Trigger Warning : cet article parle de violences faites aux femmes et de viol.
Audrey Estrougo a écrit le scénario d’Une Histoire banale en une semaine et le réalise en moins d’un mois avec un budget de 8000 euros. Les acteurs/actrices et les technicien-ne-s y ont participé bénévolement. Le film est tourné dans le 40 mètres carré de la réalisatrice. Une partie du budget a été récolté par une campagne de financement sur le net car personne ne voulait produire et distribuer le film. Pourtant, la cinéaste a déjà réalisé deux films : un premier en 2007, Regarde-moi, sur le vécu de filles en banlieue et Toi, moi et les autres en 2011 une comédie autour des différences de classe sociale. Son troisième projet portait sur des femmes en milieu carcéral. Mais là encore, producteurs et distributeurs ont refusé de le financer. C’est ainsi que remontée contre le fonctionnement du cinéma français elle réalise Une histoire banale, un film qui parle de violences sexuelles.
Le projet d’A. Estrougo :
Dans des interviews ou sur le site internet du film, j’ai cherché ce qu’Audrey Estrougo disait de son film. Rendre explicite ses intentions me paraissait intéressant d’abord pour ne pas se méprendre sur le sens général du film et ensuite car elle semble avoir pleinement conscience des enjeux politiques du film, comme elle le signale elle-même, ce film se veut « révolutionnaire » : il renverse volontairement des idées reçues sur les violences sexuelles et sexistes.
Dans le Journal Du Dimanche, A. Estrougo, explique qu’elle veut faire un film sur la façon dont le viol est perçu.
« Qu’est ce que c’est que cette société qui considère souvent que la victime d’un viol l’a un peu cherché ne serait ce que par sa façon de s’habiller ? C’est intolérable. »1
Sur la page web du film, elle explique longuement son projet et ses positions :
« Effectivement, être femme aujourd’hui c’est mener un drôle de combat contre la dictature du paraître avant tout dictée par le regard des hommes. La société est telle que notre reflet est conditionné par la pensée de l’homme, ses désirs, ses pulsions… A ceci, il faut ajouter ma rage de cinéaste, celle qui me pousse toujours plus loin, celle qui constamment me donne envie de dire tout haut ce qui dérange et que l’on préfère passer sous silence. Quoi de plus tabou aujourd’hui que le viol ? Avec cette démarche, j’ai avant tout voulu mettre en avant la scandaleuse position de ce crime malheureusement si banal et auquel on accorde trop peu de crédit. Seulement, s’est-on une fois demandé ce que signifiait être violée ? De nombreuses victimes se considèrent comme mortes, endeuillées d’une partie d’elles-mêmes. J’ai donc décidé de prendre ma caméra et de faire entendre leurs voix pour que ce crime inhumain puisse être considéré comme tel. Le silence doit être brisé, les cartes redistribuées pour que le viol soit enfin puni à sa juste mesure.
Pour ce faire, l’industrie du cinéma, à l’heure actuelle ne me laisse pas beaucoup de choix. Avec les polémiques actuelles, ce n’est un secret pour personne lorsque j’affirme que le cinéaste qui refuse de se plier à la dictature de la comédie et de ses célèbres comédiens, se lance dans une galère première classe. Je l’ai toujours su et voilà pourquoi, « une histoire banale » a été pensé et sera conçu comme un film révolutionnaire. Écrit en une semaine, ce cri du cœur ne tient qu’à l’énergie de ceux qui m’entourent un peu plus chaque jour. L’idée est simple : faire un film de cinéma, pour prouver à l’industrie que les spectateurs veulent autre chose que leurs films formatés. Je reste persuadée que le public français peut être curieux et désireux, voilà pourquoi je fais appel à lui en l’invitant à participer au financement du film. Grâce à cet argent, nous pouvons assurer un repas quotidien à l’équipe qui devra réaliser l’exploit de tourner un film de long métrage. Plus les dons seront, plus nous pourrons louer du matériel et donner de la consistance au film. »2
Pour reformuler rapidement le projet d’Audrey Estrougo, je dirais qu’ Une histoire banale est un film sur le viol et plus précisément sur les conséquences concrètes d’un viol en prenant l’exemple d’une femme parmi d’autres.
L’histoire d’un viol :
Au début du film, Nat, qui a environ trente ans, va chercher Wilson, son copain, à la gare. Illes se côtoient depuis 5 ans environ et illes habitent deux villes différentes. Ainsi, illes ne peuvent se voir que les week-end. Ces premiers moments du film sont axés sur la relation entre Nat et son ami. Quand illes arrivent dans l’appartement de Nat, illes se jettent l’un sur l’autre et font l’amour. Puis illes déambulent nus et joueurs dans l’appartement. Les intentions de la réalisatrice sont ici claires : Nat est à l’aise avec son corps et avec sa sexualité. Son consentement dans la relation sexuelle est exprimé et explicite : elle se déshabille elle-même et initie l’acte sexuel.
Illes sortent boire un verre et Damien, un collègue de Nat, lui signale qu’il est intéressé par elle. Elle lui dit clairement que ce n’est pas réciproque.
Nat dit à Damien qu’elle n’est pas intéressée.
Wilson repart. Nat, un soir, sort dans un bar dansant avec une amie. Elle tombe sur le même collègue. Il s’incruste un peu quand les filles dansent. Nat décide de rentrer chez elle. Le collègue propose de la raccompagner à scooter. Arrivé devant chez elle, il lui répète son attirance. Elle lui dit qu’elle n’est pas intéressée. Quand elle ouvre sa porte, le collègue s’introduit sans y être invité dans l’appartement et la viole. Elle est hébétée et surprise. Il part. Elle s’enferme chez elle, choquée, prostrée.
Le lendemain, elle retourne au travail. Dans la rue, elle le voit. Elle s’enfuit. Elle cloisonne les fenêtres et la porte de son appartement. Elle a peur.
A partir de là, le film se centre sur Nat et les différents moments douloureux par lesquels elle passe. Panique, sentiment d’insécurité, peur dans la rue, puis sentiment de saleté, douches répétitives, se faire mal, se brosser jusqu’à se blesser, puis réconfort dans la nourriture et punition de se réconforter. La phase de punition continue dans une période d’activité sexuelle intense. Maquillage, mini jupe, sortie, alcool, elle choisit des types par hasard et semble parfois reproduire la scène de viol qu’elle a vécue. Elle n’en prend aucun plaisir, son visage paraît triste. Les relations sexuelles sont rapides et les types ne se posent pas de questions sur le plaisir que Nat semble ne pas avoir.
Au milieu de tout ça, elle se sépare de Wilson, s’isole de ses ami-e-s. Vers la fin, elle va porter plainte au commissariat. Peu à peu, elle renoue des liens avec certaines personnes avec qui elle peut parler du viol, se déculpabiliser. Enfin, elle va reprendre possession de son corps. Dans la dernière scène, elle se regarde dans un miroir et danse.
Un film ancré dans la réalité :
Loin des stéréotypes sur le viol (le parking, la nuit, l’inconnu étranger…) le film semble coller de près à la réalité du viol. Le personnage de Damien correspond à un certain nombre de donnés statistiques sur les violeurs. Dans 75% des cas, l’agresseur est dans l’entourage de la victime, ici, il est le collègue de Nat. Dans 67,7% des cas, le viol a lieu au domicile de la victime ou de l’agresseur, ici, Nat est violée chez elle. 49% des viols sont commis sans aucune violence physique, ici, Damien rentre en usant de la surprise chez Nat, celle-ci est stupéfaite et ne réagit pas.
Au début, Nat ne va pas porter plainte. D’ailleurs, elle semble ne même pas y penser. Et en effet, on constate que sur les 75000 femmes violées en France chaque année, 90% ne portent pas plainte 3. Quand Nat finit par aller au commissariat, c’est un échec. Le flic qui l’interroge est déplaisant, il lui pose des questions sur sa tenue, et semble sous-entendre qu’elle a été ambiguë avec son collègue. Ainsi, ce moment semble assez représentatif d’une certaine réalité car très peu de plaintes aboutissent à un procès. Ici, nous avons l’impression que Nat va abandonner rapidement cette procédure qui finalement la décourage plus qu’elle ne la réconforte. De plus, la scène du dépôt de plainte au commissariat soulève un certain nombre de stéréotypes liées aux personnes violées et aux figures du pouvoir. La victime doit être par exemple forcément en jupe sous-entend le policier. Or, Nat portait un jean. Elle ne se souvient plus de la scène exactement donc pour le policier, elle ment en partie.Or, la mémoire d’un viol est toujours quelque peu troublée. Le fait que le policier soit un représentant de l’État et du pouvoir induit que c’est bien là un problème de société. En effet, le peu de considération qu’il témoigne pour Nat emmène à penser que d’une part la justice ne remplie pas les attentes des victimes de viol et que d’autre part les structures du pouvoir et ses représentants ne font pas grand cas des violences sexuelles.
Un autre point est intéressant dans le film, la réalisatrice a pris le parti de se centrer exclusivement sur Nat et la façon dont elle vit son viol. Ainsi, Damien disparaît complètement. Pas d’excuses, pas d’éléments psychologiques à charge, on ne s’occupe pas de lui car il n’est plus le sujet du film. C’est Nat, son vécu et comment elle fait face qui semblent importer à la réalisatrice. Elle dit d’ailleurs lors d’ une interview qu’ il y a dans le film deux personnages principaux seulement : Nat et puis sa douleur 4. D’où le dispositif cinématographique mit en place : les plans se resserrent autour de Nat, jusqu’à l’apogée de ce processus, dans la scène du commissariat, où l’on ne voit plus que son visage. Sa solitude apparaît donc visuellement. Les intentions de la réalisatrices sont originales, loin des films du type Rape and Revenge 5, comme Irréversible ou L’ange de la vengeance, qui se centre sur la vengeance après un viol, dans le film d’Audrey Estrougo le point de vue de Nat est le seul dont on se préoccupe et la façon dont elle se sort de sa douleur est certes moins spectaculaire que dans un film comme Kill Bill, mais semble plus réaliste.
Cette autre affiche est assez significative !
Ainsi, la trajectoire de Nat, certes particulière, n’en demeure pas moins percutante, car finalement, le fait que le film s’inspire des statistiques sur le viol montre qu’il essaye de faire sortir le viol de l’exception, du privé, de l’inquiétant fait divers. C’est d’ailleurs peut être pour cette raison que le film s’appelle Une histoire banale. Car c’est une histoire qui finalement arrive à beaucoup d’autres personnes. La scène où Nat lit des témoignages sur internet de personnes violées tend à prolonger cette idée 6. Elle prend conscience que d’autres personnes ont vécu ce qu’elle a vécu. Elle ne cesse d’ailleurs de répéter que « ça arrive ».
Il est intéressant de remarquer qu’Audrey Estrougo a choisit de montrer des phases de réactions très claire (phase de boulimie, obsession de se laver…). Elle délimite chacune. Certes, cette façon d’aborder le viol est plutôt « didactique 7 » mais demeure en partie intéressante. En effet, il est intéressant de montrer qu’il peut y avoir différentes phases et qu’elles peuvent s’enchaîner, être différentes, changer. De même, montrer qu’il y a des traumatismes liés au viol permet d’en ancrer la réalité et rend impossible la négation ou la minimisation de la douleur ressenti par la victime. De plus, il me semble que par rapport aux films style Rape and Revenge, qui s’achève avec la vengeance de l’héroïne et du coup la mort du violeur, Une Histoire Banale rend compte du temps qu’il faut à Nat pour s’en sortir. Le passage du film qui met en scène les différentes phases de réactions de Nat montre que gérer son viol n’est pas forcément aussi simple qu’une balle dans la tête d’un mec!
Bang bang, gros gun et jarretelles…
Mais il faut garder en tête aussi que c’est là que le film ne tient pas un propos universel et qu’il y a autant de réactions possibles à un viol qu’il y a de viols. Il n’y a pas de bonnes réactions et de mauvaises réactions, des bons points ou des malus comportements. Et je ne peux m’empêcher de vous mettre ici une citation de Virginie Despentes dans King Kong Théorie. Despentes revendique le droit de ne pas forcément se sentir enfermé par les phases traumatiques qu’il faudrait ressentir pour être une bonne victime.
« Penser pour la première fois le viol de façon nouvelle. Le sujet jusqu’alors était resté tabou, tellement miné qu’on ne se permettait pas d’en dire autre chose que « quelle horreur » et « pauvres filles ». Pour la première fois, quelqu’un valorisait la faculté de s’en remettre, plutôt que de s’étendre complaisamment sur le florilège des traumas. Dévalorisation du viol, de sa portée, de sa résonance. Ça n’annulait rien à ce qui s’était passé, ça n’effaçait rien de ce qu’on avait appris cette nuit-là. »
La phase qui m’a le plus interrogé est celle où Nat sort beaucoup et a des relations sexuelles avec des hommes qu’elle choisit dans des bars. Il semble que cela soit un moyen pour Nat de se réapproprier sa sexualité. Pourtant, Nat y apparaît ne pas pas prendre du tout de plaisir et vivre ces relations rapides plutôt mal. On peut alors se poser la question de savoir si Nat consent à ces relations ou pas. Il peut être difficile de comprendre que même si elle ne prend pas de plaisir elle consent à ces rapports. Or, Nat choisit manifestement ce type de sexualité car il semble lui permettre de reprendre ainsi possession de corps. Personnellement, il m’a semblé que ces scènes étaient un peu ambiguë car elles pouvaient faire naître une interprétation que j’ai envie de déconstruire ici. Je m’explique : le fait de représenter ce type de sexualité comme une phase réactionnelle post viol induit que ce comportement pourrait être en général problématique et ne pas être vécu positivement et qu’il serait du coup une « pathologie ». En gros, cette représentation un peu négative de ce type de sexualités pouvait laisser penser que cette sexualité est liée à un traumatisme. Il aurait peut être été intéressant de montrer des personnes s’épanouir dans cette sexualité mais bon comme le propos du film n’est pas là, je pinaille un peu car il est clair que Audrey Estrougo raconte l’histoire de Nat, histoire du coup particulière et personnelle à son personnage et elle n’universalise pas la réaction de Nat.
Un troisième personnage ?
Un autre point est soulevé tout le long du film, et je n’ai pas trouvé d’interviews d’Audrey Estrougo dans lesquelles elle en parlait. Cela en partie parce qu’il apparaît très imbriqué dans le propos principal du film. Il s’agit du harcèlement de rue.
Cela commence au tout début du film, Nat est dans le métro et sourit à elle-même en pensant à Wilson qu’elle va retrouver dans peu de temps. Un type assis en face la regarde et semble interpréter ce sourire intime comme une invitation publique. Il s’assoie donc à côté d’elle et la regarde avec insistance. Nat étonnée, agacée et mal à l’aise change de rame.
Il y a ainsi au moins trois autres scènes où Nat se retrouve harcelée. Ce sont des scènes de rues et de lieux publics dans lesquelles des hommes font des remarques sur le physique des femmes, des plaisanteries ou des avances, on les y voit dévisager du regard des femmes ou se rapprocher physiquement d’elles sans y être invité.
Ainsi, le film tisse un lien ténu entre le viol de Nat et les moments de harcèlement qui se produisent dans la rue. Je suppose que cela permet à la réalisatrice d’instaurer un climat sexiste où se produisent quotidiennement des violences contre les femmes. De même, là encore, ce lien permet de replacer le viol comme un acte finalement banal dans une société sexiste au sein de laquelle les violences sexuelles « arrivent » et arrivent souvent. Car la société patriarcale en assignant aux hommes et aux femmes des rôles et des comportements sociaux inégalitaires favorise les violences sexuelles et sexistes.
Ces trois scènes semblent rentrer particulièrement en résonance entre elles et avec le viol de Nat. Dans la phase de sexualité intense de Nat, un type dans la rue fait une remarque à Nat sur son physique. Nat, très énervée, commence à se battre verbalement puis physiquement. Son amie temporise la situation. Surprise du comportement de Nat, elle lui dit « calme-toi, il a juste dit que tu étais mignonne ». Visiblement Nat est dans une phase de confusion et de violence trop démesurée pour être saine et c’est son amie qui tient un discours a priori raisonnable. Or, Nat est dans son droit de signaler que ce n’est pas ok pour elle d’être regardée et jugée. Elle dit à son amie qu’elle n’a pas envie qu’un type lambda lui parle de son corps. Pourtant, les remarques de rue ne sont pas vécues comme des violences que quand on est mal luné. C’est un nœud que le film ne résout pas vraiment en témoigne une autre scène à la fin du film dans laquelle un jeune homme vient parler à Nat qui est assisse dans un parc seule sur un banc. Il lui dit qu’il la trouve mignonne et qu’il veut lui donner son numéro. Au début, elle est froide mais le type insiste, s’assoit à côté d’elle et va jusqu’à la toucher, s’incruste dans sa sphère d’intimité mais comme il fait des blagues en même temps, sa drague semble passer mieux et Nat finit par discuter avec lui et accepter son numéro. Pour ma part, cela me semble assez problématique car cela suppose qu’il y aurait une façon de faire qui permettrait de dégeler les femmes qui disent non et conforterait les « artistes de la drague » à bien insister et à se donner après des conseils bien horribles. En bref, il semble qu’il y ait d’autres raisons qui colle avec le propos du film pour lesquelles Nat accepte de discuter avec cet homme (que j’expliciterai par la suite), mais on peut aussi voir dans cette scène un truc assez moche de légitimation de drague bien lourde qui continue même après que la fille ait dit non et qui induit ainsi un rapport de pouvoir.
Cependant, je crois qu’il y a là non pas une minimisation du harcèlement de rue mais une forme de temporisation : tous les dragueurs ne sont pas des harceleurs et ainsi tous les harceleurs ne sont pas des violeurs. C’est un moyen pour la réalisatrice de faire sortir Nat de cette phase de violence contre les hommes en général et de lui redonner confiance en une forme de communication à peu près égalitaire. En effet, elle rit aux blagues du jeune-homme et semble plutôt bien. Pour moi, le fait que le jeune homme se soit incrusté dans l’espace de Nat m’interroge sur la possible communication égalitaire qui peut suivre d’un tel premier contact. Il me semble un peu dommage que ce soit une scène de drague qui permette de montrer que les interactions avec les hommes peuvent être sereines.
L’autre scène se passe à la toute fin du film : Nat assiste à une altercation dans la rue. Une fille engueule un type qui l’a harcelée. Puis, elle marche vers Nat et lui parle de son malaise avec des larmes dans les yeux.
Je n’ai pas très bien compris ce que Nat ressentait (si vous voulez me donner votre interprétation je l’accepterais avec plaisir!). Est-ce de l’admiration pour ces filles qui se battent quotidiennement pour lutter contre ces violences sexistes ? Cette hypothèse aurait alors un côté girl power car elle induit que Nat est devenue solidaire des femmes en général qui ont connu des violences. Ou bien, deuxième hypothèse, elle se voit en miroir dans cette femme et repense à sa propre violence envers les hommes et aussi envers elle-même, elle voit dans les larmes et la colère de cette femme le reflet de la détresse qui a été la sienne et elle réalise qu’elle est désormais sortie de cela, sortie de sa douleur. Cette hypothèse semble être confirmée par la scène suivante (la dernière) dans laquelle Nat va à un club de danse et danse face au miroir, en se regardant, reprenant ainsi possession de son corps. Alors qu’il y a d’autres femmes autour de Nat, il n’y a pas vraiment d’interaction entre elles ce qui rend manifeste qu’Une Histoire Banale est bien l’histoire de la trajectoire personnelle et particulière de Nat et que la réalisatrice a fait le choix de se centrer précisément sur cela, du début à la fin, de la douleur au sentiment d’aller mieux.
Même si l’expression est (très) maladroite, Le Journal du Dimanche dit que le film n’est pas « le brûlot féministe auquel on aurait pu s’attendre » et Audrey Estrougo souligne dans le même article que ce n’est pas un documentaire qu’elle a voulu faire mais bien un film. Ainsi, il n’a pas de prétentions à donner un point de vue universel sur les réactions d’une personne après un viol. Pourtant, il est très intéressant et mérite d’être vu car il replace le viol et le harcèlement dans les mécanismes d’une société sexiste. Dès lors, l’histoire du viol d’une personne est bien souvent une histoire banale.
Fanny Gonzagues
Notes :
[1] http://www.lejdd.fr/Culture/Cinema/Une-histoire-banale-un-film-pour-8-000-euros-660500
[2] http://une-histoire-banale.fr/page-d-exemple/
[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Viol#France
[4] Fiche Allociné du film. D’ailleurs, elle explique la difficulté d’aborder seulement le point de vue féminin sur le sujet : « Audrey Estrougo réalise son film du point de vue féminin, en essayant de ne pas passer par le regard de l’homme, chose difficile au cinéma selon la réalisatrice. » http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=225286.html
[5] Ceux-ci sont souvent présentés comme problématiques d’un point de vue politique. Les exemples cités sont des films faits par des hommes qui parlent de la façon dont eux réagiraient s’ils étaient violées. Donc, ils utiliseraient la violence laissant entendre que si les filles ne l’utilisent pas dans la vrai vie, c’est qu’elles sont peut être contentes finalement. C’est tout l’enjeu du film de Virginie Despentes, Baise-moi, dans lequel les femmes se réapproprient cette violence de la vengeance.
[6] Que Bernard Achour dans Première qualifie ainsi : « une parenthèse lourdement didactique aux allures de miniclip documentaire pour le Planning familial… » hum hum…http://www.premiere.fr/film/Une-Histoire-Banale-3915310
[7] Un journaliste de Critikat souligne ainsi: « Le récit n’est pas exempt d’un certain didactisme dans la volonté de décortiquer toutes les phases de son parcours post-traumatique, mais il ne s’encombre jamais d’un propos purement théorique. », http://www.critikat.com/actualite-cine/critique/une-histoire-banale.html
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