Attention cet article contient des spoilers sur les deux premières saisons de Black Mirror et plus particulièrement sur l’épisode spécial de Noël, intitulé “White Christmas”.
TW : psychophobie, suicide, mort d’enfant, torture
Black Mirror est une série de science-fiction britannique, créée par Charlie Brooker. Il s’agit d’une anthologie diffusée entre 2011 et 2014 sur Channel 4, puis par Netflix depuis 2016. Les épisodes se situent dans un futur plus ou moins proche et ont en commun de traiter de l’impact de la technologie sur la société. Lors de sa sortie, la série a reçu de nombreuses critiques élogieuses, autant pour la qualité de ses histoires que pour son propos (supposément) polémique.
Bien que de nombreux épisodes de la série soient politiquement problématiques, je vais me concentrer dans cet article sur l’épisode spécial de Noël, diffusé sur Channel 4 le 16 décembre 2014. Cet épisode d’une heure et demi (plus long que les épisodes normaux) concentre à mon avis une bonne partie de ce qui est oppressif dans cette série.
Dans un chalet que l’on suppose perdu au milieu de nulle part, deux hommes qui travaillent ensemble depuis 5 ans se préparent à fêter Noël. L’un d’eux, Matt Trent (Jon Hamm), tente d’engager la conversation avec son compagnon, Joe Potter (Rafe Spall) qui ne parle pas beaucoup. Pour briser la glace, il commence à lui raconter son histoire…
Après ce prologue, l’histoire se déroule en trois récits distincts, mais prenant place au sein d’une intrigue plus large.
1er récit : Gentils pick-up artists et dangereuses psychotiques…
Le premier récit que raconte Matt Trent à son compagnon se déroule dans une réalité proche de la nôtre, dans laquelle une grande partie sinon la totalité de la population possède des caméras implantées dans les yeux, et où il est possible de se connecter grâce à internet à ces caméras et de voir au travers des yeux d’autres personnes. Matt utilisait donc cette technologie afin de coacher des hommes timides et de les aider à séduire des femmes en leur donnant des instructions en temps réel.
Ce soir-là, il aidait un jeune homme timide nommé Harry (Rasmus Hardiker) à s’introduire (sans invitation) dans la soirée de Noël d’une entreprise afin de rencontrer une femme. Durant la soirée, Matt aide non seulement Harry à s’habiller et à prendre confiance en lui, mais également à manipuler et à mentir. Il lui conseille ainsi de faire semblant de connaître les gens présents (allant jusqu’à faire une recherche sur internet pour trouver un mensonge crédible afin de justifier sa présence), d’ignorer la femme qui l’intéresse et s’adresser à celle qui est juste à côté… Harry finit par sympathiser avec sa “cible”, Jennifer (Natalia Tena). Durant la conversation, lorsque celle-ci, confesse vouloir quitter son boulot mais en avoir peur, Harry l’encourage en lui disant qu’il ne s’agit que d’un “changement d’état”. Plus tard, en revenant des toilettes, Jennifer surprend Harry en train de parler à Matt (et aux autres hommes qui suivent la scène, grâce à la magie d’internet) et pense qu’il parle tout seul. Elle l’invite alors à le rejoindre chez elle. La soirée prend un tour dramatique lorsque Jennifer empoisonne Harry avant de se suicider à son tour, expliquant qu’elle n’en peut plus des voix dans sa tête et qu’elle a compris qu’il ressentait la même chose.
Bien que ce ne soit pas explicitement dit, le comportement de Matt Trent (ainsi que des autres hommes qui assistent à la scène), rappelle fortement celui des pick-up artists. Les Pick-Up Artists (ou PUA pour les intimes), terme qu’on pourrait traduire en français par « artistes de la drague » sont des hommes pour qui la séduction est un jeu et qui ont pour but de séduire le plus de femmes possibles (et bien sûr d’avoir des relations sexuelles avec elles). Les PUA forment une communauté et échangent de nombreux conseils et techniques. Le problème est que de nombreuses « techniques » enseignées et pratiquées sont oppressives et ne respectent pas le consentement des femmes.
Des liens pour mieux comprendre ce qu’il y a de problématique dans les pratiques des PUA » :
http://lesquestionscomposent.fr/poire-le-violeur-quand-seduire-devient-faire-ceder/#more-2022
http://lesquestionscomposent.fr/toi-aussi-encourage-le-viol-comme-kamal/
http://www.toutalego.com/2013/08/pua-quand-un-site-de-drague-incite-au.html
Cet arc narratif aurait pu être une excellente façon d’aborder le problème des PUA, notamment la façon dont ces derniers utilisent les fragilités psychiques des femmes qu’ils rencontrent pour arriver à leurs fins ainsi que les conséquences d’un tel traitement sur les victimes. D’autant plus que les PUA ont tendance à viser les femmes psychiquement fragiles afin de pouvoir les manipuler à leur aise. L’épisode aurait également pu aborder en quoi il est problématique de filmer quelqu’un contre son gré ou à son insu (notamment lors de rapports sexuels). Malheureusement, tout ce qui aurait pu être intéressant est évacué au profit d’un discours psychophobe et misogyne.
Bien que Matt Trent soit clairement un manipulateur utilisant des méthodes douteuses, c’est la malchance et non pas lui (ni Harry) qui pousse Jennifer au meurtre et au suicide. En effet, les deux éléments qui poussent Jennifer à passer à l’acte sont d’une part le fait qu’elle croit que Harry entend lui aussi des voix lorsqu’il s’adresse à Matt dans le micro, d’autre part la conversation sur le changement d’état (Harry pense parler d’un changement de travail, ce que Jennifer comprend comme un encouragement à se suicider).
« C’est un cauchemar, vous avoir, vous savez, dans ma tête, en train de nous regarder. De me dire quoi faire. »
Le film évacue donc toute potentielle critique des PUA et de leur façon d’exploiter les fragilités des femmes pour les manipuler puisque la mort de Harry et Jennifer est finalement provoqué de manière accidentelle. Cette évacuation est renforcée par le fait que Harry est montré comme un gentil garçon qui tente de faire machine arrière et d’amener ses camarades à le laisser tranquille puisqu’il “l’apprécie vraiment” et que “tout ceci devient trop réel”. Malheureusement, l’aspect virtuel/réel n’est pas développé. Ce qui est fort dommage, de nombreuses questions de sociétés actuelles sont liées à cette problématique. Il arrive souvent que les gens aient sur internet des comportements qu’ils n’oseraient pas avoir dans la « vraie vie ». Comme par exemple des comportements de harcèlement en ligne, de revenge porn (diffuser des photos érotiques ou dénudées d’une femme pour se venger d’elle) ou tout simplement des propos haineux. Les comportements d’agressions virtuelles ont des conséquences psychologiques bien réelles sur les personnes qui les subissent.
Certes, Mike Trent et ses acolytes derrière l’écran sont montrés comme des salauds qui n’attendent que d’espionner une relation sexuelle à l’insu d’une femme, mais comme ils ne sont finalement pas responsables, leur rôle est finalement mineur.
Cette séquence et la représentation du personnage de Jennifer sont également très psychophobes, dans la mesure où les auteurs jouent sur la notion de “fou dangereux”. Ce cliché selon lequel les personnes psychotiques sont nocives et font du mal autour d’elles est très répandu au cinéma.
La définition du cliché (trope) et des exemples sur le site TV Tropes (en anglais) :
http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Main/InsaneEqualsViolent
En plus d’être faux (les personnes ayant des troubles psychiques ont plus de chance d’être victimes de violence que d’en être auteur), ce trope est largement relayé par les journalistes. Il suffit de voir le nombre de fois où les médias qualifient l’auteur d’un crime violent ou d’un attentat de “malade mental”. Cette façon de qualifier systématiquement les auteurs d’agression (et notamment d’agression sexuelle) de « malades mentaux » relève d’une logique psychophobe (et raciste, puisque que lorsque le tueur n’est pas blanc et/ou chrétien, sa religion et sa culture sont immédiatement mise en cause) et permet d’éviter de s’interroger sur les causes sociales de ces agressions. On retrouve l’explication de la folie dans divers cas allant des viols « commis par des fous » qui n’ont rien à voir avec la culture du viol ou les actes terroristes qui n’ont aucune cause politique…
Plus d’informations ici :
Lettre ouverte à la psychologue qui explique le terrorisme par la folie
Ce cliché a une influence directe et délétère sur les personnes souffrant de troubles mentaux, tout particulièrement les personnes souffrant de psychose (schizophrénie, schizotypie, etc…). Considérés comme dangereuses, elles sont marginalisées et souffrent de discrimination sur tous les plans : amical, professionnel, amoureux…
Dans cet épisode, le comportement de Jennifer est de plus montré comme irresponsable puisque qu’elle ne prend plus ses médicaments. (Le dialogue joue sur le double sens du mot “drugs” qui en anglais signifie à la fois médicament et drogue, Harry comprend donc qu’elle a arrêté de prendre de la drogue).
« Je n’ai réussi à tenir l’année dernière que parce que j’étais sous drogue/sous médicaments. »
Le spectateur est alors appelé à compatir au sort de ce pauvre Harry qui meurt empoisonné par une dangereuse psychotique qui l’empoisonne contre son gré…
On retrouve également dans cette séquence l’idée que si les neurotypiques font du mal aux neuroatypiques, ce n’est pas intentionnel, c’est un accident. Ce n’est pas de leur faute au fond.
Or la psychophobie est une oppression systémique qu’exercent les neurotypiques sur les neuroatypiques. Elle se manifeste de plusieurs façons, comme par exemple :
- la négation du ressenti des personnes concernées : “Mais non tu n’es pas dépressif, reprends toi en main voyons !”, “il dit qu’il pense au suicide, mais c’est un caprice”
- les insultes à caractère psychophobes
- l’exclusion
- le refus de mettre en place des stratégies adaptées quand c’est possible (pour le travail, dans les relations interpersonnelles)
- les injonctions à la normalité
- la culpabilisation
De nombreuses personnes souffrant de troubles psychiques sont passées à l’acte suicidaire en partie parce qu’elle n’étaient pas comprises, ignorées voir maltraitées par leurs soignants et leur entourage. Parce qu’en demandant de l’aide, elle se sont vue répondre qu’elles tentaient “d’attirer l’attention” ou qu’il s’agissait d’un “caprice”.
Ici, la série inverse totalement une situation oppressive : dans la réalité, les neuroatypiques subissent de nombreuses violences physiques ou morales de la part des neurotypiques, alors qu’ici Jennifer empoisonne ce pauvre Harry qui n’avait rien demandé…
Cette partie de l’épisode se finit lorsque Mike est surpris par sa femme alors qu’il tente de détruire les preuves de ses activités de PUA sur internet…
2ème récit : La femme rompue
Dans le deuxième récit, Mike explique à son compagnon qu’il pratiquait son activité de PUA en amateur. Il décrit donc à Joe une de ses journées de travail afin que celui-ci devine quel était son métier.
On voit alors Mike interagir avec un œuf en plastique : dans celui-ci se trouve la conscience dupliquée d’une femme nommée Greta (Oona Chaplin) qui apparaît sous forme humaine dans un décor d’un blanc éclatant.
Mike annonce à la version électronique de Greta que son rôle sera de servir la version originale de Greta afin de satisfaire tous ses désirs (cuire ses toasts à la perfection, régler les lumière de la maison, la réveiller le matin…)
Alors que la version électronique de Greta se rebelle contre cette séquestration et cette exploitation, Mike brise sa volonté en simulant d’abord trois semaines, puis 6 mois d’inactivité totale, sans aucune stimulation sensorielle. Sans autre choix, la version électronique de Greta finit par se soumettre.
A partir de maintenant, femme, ton boulot sera de t’occuper de la maison…
La dernière séquence montre donc la version électronique s’occuper de sa riche et oisive propriétaire.
Cet arc narratif est tout à fait intéressant puisqu’il interroge sur la possible souffrance des machines et pose la question d’une éventuelle conscience électronique. Mike justifie son travail à son compagnon choqué en arguant qu’il ne “s’agit que de ligne de codes”. De nombreuses questions philosophiques se posent donc : si une machine possède des sentiments, est-il moral de l’exploiter ? A quel point la copie d’une personne est-elle semblable à la personne originale ?
On nous montre deux choses à l’écran : d’une part un personnage féminin qui n’a aucune agentivité face à l’homme qui la brutalise, d’autre part une femme qui s’exploite toute seule.
La femme rompue…
Montrer un homme qui torture un personnage féminin pour l’obliger à faire des tâches ménagères aurait pu être un moyen de dénoncer les rapports de domination qui structurent notre société. Cependant cette critique potentielle est annihilée par le fait que c’est finalement l’original de Greta qui a choisi cette situation et qui en profite.
Dans le même esprit, le deuxième épisode de la saison 2, intitulé “White Bear” montre une femme noire, Victoria (Lenora Crichlow) qui n’a également aucune agentivité (si au début de l’épisode, elle donne l’impression d’être un personnage actif, elle est en fait entièrement manipulée et torturée par des personnages blancs qui sont dirigés par un homme).
Ces violences envers des femmes sont déconnectées de toute idée de violence genrée ou de domination masculine et/ou raciste. Victoria est torturée, non pas parce qu’elle est une femme noire, mais parce qu’elle a commis un crime. Et la domination de la version électronique de Greta obéit à une logique purement capitaliste.
La série nous montre donc des femmes torturées par des hommes (parfois de manière hyper complaisante, comme dans « White Bear ») sans jamais mettre cette violence dans le contexte d’une société patriarcale. Pire encore, la série nous montre que la femme est responsable de l’exploitation de son double numérique (ou de sa propre exploitation ?).
Dans la société actuelle, la majeure partie des tâches ménagères sont effectuées par des femmes au bénéfice des hommes (http://www.inegalites.fr/spip.php?article245). Dans les familles riches, les personnes exploitées pour les travaux ménagers sont généralement des personnes racisées et/ou issues de l’immigration. On retrouve ici une triple occultation de l’exploitation : celle des femmes par les hommes, celles des personnes racisées par les blancs et celle des classes populaires par les classes supérieures.
3ème récit : Ma femme, cette ignoble s******
Après que Matt a gagné la confiance de Joe, son compagnon, en lui racontant sa vie, celui-ci se livre à son tour.
Joe était très amoureux de sa femme, Beth. Suite à un dîner avec des collègues de celle-ci, Tim (qui est asiatique) et sa fiancée Gita, Beth annonce à son mari qu’elle est enceinte et qu’elle n’a pas l’intention de garder le bébé. Joe engueule alors sa femme en lui reprochant d’avoir bu, en l’accusant d’être égoïste et en tenant des propos violemment anti-avortement. Cette dernière finit par le “bloquer”, une manipulation qui rend Joe invisible et inaudible à ses yeux et elle-même invisible et inaudible aux yeux de Joe.
Joe, incapable d’entrer en communication avec sa femme…
Joe passe la nuit sur le canapé et, le matin venu, tente de s’excuser pour son comportement, mais Beth a maintenu le blocage et s’en va définitivement sans autre explication. Joe découvre alors que le blocage le rend également incapable de regarder les photos de sa femme.
Quelques mois plus tard, il recroise sa femme et constate malgré le blocage qu’elle est enceinte. Il tente d’entrer en communication avec elle, mais celle-ci fait appel à la police. Joe a interdiction formelle de l’approcher à moins de X pieds, sinon, il ira en prison. A partir de là, Joe devient obsédé par « son enfant » et commence à espionner sa femme en se rendant près de la maison de son père à chaque Noël. Il ne peut cependant pas voir celle qu’il considère comme « sa fille », car le blocage s’étend aux enfants des personnes bloquées.
Lorsque sa femme meurt dans un accident de voiture, le blocage est levé et Joe se précipite pour voir « sa » fille pour la première fois. Il prévoit même un cadeau pour elle, une boule à neige. L’enfant étant asiatique, il se rend alors brutalement compte que sa femme l’a trompé avec son collègue de bureau, Tim. Joe se précipite alors vers le père de Beth pour lui demander des explications et déclare plusieurs fois “qu’il veut voir sa fille”. Joe semble sous le choc et déconnecté de la réalité.
Devant les refus du vieil homme, il finit par se mettre en colère et fracasser le crâne de son ancien beau-père avec la boule à neige. Horrifié de son acte, Joe s’enfuit et laisse la petite fille seule dans la maison. Il explique à Mike qu’il a appris par les autorités que l’enfant était morte gelée en allant chercher de l’aide…
Cet arc narratif comprend de nombreuses thématiques chères aux masculinistes : la femme manipulatrice qui trompe et ment, le père que l’on prive de son enfant sans raison valable et le père qui croit que l’enfant d’un autre est son enfant.
Pour celleux qui ne sauraient pas ce qu’est le masculinisme : https://www.ababord.org/Le-masculinisme-ou-comment-faire
Encore une fois, la série renverse les rapports de force entre hommes et femmes. Alors que dans le monde réel, il est très difficile pour une femme d’obtenir la moindre protection légale contre son mari violent que ce soit pour elle-même ou pour ses enfants, dans le monde de Black Mirror, les pauvres maris innocents se retrouvent bloqués sans raison ! Difficile de voir ici, “les dérives de notre monde actuel” qui sont supposées être montrées dans la série.
Cette inversion des rapports de forces genrés est l’un des fers de lance des masculinistes. L’une de leurs stratégies principales est d’instrumentaliser des cas particuliers (comme par exemples un homme qui serait victime de violences conjugales ou un homme qui n’aurait pas obtenu la garde de ses enfants) pour faire croire qu’il s’agit de problèmes représentatifs des rapports hommes/femmes dans notre société, l’idée étant de montrer qu’au fond les hommes sont les victimes des femmes. Même la violence de Joe (le meurtre du beau-père et l’abandon de la petite fille dans la maison) est excusée car Joe est montré durant tout l’épisode comme la victime de Beth. La réaction de Joe est présentée comme étant le résultat de la souffrance qu’il a subie. Le scénario trouve donc le moyen d’excuser la violence masculine et de faire de la femme la réelle coupable. Une belle inversion de l’oppression sexiste donc.
La victime de l’histoire…
Un bon exemple de ce discours réactionnaire est l’instrumentalisation du cas de Maxime Gaget, qui inverse également les rapports de force entre les genres :
https://stop-masculinisme.org/?p=162
Il ne fait aucun doute que les hommes peuvent être victimes de viol ou de violence conjugale, cependant, il convient de différencier les cas particuliers et les rapports sociaux. Or le mouvement masculiniste tente d’instrumentaliser des cas particuliers pour en faire des généralités.
Le troisième épisode de la saison 1 montrait déjà un homme découvrant l’infidélité de sa femme grâce à un dispositif permettant d’enregistrer tous les souvenirs d’une personne grâce à une caméra implantée dans l’œil et un système de stockage implanté dans le cerveau. Alors que le début de l’épisode semblait montrer un personnage persuadé à tort de l’infidélité de sa femme et se montrant soupçonneux sans raisons, le spectateur se rendait compte par la suite que non seulement ces soupçons étaient justifiés mais qu’en plus il n’était pas le géniteur de sa fille. En plus d’être globalement misogyne, avec un personnage féminin menteur et manipulateur, ce retournement de situation invalide totalement le propos de l’épisode et plus globalement de la série. Le personnage principal n’est pas malheureux à cause de la technologie et de ses dérives, il est malheureux parce que sa femme l’a trahi et trompé.
La dernière partie de l’épisode « White Christmas » reprend le même principe avec un personnage féminin encore plus odieux. Alors qu’il aurait suffi qu’elle avoue la vérité à son mari et le quitte (ce qui lui aurait brisé le cœur mais lui aurait finalement permis de tourner la page), Beth se montre à la fois incohérente et totalement insensible à la détresse de son mari.
Alors que la fuite de Beth aurait pu lui permettre de reprendre le contrôle sur son propre corps face aux propos anti-avortement très violents de son mari, elle garde finalement le bébé. De plus, les propos de Joe semblent avoir été dictés par la colère et le désir d’avoir un enfant plus que par ses convictions politiques. Ce choix scénaristique évacue la problématique du contrôle du corps des femmes par les hommes en la ramenant à des propos émotionnels et non politiques.
« -Tu te comportes en garce sans cœur qui tuerait un enfant. -Ce n’est pas juste. -Qui s’en débarrasserait parce que ça ne convient pas à ses plans. »
Le problème n’est pas de montrer une femme changer d’avis sur une grossesse et décider de continuer. Le problème est que rien n’est amené par le scénario pour justifier ce choix, pour la simple et bonne raison que le point de vue de Beth ou ses motivations ne sont absolument jamais abordées. Pire encore, toutes les actions et motivations de Beth qui sont montrées à l’écran ne semblent dirigées que dans un seul but : créer une histoire intéressante et émouvante pour le personnage masculin. Même son père, lorsqu’il se retrouve face à Joe dans la dernière séquence, ne parvient pas à donner une explication convaincante (ni pour Joe, ni pour le spectateur) au comportement de sa fille. Comme souvent dans la fiction, nous nous retrouvons donc avec un personnage féminin qui ne sert à strictement rien d’autre qu’à approfondir le personnage masculin.
On trouvait déjà ce type de procédé dans le 2ème épisode de la saison 1. Dans cet épisode, Bing encourage Abi à participer à un concours de télé-crochet, seule solution pour échapper à une vie entière d’exploitation. Mais le concours ne tourne pas comme prévu : alors qu’Abi participe au concours en tant que chanteuse, elle se retrouve recrutée contre sa volonté par l’industrie pornographique. À partir de ce moment, l’épisode ne se concentre pas sur la souffrance d’Abi qui est violée régulièrement, mais sur la souffrance de Bing qui souffre de la voir abusée. Si le personnage d’Abi est plus cohérent dans ses motivations, elle est d’une part assez passive, attendant que Bing l’encourage à participer et lui paye le droit d’inscription, d’autre part elle ne sert qu’à créer une histoire pour le personnage masculin, auquel le spectateur va être amené à s’identifier.
Épilogue : Les hommes blancs sont des victimes
Dans la dernière partie, on comprend que les deux personnages principaux se trouvent dans un environnement virtuel. Joe n’est pas réellement Joe mais une copie électronique de lui-même et Matt l’a manipulé pour obtenir de lui une confession pour le meurtre du père et de la fille de Beth.
Les deux personnages finissent tous les deux punis d’une manière atroce : la copie de Joe reste bloquée dans le décor de la cabane, obligé d’écouter la chanson qui passait à la radio lorsqu’il a tué son ex-beau-père, pour une durée de plusieurs milliers d’années et Matt, qui a passé un marché (pousser Joe aux aveux en échange de sa liberté) se retrouve “bloqué” par l’intégralité de la population. Il ne peut donc interagir avec absolument personne.
Ces deux punitions sont totalement disproportionnées, le crime de Joe est pratiquement montré comme un accident (il était dans un état second) et dû en grande partie à l’insensibilité de la femme. Pire encore, Matt n’est pas condamné pour sa capacité à manipuler et torturer des IA, il est condamné car “c’est un pervers” et qu’il a oublié de signaler un meurtre. Alors qu’ aujourd’hui, les hommes coupables de violences sexuelles ne subissent que très peu de peines (même quand ils sont jugés coupables), il me paraît difficile de croire que Black Mirror montre les dérives qui pourraient se produire dans un futur proche.
On notera également que c’est une femme de pouvoir qui condamne nos deux pauvres hommes… Cela pourrait paraître anecdotique mais cette scène finale résume finalement assez bien un propos central de l’épisode et même de l’ensemble de la saison : les hommes souffrent à cause des femmes. Ils sont rejetés par les femmes, manipulés par les femmes, torturés par les femmes. Même quand les femmes subissent des violences genrées (comme Abi dans l’épisode 2 de la saison 1), c’est l’homme qui souffre. Ou plutôt, c’est l’homme dont on montre la souffrance.
L’affreuse mégère et ses pauvres victimes émasculées…
Julie G.
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