vers le milieu du film au cours d’une scène particulièrement violente et gratuite.

En effet, le film propose une séquence où les ptérodactyles s’échappent de leur serre et fondent sur Jurassic World. Les amateurs de Jurassic Park pourraient s’attendre à une boucherie, mais il n’en est rien. Curieusement, AUCUN touriste présent ne se fait tuer ou même blesser par les centaines de dinosaures qui envahissent le ciel. Aucun, sauf Zara Young, dont le châtiment divin venu du ciel va s’avérer particulièrement sadique. Alors que les mises à mort du film duraient jusqu’à présent une fraction de seconde, celle de Young va durer pas moins de 40 secondes et sera d’un sadisme qui mérite d’être décrit tant il est évident que cette scène a pour seul but de la sanctionner pour son manque d’esprit maternel : devant les enfants, Zara Young va se fait happer par un ptérodactyle, puis par un autre une fois en l’air, avant d’être jetée dans un bassin de spectacle aquatique. Une fois sous l’eau, elle se fait à nouveau attraper à deux reprises par les oiseaux avant d’être finalement dévorée par un dinosaure marin, le tout sans provoquer aucune réaction chez les enfants. A titre de comparaison, l’exécution du Grand Méchant du film par un raptor ne durera que 4 secondes.

L’exécution de Zara Young est bien plus longue et bien plus sadique que celle du méchant du film.

L’exécution de Zara Young est bien plus longue et bien plus sadique que celle du méchant du film.

En résumé, les femmes dans Jurassic World, c’est soit :

  • Des mères qui chialent tout le temps et pensent à leur enfants sans arrêt (même quand elles sont au boulot) (Karen), une attitude présentée comme positive.
  • Des carriéristes qui peuvent découvrir qu’elles se sont trompées et renouer avec leur féminité et leurs émotions grâce à un homme viril (Claire), et ça c’est présenté comme positif aussi.
  • Des carriéristes qui s’en foutent des enfants, et qui peuvent donc crever (Zara), et c’est bien fait pour elles.

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Réaffirmation de l’autorité et de la virilité de l’homme – Owen Grady, le mâle alpha

Owen Grady est le héros du film, et qu’on se le dise, ce n’est pas une tapette. Sa première apparition le montre en train de réparer une moto, mettant ainsi en avant deux clichés sur les mâles : ils aiment la moto, symbole de liberté, et ils aiment bricoler, parce que c’est un truc de mec et pis c’est tout. Avant même la sortie du film, cette scène d’une brutalité sexiste peu commune a fait l’objet de réactions sur le web.

Si Owen Grady se comporte de façon extrêmement grossière et choquante avec sa PATRONNE (tutoiement, allusions sexuelles, sous-entendu graveleux comme quoi elle serait « mal-baisée »…), il est d’emblée excusé car c’est un « ancien US Navy », information visant à faire comprendre au spectateur que lui il a vu la guerre, il connaît le « vrai » monde et ne reste pas le cul dans son fauteuil, donc il peut parler « cash ». Cette scène est aussi l’occasion pour Owen d’accuser à mots couverts sa patronne d’être une control-freak, un trait de caractère généralement négatif lorsqu’associé à une femme (forcément hystérique, maniaque et bien entendu dominatrice lorsque l’on parle d’une femme de pouvoir) et positif pour les hommes (soucieux d’éviter les accidents, puisque Claire vient chercher Owen pour justement qu’il contrôle minutieusement l’enclot de l’Indominus).

Owen Grady n’est pas la moitié d’un mâle, car il faut en avoir pour devenir « dresseur de raptors » ! Heureusement, il est aidé par l’atout naturel que sont des testicules pour contrôler des femelles (tous les dinosaures du parc sont des femelles, comme dans les précédents épisodes de la franchise) : selon ses propres termes, il est leur « mâle alpha ». Rien de moins. Il faudra néanmoins se contenter de cette explication des plus scientifique pour expliquer comment Grady parvient à domestiquer le prédateur le plus dangereux des trois films précédents.

Grady est le personnage masculin standard de film d’action hollywoodien : il est courageux, n’a jamais peur, il sait toujours ce qu’il faut faire et il sert les dents parce que ça donne l’air viril. Son rôle principal dans le film est de transformer Claire Dearing en « vraie femme » en lui offrant une épaule réconfortante en cas de trop forte émotion (par exemple en l’embrassant par surprise, ce qui provoque un « oups » amusé chez Claire, parce que c’est amusant de se faire attraper la bouche sans consentement puisque l’Homme prend ce qu’il veut sans se préoccuper du désir de la fâme). Et enfin de lui mettre des bébés dans le tiroir comme le laisse entendre la fin du film avec une lourdeur que ne renierait pas un élève en première année d’école de cinéma.

Le mâle alpha protège sa meute.

Le mâle alpha protège sa meute.

Le statut de « mâle alpha » d’Owen Grady est pourtant contesté par l’Indominus Rex à la fin du film, puisque les raptors préfèrent se rallier à elle, trahissant leur gentil maître qui croyait jusqu’à présent que le dressage, « c’est juste une affaire de respect. » Une situation des plus anormale (des raptors femelles obéissants à une autre femelle ?! Quelle idée !) rapidement corrigée puisque la scène finale verra les raptors changer à nouveau de camp pour défendre leur mâle alpha contre l’Indominus. Ouf, l’ordre patriarcal est sauf !

Par rapport au premier Jurassic Park, on peut à nouveau noter une régression : en plus de la jeune Lex qui aide à rétablir le courant (voir plus bas), la chercheuse Elie Sattler court dehors pour actionner le disjoncteur cerné par des raptors, occasionnant au passage une petite remarque sexiste d’Hammond, qui se fait remettre à sa place par la jeune femme.

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Comment on devient un homme, un vrai – Zach & Gray Mitchell

Zach (environ 16 ans) et Gray (environ huit ans) sont envoyés à Jurassic World par leurs parents pour passer des vacances. Le départ semble difficile pour Zach car il doit laisser derrière lui sa copine. Le spectateur constatera rapidement qu’il ne s’agissait que d’une façade, car le jeune garçon passera toute la partie pré-chaos du film à mater les filles sans gêne aucune, aussi bien à l’extérieur que dans le tramway, une attitude qui rappellera de bons souvenirs à toutes les femmes habituées des transports en commun. Loin de critiquer cette attitude, le réalisateur du film porte sur elle un regard complaisant en faisant glousser les filles victimes de ce harcèlement, comme si c’était « cool » de se faire dévisager avec insistance par un illustre inconnu. Par ailleurs, Zach est présenté comme légèrement antipathique car rabrouant sans cesse son petit frère pour un oui ou pour un non. Mais la suite du film montrera qu’il avait raison, car son objectif était en fait de faire de Gray un homme, un vrai. En effet au début du film, Gray a toutes les caractéristiques, que l’on attribut dans notre société patriarcale, aux « intellos » : il est curieux, il s’y connaît en science, on soupçonne même qu’il LIT DES LIVRES, rendez-vous compte ! En gros, c’est une copie conforme de Tim, le petit garçon du premier Jurassic Park. Et à l’époque, si Tim n’avait déjà pas le plus beau des rôles, au moins son personnage était-il présenté tel quel au spectateur sans fard. Mais ici, il semble intolérable de laisser Gray réfléchir avec son cerveau plutôt qu’avec sa bite.

C’est pourquoi Zach va entreprendre (ce n’est pas affirmé dans le film mais c’est clairement visible) de faire de son frère un vrai mec, un mec qui mate les seins des filles plutôt que de regarder un PUNAISE DE DINOSAURE (d’ailleurs, le seul moment où Zach est émerveillé devant un dinosaure, c’est lorsqu’un monstre marin croque un requin dans une grande gerbe de sang. Parce que c’est trop d4rk.). L’aîné va donc entraîner son frère hors des limites prévues pour les visites, pour le simple plaisir d’enfreindre les règles. Pas de chance, cet accès de rébellion intervient au même moment que l’évasion de l’Indominus Rex. Heureusement, les enfants parviennent à échapper de justesse au monstre, malgré que Claire ait manqué tout juste de les faire tuer en les appelants sur leur portable. Cesse d’importuner ces jeunes gens, femme, ils savent très bien se débrouiller sans toi.

Dans leur fuite, les enfants trouvent un 4×4 en panne. Zach va donc mettre Gray à contribution pour réparer l’engin et achève ainsi de faire de son frère un homme, un vrai, qui met les mains dans le cambouis et que rien ne réjouit plus que de se mettre au volant d’une bonne grosse voiture américaine qui pollue la jungle.

Vroum vroum, je sens déjà la virilité monter en moi !

Vroum vroum, je sens déjà la virilité monter en moi !

Cet évènement marque la dernière étape de la transformation de Gray en homme, car à partir de ce moment, il suivra partout son frère sans jamais se plaindre, jusqu’à ce dialogue débordant de fraternité qui montre bien que Gray doit « devenir un homme » car il ne pourra pas toujours se reposer sur les autres hommes pour lui sauver la mise.

Zach : « Tu vois, tant que je suis là y’a rien qui te fera du mal. »
Gray : « Oui mais bon tu seras pas toujours là. »
Zach : « Ouais bon, t’es mon frère, tu seras toujours mon frère et y’en aura toujours un pour aider l’autre. »

Ouf, heureusement qu’ils n’ont pas de sœur, sinon sur qui auraient-il pu compter ? Là encore le film marque un certain recul par rapport à Jurassic Park premier du nom, dans lequel la jeune Lex Murphy sauvait tous les adultes en rétablissant l’électricité dans le parc grâce à un piratage informatique, soit deux éléments assez rares au cinéma : une enfant qui sauve tous les adultes, et une fille non-caricaturale qui pirate un système informatique.

En résumé, les héros masculins dans Jurassic World, c’est soit :

  • Un mec viril qui sauve tout le monde et qui trouve le temps de remettre une femme carriériste dans le droit chemin (Owen Grady).
  • Un ado qui va entraîner son frère dans un road-trip ultra-dangereux pour lui faire abandonner la lecture au profit de la mécanique (Zach), ce qui est présenté comme positif.

Jurassic World ne se contente pas de proposer des représentations profondément sexistes de ses personnages masculins et féminins, mais il s’avère aussi raciste et spéciste, entre autres joyeusetés qui seront décortiquées dans la seconde partie de cet article, qui sera publiée prochainement.

Zorglomme

Pour la deuxième partie de cet article, voir ici.